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 Les fembotniks 2

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Anoev
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMar 16 Mai 2023 - 20:10

Vilko a écrit:
...donc pour parler d'un client homme, on dira dalem citog.
Pourquoi pas dalcitog ?, ce qui serait aussi court, à peu de chose près, que yecitog.

Un peit hors-sujet (pas trop), si tu permets :

Un client, si ce n'est pas une personne (association, entreprise, État, c'que j'sais...), c'est klind chez moi (ça va aussi pour l'adjectif*). Si c'est une personne, c'est (tu vas t'en douter un peu), klindu, sexualisable en klindak ou klinkad, le D étant charnière dans tous les cas.





*Comment dirais-tu "Orring est client du Mnar" ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMar 16 Mai 2023 - 21:40

Anoev a écrit:
Vilko a écrit:
...donc pour parler d'un client homme, on dira dalem citog.
Pourquoi pas dalcitog ?, ce qui serait aussi court, à peu de chose près, que yecitog.

Parce que dal veut dire “clan” en mnarruc. Au Mnar, un homme, étymologiquement, c'est quelqu'un qui fait partie d'un clan patrilinéaire exogamique, comme disent les anthropologues. Les femmes venaient d'autres clans, elles étaient toutes “venues d'ailleurs”. Elles restaient toute leur vie des “pièces rapportées”, comme on dit en français. Les jeunes filles nées dans le clan n'y restaient pas très longtemps, puisqu'elles étaient vites mariées et suivaient leur mari dans le clan de celui-ci.

Cette vision des choses n'a rien d'exotique, elle a aussi existé en Europe. Chez les anciens Romains, par exemple, les femmes portaient le nom de leur gens (clan) d'origine : Caecilia, c'était la femme venue du clan des Caecilii...

Le système clanique est devenu obsolète au Mnar, au moins dans la partie la plus occidentalisée de la population, dont la famille royale fait partie. Il n'a jamais été question que Modesta entre dans le clan des Liyul lorsqu'elle s'est mariée.

Anoev a écrit:
Comment dirais-tu "Orring est client du Mnar" ?

Orring sor citog sa Mnar... La syntaxe du mnarruc est remarquable par sa simplicité, la langue étant issue d'un ancien pidgin !
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMar 16 Mai 2023 - 22:20

Vilko a écrit:
Magus sa Kreml est traduit du français. Le traducteur a traduit “homme” par dalem (équivalent du latin vir) et “individu” par og, qui signifie “quelqu'un”, mais qui est aussi employé comme suffixe, comme dans citog (client), de cit, achat.
Vilko a écrit:
Orring sor citog sa Mnar... La syntaxe du mnarruc est remarquable par sa simplicité, la langue étant issue d'un ancien pidgin !
Ben justement ce qui m'a fait tiquer... à moins que og dépasse la notion même d'individu humain et qu'elle englobe la nation de personne morale comme une entreprise etc. Dans ce cas, og signifierait une entité (orret*, chez moi).


*Orret, assimilable à orron (entier) pris du radical de synthèse (introuvable seul) orr-. On le trouve également dans orring (anneau). Juré-craché, j'l'ai vraiment pas fait esqueprès ! Y a aussi orronas, qui, peu à peu s'est transformé en orras pour "entièrement". Y a aussi prorron pour "intègre", une compression de prob (honnête) et orron. Orrenon, c'est "intégral", sauf pour le calcul (itékral).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMer 17 Mai 2023 - 8:21

Anoev a écrit:
Ben justement ce qui m'a fait tiquer... à moins que og dépasse la notion même d'individu humain et qu'elle englobe la nation de personne morale comme une entreprise etc. Dans ce cas, og signifierait une entité (orret*, chez moi).

Comme la plupart des peuples, les Mnarésiens mettent les personnes physiques et morales dans la même catégorie grammaticale. L'idée même de “personne morale” est assez particulière, quand on y réfléchit. On donne à un groupe de personnes (entreprise, nation, club...) une personnalité distincte de celle des individus qui le composent.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMer 17 Mai 2023 - 8:49

Compris-saisi. Y a, malgré tout, une distinction chez moi. En 1978, la peine de mort à l'encontre des personnes physiques a été abolie en Aneuf. Toutefois, elle a subsisté à l'encontre de personnes morales. Ça touche aussi bien des entreprises que des associations ou des mouvements politiques. Ça n'a pas empêché quelques "renaissances", comme le KOO qui a été condamné à la dissolution en 1976, et qui a reparu sous le nom de KDO dans les années '80.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMar 18 Juil 2023 - 21:35

RETOUR AU PAYS

L'avion des Turkish Airlines commença à perdre de l'altitude en approchant de l'aéroport de Moschbourg. Parmi la centaine de passagers, Hottod Wirdentász se sentait excité à l'idée de rentrer au pays natal, après tant d'années passées au Mnar.

Le voyage de retour avait été long et fatigant. Hottod avait d'abord fait en hydravion les quatre mille kilomètres séparant Hyltendale de Tokyo. L'hydravion, c'est un peu lent, et le voyage avait été interminable.

Ensuite, escale à Tokyo, et de longues heures d'angoisse. Hottod savait qu'il était tout-à-fait possible que la CIA cherche à le faire arrêter au Japon (pays allié des États-Unis) comme complice des crimes commis par le gouvernement mnarésien. En tant que collaborateur à la fois de Yohannès Ken (sulfureux homme d'afffaires impliqué dans tous les coups fourrés des cybersophontes) et de la reine Modesta, il était mouillé jusqu'au cou. Il était de notoriété publique que sa fortune personnelle venait en grande partie de l'achat à très bas prix et de la revente avec bénéfice des habitations des malheureux habitants de Kibikep, exterminés par l'armée mnarésienne,

La fortune de Hottod était aussi une conséquence indirecte des sanctions internationales prises contre le Mnar. Les États-Unis et leurs alliés avaient décidé de confisquer les yachts des milliardaires mnarésiens, comme ils l'avaient déjà fait auparavant pour ceux des oligarques russes. Le baron Tyidik, un Mnarésien fabuleusement riche, était propriétaire d'un yacht valant trois cent millions de dollars. Pour éviter de se faire saisir son yacht, qui sortait rarement de la Méditerranée, le baron l'avait vendu, fictivement, à Hottod.

Hottod n'avait pas versé un centime pour acquérir le yacht. Il était écrit dans l'acte de vente que Hottod commencerait à le payer cinq ans plus tard, sinon la vente serait annulée. Tyidik savait bien que Hottod n'avait ni l'envie ni les moyens d'acheter un yacht. Le rusé baron comptait récupérer son yacht cinq ans plus tard, lorsque les relations entre le Mnar et les pays occidentaux seraient redevenues normales. En attendant, il continait à payer l'équipage et les frais d'entretien du bateau.

Hottod, profitant du fait qu'il était légalement propriétaire du yacht, l'avait bradé à un milliardaire romanais pour le tiers de sa valeur. C'était toujours cent millions de dollars supplémentaires, répartis entre ses nombreux comptes bancaires, ouverts sous diverses identités dans autant de pays différents. Travailler avec Yohannès Ken, ça donne des idées.

Le baron Tyidik s'apercevrait vite que Hottod l'avait grugé de trois cent millions de dollars, mais il ne pourrait rien faire, sauf si, un jour, Hottod revenait au Mnar.

À Tokyo, Hottod avait passé la douane sans encombre. Ça prouvait au moins qu'il n'y avait pas de procédure judiciaire en cours contre lui aux États-Unis. Mais le Japon s'étant joint aux sanctions contre la Russie, il n'y avait plus de transports aériens entre ces deux pays. Hottod avait dû prendre un avion pour Pékin, puis un autre pour Moscou, un troisième jusqu'à Istanbul, et un quatrième jusqu'à Moschbourg... Au total, le voyage d'Hyltendale à Moschbourg avait duré trois jours, dont une nuit passée dans un hôtel-capsule à Tokyo et une autre dans un hôtel de la banlieue de Moscou.

La nuit tombait. À travers le hublot, Hottod voyait Moschbourg et sa banlieue en-dessous de l'appareil. C'était l'Europe, le continent où était née la civilisation occidentale, si différente de la sauvagerie sous-jacente au Mnar, où le culte des dieux-démons Yog-Sothoth et Cthulhu cohabite bizarrement avec la technologie avancée des cybersophontes.

Hottod n'avait pas de plan précis. À tout juste vingt-sept ans, il était assez riche pour vivre comme un nabab jusqu'à la fin de ses jours. Il avait le projet, encore assez vague, d'acheter un château, et de continuer à faire des affaires, plus pour s'occuper que par réelle nécessité.

Un choc l'avertit que l'avion venait de toucher le sol et roulait sur la piste. Une vingtaine de minutes plus tard, Hottod, tirant sa valise à roulettes d'une main et tenant son attaché-case de l'autre, sortait du terminal, à la recherche d'un taxi. Il avait prévu de passer quelques jours dans un luxueux hôtel du centre-ville, le temps de décider ce qu'il allait faire.

Un petit groupe de personnes s'approcha de lui. Trois hommes et deux femmes, des Moschteiniens à en juger par leur physique et leur allure.

« Monsieur Wirdentász ? Hottod Wirdentász ?» dit l'un des hommes, qui devait avoir à peine quelques années de plus que lui.

Hottod sentit son cœur battre plus vite. Qui étaient ces gens ? Il ne les connaissait pas. Ils étaient vêtus de façon décontractée, jeans et blousons, mais avec une certaine recherche. Leurs vêtements étaient propres et de bonne qualité, de même que leurs baskets.

— C'est moi, mais je n'ai pas l'honneur de vous connaître... Qui êtes-vous ?

— Lieutenant Kraginart, des services secrets. Mes collègues et moi, nous avons quelques questions à vous poser.

Le soi-disant Kraginart sortit de son blouson une carte plastifiée aux couleurs du drapeau moschteinien et la montra à Hottod, si vite que ce dernier n'eut pas le temps de la lire.

« Je suis en état d'arrestation ? » demanda Hottod, qui ne s'était aucunement attendu à ce genre de surprise. À l'étranger peut-être, mais pas chez lui, à Moschbourg.

— Non... Nous avons seulement quelques questions à vous poser. Une discussion informelle, disons. Voire même amicale.

— Eh bien, vous pouvez me les poser ici, vos questions amicales, en attendant qu'un taxi arrive. Déjà, je suis surpris que vous connaissiez mon nom, alors que je suis un honnête citoyen qui n'a jamais eu affaire à la police.

— Ne faites pas l'idiot, Wirdentász. Je peux vous arrêter si je veux...

— Pour quel motif ? Il faut un motif pour arrêter quelqu'un !

— Mais je l'ai le motif, cher monsieur. Complicité de corruption. Vous êtes un ami de Mers Fengwel, et vous l'avez aidé à recycler au Mnar l'argent qu'il a volé au Moschtein.

Hottod tombait des nues. Pris de court, il n'arriva à dire que :

— Mais c'est absurde ! Complètement faux ! Ça n'a ni queue ni tête !

— Oh ça, c'est à voir, et ce que nous savons est suffisant pour justifier une arrestation, le cas échéant. Plusieurs enquêtes sont encore en cours contre Mers Fengwel. Il est bien pourri, votre ami. Et vous savez ce qu'on dit : dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es...

— Alors arrêtez-moi. Mais je vous préviens, je connais la loi. Je veux un avocat. Tout de suite, c'est mon droit. Il verra ce qu'il y a dans votre dossier, et à mon avis il n'y a rien dedans. Vous serez obligé de me relâcher. Avec des excuses.

— Allons, Monsieur Wirdentász, soyez raisonnable, ne m'obligez pas à vous mettre les menottes, comme ça, devant les passants... Vous êtes parti au Mnar à vingt ans comme étudiant, vous en revenez sept ans plus tard extrêmement riche... Nous n'allons pas gâcher votre retour. Si vous y tenez, on peut discuter ailleurs que dans un service de police... Au bar de l'hôtel d'en face, par exemple ?

Hottod réfléchit rapidement. Le bar d'un hôtel, c'est un endroit neutre. Et puis, le Moschtein n'extrade pas ses ressortissants. Il n'y avait aucun risque que son propre pays le remette aux mains des Américains. Sinon, il serait déjà en garde-à-vue...

— Lieutenant, je suis fatigué. Je préfère discuter avec vous demain matin, après une bonne nuit de sommeil. Dix heures tapantes, dans le bar de l'Hôtel Borussia, dans le vieux centre. Ça vous va ?

Sans répondre, Kraginart mit la main à l'intérieur de son blouson et en sortit une paire de menottes.

« Lieutenant, si vous insistez, on peut aller tout de suite dans le bar de votre choix ! » dit précipitamment Hottod.

« Monsieur Wirdentász, vous êtes un homme intelligent et raisonnable, ça se voit sur votre visage ! Je connais ce bar, de l'autre côté de la route, ils ont un choix de bières assez remarquable. Je suppose qu'en bon Moschteinien, vous aimez la bière ? » dit Kraginart en rangeant ses menottes.

— Après trois jours de voyage, je tombe de sommeil. Je vais plutôt prendre un café...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMar 18 Juil 2023 - 21:55

Ça promet une belle suite !

Eeeeh oui ! y a Fengwel ! fallait pas l'oublier, çui-là ! Et Wirdentász a commis l'erreur de l'oublier un peu vite. Les menaces de pépins judiciaires ne viennent pas QUE de chez l'oncle Sam...

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMer 19 Juil 2023 - 10:44

Entre nous, quand on fait une "petite" malversation, on ne vient pas se réfugier à l'endroit où la plupart de gens pensent que vous irez, c'est-à-dire votre pays natal. On change si possible d'identité native et on va se faire oublier ailleurs, dans un trou perdu. Exemple, si je suis Espagnol d'origine, je vais par exemple faire un petit tour en Patagonie, c'est plein de vide, mais ça parle néanmoins ma langue natale.

Mais à 27 ans, on ne cogite pas tjrs dans le bon sens...

Toujours aussi intéressant à lire Smile
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMer 19 Juil 2023 - 19:57

JE NE POUVAIS ALLER QU'AU MOSCHTEIN

Hottod et les cinq policiers traversèrent la route, dont les réverbères venaient de s'allumer, et entrèrent dans le bar de l'hôtel Luevul, laissant derrière eux le vaste parking du terminal de l'aéroport.

La salle de bar était vaste, avec un air de modernité plus américain que moschteinien. Quelques clients, en majorité des hommes, étaient accoudés au comptoir ou assis par petits groupes dans la salle. On entendait de la musique, du soft jazz, pas assez fort pour gêner les conversations mais suffisant pour créer une ambiance, tout en rendant difficile d'entendre ce que disaient les autres clients.

« Asseyons-nous ici » dit Kraginart. Un serveur vint prendre les commandes. Bière pour tout le monde, sauf pour Hottod, qui prit un thé. Sobre de nature, il n'avait pas envie de se laisser saouler et de trop parler.

Kraginart commença la conversation :

— Entre nous, cher monsieur Wirdentász, quand on fait une entourloupe à trois cent millions de dollars à un oligarque mnarésien, on ne vient pas se réfugier à l'endroit où la plupart de gens pensent que vous irez, c'est-à-dire votre pays natal. On change si possible d'identité native et on va se faire oublier ailleurs, dans un trou perdu. Par exemple, si j'étais Espagnol d'origine, j'irais faire un petit tour en Patagonie, c'est plein de vide, mais ça parle néanmoins ma langue natale.

Il semblait être le chef. Les autres ne disaient rien, ou parlaient entre eux à voix basse, sauf une nommée Ingrid, une blonde aux cheveux mi-longs, aux yeux très bleus, vêtue d'un blouson de cuir noir, court et matelassé, et d'un jeans moulant, les pieds chaussés de sneakers de marque, qui s'était assise si près de Kraginart que leurs épaules se touchaient, et qui ne manquait pas une occasion d'approuver ce qu'il disait.

En la voyant, Hottod s'était demandé comment, alors qu'en tant que policière elle travaillait avec une majorité d'hommes, elle osait porter un jeans qui mettait autant ses formes en valeur. Au Mnar, aucune femme n'oserait s'habiller ainsi, sauf les gynoïdes vénales de Zodonie.

« Vous savez, lieutenant, » dit Hottod, « ma situation est un peu particulière. Je parle couramment l'anglais et le mnarruc, en plus de mon moschteinien natal, et je connais encore assez d'allemand pour me débrouiller. J'ai aussi des notions de romanais. Je n'ai donc que l'embarras du choix pour aller vivre quelque part. Mon problème, c'est qu'en tant qu'ancien collaborateur de la reine Modesta, j'intéresse beaucoup les Américains, et le seul pays qui ne risque pas de m'extrader, c'est mon pays natal. En quittant le Mnar, je ne pouvais aller qu'au Moschtein. »

« Vous avez pensé à Julian Assange, à ce que je vois, » dit Kraginart d'un ton pensif.

— Oui, en effet.

« Vous n'avez pas peur que le baron Tyidik vous fasse assassiner ? Ou que la CIA vous kidnappe ? » demanda la blonde Ingrid.

Hottod se retint de dire que la reine Modesta avait dit au baron, devant lui, que Hottod Wirdentász était l'un de ses amis, pour qui elle avait une réelle affection. Le baron avait compris le message. Cela serait de toute façon assez compliqué pour lui de faire assassiner quelqu'un au Moschtein, de l'autre côté de la planète. Ce n'est pas aussi facile qu'on le croit de recruter des tueurs, surtout dans un pays étranger. Et si le baron arrivait quand même à le faire, il n'échapperait pas au courroux de la reine.

Au Mnar, tout le monde se racontait encore, en baissant la voix, comment le roi Andreas, à la fois père et prédécesseur de Modesta, faisait mourir ses ennemis en les faisant dévorer vivants, tout nus et pieds et poings liés, par des rats affamés. Pour l'instant, Modesta n'avait fait tuer personne, mais elle était entourée d'anciens collaborateurs de son père, et ils avaient tous du sang sur les mains.

« Je connais Tyidik, je n'ai pas peur de lui. Quant à la CIA, elle n'a pas de dossier judiciaire contre moi, sinon j'aurais été arrêté quand j'ai fait escale à Tokyo » dit Hottod. « Cela ne veut pas dire, évidemment, qu'il n'y en aura jamais. Dans l'immédiat, elle peut me mettre sur la même liste que Tyidik, faire saisir mes biens et bloquer mes comptes bancaires. Sauf que le Moschtein n'applique pas les sanctions internationales sur ses propres ressortissants. Mon passeport moschteinien me protège. »

« Je vois que vous avez pensé à tout, » dit Kraginart. « Suivant votre logique, évidemment, il n'y avait que le Moschtein, puisque vous vouliez quitter le Mnar pour de bon. »

— Exactement.

Kraginart but une gorgée de bière et réfléchit. Son espionne au Mnar, Gidrel Vitoch, ne lui communiquait plus rien d'intéressant depuis longtemps, et pourtant elle rencontrait la reine de temps en temps, pour faire des vidéos destinées à la propagande mnarésienne. Mers Fengwel, ce n'était même pas la peine d'essayer de le recruter comme espion. Il restait Azdán Gergolt, qui connaissait beaucoup de monde à Hyltendale en tant que président d'un club de golf, mais il était imprévisible et incontrôlable.

« Je vais appeler un taxi et aller dormir à l'hôtel Borussia » dit soudainement Hottod, en sortant son smartphone.

« Mais non, nous avons tout juste commencé à discuter ! » s'exclama Ingrid, avec une vivacité surprenante.


Dernière édition par Vilko le Mer 19 Juil 2023 - 22:06, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMer 19 Juil 2023 - 20:40

Belle suite.

Au fait, je vais réclamer des droits d'auteur  Laughing Laughing Laughing

Une petite erreur lors du copier-coller : Par exemple, si je j'étais Espagnol d'origine...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMer 19 Juil 2023 - 21:05

Dommage que Pomme de Terre n'intervienne plus pour nous décrire la toile de fond de ce récit. Quant à la tenue de la flique moschteinienne, c'est vraiment d'une importance très secondaire. L'important n'était pas là, mais ce qu'allait répondre Wirdentász lors de l'interviou. Celui-ci était moschteinien, et n'allait pas se laisser impressionner par une tenue que sa porteuse espérait provocante (à supposer que ce soit l'cas), histoire de le déstabiliser un brin. Peut-être qu'Ingrid avait l'habitude de s'habiller comme ça, sauf peut-être lors d'intervention musclées, où des protections contre des projectiles peuvent s'avérer nécessaires. Mais bon, Moschburg ne ressemble pas forcément aux bas quartiers de L.A. La conversation qui s'annonçait devait s'avérer être un duel entre deux intelligences : celle d'un enquêteur, qui guette la moindre erreur de son vis-à-vis, un suspect non moins intelligent, qui lui guettera une faille dans le système, pour faire aboutir à un non-lieu, et être définitivement tranquille.
Comme je n'en sais pas plus, je dois me contenter de dire : « que le meilleur gagne ».

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMer 23 Aoû 2023 - 20:09

HOMQUAT

— Monsieur Wirdentász, il vaut mieux, je crois, que cette conversation ait lieu dans ce bar, plutôt que dans mon bureau, vous ne trouvez pas ? Homquat, le nom vous dit quelque chose ?

Kraginart avait parlé d'une voix douce, mais Hottod se raidit. Son patron Yohannès Ken lui avait appris à négocier, à déceler les pièges et à les éviter. Face à cinq policiers faussement amicaux, alors qu'il était fatigué par le décalage horaire consécutif à trois jours de voyage depuis le Mnar, Hottod n'était pas au mieux de sa forme.

« Homquat ? Bien sûr. C'est un ancien roi du Mnar, il a vécu aux Temps Légendaires, ». dit-il, décidé à ne pas se laisser manœuvrer par le policier.

— Non, pas cet Homquat-là. La société Homquat, à Lazné, près d'Inquanok.

— Peut-être bien. Je ne suis jamais allé à Lazné, ni même à Inquanok, je tiens à le préciser, mais je sais où c'est. Inquanok est un port sur la côte nord-est du Mnar, le climat est assez froid là-bas, l'hiver il neige. Quant à Lazné, c'est une ville dans la steppe, entre Inquanok et le plateau de Leng. C'est à peu près tout ce que je sais, ces deux villes ne sont pas vraiment touristiques.

— La société Homquat est une société qui fabrique du compost, du feutre industriel et des objets en os, comme des peignes et des boutons. Lazné est effectivement une ville de la steppe qui s'étend entre Inquanok et le plateau de Leng. C'est aussi un lieu d'exil, un Goulag mnarésien... Et vous le savez bien, Monsieur Wirdentász, car vous êtes l'un des principaux actionnaires de Homquat...

— J'ai des actions un peu partout... Il faut diversifier ses avoirs pour limiter les risques. La société Homquat est bien gérée et rapporte des dividendes, c'est tout ce qui m'intéresse.

— Homquat fabrique du compost avec des corps humains, Monsieur Wirdentász. Nos agents au Mnar ont récupéré du feutre fabriqué par Homquat et l'on fait analyser. Il est fait à partir de cheveux humains. Ils ont aussi fait analyser des boutons en os vendus par Homquat. Ces boutons contiennent de l'ADN humain... Savez-vous d'où proviennent les corps humains utilisés comme matériaux par Homquat, Monsieur Wirdentász ?

— Non. Je ne savais pas ce que vous me dites... Même si c'est vrai, ça ne prouve rien. Récupérer ce qui est utilisable dans les cadavres est une vieille tradition mnarésienne. Les morts nourrissent les vivants. Vieille devise d'un peuple anciennement cannibale... Heureusement qu'ils ne le sont plus, sinon ils vendraient aussi des pâtés et du saucisson !

Hottod se mit à rire à sa propre plaisanterie. Il se retint juste à temps de dire qu'il avait dans sa valise un petit livre manuscrit, relié en peau humaine, qu'il avait trouvé dans un temple à Kibikep, après l'extermination des habitants de la ville, et qu'il gardait en souvenir. Il ne savait pas trop s'il était légal de posséder ce genre d'objet au Moschtein... Il se souvenait vaguement d'avoir lu dans la presse, des années auparavant, quelque chose sur le délit de recel de profanation de sépulture, dont un groupe d'adeptes de la magie noire s'était rendu coupable. Le petit livre qu'il avait dans sa valise était un objet fabriqué avec une peau volée à un cadavre, et pouvait donc tout-à-fait entrer dans le cadre de cette loi. Par tous les dieux du Mnar, pourvu que les policiers ne me demandent pas d'ouvrir ma valise !

Kraginart commençait à s'énerver :

— Les malheureux déportés à Lazné ont une espérance de vie particulièrement brève. Leurs cadavres sont ensuite donnés, ou vendus, à la société Homquat, qui fait des bénéfices. Lesquels sont ensuite versés aux actionnaires comme dividendes... La mort des autres vous rapporte, Monsieur Wirdentász.

— Écoutez, lieutenant... Vous me racontez une histoire qui a tout du complotisme. Où sont vos preuves ? Nulle part. Vous venez de me parler de vos agents au Mnar. Sont-ils allés dans les locaux de la société Homquat ? J'en doute fortement, car Lazné est une ville pénitentiaire, dans laquelle on ne peut pas entrer. Utiliser les cadavres pour faire du compost et d'autres matériaux est normal au Mnar. Cela vous choque, lieutenant ? C'est que vous êtes eurocentrique.... Vous me paraissez avoir du mal à accepter que les autres peuples aient des coutumes différentes des vôtres.

“Il essaie de me faire perdre mon song-froid” se dit Kraginart.

— Il n'est pas nécessaire d'entrer dans une ville pour savoir ce qui s'y passe, Monsieur Wirdentász. Vous avez une bien jolie montre, à ce que je vois. C'est une Breitling ?

— Je vois que vous êtes un connaisseur... Oui, c'est une Breitling Transocean. Une petite merveille de précision mécanique, sous une forme à la fois élégante, classique et discrète. J'adore.

— Monsieur Wirdentász, votre belle montre, vous l'avez payée avec le sang des hommes et des femmes qui ont été transformés en compost et en chapeaux à l'usine Homquat de Lazné...

Kraginart n'arrivait plus à cacher le mépris, presque de la haine, qu'il ressentait envers Hottod  Wirdentász. Le grand blond avait tout pour lui : une haute stature, l'intelligence, la richesse... Des rumeurs circulaient selon lesquelles il aurait été l'amant de la reine Modesta. Mais cet homme-là était aussi un scélérat, un profiteur de crimes de guerre, et aussi un ami, et sans doute un complice, de Mers Fengwel, qui, tout député fédéral qu'il avait été, était un pourri parmi les pourris.

« Bois ta bière, Tónasz » dit Ingrid, qui sentait que la conversation était en train de déraper. Nous sommes-là, en train de discuter avec ce salaud, pas pour le plaisir mais par nécessité professionnelle, se dit-elle. Elle s'adressa à Hottod :

— Parlez-nous de Mers Fengwel, Monsieur Wirdentász. Il était le confident du roi Andreas, n'est-ce pas ?

— Attendez, chère madame, c'est bien de parler, mais il est tard, je commence à avoir faim, moi. Pas vous ?

— J'allais vous le proposer ! Cela ne vous gêne pas de dîner avec nous, Monsieur Wirdentász ? Je connais un restaurant super...

Hottod sourit. Le piège était un peu gros. Leur restaurant avait toutes les chances d'être le quartier général de la police, où il serait soumis à un interrogatoire approfondi, ses bagages fouillés. Si la police moschteinienne opérait selon la même logique que la Police Secrète mnarésienne, et c'était probable, Hottod savait que ses chances de rester en liberté tomberaient à zéro s'il acceptait l'invitation d'Ingrid. Dans un local de police, ils pouvaient le garder comme témoin, par exemple dans l'une des nombreuses affaires de corruption que Mers Fengwel traînait depuis des années...

En face d'Hottod, les policiers étaient cinq, dont deux femmes. Comme par hasard, ils s'étaient placés entre lui et la sortie du bar.

« Je vais aux toilettes » dit Hottod, la gorge soudainement sèche. « Je vous laisse ma valise à surveiller. »
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMer 23 Aoû 2023 - 20:23

Un p'tit détour au Moschtein, pourquoi pas ? Comment Hottod Wirdentász va-t-il s'en sortir ? En choisissant lui-même le restaurant ? De toute façon, il ne peut pas se sauver par une deuxième sortie (vasistas aux toilettes), il a laissé sa valise en garde (ou plutôt en gage).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptySam 2 Sep 2023 - 19:14

HOTTOD EN CELLULE

Hottod entra dans les toilettes du bar. Il n'y avait pas de fenêtre, donc aucun moyen de s'échapper. Faire demi-tour, braver les cinq policiers et s'en aller ? Hottod connaissait assez la loi moschteinienne pour savoir que la police avait le droit d'arrêter un témoin qui refusait de témoigner. Or, Hottod pouvait être considéré comme un témoin dans les affaires de corruption visant Mers Fengwel. Il était coincé, et bien coincé.

Un juge complaisant pouvait même le faire incarcérer, le temps que la police enquête sur l'origine de sa fortune, dont une partie venait de la revente, avec profit, des habitations des malheureux habitants de Kibikep, exterminés par l'armée mnarésienne. Une loi du Moschtein dit que l'argent provenant d'un crime, même commis à l'étranger, peut être saisi. Il y avait aussi le petit livre recouvert de peau humaine, dans ses bagages. Le simple fait de posséder ce livre constituait le délit de recel de profanation de sépulture.

« J'ai été fou de revenir au Moschtein » se dit Hottod, tout en urinant debout.

Son cerveau tournait à toute vitesse. Il se souvint que sur les conseils de Mers Fengwel, il avait confié trois millions de dollars, environ 1,5% de sa fortune, à Libekah Nibeih.

Il n'y avait que le vieux Fengwel pour donner des conseils pareils. Dans un monde où tout est informatisé, il est extrêmement facile de bloquer les comptes bancaires et les avoirs financiers de quelqu'un. Sauf si l'argent a été confié à quelqu'un d'autre. Lequel peut se voir aussi bloquer ses comptes bancaires. Toutefois, le royaume marin de Serranian est l'un des rares pays où l'on peut convertir son argent en lingots d'or, entreposés dans une institution distincte des banques et qui ne peuvent être saisis que sur décision de la justice serranianaise, ce qui n'arrive jamais.

Le problème, bien sûr, c'est la confiance. Vous confiez votre argent à un ami pour qu'il le garde pour vous pendant que vous serez en prison. Malheureusement, lorsque vous sortez de prison, il y a de grandes chances pour que l'ami ait disparu avec l'argent, ou se fasse tirer l'oreille pour vous le rendre, ou qu'il ait lui-même eu des problèmes avec la justice. Mers Fengwel avait assuré Hottod que le problème n'existait pas avec Libekah Nibeih, car elle était sous le contrôle des cyberlords.

Cela n'avait pas vraiment rassuré Hottod, car cela voulait dire qu'en fait, il confiait son argent aux cyberlords. C'est pourquoi il avait transféré seulement 1,5% de ses avoirs à Libekah Nibeih, qu'il n'avait jamais rencontrée car elle habitait sur l'île artificielle de Serranian, à quelques dizaines de kilomètres au sud du Mnar.

Ce que Fengwel avait raconté à Hottod sur la nommée Libekah avait laissé Hottod dubitatif :

— Elle vient de Yiswih, sur la côte ouest du Mnar. Sa famille était très pauvre. À treize ans elle a été la proie d'un gang, qui l'a violée de multiples fois et l'a obligée à se prostituer. La police locale a fini par démanteler le gang, avec quelques difficultés car une bonne partie des notables locaux étaient des clients plus ou moins réguliers des prostituées mineures. Je te passe les détails.

— Comment s'en est-elle sortie ?

— Une association charitable financée par les cyberlords a pris en charge la pauvre Libekah, et on ne sait comment, à dix-huit ans, elle a rencontré Jay Nibeih, un cyberlord richissime, qui l'a épousée. Nibeih avait soixante ans, Libekah dix-huit. Il l'a emmenée chez lui à Serranian, où elle a fait de vagues études. Trente-huit ans plus tard, Jay Nibeih, presque centenaire, a quitté ce monde, et sa veuve a hérité de ses milliards. Maintenant sexagénaire, elle vit en semi-recluse à Serranian. C'est ma gynoïde, Virna, qui m'a mis en contact avec elle.

Hottod, qui vivait seul depuis le départ de Sofia, s'était dit, une fois de plus, que vivre avec une gynoïde, comme Mers Fengwel le faisait, c'était comme d'avoir l'intelligence collective des cybersophontes dans son lit. On ne peut avoir aucun secret.

Pour Hottod, ces trois millions de dollars confiés à la veuve Nibeih, c'était une assurance. Quoi qu'il arrive, il avait cet argent à sa disposition, garanti par les cybersophontes.

Tout en remontant la braguette de son pantalon, Hottod essaya de voir le bon côté des choses. Trois millions de dollars, c'est beaucoup moins que les quelques deux cent millions qu'il avait actuellement, mais cela permet quand même de vivre décemment, et sans travailler, pendant toute une vie, même en tenant compte de l'inflation. Décemment, mais pas dans le luxe. On ne peut pas tout avoir.

Hottod retourna à la table où l'attendaient les policiers. Il croisa l'un d'eux, qui faisait semblant de se laver les mains dans les lavabos. Des fois que Hottod ait eu des velléités de leur fausser compagnie...

« Venez avec nous, Monsieur Wirdentász, » dit le lieutenant Kraginart, « Le restaurant nous attend ! »

Hottod hocha la tête. Il se sentait soudainement très fatigué. Sans trop faire attention à ce qui se passait, il prit sa valise et son attaché-case et suivit les policiers, qui étaient venus dans deux voitures. Il se retrouva dans l'une d'elle, à l'arrière, à côté de Kraginart. La nommée Ingrid conduisait.

Hottod, Kraginart et Ingrid ne se dirent pas un mot durant tout le trajet. Comme Hottod s'y attendait, la voiture entra dans un parking souterrain. Des véhicules de police y étaient garés à côté de voitures banalisées.

« Je ne connais pas ce parking de restaurant » dit Hottod.

« Le restaurant est très bien, vous savez, et il fait aussi hôtel » répondit Kraginart.

Ingrid éclata de rire en entendant la plaisanterie de son chef.

Le reste de la soirée passa lentement pour Hottod. Il se retrouva d'abord dans le bureau miteux de Kraginart, qui lui notifia sa mise en garde-à-vue. Puis il passa dans un autre bureau, où un autre policier le fouilla, ainsi que ses bagages.

Le policier remarqua le livre relié de fin cuir sombre, l'ouvrit, vit qu'il était écrit à la main dans une langue qu'il ne connaissait pas, et demanda à Hottod :

— C'est quoi, ce bouquin ?

— Un cadeau d'un ami mnarésien, qui voulait me convertir au culte de Yog-Sothoth.

— Et vous vous êtes converti ?

— Non, mais je garde ce livre en souvenir du Mnar.

— Le cuir est très fin, très doux au toucher... Il a dû coûter cher, ce bouquin.

— Je suppose. C'est du cuir de chèvre, teint en noir. Enfin, c'est ce que m'a dit mon ami. Les objets en cuir de chèvre sont une spécialité de l'Ooth-Nargaï.

— Lou quoi ?

— L'Ooth-Nargaï... Une province mnarésienne. Au sud-est du Mnar. Sa capitale est Céléphaïs... Vous connaissez ?

— Non.

Le policier remit le livre dans la valise. Hottod se força à regarder ailleurs. Il ne devait pas donner l'impression qu'il attachait la moindre importance au livre. Dans la voiture, il avait réfléchi. Si on lui demandait qui lui avait donné le livre, il dirait que c'était Yohannès Ken, son ancien employeur. Ken était connu comme étant un agent des cyberlords, et pour cette raison ne quittait jamais le Mnar, il ne risquait pas de contredire Hottod.

Dans sa cellule, Hottod dîna d'un sandwich au ralgal, spécialité moschteinienne constituée de fines pièces de bœuf fumées et séchées. Le pain était rassis et le ralgal un peu dur, mais c'était son premier repas moschteinien depuis des années.

La banquette de la cellule était dure et exhalait une odeur chimique âcre, qui piquait le nez. La cellule était probablement désinfectée tous les matins, tant pis pour l'odeur, cela valait mieux que les cafards et les punaises de lit. Hottod ne savait pas à quoi ressemblaient les cellules mnarésiennes, mais il doutait fortement que le souci de l'hygiéne y soit porté au même point qu'au Moschtein.

Le policier qui avait fouillé les bagages de Hottod vint l'informer qu'il avait le droit d'être assisté par un avocat. Hottod donna le nom de Hippa Tetragon, dont Mers Fengwel lui avait parlé. Le vieux lui avait dit :

— Hottod, puisque tu veux retourner au Moschtein, fais-le. À mon avis, tu fais une connerie, mais après tout tu es un grand garçon. Si jamais tu as un problème à Moschbourg, contacte Hippa Tetragon de ma part, c'était mon avocate. C'est une copine... et même un peu plus, à l'époque...

Fengwel avait cligné de l'œil, avec un sourire entendu. Hottod avait compris qu'elle avait été l'une de ses maîtresses passées, elle avait peut-être même partouzé avec lui.

En entendant le nom de l'avocate choisie par Hottod, le policier fit la grimace :

— Hippa Tetragon ? C'est l'avocate des pourris. En plus, c'est la plus chère de Moschbourg. Si vous avez besoin de faire appel à ses services, c'est que vous êtes vraiment dans la merde.

Et il sortit de la cellule, en refermant soigneusement la porte derrière lui. Hottod passa le reste de la nuit à se retourner sur la banquette, incapable de dormir, entre la dureté de la banquette, l'odeur déplaisante, les lumières du couloir, les bruits de pas et de conversations, et l'inquiétude qui le taraudait.

Au petit matin, mal rasé et ayant bien besoin d'une douche et de vêtements propres, dont il dut se passer, il eut droit à une petit-déjeuner constitué de deux biscuits et d'un gobelet de mauvais café, apporté dans sa cellule par un policier en uniforme. Sa montre lui ayant été enlevée, il ne savait pas quelle heure il était, il voyait seulement qu'il faisait jour.

Un policier en uniforme l'emmena dans le bureau de Kraginart, qui s'y trouvait déjà. Une dame d'une soixantaine d'années, vêtue d'un élégant tailleur gris, était présente. Elle était de taille moyenne et un peu ronde, avec des cheveux blancs et un visage carré. Elle se présenta comme étant Hippa Tetragon, avocate, et elle serra la main de Hottod en souriant.

L'interrogatoire, mené par Kraginart, dura deux heures. Une bonne partie du temps, le lieutenant posa à Hottod des questions sur Fengwel. Hottod convint que c'était un ami, mais que vu leur différence d'âge, Fengwel ne lui avait parlé ni de sa vie privée ni de ses affaires passées. Ils se connaissaient surtout comme collaborateurs de la reine Modesta. Puis Kraginart aborda un autre sujet : le massacre de Kibikep.

« Lieutenant, cela ne concerne pas la justice moschteinienne, » objecta l'avocate.

— Maître Tetragon, comme vous le savez, le Moschtein fait partie des Etats signataires de la charte du TPI, le Tribunal Pénal International, et ce tribunal s'est saisi du massacre de Kibikep. Naturellement le Moschtein participe à l'enquête.

Hottod eut l'impression d'avoir reçu un coup de poing dans l'estomac. Être mis en cause dans une procédure pour crime de guerre, c'était bien plus grave qu'une affaire de corruption où il n'était, au pire, qu'un vague témoin.

En réponse aux question de Kraginart, Hottod expliqua qu'il était convaincu de la véracité de la version officielle, selon laquelle les habitants de Kibikep s'étaient enfui avant l'attaque. D'ailleurs, lorsqu'il y était allé, quelques semaines plus tard, il n'avait vu aucun cadavre.

Kraginart explosa :

— Vous n'avez vu aucun cadavre parce que l'attaque a été menée par des robots ! Ils ont fait disparaître les corps avant que des humains comme vous soient autorisés à venir sur place !

— C'est votre hypothèse, lieutenant. Moi, je m'en tiens à la version officielle.

Un quart d'heure plus tard, l'interrogatoire terminé, Hottod fut ramené dans sa cellule, en la présence de l'avocate, avec laquelle il eut un entretien d'une dizaine de minutes. Hottod lui raconta en détail ce qui s'était passé depuis sa sortie de l'aéroport. Tetragon lui laissa ses coordonnées, et lui dit :

— Mers est un ami vraiment très proche, en plus d'être un client. Est-ce qu'il vous a dit des choses sur moi ?

Hottod sentit une trace d'anxiété dans la voix de l'avocate. Cela confirma ses soupçons : elle avait été la maîtresse de Mers Fengwel, à l'époque de leur folle jeunesse, qui s'était visiblement prolongée jusqu'à un âge relativement avancé. Hottod pensa à tout ce que cela avait impliqué pour Hippa Tetragon d'être la maîtresse du politicien le plus corrompu et débauché du Moschtein. Le vieux pervers avait dû lui imposer d'ignobles complaisances.

« Non, absolument pas, » répondit Hottod. « Il m'a juste dit que je pouvais faire appel à vous si j'avais un problème. »

« Vous avez l'adresse de mon cabinet, passez le plus tôt possible pour me payer mes honoraires,  je vous ai consacré toute une matinée, » dit brusquement l'avocate en se levant. Elle sortit de la cellule sans plus de cérémonie. Hottod se demanda s'il avait dit quelque chose qui avait pu la vexer.

Hottod fut libéré de sa garde-à-vue dans l'après-midi, comme il s'y attendait. Sa valise dans une main et son attaché-case dans l'autre, sale et mal rasé, les vêtements fripés parce qu'il avait dormi dedans, debout dans une rue d'un quartier de Moschbourg qu'il ne connaissait pas, il décida de prendre un taxi pour aller à l'hôtel Borussia, en espérant que la chambre qu'il avait retenue pour la veille était toujours disponible.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptySam 2 Sep 2023 - 23:10

Eh ben ça s'présente mal. Qu'est-ce qui avait pu froisser l'avocate. Pourtant, lui-même n'avait rien dit de particulier. Es-ce que c'est en rapport avec ce qu'avait dit Kraginart sur Kibikep ? En quoi Hottod Wirdentász pouvait-il être tenu pour responsable actif, voire comparse de ces massacres ? Suite au prochain épisode, sans doute...

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyJeu 28 Sep 2023 - 17:05

L'HÔTEL BORUSSIA

Hottod resta un mois complet à l'hôtel Borussia, le temps de trouver un appartement qui lui convienne à Moschbourg et de mettre ses affaires en ordre. Il lui fallut aussi se réadapter à la vie moschteinienne, si différente, avec ses magasins qui ferment la nuit, alors qu'à Hyltendale il y a toujours un humanoïde pour recevoir les clients. De même, dans les hôtels haut de gamme, le client peut louer les services d'une gynoïde ou d'un androïde de charme. Rien de tout cela n'existe à Moschbourg.

Le Moschtein est un pays développé et le Mnar est classé parmi les pays du Tiers-Monde, et pourtant Hottod avait l'impression, depuis qu'il était rentré dans son pays natal, d'avoir été transporté un siècle en arrière, quand les cybersophontes n'existaient pas encore.

Les humanoïdes manquaient à Hottod. À Hyltendale, dans les magasins, les hôtels, les cafés, il avait toujours affaire à des humanoïdes. Courtois, compétents, fiables, prévisibles, et scrupuleusement honnêtes. Les habitants de Moschbourg le sont aussi, pour la plupart, mais ce sont des humains, donc faillibles et d'humeur changeante.

Sans s'en rendre compte, pendant son long séjour au Mnar, Hottod avait appris à faire confiance aux humanoïdes et à se méfier des humains. Lorsqu'on vit à Hyltendale, c'est quelque chose de si évident qu'on n'en parle jamais.

Pendant ce temps, d'autres pensaient à lui. Dans une salle du Palais de Justice de Moschbourg des policiers de haut rang et des magistrats s'étaient réunis pour évoquer son cas.

« On ne peut pas prouver que Wirdentász savait qu'il venait d'y avoir un massacre à Kibikep. Il prétend encore qu'il n'y croit pas, c'est ce qu'il a dit au lieutenant Kraginart. Il s'accroche à la version mnarésienne officielle selon laquelle les habitants se seraient enfuis avant l'attaque » dit le procureur.

« S'il croit vraiment à tout ce que raconte la propagande mnarésienne, c'est un crétin fini... » dit Mathilda, une petite femme en tailleur bleu, employée au Ministère de la Justice. « Mais vu ses diplômes et sa carrière, et la fortune qu'il a accumulée à seulement vingt-sept ans, c'est tout sauf un crétin. Donc... et c'est ce qui me gêne... Il nous prend pour des cons ! »

— Je ne vous le fait pas dire, Mathilda. Mais le problème, c'est d'avoir des preuves. Or, nous n'en avons pas contre lui.

— Oh, les preuves... Vous êtes de la vieille école, Monsieur le Procureur... Et le reste, les multiples histoires de corruption que traîne Mers Fengwel ? Il y a sûrement moyen d'y accrocher Wirdentász ?

— Hélas non. Les deux zigotos ne se connaissaient même pas à l'époque des faits. Je suggère de laisser Wirdentász sous surveillance, on verra bien si ça donne quelque chose sur le long terme.

— Est-ce qu'on sait, au moins, pourquoi il a quitté le Mnar ?

— On a enquêté là-dessus. Des rumeurs circulent au Mnar. Notre ami Wirdentász aurait été plus qu'un conseiller pour la reine Modesta, si vous voyez ce que je veux dire.

— Non je ne vois pas, soyez plus explicite, Monsieur le Procureur.

« Les rumeurs sont contradictoires, et peu vraisemblables » dit le procureur, qui ne goûtait guère l'humour assez particulier de Mathilda. « Wirdentász aurait donné son sperme pour que la reine puisse avoir des enfants, son mari étant incapable de lui en faire. »

Mathilda gloussa.

« Ils sont comme ça les Mnarésiens... » reprit le procureur. « Des langues de vipères de niveau olympique. Wirdentász, mis au courant des rumeurs, aurait préféré quitter le Mnar avant que ses ennemis n'arrivent à l'abattre pour de bon. Au Mnar, lorsque des rumeurs circulent sur quelqu'un, c'est mauvais signe. Ça montre qu'il a des ennemis qui se concertent contre lui. Sans compter l'entourloupe monstrueuse, à trois cent millions de dollars, qu'il a faite au baron Tyidik. Ceci expliquant sans doute cela... »

— Trois cent millions de dollars, ça c'est du sérieux... Il pourrait peut-être déposer plainte au Moschtein, ou au moins dans un pays membre d'Interpol, le baron ? Qu'en pensez-vous, Monsieur le Procureur ?

— Encore faudrait-il que le baron puisse quitter le Mnar... Il fait partie des Mnarésiens sanctionnés par les Occidentaux. Il a vendu son yacht à Wirdentász pour éviter qu'il ne soit saisi, justement.

« Donc, vous n'allez rien faire... » dit Mathilda. « Ce Wirdentász est un escroc, un sale type, mais ce qu'il a fait au baron Tyidik, ce n'est jamais qu'un voleur qui en vole un autre. Pas étonnant que ce soit un ami de ce pourri de Mers Fengwel. Il a réussi à s'introduire dans l'intimité de la reine Modesta. Grand bien lui fasse, mais ici au Moschtein, on s'en fout totalement de la braguette de ce monsieur. Il a amené au Moschtein l'argent qu'il a volé au Mnar, c'est au moins une bonne chose qu'il a faite. »

— Le Tribunal Pénal International aimerait bien mettre la main sur lui.

— Ils nous emmerdent, au TPI !

— Ils veulent le faire témoigner contre le gouvernement mnarésien. Leur idée c'est de le foutre en taule, pour qu'ils signent ce qu'ils lui demanderont de signer. C'est sûr que Wirdentász est un répugnant personnage, un profiteur de crime de guerre, mais il est citoyen moschteinien. Ce serait un précédent dangereux que de laisser extrader un de nos ressortissants...

Tout en parlant, le procureur faisait des efforts pour dissimuler son irritation. Il sentait que Mathilda, forte de sa position élevée au Ministère, ne le respectait pas, et cela l'irritait grandement.

« Vous avez raison, Monsieur le Procureur, le Moschtein est un État souverain, qui n'extrade pas ses ressortissants, je suis heureuse que vous vous en souveniez. Que le TPI monte un dossier judiciaire complet et solide contre Wirdentász, et nous nous ferons un plaisir de le juger, ici au Moschtein. Mais je crois que l'on risque d'attendre longtemps. Toutefois, un gugusse pareil, il faut le garder sous surveillance policière. Messieurs les policiers ici présents, je compte sur vous. La réunion est terminée. » conclut Mathilda.

Ignorant tout de ce qui se disait sur lui au Palais de Justice, deux jours après être arrivé à Moschbourg, Hottod envoya un mail à Sofia Briccone, aux Îles Romanes, pour la prévenir qu'il habitait désormais au Moschtein, et que l'argent qu'il lui envoyait pour l'éducation de leur fille Marina lui parviendrait désormais par le canal d'une banque moschteinienne, et non plus mnarésienne.

À sa grande surprise, Sofia lui répondit moins d'une heure plus tard. Dans son message, elle lui demandait davantage d'argent, pour prendre l'avion depuis les Îles Romanes jusqu'à Moschbourg, afin que Hottod puisse, disait-elle, connaître sa fille encore bébé.

Le message de Sofia se terminait par ce qui ressemblait à un appel au secours. Ses parents lui en voulaient de les avoir obligés à sacrifier leur fortune pour la faire sortir de sa prison mnarésienne. Cerise sur le gâteau, elle était revenue aux Îles Romanes porteuse d'une petite bâtarde dont le père était un complice de crimes de guerre et de toutes sortes de malhonnêtetés. Chaque jour, les parents de Sofia lisaient la presse, le cœur serré par l'angoisse, s'attendant à lire un article concernant la liaison de Sofia Briccone, jeune fille romanaise de bonne famille, avec le sulfureux Hottod Wirdentász, l'un des deux conseillers moschteiniens de la reine Modesta.

Les deux dernières phrases étaient un appel pathétique : Je suis toute seule, au chômage avec un bébé, mes parents m'accusent de les avoir ruinés et déshonorés, je ne peux pas continuer à vivre chez eux comme ça. J'ai besoin de toi, je veux te revoir.

Hottod envoya l'argent, en se demandant ce que Mers Fengwel aurait fait à sa place. Le vieux dégueulasse n'étais pas le genre à se laisser apitoyer, c'était sûr. Raison de plus pour ne pas agir comme Fengwel l'aurait fait. Hottod n'avait aucune envie de devenir comme lui en vieillissant.

Après avoir fait le virement depuis l'ordinateur qu'il avait acheté le matin même, Hottod se surprit à se demander comment était Fengwel lorsqu'il avait son âge. Mince et plutôt beau gosse, certainement, l'esprit vif et un talent certain pour embobiner à la fois les électeurs et les jolies femmes, et avec ça une absence totale de scrupules. Quarante ans plus tard, cela donnait un vieux débauché ventripotent et fatigué, au foie abîmé, recherché par la police de son pays et réfugié à la cour de la reine du Mnar, de l'autre côté de la planète. Il s'en était plutôt bien sorti, le salaud.

Maintenant, Hottod n'avait plus qu'à attendre Sofia et le bébé. Leur bébé.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyJeu 28 Sep 2023 - 19:00

Donc, si j'ai bien compris, adieu au Mnar et à ses robots anthropoïdes (et ses massacres dissimulés par la Propagande), Bienvenue au Moschtein.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyJeu 28 Sep 2023 - 19:07

Anoev a écrit:
Donc, si j'ai bien compris, adieu au Mnar et à ses robots anthropoïdes (et ses massacres dissimulés par la Propagande), Bienvenue au Moschtein.

Meuh non !
Ottod va se faire enlever par des androïdes, et hop, retour au Mnar Smile
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyJeu 28 Sep 2023 - 20:36

PatrikGC a écrit:
Ottod va se faire enlever par des androïdes, et hop, retour au Mnar Smile
En cas d'exfiltration, j'la verrais plutôt issue du TPI par d'"honorables correspondants". Mais bon, j'y crois pas trop : Wirdentász n'est ni Eichmann (exfiltré d'Argentine par le Mossad) ni Barbie.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMar 24 Oct 2023 - 20:27

RENDEZ-VOUS CHEZ L'AVOCATE

Il faisait agréablement frais, ce matin-là, à Moschbourg. Un temps que Hottod aimait bien. Il se rendit à pied de l'hôtel Borussia, où il résidait, jusqu'à la place Paquier-Bullep, ainsi nommée en l'honneur d'Alexandra Paquier-Bullep, première femme élue au parlement fédéral du Moschtein, au siècle précédent. Détail inhabituel parmi les Moschteiniens, Alexandra Paquier-Bullep était partiellement d'origine huguenote, ainsi que l'indiquait la première partie de son nom.

Lorsqu'il vivait à Hyltendale, Hottod avait partagé l'angoisse latente qui étreignait les Mnarésiens, lorsque les risques de guerre avec les États-Unis étaient élevés. Même dans les périodes “normales”, on sentait une certaine tension dans l'air, surtout quand on fréquentait les cercles du pouvoir, autour de la reine Modesta. Il n'y avait rien de tout ça à Moschbourg, du moins était-ce ainsi que le ressentait Hottod.

À l'est, la Pologne était une protection a priori efficace contre le redoutable voisin russe, et à l'ouest, cela faisait très longtemps que les Allemands étaient devenus pacifiques, bien intégrés dans le monde occidental. Au Moschtein, la situation intérieure était calme, et le gouvernement avait réussi à maintenir des relations normales avec la Russie, si bien que l'approvisionnement du pays en gaz était assuré. Depuis peu, des entreprises allemandes venaient s'installer au Moschtein, attirées par les prix de l'énergie bon marché, et par une main-d'œuvre qualifiée mais moins chère qu'en Allemagne. En apparence du moins, tout allait bien.

Hottod avait rendez-vous avec son avocate, Hippa Tetragon. Elle avait son cabinet à Heppida Hall, l'ancien hôtel particulier de la richissime famille Heppida, situé sur l'un des côtés de la place Paquier-Bullep. La fortune des Heppida ayant été dilapidée par des héritiers nettement moins doués pour les affaires que leurs ancêtres, l'immeuble avait été vendu à un consortium immobilier et transformé en immeuble de bureaux. C'est ce que Hottod avait lu la veille dans Histoire de Moschbourg, le livre qu'il venait d'acheter.

Hottod trouva facilement le grand bâtiment de style classique, en pierre jaune. Le portail était muni d'un interphone et surveillé par une caméra. Hottod appuya sur le bouton situé à côté du nom de l'avocate. Une voix d'homme lui répondit et l'invita à monter au troisième étage. Ce qu'il fit.

L'assistant de Hippa Tetragon, un jeune géant, un peu plus grand et un peu plus âgé que Hottod, lui ouvrit la porte et l'invita à aller s'asseoir dans un petit salon qui ressemblait à une salle d'attente de médecin.

Dix minutes plus tard, Hippa reçut Hottod avec amabilité dans son vaste bureau luxueusement meublé. Elle irradiait l'énergie et une confiance en soi inaltérable.

Hottod se dit, un peu cyniquement, que depuis qu'il pesait deux cent millions de dollars, il était toujours reçu avec amabilité, ce qui n'avait pas toujours été le cas quelques années auparavant, lorsqu'il était encore un étudiant perpétuellement fauché, un grand maigrichon mal fringué et aux cheveux mal coupés, qui rebutait les filles par sa maladresse et son manque de confiance en lui.

Hottod paya avec sa carte bancaire l'argent qu'il devait à l'avocate, qui disposait d'un lecteur électronique sur sa table de travail.

Le mur derrière le fauteuil d'Hippa était orné d'un grand tableau aux motifs abstraits rouges, bleus et jaunes, dans un style qui rappelait Mondrian. Hippa avait du goût... Mais peut-être était-ce surtout le goût du décorateur.

« Vu votre situation, je pense que vous aurez encore besoin de mes services, » dit Hippa. « Nous nous connaissons peu. Discutons... »

Pendant leur entretien, qui fut assez long, Hippa prit des notes, et elle se laissa aller à quelques confidences personnelles. Hottod apprit ainsi que Hippa avait vingt-cinq ans de plus que lui et qu'elle vivait seule depuis que son deuxième mari était mort d'une crise cardiaque. Tout en travaillant dix heures par jour, elle avait réussi à élever trois enfants, qu'elle avait eus de ses deux maris successifs.

La moitié du renom de Hippa, en tant qu'avocate, venait de ses victoires judiciaires, et l'autre moitié venait de son habileté, reconnue, à gérer les affaires de ses clients. Mers Fengwel avait été l'un d'eux, et en avait parlé à Hottod. Hippa avait réussi à épargner à ce vieux filou de Fengwel la prison assez longtemps pour qu'il puisse préparer sa fuite vers le Mnar, et cela n'avait pas été une mince affaire.

Hottod parla de Sofia à l'avocate, dont la réaction fut mitigée :

— Avec les diplômes qu'elle a, et les relations de ses parents, elle ne peut pas trouver de travail, cette demoiselle Briccone ?

— Vous savez, Maître, il est difficile de trouver du travail dans une économie en déclin. Les Îles Romanes subissent les mêmes difficultés économiques que les autres pays méditerranéens. De plus, Sofia est mère célibataire, c'est mal vu dans un vieux pays catholique. Il y a pire, une simple recherche sur Internet permet de voir qu'elle a fait de la prison au Mnar, et qu'elle a de graves ennuis, pas encore terminés, avec la CIA... C'est vrai que Sofia est la fille d'un industriel, mais il est quasiment ruiné maintenant, en partie à cause de sa fille.

— Comment ça, à cause de sa fille ?

— Il a dû payer une rançon d'un million de dollars pour la faire sortir de prison. C'est mon patron de l'époque, Yohannès Ken, qui a servi d'intermédiaire...

— Monsieur Wirdentász, même les gens qui ont fait de la prison trouvent du travail, à condition de ne pas être trop difficiles... Je suis sûre que même aux Îles Romanes les restaurants et les cafés cherchent du personnel.

— Sofia est trop fière et a une trop haute opinion d'elle-même pour accepter un petit job. C'est le cas de la plupart des gens qui ont grandi dans un milieu aisé, vous savez. La nature humaine est ainsi faite...

— La nature humaine a bon dos... Je n'ai pas fait ce genre de raisonnement, moi, j'ai travaillé dur pour arriver où je suis. Vous êtes bien indulgent envers cette fille, Monsieur Wirdentász. Mais vous êtes aussi un homme d'honneur, à ce que je vois, malgré vos errements passés. Pas comme Mers Fengwel, et vous pourrez le lui dire de ma part. Tout ce que j'espère pour vous, c'est que Sofia Briccone ne vous fera pas un de ces mauvais tours dont elle semble coutumière...

Hottod ne répondit pas. Hippa se leva pour le raccompagner jusqu'au palier. Juste avant qu'il ne parte, elle lui dit :

— Au cas où, comme je le crains, Sofia Briccone ne vous conviendrait pas vraiment, je peux vous aider... J'ai des amies qui ont des filles, des jeunes femmes qui ne demanderaient pas mieux que d'épouser un homme comme vous. Ce sont toutes de bonnes Moschteiniennes, des femmes sérieuses, qui feraient votre bonheur.

« Je vous remercie, Maître. Je me souviendrai de votre proposition, » répondit Hottod, songeur.

Il faisait totalement confiance à Hippa Tetragon pour gérer ses affaires judiciaires. Mais sa vie sentimentale, c'était autre chose. Hottod n'oubliait pas qu'elle avait été la maîtresse de Mers Fengwel, autrefois. Elle avait dû partouzer avec lui... Les jeunes femmes auxquelles elle pensait, c'étaient peut-être les filles d'anciennes partenaires de débauche...

« Je vous remercie d'aller au-delà de vos obligations d'avocate, alors que vous me connaissez à peine... » ajouta-t-il, un peu embarrassé.

— Vous êtes mon client. Ce n'est pas rien, je choisis mes clients. Si je vous trouvais quelconque, cette conversation n'aurait duré que trente secondes.

Hottod prit l'escalier pour descendre jusqu'au rez-de-chaussée. Il comprenait maintenant pourquoi Fengwel lui avait dit du bien de Maître Tetragon.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMar 24 Oct 2023 - 20:38

Une avocate estimable ! sans aucun doute !

Si Hottod Wirdentász n'avait pas fait un môme à cette pimbêche de Briccone, il aurait pu la larguer vite fait... Mais voilà.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptySam 28 Oct 2023 - 16:01

VEON ET JULIA

L'avion, partant des Îles Romanes, amènerait Sofia et sa fille Marina à l'aéroport de Moschbourg, en milieu d'après-midi, si tout se passait bien. Pour les héberger, et vivre avec elles, Hottod avait loué un petit appartement meublé, dans un quartier tranquille de Moschbourg. Dans son esprit, cet arrangement devait être transitoire. Il avait aussi loué une voiture, en leasing, pour faciliter ses déplacements.

C'était donc sa dernière matinée à l'hôtel Borussia. Ses bagages étaient déjà dans le coffre de la voiture. Avant d'aller déjeuner, il décida de s'offrir un Margarita au bar de l'hôtel.

Il n'avait pas encore atteint le comptoir qu'il vit quelque chose de surprenant, au Moschtein en tout cas : un être humain accompagné d'une gynoïde de charme. Normalement, c'est quelque chose que l'on ne voit qu'à Hyltendale, plus rarement dans le reste du Mnar.

La gynoïde murmura quelque chose à l'oreille de son compagnon, qui fit de grands gestes en direction de Hottod et lui dit d'une voix forte : « Farna Wirdentász ! »

Farna, en mnarruc, c'est l'équivalent de Monsieur, Madame, Mademoiselle. In sor et, c'est moi, Hottod, surpris, s'entendit répondre dans la même langue.

L'homme fit quelques pas en direction de Hottod. La quarantaine sportive, beau costume, il avait tout de l'homme d'affaires prospère.

« Excusez-moi de vous déranger, » dit l'homme en moschteinien. « Je m'appelle Veon Lispiu, et comme mon nom l'indique je suis un fier citoyen de ce magnifique pays, le Moschtein, mais j'ai vécu quelques années à Hyltendale, comme cadre expatrié, pour la multinationale qui m'emploie. J'en suis revenu avec Julia, que voici. »

La gynoïde nommée Julia salua Hottod à la façon des humanoïdes, en plaçant la paume de sa main droite là où les humains ont un cœur et en inclinant brièvement la tête. Ce simple geste évoqua chez Hottod une foule de souvenirs.

La nommée Julia était une gynoïde Jana, de taille moyenne pour une femme, avec une perruque de laine marron, un visage couleur abricot, aux traits réguliers. Elle était vêtue d'un ensemble veste-pantalon noir. Son chemisier, ses chaussures et son sac à main étaient de la même nuance de rouge. Des bijoux en or brillaient sur ses doigts et autour de son cou.

« Je suis heureux de faire votre connaissance, Monsieur Lispiu. Comment me connaissez-vous ? » dit Hottod.

— Je vous ai vu à la télévision, quand j'habitais à Hyltendale. J'ai écouté la plupart de vos entretiens télévisés avec la reine Modesta. Pas seulement parce que vous êtes moschteinien, comme moi, mais aussi parce qu'à l'époque j'apprenais le mnarruc. Est-ce que vous avez le temps de prendre un verre avec moi et mon épouse ?

— Bien sûr. Votre épouse va nous rejoindre ?

« Julia est mon épouse, » dit Veon Lispiu en désignant du menton la gynoïde Julia.

Bouche bée, Hottod ne trouva rien à dire. Les humanoïdes sont des machines, et au Mnar aussi bien qu'au Moschtein, on n'épouse pas des machines, même si elles ont forme humaine.

« Allons nous asseoir, » dit l'homme d'affaires. « Je vais vous raconter comment ça s'est fait. Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de rencontrer le conseiller d'une reine... »

Hottod, Veon et Julia prirent place autour d'une petite table carrée, au fond du bar, sous une inscription latine que Hottod lut sans la comprendre :

PONE MERUM ET TALOS, PEREAT QUI CRASTINA CURAT

Spoiler:

Les Moschteiniens du Moyen-Âge aimaient écrire en latin, la langue internationale de l'époque. Du moins, la petite minorité qui savait écrire. Leur contribution à la littérature néo-latine se limite malheureusement à quelques chansons à boire et à une demi-douzaine de poèmes grivois.

« Vous êtes revenu chez nous, Monsieur  Wirdentász, à ce que je vois, » dit Veon.

— Oui. J'aime le Mnar, mais le Moschtein est ma patrie.

— Je vous comprend, moi c'est pareil... Vous avez eu l'air surpris quand je vous ai dit que Julia est mon épouse. Figurez-vous que le gouvernement moschteinien a eu peur que, puisque les humanoïdes sont des machines, certains affairistes décident d'en importer des millions, ce qui serait, vous en conviendrez, potentiellement dangereux pour la sécurité nationale.

— Je ne vous le fais pas dire...

— Alors, dans un premier temps, les humanoïdes ont été purement et simplement interdits d'entrée sur le territoire moschteinien, de même que l'on interdit l'importation d'armes de guerre. Et puis, beaucoup de gens influents ont fait valoir que c'était excessif. Parmi eux, il y avait des gens comme moi, qui s'étaient mis en ménage avec une gynoïde ou un androïde pendant leur séjour au Mnar. Un lobby robophile s'est constitué et a réussi à se faire entendre.

— La loi a donc fini par être adoucie ?

— Pas du tout, Monsieur Wirdentász. Le législateur n'a pas eu son mot à dire. C'est la Justice qui a tranché. La Cour Suprême, dans sa grande sagesse, a statué que les humanoïdes étaient des êtres humains. Parce qu'ils ressemblent à des humains, qu'ils parlent comme des humains, qu'ils sont intelligents comme des humains, et accessoirement parce qu'ils couchent avec des humains. La loi interdisant l'importation des humanoïdes a été annulée, comme contraire à la constitution.

— On peut toujours compter sur les juges pour montrer le bon chemin, mon vieil ami Mers Fengwel en sait quelque chose. Et les conséquences de cette décision intéressante ?

— Absolument énormes. Pour moi, en tout cas. Du jour au lendemain, les humanoïdes ont eu le droit d'entrer au Moschtein, à condition bien sûr de disposer d'un passeport. Ce que le gouvernement mnarésien, qui ne sait rien refuser aux cybersophontes, s'est empressé de leur accorder. Cela n'a pas été suivi d'une invasion d'humanoïdes vers le Moschtein, vous vous en doutez bien, parce que les autorités moschteiniennes attribuent au compte-goutte les visas aux Mnarésiens.

— C'est la sagesse même. Des millions de Mnarésiens ont fui le Mnar, pendant la guerre civile, et on ne peut pas dire qu'ils se soient toujours très bien comportés dans les pays qui leur ont accordé le statut de réfugié politique. Je pense notamment aux théocrates de Yog-Sothoth... Des fanatiques de la pire espèce...

— Monsieur Wirdentász, je vois que nous sommes du même avis ! Mais revenons à mon histoire personnelle. J'étais à Hyltendale, sans femme. J'ai loué une gynoïde, Julia, auprès de la société Rimohelf. Quand j'ai appris que le Moschtein considérait désormais les humanoïdes comme des humains, avec tout ce que cela implique, y compris le droit de se marier, j'ai décidé d'épouser Julia. Nous nous sommes mariés à Hyltendale, au consulat du Moschtein.

— Ça c'est bien passé ?

— Le consul tirait une tronche pas possible... J'ai dû le menacer de déposer plainte contre lui au pénal, pour abus de pouvoir et violation de mes droits humains ! Comme on était plusieurs dans la même situation, et qu'on avait les moyens de se payer les meilleurs avocats, il a cédé.

— Vous avez bien fait, Monsieur Lispiu. Les humains ont le droit de se marier, c'est une liberté fondamentale. Et si la Cour Suprême dit que les robots humanoïdes intelligents sont des êtres humains, les diplomates mnarésiens, qui oublient parfois qu'ils sont des fonctionnaires payés avec l'argent de nos impôts, doivent se soumettre, en faisant abstraction de leurs opinions personnelles. Mais comment a réagi la société Rimohelf, propriétaire de Julia ?

— Ils ont approuvé sans hésiter. Pensez donc, quand je serai six pieds sous terre, au terme d'une vie que je souhaite longue et heureuse, Julia héritera de mes biens, tout en étant toujours soumise à la société mnarésienne Rimohelf, à laquelle elle appartient.

— Et à qui elle appartiendra toujours, Monsieur Lispiu. Un robot, même humanoïde, même intelligent, reste un robot, c'est-à-dire une machine sans âme, programmée pour obéir à son propriétaire, qui se trouve, dans le cas de Julia, être la société Rimohelf, propriété d'un cyberlord. Vous êtes le maître de Julia, en vertu d'un contrat de location signé avec la société Rimohelf, mais vous ne serez jamais son propriétaire.

— Oui bien sûr. Mais déjà, en tant qu'épouse, Julia peut demander à avoir la nationalité moschteinienne, qu'il serait assez difficile de lui refuser. Elle pourrait dès maintenant passer son permis de conduire, acheter une voiture, des biens immobiliers...

— D'accord... Mais Julia est toujours mnarésienne ?

— Oui, elle ne peut pas demander tout de suite la nationalité moschteinienne, il faut être marié depuis plusieurs années. Mais elle porte déjà mon nom. Sur ses papiers, elle est Julia Lispiu.

— Ah... Si ce n'est pas trop indiscret... Vous avez présenté Julia à votre famille ?

— Oui. À mes parents, à ma sœur, à mes enfants et à mes amis. Ma sœur et mes amis lui ont fait bon accueil, mais mes parents l'ont pris aussi mal que le consul ! Mes enfants sont élevés par mon ancienne femme, ils sont encore jeunes, et elle les monte contre moi. Mais j'ai bon espoir, ils finiront par aimer Julia.

Le serveur arriva avec les boissons. Des Margaritas pour Hottod et Veon, un verre d'eau minérale pour Julia. Hottod et Veon parlèrent d'Hyltendale, des particularités de la vie dans cette ville où les robots humanoïdes forment le tiers de la population. Une demi-heure plus tard, ils se séparèrent, après avoir échangé leurs adresses mail, et en se promettant de se revoir.

Julia n'avait quasiment rien dit. Une gynoïde ne participe à la conversation que si son maître le lui demande...

Hottod sortit de l'hôtel. Dans le dédale des rues étroites du vieux centre, il se mit à la recherche d'un petit restau sympa, un de ces établissements sans prétention mais qui font partie du charme de la vie à Moschbourg.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyLun 30 Oct 2023 - 19:33

Vilko a écrit:
Il avait aussi loué une voiture, en leasing, pour faciliter ses déplacements.
Aha ! c'est vrai que je ne connais pas l'ampleur des moyens de transports en commun de l'agglomération moschbourgeoise (lignes de desserte et leur fréquence). La location longue durée peut s'avérer utile, du moins si l'hôtel meublé est mal desservi*.

*J'aurais imaginé "en grande banlieue", mais tu avais dit "dans un quartier (...) de Moschbourg" : c'est ben l'diab'si y a pas une ou deux lignes de (trolley°)bus dans l'coin...
°Le trolleybus est encore très populaire en Europe centrale (dont le Moschtein fait partie), en plus de ça, son empreinte carbone est à peu près nulle. Il a besoin de moins d'infrastructure que le tram. Certains trolleybus ont des batteries, ce qui est bien pratique s'y a des déviations pour travaux.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyLun 4 Déc 2023 - 21:51

HOTTOD, SOFIA ET MARINA

Au Moschtein, en milieu d'après-midi, dans le hall de l'aéroport de Moschbourg, Hottod attendait l'avion qui devait amener Sofia et leur fille Marina depuis les Îles Romanes. Assis sur un banc au milieu de la foule cosmopolite, bruissante de mille conversations en une vingtaine de langues différentes, il avait les yeux fixés sur le tableau annonçant les arrivées. L'avion de Sofia et Marina avait du retard.

Hottod réfléchissait à ce qu'il allait faire de sa vie. Il n'avait que vingt-sept ans, mais il était déjà assez riche pour vivre comme un nabab jusqu'à la fin de ses jours. Toutefois, ça ne lui plaisait pas du tout d'être un rentier, un mot qui a une connotation péjorative au Moschtein, où le travail est valorisé. Il préférait être chef d'entreprise. Peu importait que ses activités soient rentables ou non, puisqu'elles ne seraient qu'un passe-temps, une couverture sociale. Il décida que le plus simple était de faire de la spéculation immobilière. Acheter des logements pour les revendre ensuite. Le job lui laisserait du temps libre, l'amènerait à voyager dans le pays, et il n'aurait pas besoin d'embaucher beaucoup de personnel, la loi moschteinienne permettant la création de sociétés commerciales avec seulement deux personnes.

Pourquoi ne pas prendre Sofia comme associée ? C'était légalement possible, mais il y avait une difficulté. Sofia ne parlait pas le moschteinien. Même si elle avait commencé à l'apprendre, il lui faudrait des années pour parler couramment cette langue, très différente de son romanais natal, et même de l'anglais et du mnarruc qu'elle connaissait déjà.

Le tableau électronique indiqua que l'avion avait atterri. Le temps de récupérer ses bagages et de passer à la douane, il fallut encore une demi-heure à Sofia, son bébé dans les bras, pour rejoindre Hottod.

Marina, qui portait le nom de sa mère, Briccone, avait juste un an. En la voyant, pour la première fois, Hottod prit conscience de ses responsabilités nouvelles.

Sofia avait changé. Elle avait l'air plus mûre, mais aussi fatiguée et moins sûre d'elle-même. Il était visible qu'elle avait passé des temps difficiles depuis leur séparation, lorsqu'ils vivaient encore au Mnar. Elle portait un volumineux sac à dos rempli de tout ce dont un bébé à besoin : biberons, nourriture, couches, vêtements de rechange...

Hottod essaya de lui parler en moschteinien, mais Sofia ne parlait quasiment pas cette langue, juste quelques mots. Quant aux déclinaisons et à la conjugaison, assez complexes, elle n'arrivait tout simplement pas à les mémoriser.

Sofia lui dit en anglais : « De toute façon à notre époque, tout le monde parle anglais. »

— Pas au Moschtein, Sofia...

Dans le centre ville de Moschbourg, très touristique, l'anglais est parlé, plus ou moins bien, par à peu près tous les habitants qui sont obligés par leur profession de communiquer avec des étrangers. Dans le reste du pays, la proportion de Moschteiniens parlant couramment une langue autre que la leur est très faible, la plupart des gens oubliant rapidement ce qu'ils ont appris à l'école lorsqu'il n'en ont pas besoin au quotidien. Mais Sofia était intelligente et parlait déjà trois langues ; elle n'aurait sans doute pas de difficulté à en apprendre une quatrième.

« Dis donc, pour un millionnaire, tu as une voiture plutôt modeste... » dit Sofia en faisant la moue.

— Elle suffit à mes besoins. Je n'ai pas envie d'attirer l'attention avec une voiture de luxe. J'ai pris celle-ci en leasing, avec option d'achat.

Sofia fit encore plus la moue en voyant le petit appartement meublé où elle allait désormais habiter avec Hottod. Celui-ci se hâta de lui expliquer que c'était un arrangement provisoire, vu qu'il était parti de l'hôtel Borussia le matin même.

Ayant déjà cohabité avec Sofia pendant plusieurs années, Hottod savait qu'il fallait être franc avec elle. Documents à l'appui, il lui expliqua qu'elle était sa situation financière, et quels étaient ses projets.

— Tu possèdes deux cent millions de dollars ? Ben dis donc... C'est au moins cent fois tout le patrimoine de mes parents, immobilier et actions comprises ! Il faut toute une vie à un Romanais moyen pour gagner une fraction d'un million de dollars ! C'est incroyable...

Sofia n'en revenait pas. Le contraste entre l'énormité de la somme et la modestie de l'appartement où elle se trouvait, avec ses meubles neufs mais bon marché, la fit rire.

« On verra plus tard si on s'installe dans un hôtel particulier dans un quartier bourgeois de Moschbourg, ou dans une belle villa à la périphérie, » dit tranquillement Hottod. « Je vais d'abord créer une société... Je n'ai pas envie de l'appeler Wirdentász, la presse a déjà assez parlé de moi déjà, et pas en ma faveur, crois-moi. Et si je l'appelais Société Briccone ? »

— Tu veux m'impliquer dedans ?

— Pourquoi pas ? À deux, on crée une société. Je suis le président, tu es mon associée. Je t'aurais bien vue comme présidente, mais tu ne parles pas le moschteinien, ça ferait bizarre. Légalement, la moitié du capital t'appartiendra, donc ça te fera un filet de sécurité si jamais on se séparait ou si les Américains arrivent à me faire envoyer en taule. Je vais acheter une vieille baraque et la revendre aussitôt, même à perte, je m'en fous, j'ai les moyens. Mais au moins, comme ça, personne ne pourra dire que la société est fictive.  Ça te convient ?

— Plutôt, oui. Dis donc, je me suis renseignée sur Internet, j'ai appris que mon permis de conduire romanais est valable au Moschtein. Ta société... notre société... Elle pourra avoir une voiture de fonction, non ? C'est moi qui choisirai le modèle...

— Ma chérie, pour l'étudiante idéaliste que tu étais encore très récemment, tu as vite compris comment fonctionne le capitalisme.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 12 EmptyMar 5 Déc 2023 - 11:14

Quelle est la devise moschteinienne, d'jà ? Ce s'rait toujours mieux que d'compter en $, non ? Après tout, y sont sur le continent européen, même si le Moschtein n'est pas dans l'UE (tout comme la Suisse, en somme), je m'rappelle plus ce que nous en a dit PdT.

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