Messages : 4534 Date d'inscription : 04/01/2014 Localisation : France Centre
Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 31 Juil 2014 - 11:23
Troubadour a écrit:
Car aussi, c'est peut-être plus avec des corpus à part d'originalité qu'une langue artificielle établira peu à peu son individualité et sa légitimité. Et donc, j'aurais tendance à penser que les traducteurs ont tout intérêt à investir créativement les vastes champs idiomatiques et se muer autant en véritables auteurs.
Merci Troubadour pour ces réflexions très intéressantes. Mais je ne suis pas sûr que l'originalité à tout prix soit nécessairement une bonne chose.
Un véritable auteur a digéré une certaine culture, un certain nombre d'idées qu'il va nous restituer avec son propre style comme étant les siennes. Je me souviens d'une dissert de terminale (j'ai oublié l'auteur): Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis 2000 ans qu'il y a des hommes et qui pensent
Citation :
Traduire fidèlement et modeler en langue construite une expression telle que "l'habit ne fait pas le moine" en notre époque moderne où il n'y a plus d'uniformes ni de moines dans les environnement familiers n'a probablement pas grand sens. Alors que quelque chose comme "ce n'est pas la casquette qui fait le cerveau" sera peut-être plus en phase avec la réalité du temps et l'apport créatif et légitimant de la langue en question.
Expression qui va se démoder encore + vite que l'habit ne fait pas le moine. Expression que tout le monde comprend, même si on ne voit pas de moines. Le temps de la langue n'est pas le même que celui de la mode ou des médias. La mode d'il y a6 mois est déjà périmée alors qu'à 127 ans, l'espéranto est une langue jeune par rapport aux autres L.
Voici le fameux proverbe en Uropi: U. De vest mak ne de man F. L’habit ne fait pas le moine Les apparences sont trompeuses I. L’abito non fa il monaco E. Appearances are deceptive D. Der Schein trügt Es. El hábito no hace al monje N. De kleren maken de man niet Da. Man skal ikke skue hunden på hårene G. Το ράσο δεν κάνει τον παπά U. Asemade trug
Il y a clairement deux camps: le camp des moines (L. romanes, profondément marquées par le catholicisme, auxquelles on peut ajouter le grec: la soutane ne fait pas le pope) et le camp abstrait: les apparences sont trompeuses. Seul le danois est vraiment original: on ne doit pas regarder (juger) le chien sur les poils.
Finalement l'Uropi a choisi le néerlandais (l'habit ne fait pas l'homme) + général et moins religieux, tout en conservant la formulation abstraite: les apparences sont trompeuses.
Je suis également d'accord avec Troubadour qu'il ne faut pas se contenter de la traduction, mais qu'il faut écrire dans la langue. Personnellement, je ne suis pas trop romancier, mais plutôt poète, c'est pourquoi j'ai écrit des poèmes en Uropi… d'autres préfèreront les BD… ou autres. Voir:
Par ailleurs, tous les articles du Blog Uropi sont rédigés d'abord en Uropi et traduits en fr. ensuite (ce qui est amusant), puis en anglais.
Troubadour mécréant
Messages : 2107 Date d'inscription : 20/01/2013 Localisation : Aquitaine, France
Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 31 Juil 2014 - 11:59
Doj-pater a écrit:
Troubadour a écrit:
Traduire fidèlement et modeler en langue construite une expression telle que "l'habit ne fait pas le moine" en notre époque moderne où il n'y a plus d'uniformes ni de moines dans les environnement familiers n'a probablement pas grand sens. Alors que quelque chose comme "ce n'est pas la casquette qui fait le cerveau" sera peut-être plus en phase avec la réalité du temps et l'apport créatif et légitimant de la langue en question.
Expression qui va se démoder encore + vite que l'habit ne fait pas le moine. Expression que tout le monde comprend, même si on ne voit pas de moines. Le temps de la langue n'est pas le même que celui de la mode ou des médias. La mode d'il y a6 mois est déjà périmée alors qu'à 127 ans, l'espéranto est une langue jeune par rapport aux autres L.
C'est toute la difficulté que de trouver un savant équilibre entre phasage avec son époque et intemporalité. Mais il est également toujours difficile de savoir par avance ce qui va prendre et rester et ce qui va disparaître dans l'oubli ou l'indifférence, et cela souvent indépendamment de leur "épaisseur diachronique". En français, les mots et expressions "chauffeur" (pour conducteur), "appuyer sur le champignon", "les emmerd... volent toujours en escadrille", "jouer les divas", "une image d'Epinal", "un rond-de-cuir" font toutes référence à un contexte d'époque assez limité, et pourtant elles sont restées. Je pense que c'est plus la conjonction à un moment donné d'une image forte et de l'originalité de sa visualisation en mots qui fait les succès, ensuite entretenus et développés par l'usage.
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Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 31 Juil 2014 - 15:31
Doj-pater a écrit:
Petit exemple pour illustrer tout ça, testé devant un groupe franco-allemand au centre culturel européen: Ecrit et prononcé: "…ciujn tiujn belajn rozojn" Réaction des espérantistes: "oh, que c'est beau !" Réaction des non-espérantistes (qui représentent quand même 99,99 de la population mondiale): "beurk"
Si c'étaient des Français qui parlaient, je peux comprendre la réaction des gens. Après tout, même espérantistes, les Français ont peine à se défaire de l'habitude d'accentuer la dernière syllabe.
J'avais lu, il y a quelques années, le compte rendu d'une petite expérience anecdotique. On avait fait entendre à des gens la lecture d'un texte en occitan et en espéranto, en mentant sur le nom des langues. Or, le texte dont on avait affirmé qu'il était en espéranto a été jugé mécanique, bizarre, non humain, alors que celui dont on avait affirmé qu'il était en occitan a été jugé beau, enraciné dans une culture millénaire.
Gare à l'effet placebo!
Anoev Modérateur
Messages : 37642 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 31 Juil 2014 - 17:06
Silvano a écrit:
J'avais lu, il y a quelques années, le compte rendu d'une petite expérience anecdotique. On avait fait entendre à des gens la lecture d'un texte en occitan et en espéranto, en mentant sur le nom des langues. Or, le texte dont on avait affirmé qu'il était en espéranto a été jugé mécanique, bizarre, non humain, alors que celui dont on avait affirmé qu'il était en occitan a été jugé beau, enraciné dans une culture millénaire.
Il serait intéressant de faire l'expérience inverse : à savoir ne pas mettre le nom de la langue sur chacun des textes considérés. Comme l'espéranto a des mots en -O en -A et en -E, on mettrait son texte parmi des textes en langues romanes ou bien le finnois* et on poserai des questions. Pour faire bonne mesure, on ferait la même chose pour l'uropi et le volapük, et pourquoi pas le sambahsa et le kotava, mélangés parmi des langues naturelles avec beaucoup de mots en consonnes, comme des langues germaniques, slaves ou finnougriennes (hongrois, estonien*). Pareil : on demande et on attend le résultat. Bien entendu, les linguistes reconnaîtraient au premier coup d'œil, mais les autres ? c'est surtout auprès des autres que le test serait le plus intéressant, non ?
*Le finnois serait plutôt une langue "à voyelles" (ou peu s'en faut).
Mardikhouran
Messages : 4315 Date d'inscription : 26/02/2013 Localisation : Elsàss
Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 31 Juil 2014 - 17:51
Il me semble avoir été le sujet d'une expérience semblable, menée par le biais la mailing-list de mon université. Il y avait d'abord des questions sur mon milieu, mes antécédents linguistiques, puis j'ai dû mettre un nom de langue sur des enregistrements. Bien sûr, cela ne concernait que des langues européennes, pas de langues construites. Mais si je retrouve le protocole, pourquoi ne pas faire cette expérience moi-même. A voir... en master ?
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Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 31 Juil 2014 - 23:04
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Doj-pater
Messages : 4534 Date d'inscription : 04/01/2014 Localisation : France Centre
Sujet: Re: Uropi et Kotava Dim 3 Aoû 2014 - 10:21
Silvano a écrit:
Si c'étaient des Français qui parlaient, je peux comprendre la réaction des gens. Après tout, même espérantistes, les Français ont peine à se défaire de l'habitude d'accentuer la dernière syllabe.
Non, il y avait autant d'Allemands. Quant aux Français, ils ne sont pas aussi hermétiques aux langues "étrangères" qu'il leur plaît à avouer: ils sont capables par ex. de trouver l'italien "beau". Mais vous savez très bien que le problème n'est pas là: qu'il vient uniquement des -ajn et des -ojn, surtout quand ils sont précédés de 2 -ujn: le syntagme ĉiujn tiujn, c'est vraiment la palme (d'or, bien entendu) ! et parfaitement imprononçable de surcroît !
Ah, si on avait écouté les réformateurs de 1894 (sans parler de tous ceux qui ont suivi), on n'en serait pas là!: on aurait déjà résolu la moitié du problème: bela rozoj (beaucoup + simple et pas du tout inesthétique)… oui mais voilà…
J'ai refait l'expérience d'Od2 avec le mandarin : Suǒyǒu zhèxiē měilì de méiguī huā; c'est très exotique, mais aussi très esthétique.
Et je l'ai refaite avec le japonais, le hongrois, le finnois, le coréen: partout, même constat.
Troubadour a écrit:
Je pense que c'est plus la conjonction à un moment donné d'une image forte et de l'originalité de sa visualisation en mots qui fait les succès, ensuite entretenus et développés par l'usage.
C'est bien pour cela que les tournures choisies en Uropi sont passées au crible de plusieurs langues: (si elles prennent racine en plusieurs endroits, c'est un signe de longévité assurée);
les expressions: "appuyer sur le champignon", "les emmerd... volent toujours en escadrille", "une image d'Epinal", "un rond-de-cuir" sont uniquement typiques du fr., mais curieusement "chauffeur" est devenu international (comme chauffeur particulier dans une grande maison): ang, néer chauffeur, gr "sofer", esp chofer, al Chauffeur, da chauffør, nor sjåfør (eh oui, ça fait chauffeur), rus "chafior", cro šofer, tche šofér, alb shofer, lit šoferis, hong sofőr, indo sopir, tagalog tsuper, turc şoför… etc. et bien entendu, en Uropi cofor.
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Sujet: Re: Uropi et Kotava Dim 3 Aoû 2014 - 17:59
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Invité Invité
Sujet: Re: Uropi et Kotava Dim 3 Aoû 2014 - 22:40
Doj-pater a écrit:
le syntagme ĉiujn tiujn, c'est vraiment la palme (d'or, bien entendu) ! et parfaitement imprononçable de surcroît !
Bizarre. Je connais donc personnellement des dizaines de personnes capables de prononcer des choses parfaitement imprononçables. Et Dieu le Père ne le pourrait pas?
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Sujet: Re: Uropi et Kotava Lun 4 Aoû 2014 - 10:13
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Dernière édition par od² le Jeu 25 Sep 2014 - 19:57, édité 1 fois
Doj-pater
Messages : 4534 Date d'inscription : 04/01/2014 Localisation : France Centre
Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 4 Sep 2014 - 10:52
Silvano a écrit:
Bizarre. Je connais donc personnellement des dizaines de personnes capables de prononcer des choses parfaitement imprononçables. Et Dieu le Père ne le pourrait pas?
Doj-pater peut prononcer des tas de choses dans des tas de langues, soyez rassuré !
Mais là n'est pas la question. Une règle de base des langues auxiliaires est la facilité de prononciation. Apparemment les espérantistes s'assoient dessus allègrement.
Anoev Modérateur
Messages : 37642 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 4 Sep 2014 - 11:41
En fait, je pense qu'il faut faire le distinguo entre des mots prononçables et des mots aisés à prononcer (prononçables sans effort particulier) ; et là, je reconnais que l'uropi dépasse non seulement l'espéranto, mais aussi l'aneuvien.
Dernière édition par Anoev le Jeu 4 Sep 2014 - 13:34, édité 1 fois
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Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 4 Sep 2014 - 13:25
Anoev a écrit:
En fait, je pense qu'il faut faire le distinguo entre des mots prononçables et des mots aisés à prononcer (prononçables sans effort particulier) ; et là, je reconnais que l'uropi dépasse non seulement l'espéranto, mais aussi l'aneuvien.
Il me semblait que fil traitait de l'uropi et du kotava, non?
Anoev Modérateur
Messages : 37642 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
Sujet: Re: Uropi et Kotava Jeu 4 Sep 2014 - 13:33
Anoev a écrit:
En fait, je pense qu'il faut faire le distinguo entre des mots prononçables et des mots aisés à prononcer (prononçables sans effort particulier) ; et là, je reconnais que l'uropi dépasse non seulement l'espéranto, mais aussi l'aneuvien.
Silvano a écrit:
Il me semblait que fil traitait de l'uropi et du kotava, non?
Eh bien ? J'ai bien évoqué l'uropi, non ? Pour akcento, j'vais t'reposer la question dans l'fil adéquat.
Invité Invité
Sujet: Re: Uropi et Kotava Mar 16 Déc 2014 - 1:18
Mardikhouran a écrit:
Un petit message pour signaler que j'ai décidé de meubler mon été en apprenant ces deux langues. Ma méthode pour l'instant est simple : lecture du Petit Prince (De Miki Prins, Sersikam) en simultané, me référant aux grammaires et dictionnaires disponibles sur les sites. L'immersion à ce stade de l'apprentissage (je connaissais les principes généraux) est-elle noyade ou promenade ? A voir.
Le but de cette expérience... il n'y en a pas vraiment. L'uropi s'acquière plus facilement, je le sais déjà, vu que c'est une langue indo-européenne calquée sur la grammaire anglaise. Le kotava toutefois possède une élégance et un soi-disant potentiel qui attire le (futur) linguiste que je suis. L'idéologie à l'oeuvre derrière toute LAI* ("une langue facile à apprendre qui servirait de lien entre tous les peuples et en préserverait la diversité") m'est toujours apparu comme une douce rêverie, mais ça n'empêche pas de trouver à ces langues une valeur en elle-même. Si je puis plus tard aider à enrichir leur corpus de traductions, vidéos, chansons et originaux par mes contributions, je serais satisfait.
*langue à aspiration internationale, comme dirait Anoev.
Et puis, quelles conclusions as-tu tirées de cette tentative?
Mardikhouran
Messages : 4315 Date d'inscription : 26/02/2013 Localisation : Elsàss
Sujet: Re: Uropi et Kotava Mar 16 Déc 2014 - 14:39
Silvano a écrit:
Et puis, quelles conclusions as-tu tirées de cette tentative?
Je me suis arrêté, à peu de choses près, au même niveau du texte (troisième chapitre), lorsque j'ai repris les cours à la fac. J'avançais alors au rythme du texte kotava, l'uropi ayant l'avantage d'être rapidement déchiffrable pour l'occidental que je suis (lexique, syntaxe). Mais je me souviens avoir été frappé par la richesse des prépositions du kotava, comparé au flou sémantique uropi (heureusement, le contexte suffisait pour une histoire que j'avais déjà lu en français). Bilan : je n'ai pas mieux appris ces langues, mais je me suis fait à leurs rythmes respectifs, me donnant l'envie d'en faire plus. Je lis présentement une nouvelle en kotava que je n'ai jamais lu en français, et j'apprends l'uropi pour participer au wiki. On en reparle dans deux mois, si je n'ai pas une nouvelle baisse de régime .
Troubadour mécréant
Messages : 2107 Date d'inscription : 20/01/2013 Localisation : Aquitaine, France
Sujet: Re: Uropi et Kotava Mar 16 Déc 2014 - 15:17
Mardikhouran a écrit:
Mais je me souviens avoir été frappé par la richesse des prépositions du kotava, comparé au flou sémantique uropi [...]
C'est effectivement une de ses grandes caractéristiques, qu'on met du temps à apprivoiser. Et les prépositions y jouent en réalité un rôle très supérieur à celui de beaucoup d'autres langues, car leur sémantisme vaut souvent presque proposition complète en lui-même. Et si en kotava les phrases averbales sont si fréquentes, cela vient en grande part du rôle de ses prépositions. Cela est particulièrement net avec les prépositions locatives (notamment lorsqu'il y a mouvement), qui "shuntent" bien souvent le verbe.
Citation :
Bilan : je n'ai pas mieux appris ces langues, mais je me suis fait à leurs rythmes respectifs, me donnant l'envie d'en faire plus. Je lis présentement une nouvelle en kotava que je n'ai jamais lu en français, [...]
Le rythme et l'organisation des phrases, l'ordre SOV, les verbes conjugués sans pronom personnel, l'usage large des formes participiales ou gérondives, rien de mieux effectivement pour s'en imprégner que de lire dans le texte sans connaître. Par contre, il te faut impérativement le dico sous la main.
Tu auras noté qu'avec le marqueur temporel "darekeon" au début, tout le texte est au présent, ce qui simplifie et surtout fluidifie beaucoup l'expression. Le plus compliqué à mon sens est de bien repérer les formes verbales affectées d'une modalité (sous forme de préfixe simple ou combiné).