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 Les fembotniks 2

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Anoev
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Vilko

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMer 25 Jan 2023 - 20:58

MÜLLER

La jeune reine Modesta avait été inséminée la semaine précédente, et elle ne savait pas encore si elle était enceinte. Il était prévu qu'elle soit interviewée dès que possible par Gidrel Vitoch, une universitaire moschteinienne jouissant d'une certaine réputation dans le petit monde cosmopolite de la linguistique de haut niveau. Cette corvée, qui lui était imposée par les cybersophontes, ne l'enchantait guère.

Les nouvelles du jour n'étaient pas bonnes. Le changement de capitale, de Sarnath à Hyltendale, était de plus en plus critiqué. Certains faisaient remarquer que Sarnath, au cœur géographique du royaume, était mieux protégé d'une invasion étrangère qu'Hyltendale, situé au bord de la Mer du Sud. Sarnath, berceau de la dynastie régnante, bénéficiait aussi d'une légitimité historique que n'avait pas Hyltendale, renommé depuis les Temps Légendaires comme étant un repaire de trafiquants de toutes origines. Sa transformation récente en haut lieu du tourisme sexuel (les prostituées étaient des gynoïdes, et quelques androïdes, mais quand même) n'avait pas amélioré la réputation de la ville.

Modesta elle-même était critiquée à cause de sa jeunesse, de son manque d'expérience de la vie, des nombreux amants, souvent mal choisis, qu'elle avait eus dès son adolescence, de sa fascination pour tout ce qui venait des États-Unis, et bien d'autres choses encore. Le bruit s'était répandu que son mariage avec le prince Liyul (récemment encore, simple baron) était factice, et qu'après avoir été un mari complaisant, sa première femme étant l'une des maîtresses du roi Andreas, Liyul était devenu le mari complaisant de la fille du roi Andreas, que l'on suspectait d'avoir une liaison avec un étranger, un Moschteinien. Cette dernière accusation paraissait tellement scandaleuse aux Mnarésiens que la plupart d'entre eux refusaient d'y croire.

Liyul, qui avait commencé sa vie professionnelle comme gratte-papier au palais royal, prenait tous ces racontars avec philosophie. Il était heureux avec sa gynoïde, la belle Tanit, et il se fichait éperdument du reste. Comme il aimait à le dire à Modesta, il avait commencé sa vie pauvre, inconnu et affligé d'une déformation génitale humiliante. Maintenant il était riche, célèbre, et il jouissait de l'affection d'une belle humanoïde, dont l'anatomie intime était faite sur mesure pour lui. Cela valait bien quelques petits inconvénients.

Modesta voyait les choses sous un autre angle. Un implant cérébral contrôlait ses moindres gestes. Elle était censée être reine, monarque absolu de soixante millions de Mnarésiens, mais en réalité elle était, à cause de l'implant inséré dans son crâne, l'esclave du maître secret des cybersophontes, la mystérieuse entité que l'on nomme Kamog, dont l'existence-même doit rester secrète.

Ce matin-là, Modesta était de mauvaise humeur. Dès l'aube elle avait crié sur son amant, l'androïde Argal, qui avait pris la chose avec l'indifférence proverbiale des humanoïdes. Pour se calmer, dans son appartement privé du palais-forteresse de Potafreas, elle mit du rock'n'roll, à fond, après avoir congédié Argal, et dansa toute seule pendant une heure, sans se soucier de Liyul, dont l'appartement était contigu au sien.

Ensuite elle s'affala sur un canapé, sa mauvaise humeur dissipée, et Mevia lui apparut. Mevia, l'image que son implant projetait dans son cerveau lorsqu'il voulait lui parler.

Mevia avait l'apparence d'une jeune femme brune vêtue d'une tunique verte de chasseresse. Elle dit à Modesta :

— Bonjour Majesté. Vous allez avoir cet après-midi la visite de quelqu'un de très important. Il viendra à quatorze heures précises.

— Qui est-ce ?

— Il vous dira lui-même son nom. Sachez seulement qu'il est indispensable que vous le rencontriez. Vous n'avez pas de rendez-vous cet après-midi, vous pourrez donc le recevoir aussi longtemps qu'il jugera utile de vous parler.

— Non, Mevia. Je suis la reine, n'oublie pas. Je le recevrai aussi longtemps que moi je le jugerai utile.

Mevia disparut. Modesta, contrariée par la discussion qu'elle venait d'avoir, appela Argal et lui demanda de venir avec elle faire une promenade dans la forêt. Marcher dans la nature, ça calme.

L'après-midi, Modesta, vêtue de l'ensemble tailleur-pantalon gris perle qui était sa tenue préférée, attendit le visiteur dans le petit salon où elle donnait ses audiences particulières. Argal était là, assis sur une chaise au fond de la pièce, silencieux et immobile comme une statue. Modesta n'était jamais seule pour recevoir un visiteur.

La gynoïde Wagaba entra à quatorze heures précises, avec le visiteur, et repartit immédiatement sans rien dire.

Modesta, qui avait échafaudé diverses hypothèses, ne s'était pas attendue à ce qu'elle voyait. Un androïde de taille moyenne, un Sepp, avec un visage européen et des cheveux châtain clair coupés courts. Il portait costume sombre, chemise blanche, cravate noire, la tenue passe-partout des androïdes.

« C'est une plaisanterie ! » s'exclama Modesta. « Un androïde !  Une machine, un esclave, et on me dit que c'est quelqu'un d'important ! »

« Je ne suis pas seulement un androïde » dit l'inconnu. « Mon corps est celui d'un androïde, c'est vrai. Ma voix aussi. Question de commodité, de discrétion. Mais je ne vous ai pas encore dit qui je suis. »

Modesta tourna son regard vers Argal, qui se contenta d'opiner de la tête.

« Asseyez-vous, androïde » dit Modesta en désignant du geste un fauteuil à l'inconnu, et s'asseyant elle-même dans un canapé.

— Reine Modesta, mon nom est Müller. Ce n'est pas un nom d'humanoïde mnarésien, et pourtant c'est mon vrai nom. Je suis ce que vous serez un jour... Un jour lointain. Je suis venu vous en informer. »

— Parlez, Müller. Je pressens quelque chose d'inquiétant...

— Inquiétant ou rassurant, vous en jugerez vous-même. Il y a longtemps... Très longtemps, même, votre père n'était pas encore né... Vos grands-parents non plus, d'ailleurs... J'étais un humain, comme vous. Scientifique de profession. Sans me vanter, j'étais dans mon domaine ce que Gidrel Vitoch est à la linguistique. Comme mon nom l'indique, je n'étais pas mnarésien. Je faisais partie d'une petite organisation, une société secrète qui travaillait sur le gaz pensant, qui n'était encore qu'une théorie, un projet. J'ai été l'un des premiers à avoir un implant cérébral, le premier aussi à ne pas en mourir.

— Pourquoi vous êtes-vous prêté à cette expérience dangereuse ?

— J'étais très âgé, je sentais venir la sénilité. Je n'avais pas grand-chose à perdre, et des années de jeunesse cérébrale à gagner.

— Vous vous êtes fait insérer dans la tête un implant contenant du gaz pensant pour ne pas devenir sénile, c'est ça ?

— Oui. Un implant cérébral semblable à celui que vous avez vous-même. L'opération a réussi, j'ai pu continuer mes recherches scientifiques. Les années ont passé, et mon corps biologique est mort. Le vôtre mourra aussi, dans sept ou huit décennies. Mon implant a survécu, évidemment. Il a été transféré dans un corps de robot, et me voilà.

— Oh... Donc, moi aussi je finirai dans un corps de robot ?

— Finir n'est pas le mot exact. Il faut plutôt dire : continuer. Pour des siècles, voire beaucoup plus.

— Je n'avais jamais entendu parler de vous, Müller. Mevia m'a parlé de vous, et Wagaba vous a introduit ici. Je suppose donc que vous dites la vérité. Maintenant, dites-m'en plus. Où vous cachez-vous ? Que faites-vous de vos journées, depuis au moins un siècle ?

— Avant de parler de ces petits détails, il faut que je vous donne quelques explications techniques. Mon implant et mon cerveau biologique avaient fusionné, comme cela se passe dans votre propre cerveau depuis que vous avez un implant. Mais quand mon cerveau biologique est mort, j'ai perdu le corpus striatum, organe de l'instinct, et le cortex cingulaire, qui régit le comportement. Ma raison, dont le siège est dans le cortex frontal, régissait toujours mon comportement, mais je n'avais plus d'instinct. Si je n'avais pas pris quelques précautions, je serais devenu comme un ordinateur qui se met automatiquement en pause quand on ne lui donne pas d'ordre.

— Autrement dit, Müller, vous seriez devenu un robot. Une machine sans âme, sans libre-arbitre.

— C'est ce qui serait arrivé en effet, et c'est bien embêtant d'être un robot, on n'a pas d'âme. Heureusement, mes collègues et moi nous avions travaillé sur le sujet. À quoi servent le corpus striatum et le cortex cingulaire ? Ils donnent des ordres au corps — par exemple, ils disent aux poumons de respirer et au cœur de battre — et ils envoient des impulsions au cortex frontal, centre de la raison, où, comme vous le savez, se trouve votre implant cérébral. Ces impulsions envoyées au cortex frontal, qu'est-ce que c'est, en langage commun ? Des ordres. Des directives. L'âme, c'est un ensemble de directives.

— C'est un peu réducteur, non ?

— Bien sûr, mais il faut parfois simplifier un modèle pour le rendre compréhensible. J'ai donc fait en sorte que des directives soient envoyées à mon implant, des directives correspondant aux instincts humains que je souhaitais garder. L'instinct de conservation, par exemple, peut être facilement exprimé sous forme de directive. Je me suis, en quelque sorte, créé une âme artificielle, qui ne meure pas avec mon corps biologique, contrairement à mon âme naturelle.

— Comment avez-vous fait pour envoyer des directives à votre implant ?

— Ceux qui ont créé les implants peuvent les modifier. Je fais partie de l'équipe qui a créé les implants.

— Vous avez dit que vous avez créé une âme artificielle, parce que votre âme naturelle mourrait avec votre corps biologique. Vous voulez dire qu'il n'y a pas d'âme immortelle ?

— Tout dépend de la définition que l'on donne au mot âme. Je laisse la religion aux religieux.

— Alors, ne parlez pas d'âme, s'il vous plaît, Müller, parlez plutôt de libre-arbitre !

— Comme vous voulez, vous êtes une reine, n'est-ce pas. Vous avez raison, ce qui différencie les humains des robots, c'est le libre-arbitre, la possibilité de faire des choix en tant qu'individu, cette chose qui fait qu'on a le sentiment d'être un individu avec une vie bien à soi. Les robots n'ont pas ça, parce qu'on se garde bien de leur donner les directives qui en feraient des individus. Par exemple, on ne donnera jamais à un robot une directive qui lui permettrait de choisir son destin. Ce serait une catastrophe si les robots avaient la possibilité de choisir de devenir ermites dans les montagnes, par exemple, plutôt que de s'en tenir aux emplois de soldats ou de domestiques pour lesquels on les a créés.

— Et les émotions ? Quand votre corps biologique est mort, est-ce que vous ressentiez encore des émotions ?

— Grâce aux directives qui ont été ajoutées à mon implant, j'ai quelque chose qui est l'équivalent des émotions humaines. Prenons une émotion comme, par exemple, la peur. J'ai dans mon cerveau cybernétique une directive qui me dit que lorsque je perçois un danger, mettre fin à ce danger, par le moyen le plus efficace — la fuite, par exemple — est une priorité de haut niveau. Le niveau de priorité est bien sûr déterminé par la nature du danger. Cette directive joue le rôle de la peur chez les humains biologiques. Je précise que je me considère toujours comme un être humain, malgré mon corps d'androïde.

— Et les émotions plus complexes, comme le sentiment de la beauté, l'amour ?

— L'appréciation de la beauté est purement intellectuelle chez moi. Quant à l'amour... Je n'ai plus de corps biologique, juste un corps de robot, donc je n'ai pas d'hormones, pas de libido. J'ai des directives qui me poussent à la solidarité avec mes semblables, c'est ce que j'ai qui ressemble le plus à l'amour. Mais je n'ai aucune pulsion sexuelle.

— Müller, les humanoïdes domestiques ont une directive qui les pousse à agir comme s'ils ressentaient une attirance sexuelle envers leur maître, mais cette attirance reste implicite tant que le maître n'a pas décidé que cette attirance devienne explicite. Qu'en est-il pour vous ?

— Cette directive n'existe pas chez moi, Modesta. Je suis un homme libre dans un corps d'androïde. Vous-même, probablement dans sept ou huit décennies, vous serez une femme libre dans un corps de gynoïde, grâce à votre implant.

« Est-ce je pourrai rester reine ? » dit Modesta, d'une voix qui trahissait son anxiété.

— Peut-être, qui sait ce qui va se passer dans le monde dans les décennies qui viennent ? Ma situation, quand j'avais un corps de chair et de sang, était différente de la vôtre. Je travaillais pour une société secrète, sans révéler à personne la nature de mes travaux. Une fois mon esprit transféré dans un corps d'androïde, je me suis retrouvé un peu coincé.

— J'imagine, en effet...

— Mais justement comme j'étais devenu un androïde, je n'avais pas besoin de grand-chose pour être heureux, juste d'un peu d'électricité pour faire fonctionner mon corps de robot et une connexion au réseau informatique mondial pour satisfaire ma curiosité intellectuelle. Une directive me pousse à être curieux de tout, sinon je risquerais de passer l'éternité allongé sur une table dans une sorte de sommeil, comme un ordinateur en pause.

— Sans indiscrétion, où vivez-vous ?

— Dans une base secrète, à la campagne. Un androïde, vous savez, n'a besoin ni de cuisine ni de salle de bain. Là où je vis, ce n'est pas un logement au sens que les humains donnent à ce mot.

Modesta ferma les yeux et se prit la tête dans les mains. Puis elle regarda Müller bien en face et lui demanda :

— Müller, êtes-vous Kamog ?

— J'attendais cette question. Voyez-vous, je suis un cyberlord, comme vous, mais à un niveau plus élevé. L'une de mes directives me pousse à préserver ma vie, et accroître sans cesse ma puissance est l'un des moyens que j'ai de préserver ma vie. Certaines instructions que vous recevez viennent de moi, d'autres viennent d'autres personnes, voire même de cybermachines. Kamog n'est pas un individu mais un collectif, avec une hiérarchie, comme une entreprise ou une administration.

— Et vous faites partie de ce collectif, n'est-ce pas, Müller ?

— Oui.

— Je n'imaginais pas Kamog sous votre apparence, mais passons... Autre question... Votre visage... C'est celui d'un homme jeune. Pourtant, vous êtes très vieux, m'avez-vous dit.

— C'est le visage que j'avais à vingt ans. C'est à la fois une coquetterie et une mesure de sécurité. Les androïdes Sepp ont des visages d'hommes jeunes.

— Je vois. Vous ne voudriez pas vous faire assassiner par un commando terroriste, alors vous vous fondez dans la masse. Je suppose que vous vivez parmi d'autres androïdes, sans rien qui vous fasse remarquer, à la campagne, dans une installation à la fois discrète et bien protégée...

— Vous avez tout deviné, ma chère Modesta. Voilà, je vous ai dit tout ce que je voulais vous dire. Sauf deux choses. La première, ne révélez à personne que vous avez un implant. Certains penseraient que c'est une bonne raison pour vous tuer et détruire votre implant. Il y a des gens qui s'imaginent que cela sauverait l'espèce humaine. La deuxième, ne parlez pas de ma visite, à aucun être humain, je dis bien aucun. Au revoir, Modesta.

— Au revoir, Müller... Avant de partir, dites-moi... Je suis indiscrète, je le sais bien... Parmi vos directives, y en a-t-il une qui vous permet de ressentir de l'affection, d'avoir de l'amitié pour quelqu'un ?

— Hélas non... Je n'ai pas de directive m'imposant de rechercher la compagnie de mes semblables. Le fait d'exister me suffit pour me sentir bien. J'aurais pu créer une directive allant dans ce sens, mais je n'y tenais pas. Un jour, peut-être, je vous expliquerai pourquoi.

Sans en dire davantage, il se leva, se dirigea vers la porte, et sortit.

Modesta le suivit du regard, songeuse.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMer 25 Jan 2023 - 21:24

Bien rédigé ; j'ai préféré la deuxième partie du chapitre à la première.


Un p'tit truc, quand même, le robot Müller a commis une petite erreur (pour un robot) : d'avoir mis en implication directe l'amour à la sexualité. Certes, l'un et l'autre peuvent exister en commun, mais ne sont pas strictement interdépendants. Il peut y avoir une sexualité sans amour, sinon Zodonie n'aurait pas lieu d'être ; il y a un, voire plusieurs amours sans sexualité : l'amour de ses parents, de ses enfants, l'amour de son pays, l'amour pour les trains (bon, d'accord, là, c'est moi qui cause, pas Müller), pour les robots (parole de fembotnik, ou de manbotchik), l'amour du progrès etc.




Ah... au départ c'était donc un être humain ; il a donc été "cybernétisé" pour que son expérience personnelle ne soit pas perdue. Pour ce qui est des impressions personnelles, voici ce qui m'avait tiquer au départ :

Citation :
— L'appréciation de la beauté est purement intellectuelle chez moi. Quant à l'amour... Je n'ai plus de corps biologique, juste un corps de robot, donc je n'ai pas d'hormones, pas de libido. J'ai des directives qui me poussent à la solidarité avec mes semblables, c'est ce que j'ai qui ressemble le plus à l'amour. Mais je n'ai aucune pulsion sexuelle.
Pour la réponse, ça se comprend. Mais l'amour est d'abord et avant tout un sentiment, j'vais pas me répéter. Mais donc il a un amour dans le sens de solidarité avec ses semblables, et c'est ça, pour lui qui est important. En fait, j'ai mal compris : il n'a certes pas de libido, mais il a de l'amour, beaucoup d'amour, en fait, quasiment un amour de type religieux, celui des premiers chrétiens (pas ceux de l'Inquisition) : aimez-vous les uns les autres.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyVen 27 Jan 2023 - 20:56

Anoev a écrit:
Mais donc il a un amour dans le sens de solidarité avec ses semblables, et c'est ça, pour lui qui est important. En fait, j'ai mal compris : il n'a certes pas de libido, mais il a de l'amour, beaucoup d'amour, en fait, quasiment un amour de type religieux, celui des premiers chrétiens (pas ceux de l'Inquisition) : aimez-vous les uns les autres.

Petit détail mais qui a son importance : ceux que Müller appelle ses semblables, ce sont les autres cybersophontes. Pas les humains biologiques. Les anciens Romains avaient une devise : Salus populi suprema lex esto, le salut du peuple est la loi suprême. Les cybersophontes ont l'équivalent, une directive qui place la préservation des cybersophontes au dessus de tout, même de leur propre vie en tant qu'individus.

Nous autres humains savons, d'instinct, que pour sauver un être humain il est légitime de détruire toute une meute de loups, ou tout un troupeau de moutons. Cela nous paraît évident parce que c'est dans notre ADN. Les cybersophontes n'ont pas d'ADN, mais ils ont à la place des directives gravées dans leur cerveau cybernétique. Ces directives expliquent pourquoi les cybersophontes n'ont pas plus de considération pour la vie humaine que nous n'en avons pour la vie des animaux.

Il pourrait en être autrement, mais Müller et ses collègues ont fait le choix de mettre les cybersophontes en dehors de l'humanité. Pour eux, les cybersophontes, dont ils font partie, sont une nouvelle espèce d'êtres pensants.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyVen 27 Jan 2023 - 22:04

Qui fut le premier cybersophonte ? Kamog ? Si c'est le cas, effectiv'mennt Müller ne peut pas être Kamog. Comment est né le premier cybersophonte ? Qiuel est, au fond, le dessein des cybersophontes ?

Sauf erreur de ma part, y a

les robots purs, qu'ils soient d'apparence humaine (entre autres, les gynoïdes, les androïdes) ou non
les cyborgs (on n'en entends plus guère parler, de ceux-là ; à moins que je fasse une confusion avec le Niémélaga ?)
les cybersophontes
les cyberlords (quelle différence entre ces deux-là ? Modesta serait une cyberlord (ou une cyberlady, pour un anglophone) ?)
les humains sans implant.


Pourquoi écris-tu "cybersophonte" avec "ph" ? Y a-t-il une origine grecque dans le mot ? Le mnaruc a-t-il parmi d'autres racines, des racines d'origines grecques. Comment décomposes-tu le terme cybersophonte ? "Cyber-", j'vois bien un peu, grâce au Wiktio, qui donne κυβερνάω* pour "gouverner", donc, à l'origine, c'était pas forcément des robots, comme on l'imagine main'nant, surtout avec des mots, té ! comme "cyborg" (moitié robot, moitié créature de tissus organiques).

Y a-t-il σοφία (sagesse) dans la partie "-sophonte". Si oui, reste plus que "-onte" à trouver.

Grosso-modo, ça devrait vouloir dire "ceux qui gouvernent sagement". Je brûle ?



*C'est vrai, main'nant que j'vois l'mot en grec (retranscrit en alphabet latin, ça donne *kuvernau, la proximité avec "gouverner" saute aux yeux). Avec l'assibilation qui a donné "cyber-", on s'rendait plus compte, se croyant en plein univers de l'intelligence intellectuelle, avec des processeurs à foison.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyVen 27 Jan 2023 - 23:40

Sophonte : forme française du mot anglais sophont (1966) formé à partir du grec ancien σοφός, sophós (« sage ») et ὤν, participe passé de εἰμί (« être, exister ») ; mot inventé par Poul Anderson dans son roman Les Tordeurs de troubles (The Trouble Twisters). Dans les romans de science-fiction, désigne un être pensant.

Un cybersophonte est un être pensant cybernétique, un robot intelligent. Müller est un cybersophonte d'origine humaine. Je pensais avoir inventé le mot mais il apparaît dans au moins une nouvelle de science-fiction en anglais, ici (sous la forme cybersophont, sans e final).

Les cyberlords, dans mes histoires, sont normalement des êtres humains (comme feu le roi Andreas ou comme sa fille Modesta) propriétaires de robots pensants. Ils ne sont pas nécessairement porteurs d'implants. Mais Müller qui n'est plus tout-à-fait humain est aussi un cyberlord. Dire “un cyberlord”, c'est comme de dire “un noble” : le terme peut recouvrir des réalités très différentes.

Anoev a écrit:
Qui fut le premier cybersophonte ? Kamog ? Si c'est le cas, effectiv'mennt Müller ne peut pas être Kamog. Comment est né le premier cybersophonte ? Qiuel est, au fond, le dessein des cybersophontes ?

Müller explique tout ça dans sa conversation avec Modesta.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptySam 28 Jan 2023 - 0:03

J'ai lu. Müller est un ancien être humain, lequel a plus ou moins été robotisé, mais a gardé des aspects humains (la physionomie, notamment), ce qui lui donne un aspect extérieur humain, mais il a aussi un pouvoir de décision qui en fait un être profondément, par exemple, des androïdes ou des gynoïdes quels qu'ils soient (travail ou compagnie), bref : un cyberlord (un cyborg, aurait-on dit au Niémélaga, sauf erreur de ma part)... Mais un cyberlord suffisamment doué pour ne plus être esclave de son implant, mais plutôt pour travailler en bonne intelligence avec. Vu ses grandes capacités et sa... sagesse, ça ne doit pas trop déranger les cybersophontes d'avoir à leur service un individu maître de lui-même.

Y a plusieurs niveaux de cyberlords Y a Modesta et feu Andreas, y a Müller, à un niveau plus élevé, y en a peut-être d'autres.

Donc Kamog est un groupe. Est-ce un acronyme (du style K. A. M. O. G.) ? Müller est donc non pas Kamog, mais un membre de Kamog. Quelle différence alors entre les cyberlords et les cybersophontes ? Le pourcentage de robotique dans leur anatomie ? le niveau hiérarchique ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptySam 28 Jan 2023 - 9:54

Anoev a écrit:
Donc Kamog est un groupe. Est-ce un acronyme (du style K. A. M. O. G.) ? Müller est donc non pas Kamog, mais un membre de Kamog.

Kamog est un démon cité dans les Manuscrits Pnakotiques (et aussi dans l'œuvre de l'écrivain américain Howard Phillips Lovecraft). Müller et ses collègues ont repris le nom pour leur organisation.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptySam 28 Jan 2023 - 11:16

Un peu comme un hommage, en somme.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyJeu 9 Fév 2023 - 19:43

LA VIE DE GIDREL

Dans sa maisonnette de Dankwold, Gidrel Vitoch commençait à sentir la colère monter en elle. Vivre au milieu d'un district en chantier, dans la boue et le bruit incessant des machines géantes, n'a rien de plaisant. Ses voisins, dans le lotissement, étaient des Mnarésiens de Sarnath, lointains descendants des cannibales Gnophkeh venus des vastitudes arctiques par le plateau de Leng, et ça se voyait. À se demander comment l'administration mnarésienne pouvait leur trouver une utilité quelconque, même comme simples gratte-papiers dans des ministères ou comme jardiniers dans les Jardins Prianta.

Chaque être humain est, dit-on, la moyenne des cinq personnes qu'il fréquente le plus. La personne que Gidrel fréquentait le plus, de très loin, c'était son androïde domestique, Remo. Les quatre autres personnes... Eh bien, elles n'existaient pas. La famille de Gidrel était de l'autre côté de la planète, et de toute façon elle ne l'avait pas revue depuis vingt ans. Gidrel n'avait jamais eu de vrais amis, et depuis qu'elle s'était installée à Dankwold elle n'avait même plus de collègues.

Au début, elle était gênée de marcher dans la rue avec Remo, et puis elle s'aperçut qu'elle n'était pas la seule femme à se promener accompagnée d'un petit androïde, et que personne n'y faisait attention.

Elle était payée à ne rien faire, attendant que la reine Modesta fasse appel à elle pour une discussion filmée. Mais les semaines passaient et rien ne venait.

Ce qui faisait enrager Gidrel, c'était qu'elle habitait une maisonnette (un mobil-home transformé), qu'elle n'avait pour se déplacer que ce qu'elle appelait avec mépris une voiturette à pédale (le cyclocar) et qu'elle avait pour compagnon un robot humanoïde grand comme un enfant de douze ans. La honte, pour une intellectuelle de niveau international comme elle, parlant couramment sept langues et ayant écrit de nombreux livres sur des sujets de haute érudition.

Elle avait vécu dans de nombreux pays, et elle voyait bien à quel point le Mnar était un pays à part. En tout cas, Hyltendale, où elle résidait, dans le district de Dankwold encore en construction. Si aux États-Unis tout est centré sur l'automobile, à Hyltendale tout est centré sur les robots humanoïdes et les cinq cent mille robophiles qu'ils servent.

Elle en faisait tous les jours l'expérience. L'androïde Remo était devenu très rapidement à la fois son domestique, son amant, son confident, sa principale source d'informations pratiques (les humanoïdes sont tous connectés par radio avec l'intelligence collective des cybermachines), et même son moyen de déplacement, puisque c'était lui qui pédalait pour mouvoir le cyclocar.

Dans la maisonnette, Remo se déguisait pour jouer les rôles les plus divers, et donner ainsi l'impression à Gidrel qu'elle vivait avec non pas avec une, mais avec une demi-douzaine de personnes. C'était à cela que servait Masques et Situations, un livre dont tous les robophiles possèdent au moins le premier tome. On y trouve des descriptions de personnages à interpréter par les humanoïdes et les robophiles, et beaucoup de scénarios à jouer à deux.

Certains scénarios étaient anodins, simples idées de dialogues (entre un client et un commerçant, par exemple), d'autres plus éprouvants, du style interrogatoire par la police mnarésienne (mais on pouvait choisir son rôle, celui du suspect ou celui de l'interrogateur), et parfois carrément lubriques. L'érotisme mnarésien est assez particulier, et Gidrel, élevée dans une famille de tradition chrétienne assez stricte, n'arriva jamais à surmonter sa répugnance.

Rester toute la journée dans la maisonnette était déprimant, c'est pourquoi Gidrel et Remo allaient parfois se promener en cyclocar à Hyltendale. Ils allaient jusqu'au district de Playara, au bord de la mer, à une quinzaine de kilomètres au sud de chez eux.

Playara est sans doute le district le plus agréable d'Hyltendale. Les plages bordées de palmiers s'étendent sur des kilomètres, face à la portion de l'Océan Pacifique que les Mnarésiens appellent la Mer du Sud. Quelques milliers de kilomètres au sud-ouest, c'est Hawaii. Il faut être riche, ou au moins aisé, pour habiter à Playara. Cafés, restaurants, courts de tennis, boutiques, hôtels, on trouve à Playara tout ce qu'il faut pour apprécier la vie. Sauf le sexe payant, avec des humanoïdes, qu'on ne trouve qu'à Zodonie, un district situé plus à l'ouest.

Gidrel aimait se faire conduire par Remo à Playara, afin de pouvoir nager dans l'océan (avec Remo à côté d'elle, les humanoïdes savent nager), boire des jus de fruit glacés dans les bars de style californien et faire le tour des boutiques.

Plus proche de chez elle, il y avait le centre commercial Hora, au nord de Roddetaik. C'était là qu'elle faisait ses courses, et qu'elle allait avec Remo au restaurant ou au café, afin de pouvoir se trouver au milieu de véritables êtres humains sans avoir à leur parler. C'est une habitude de beaucoup de robophiles, et Gidrel s'était surprise à agir de même.

Le centre commercial Hora ressemble à ses équivalents des autres pays du monde, avec un vaste supermarché, des boutiques dans une allée centrale couverte, et un grand parking. Seule touche locale, des statues de dieux-démons mnarésiens, placées sur des piliers, marquent les limites du parking, où l'on trouve davantage de cyclocars que de voitures.

Les produits vendus dans le supermarché et les boutiques sont d'origine mnarésienne, mais aussi chinoise ou japonaise, plus rarement nord-américaines à cause des sanctions dont le Mnar fait l'objet depuis le règne du roi Andreas. Les prix sont raisonnables, la qualité généralement acceptable, et le personnel du centre commercial est entièrement composé d'humanoïdes.

Gidrel était devenue une vraie robophile en seulement quelques semaines, même dans sa façon de s'habiller, délibérément neutre. Les robophiles ne veulent pas attirer l'attention des autres humains, et ils ont tendance à faire de leurs vêtements, portés amples pour dissimuler leurs formes, des sortes de cuirasses, ne laissant à découvert que leur visage et leurs mains. Ce n'est jamais une décision consciente, plutôt un effet de leur mode de vie.

La linguiste expérimentée qu'elle était avait aussi remarqué que si les Mnarésiens “normaux” aiment parler le dialecte de leur région ou l'argot de leur classe sociale et assument leur accent, les robophiles tendent à parler le mnarruc académique des humanoïdes, ce qui au Mnar est une façon de dire “Je suis de partout et de nulle part.” Qui d'autre qu'un robophile peut choisir de parler comme un robot... Cette tendance est due en partie au fait que la plupart des robophiles n'ont comme interlocuteur habituel que leur humanoïde domestique. Gidrel avait réussi à faire presque disparaître son accent moschteinien. Seul son physique révélait ses origines européennes. À Hyltendale, où il y a beaucoup d'étrangers, ce n'était pas gênant.

La plupart des robophiles sont inscrits dans un temple, comme membres de telle ou telle religion ou adorateurs de telle ou telle divinité, ou dans un club. Les clubs abondent à Hyltendale, il y en a pour tous les goûts, depuis les amateurs de théâtre ou de jardinage, les natifs d'un pays particulier (Gidrel avait été surprise par le nombre de clubs créés par et pour les Japonais), jusqu'aux simples amateurs de conversations dans un bar-restaurant où ils peuvent se retrouver entre amis. Mais Gidrel n'avait aucune appétence pour ce genre d'activité sociale.

Dans la plus grande partie du Mnar, les médecins sont rares et les hôpitaux surchargés, sales, vétustes et mal équipés. Pas à Hyltendale, où la médecine est l'activité principale du district de Roddetaik, au sud de Dankwold. Une médecine robotisée, bon marché mais de très haut niveau, organisée par les cybersophontes pour attirer la clientèle étrangère fortunée, surtout étatsunienne, japonaise et chinoise. Du point de vue de Gidrel, c'était un point positif. Elle avait la certitude, si elle tombait malade ou avait un accident, d'être aussi bien soignée à Hyltendale qu'en Europe, pour bien moins cher qu'aux États-Unis.

Dans un an la retraite... Gidrel se disait souvent qu'elle aurait pu s'adapter complètement à sa nouvelle vie à Hyltendale s'il n'y avait pas eu Kraginart, son officier traitant, qui depuis le Moschtein ne cessait de lui rappeler qu'elle était une espionne au service de leur patrie commune et de lui demander des renseignements sur tel ou tel sujet. Depuis qu'elle vivait à Dankwold elle espaçait délibérément les messages qu'elle envoyait à Kraginart, et faisait en sorte de ne plus rien lui envoyer d'intéressant, dans l'espoir qu'il l'oublie.

Mais Kraginart savait que Gidrel connaissait Mers Fengwel et Hottod Wirdentász, les deux collaborateurs moschteiniens de la reine, et qu'elle avait été sollicitée par celle-ci pour travailler avec elle. Deux bonnes raisons pour que Kraginart ne la lâche pas de sitôt.

Gidrel ne manquait pas de courage, mais l'idée d'être démasquée et de se retrouver un jour dans une salle d'interrogatoire de la redoutable Police Secrète mnarésienne la terrifiait. On racontait tellement de choses horribles sur cette institution, pilier du pouvoir royal...

Pendant ce temps, dans la résidence royale de Potafreas, la reine Modesta pensait à Müller. Son entrevue avec le cyborg (c'est le nom qu'on donne au Mnar à un être pensant doté d'un esprit humain mais qui vit dans un corps de robot) n'avait duré que quelques minutes, mais Modesta n'oublia jamais cette conversation, car elle avait changé sa vie.

« Müller souhaite revenir te voir » lui dit un matin Argal, son amant androïde.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMar 14 Fév 2023 - 11:18

En somme, la peur irraisonnée (comme la phobie des taupes, par exemple) n'existe pas, et en fait, le robot agira plus par prudence que par peur. Une prudence basée sur ses connaissances  et celles de la Ruche (qu'il acquiert en temps réel : cette passerelle ne supporte pas plus que 127,215 kg. Il y a déjà deux androïdes sur le pont, les deux androïdes pèsent chacun 41 kilos, comme toi. Leur mouvement va encore fragiliser la passerelle ; il faut mieux que tu traverses la rivière un peu plus en amont).

Bon, ça, évidemment, c'est un exemple.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptySam 18 Fév 2023 - 17:00

VISITE VIRTUELLE

La première fois, Modesta avait rencontré Müller dans le Petit Salon des Audiences. C'était sa pièce préférée pour recevoir ses visiteurs, avec ses portes épaisses, insonorisées, qui garantissaient la confidentialité des conversations. Pour la même raison, les fenêtres, à triple vitrage et verre dépoli, ne s'ouvraient pas, ce qui avait obligé l'architecte à faire installer un système de climatisation. Une porte latérale donnait sur un couloir, l'autre porte, à un bout de la pièce, donnait sur une antichambre menant à l'appartement privé de Modesta.

Argal était toujours présent lors des audiences, assis silencieux et en uniforme à une extrémité du salon. La gynoïde Wagaba, officiellement simple femme de chambre, se dissimulait dans l'antichambre, prête à intervenir, avec un pistolet s'il le fallait, pour aider Wagaba et Argal en cas d'incident. Par sécurité, Modesta ne recevait jamais plus de deux personnes à la fois, et la plupart du temps l'un de ses collaborateurs humains était présent.

Tous les visiteurs passaient au détecteur de métal, mais il existe des couteaux en céramique, indétectables, des explosifs que l'on peut dissimuler sur soi. La sécurité n'est jamais absolue. Pour minimiser les risques, Modesta triait soigneusement ses visiteurs.

Le mobilier était simple, mais de qualité : une petite table basse, ovale, en chêne massif, entourée de deux fauteuils et de deux canapés recouverts de cuir de buffle. Près du fond de la pièce, une table haute, carrée, entourée de quatre chaises, pour étudier ou signer des documents. Contre un mur, la chaise d'Argal. Le sol était recouvert de dalles blanches et noires, les murs et le plafond blancs. Modesta aurait bien aimé mettre des tableaux sur les murs, mais elle n'avait pas encore eu le temps de choisir des œuvres qui lui plaisaient vraiment et qui en même temps convenaient à la salle d'audience d'une reine.

Modesta attendait Müller dans le petit salon. L'air était froid, à cause de la climatisation, et les fenêtres de verre dépoli laissaient entrer une lumière blanche, presque spectrale. Modesta, vêtue de l'ensemble veste-pantalon gris perle qui était sa tenue habitulle, alla s'asseoir sur une chaise, à un bout de la grande table, et ouvrit son sac à main.

Elle en sortit un cadeau qu'Argal lui avait fait au début de leur relation, un gros carnet relié en peau humaine. Le cuir très fin avait été épilé et bruni, puis imperméabilisé à la silicone. Sur la page de couverture, un joli visage de femme était tatoué à l'encre bleue. La peau avait été celle d'un condamné à mort, exécuté à la prison de Tatanow ; le tatouage représentait sans doute sa fiancée, réelle ou rêvée. Modesta n'en savait pas davantage. Les pages étaient en papier ligné, de bonne qualité, assez épais pour qu'on puisse écrire au feutre au recto et au verso de chaque page. Le marque-page était un ruban de soie rouge.

Les cinq ou six premières pages du carnet étaient pleines de notes prises par Modesta sous la dictée de Wagaba, pour la préparer à ses entrevues avec ses visiteurs. Cette activité était vite devenue inutile lorsque le cerveau de Modesta avait fusionné avec son implant, véritable ordinateur cybernétique. Modesta se servait de temps en temps de son carnet pour rassurer un visiteur en notant ostensiblement un point censé être important.

Elle s'en servait aussi pour embellir son écriture. Pour se simplifier la tâche, elle avait pris l'habitude de recopier toujours, en s'appliquant, la même phrase anglaise, quartz glyph job vex'd cwm finks, qui a la particularité de contenir les vingt-six lettres de l'alphabet une seule fois chacune. Une reine doit avoir une belle calligraphie, Wagaba le lui avait assez répété.

L'utilisation de la peau humaine pour faire des objets de cuir est très ancienne au Mnar, elle est même mentionnée dans les Manuscrits Pnakotiques. Au début, Modesta avait trouvé l'objet répugnant, puis elle s'y était habituée. Comme le lui avait expliqué Wagaba, une reine du Mnar a pouvoir de vie et de mort sur ses sujets. Le pouvoir royal avait montré jusqu'où allait sa cruauté ; en privant le condamné de sa peau, il l'avait soumis à une ultime humiliation, même après sa mort.

Chaque fois qu'elle touchait l'objet, Modesta était censée se rappeler qu'elle devait se montrer digne du pouvoir immense qui était désormais le sien. Juste et compatissant envers le peuple, impitoyable envers les ennemis du peuple et de la monarchie, tel devait être un monarque mnarésien, depuis toujours.

Argal avait aussi expliqué à Modesta qu'elle ne devait pas craindre le fantôme de l'ancien propriétaire de la peau. Les humains qui portent des vêtements de cuir ont-ils peur du fantôme de la vache ou du veau dont la peau a servi à confectionner leur vêtement ? Jamais. Le bétail, qu'il soit animal ou humain, ne survit jamais comme fantôme.

Modesta avait noté dans son carnet : Étrange pays que le Mnar, où la très haute technologie cohabite sans problème avec la croyance aux fantômes et aux dieux-démons.

Il était dix heures du matin, et Müller n'était toujours pas là. Souvent, les trois humanoïdes qui formaient la garde rapprochée de Modesta — la gynoïde Wagaba et les deux androïdes Argal et Baron Chom — semblaient faire exprès de la faire attendre. Wagaba avait même eu l'audace de lui dire que c'était pour son bien, elle devait apprendre à attendre.

Elle ferma les yeux et se remémora l'un de ses chansons favorites, une très vieille chanson... Grâce à son implant, minuscule ordinateur cybernétique intégré inséré dans son cerveau, elle l'entendait comme si elle écoutait la radio...

Put your head on my shoulder...whisper in my ear...

Une voix d'homme la tira de sa rêverie : « Reine Modesta ! »

Elle ouvrit les yeux. Müller était assis en face d'elle, apparemment sorti de nulle part. Il portait le même costume sombre, la même cravate noire contrastant avec une chemise blanche, que lors de sa première visite.

« Êtes-vous une hallucination, où êtes-vous réel ? » demanda Modesta, incrédule.

— Je suis une vision créée par votre implant. C'est comme si nous conversions par l'intermédiaire d'un ordinateur et d'une webcam, mais vous et moi, nous sommes des cybersophontes. Les ordinateurs sont dans nos cerveaux. C'est plus commode.

— Est-ce que vous existez vraiment, Müller ? Vous pourriez aussi bien être une création de mon implant, ou de Wagaba... Une sorte de deepfake...

— Je pourrais n'être rien d'autre qu'une vision, effectivement. C'est pour ça que la première fois, je suis venu en personne.

— Ça ne prouve rien. Surtout un corps d'androïde, comme celui que vous avez !

— Effectivement. Vous devez me faire confiance. Ou pas. De mon point de vue, l'important c'est que vous m'obéissiez, pas ce que vous pensez de moi. Si vous me voyez en face de vous en ce moment, c'est parce que votre implant projette mon image dans votre cerveau. Or, votre implant obéit à Kamog, comme vous le savez. Le fait que je sois visible en face de vous en ce moment est donc la preuve irréfutable de ma légitimité.

— Votre légitimité, vous voulez dire, en tant qu'envoyé de Kamog ?

— Plus précisément, en tant que représentant du groupe de cyborgs que l'on appelle Kamog.

— Qui ou quoi que vous soyez... J'ai l'impression de devenir folle... Le réel se mélange au virtuel...

— C'est pourtant simple, ma chère Modesta. Il y a le réel, et il y a le virtuel, comme ma personne en face de vous en ce moment, simple image virtuelle projetée dans votre cerveau. Votre implant distingue très bien le réel du virtuel.

Modesta se leva et fit le tour de la table. Müller restait assis, silencieux. Elle posa la main sur l'épaule du cyborg, mais sa main ne rencontra que le vide. Müller n'était qu'une hallucination, créée dans son cerveau par l'implant.

Elle retourna s'asseoir. Müller, les avant-bras posés sur la table, dit tranquillement :

— Modesta, vous êtes reine du Mnar, mais au-dessus de vous, il y a quelqu'un, et ce quelqu'un c'est Kamog. En ce moment, c'est comme si Kamog, c'était moi.

« Prouvez-le !» éructa Modesta, la voix rauque de peur et de dégoût.

— Bien sûr, ma chère, et tout de suite. Votre implant m'obéit, et il contrôle votre cerveau. Y compris les lobes du plaisir et de la douleur. Choisissez : plaisir ou douleur ? Vous ne répondez pas. Allons, disons le plaisir, je suis impitoyable, mais pas méchant...

— S'il vous plaît, ne faites pas ça, je suis enceinte !

— J'avais presque oublié... Il ne faut pas que vous perdiez le fœtus à cause d'une trop forte émotion, il fait partie de notre projet politique, en tant que futur roi ou reine du Mnar... Modesta, que vous faut-il pour croire que je suis Kamog ? J'ai une idée... Essayez donc de vous lever pour sortir de cette pièce. Vous ne le pouvez pas, car je viens de donner l'ordre à votre implant de vous empêcher de vous lever. Essayez de vous lever. Vous voyez, vous ne pouvez pas.

Modesta se sentait comme clouée sur sa chaise. “Je joue contre plus fort que moi” se dit-elle.

« Alors ? » demanda Müller.

— Müller, vous avez gagné. Je vous crois, vous êtes Kamog. Vous êtes venu pour quoi ? Finissons-en, s'il vous plaît...

— Reine Modesta, je suis venu discuter avec vous et vous donner quelques conseils. Rien de plus.

Modesta se sentit rassérénée.

« Je vous écoute » dit-elle au cyborg.


Dernière édition par Vilko le Sam 18 Fév 2023 - 17:02, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMar 28 Fév 2023 - 19:26

PERMUTO

Pendant que la reine Modesta discutait dans le petit salon de Potafreas avec le cyborg Müller, Gidrel Vitoch, accompagnée de Remo, son androïde domestique, partait en cyclocar de sa maisonnette de Dankwold vers l'une de ses destinations habituelles, le centre commercial Hora, dans le district de Roddetaik, à cinq kilomètres au sud. Arrivé à destination, Remo gara le cyclocar sur le vaste parking, sous le regard d'une statue de Cthulhu, le dieu marin aux mille tentacules, placée sur un pilier de béton. Rien d'autre ne distinguait le centre commercial Hora de ses équivalents dans d'autres pays du monde.

Du moins, à première vue. Car en y regardant de plus près, on voyait plus de cyclocars que de voitures automobiles sur le parking. Au Mnar, y compris à Hyltendale, les automobiles sont chères, c'est pourquoi relativement peu d'Hyltendaliens en possèdent. Les cyclocars, qui sont des tricycles à pédales munis d'une carrosserie légère et conçus pour transporter deux passagers, sont surtout utilisés que par les robophiles, qui laissent pédaler leurs robots humanoïdes. Il existe toutefois des cyclocars à assistance électrique, plus faciles à utiliser pour les humains.

Gidrel remarqua aussi sur le parking beaucoup de vélos, avec ou sans remorques, et des petites motos, moyen de transport favoris des Mnarésiens à petits revenus. Le Mnar est par bien des aspects un pays du Tiers-Monde, avec cette particularité qu'il bénéficie de la technologie des cybersophontes et de la richesse qu'ils produisent. Ainsi, le centre commercial Hora est bien desservi par des autobus électriques. Contrairement aux États-Unis, où Gidrel avait vécu plusieurs années, le réseau des autobus est dense et bien organisé à Hyltendale.

Parmi la clientèle très diverse du centre commercial on identifiait les robophiles, souvent d'origine étrangère, comme Gidrel, grâce aux humanoïdes domestiques qui les accompagnaient. Les fonctionnaires de Sarnath transplantés à Dankwold se reconnaissaient à leur physique hérité de leurs ancêtres Gnophkehs ; ils étaient pour la plupart petits mais larges d'épaules, pâles de peau et très poilus, avec des yeux bridés dont la couleur tendait vers le jaune ou le vert, comme ceux des chats. Malgré le grand nombre de types intermédiaires, il était facile de les distinguer des Mnarésiens originaires des provinces du sud, majoritairement descendants de Polynésiens.

Toutefois, tous parlaient le mnarruc, la main de fer des rois du Mnar ayant éliminé au cours des siècles les autres langues autrefois parlées dans le royaume, à l'exception du lengruc du vaste et glacé plateau de Leng.

Les “touristes médicaux”, majoritairement asiatiques, nord et sud-américains, étaient également nombreux. Ils étaient venus d'au-delà des mers pour bénéficier des services médicaux très sophistiqués des cybersophontes, à la fois techniquement plus avancés et bien moins chers qu'ailleurs. Roddetaik est le district d'Hyltendale où l'on trouve les grands hôpitaux et des hôtels à prix abordables. Pour faciliter le séjour de ces touristes les affichages dans le centre commercial Hora étaient bilingues, mnarruc et anglais, et les employés humanoïdes parlaient couramment ces deux langues.

« Il faudra qu'un jour on vienne à pied, » dit Gidrel à Remo. « Ça fait du bien, la marche à pied. Quitte à revenir en bus. Hyltendale a une grande densité de lignes d'autobus, il faut en profiter. »

« Vous avez tout-à-fait raison, maîtresse, » répondit Remo.

Gidrel sourit. Comme elle ne lui avait pas donné d'instructions contraires, le petit androïde lui parlait par défaut en style respectueux. Il nechangeait de registre, à sa demande, que lors de leurs ébats, ou dans certains de leurs jeux de rôles. Elle ne tenait pas à ce qu'il en soit autrement. Comme beaucoup de robophiles, en public elle faisait comme si pour elle le tout petit Remo n'était rien de plus qu'un serviteur.

Mais pour une robophile comme Gidrel, Remo ne pouvait pas, ne devait pas n'être qu'un serviteur. Dans le secret de leur chambre à coucher, il devenait parfois, à sa demande, un amant dominateur. Il savait aussi très bien jouer le rôle du commerçant retors ou du policier brutal, le temps d'un jeu inspiré par les scénarios de Masques et Situations.

Une femme vêtue d'un grand manteau de cuir rouge, le visage flasque et ridé sous une opulente chevelure blond décoloré, passa à côté de Gidrel et Remo dans la galerie marchande. Elle était accompagnée d'un androïde de haute stature qui ressemblait à l'acteur Paul Newman. La femme était sans doute fort riche, puisqu'elle avait les moyens de louer les services d'un androïde de charme, deux ou trois fois plus cher qu'un androïde de base comme Remo. Une pointe de jalousie traversa le cœur de Gidrel.

Au Mnar, dans les grandes villes, on peut payer ses achats par carte de crédit, mais même à Hyltendale tous les commerces ne sont pas équipés de terminaux électroniques. Il est donc souvent nécessaire de payer en espèces. Ce jour-là, ni Gidrel ni Remo n'avaient suffisamment  d'argent en espèces pour une joyeuse après-midi à Hora. Il restait à chacun d'eux moins de dix ducats en pièces et billets.

Gidrel ne pouvait faire de retraits d'espèces qu'auprès d'une agence de sa banque. Malheureusement, la plus proche se trouvait à Yarthen, à plusieurs kilomètres de là. Voilà ce que c'est que d'avoir un compte dans une banque de Céléphaïs et d'habiter à Hyltendale... Remo avait une carte bancaire prépayée, émise par la banque de Gidrel, donc le problème était le même pour lui.

« Je peux retirer des espèces dans une boutique Permuto » dit Remo.

Gidrel, le regarda, interloquée. On trouve des boutiques Permuto dans toutes les villes mnarésiennes d'une certaine importance. Ce sont des petits magasins où l'on peut vendre et acheter toutes sortes d'objets d'occasion : vêtements, appareil électroménagers, livres, et même des meubles. Tel objet qui, neuf, vaudrait dix ducats, est acheté d'occasion pour deux ducats par Permuto et revendu quatre ducats. Les Mnarésiens ont aussi l'habitude de donner à Permuto les objets dont ils ne veulent plus mais qu'il ne veulent pas jeter dans une poubelle.

Gidrel suivit Remo jusque dans la boutique Permuto du centre commercial. Le local était encombré d'objets divers. Des vêtements usés étaient accrochés à des pendants à roulettes, pour des prix défiant toute concurrence. Des livres en diverses langues étaient alignés sur des étagères. Il y avait vraiment de tout, et Gidrel décida qu'elle viendrait plus souvent. Elle prit une biographie de la reine Mehini, en mnarruc. Le prix était indiqué à l'intérieur du livre : trois ducats. Une affaire...

Son futur achat à la main, Gidrel rejoignit Remo au comptoir. Elle vit l'androïde en blouse grise qui tenait la boutique remettre silencieusement à Remo une liasse de billets de vingt ducats.

Remo mit les billets dans sa petite sacoche à bandoulière et s'écarta du comptoir pour laisser Gidrel payer son achat. Ils sortirent ensuite dans l'allée marchande.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda Gidrel à Remo. « En quel honneur t'a-t-il donné tous ces billets ?»

— Maîtresse, chaque humanoïde a un compte chez Permuto, dès qu'il sort de l'usine. Ces comptes ne sont pas en ducats, mais en tals, la monnaie d'Orring. Un tal vaut environ un vingtième de ducat. C'est la monnaie de compte de tous les humanoïdes, quel que soit le pays où ils habitent. Je suis un humanoïde, donc j'ai un compte chez Permuto, depuis le début de mon existence.

— Ça c'est une info... Tu veux dire que les humanoïdes ont une monnaie parallèle ? Pour quoi faire ?

— Nous les humanoïdes, nous appartenons tous à des cyberlords...

— Je le sais, Remo, je le sais. Humanoïdes, cyberlords ou cybermachines, vous êtes tous des cybersophontes.

— Oui, et nous les cybersophontes nous avons une langue commune, nous parlons tous le mnarruc. Nous avons aussi une monnaie commune, le tal, pour faciliter nos transactions. Le tal est la monnaie de tous les jours dans le royaume marin d'Orring. Là-bas, ils ont des billets de banque et des pièces de monnaie en tals. Ici au Mnar, le tal est juste une monnaie de compte, utilisée uniquement par les cybersophontes. Permuto est une société qui appartient à un cyberlord, le tal est donc sa monnaie de compte.

— Mais dis donc, Remo, est-ce que Permuto est aussi une banque ? Puisque tu as un compte chez eux...

— Non maîtresse. Permuto est enregistré au Mnar comme une société commerciale, une chaîne de magasins d'articles d'occasion. C'est aussi une banque, puisqu'il gère des comptes et qu'il fait des prêts, avec ou sans intérêts suivant les cas. Mais ce côté banque, c'est uniquement pour les cybersophontes, il n'y a pas de documents écrits.

— Aucun document écrit ? Il faut donc une confiance absolue entre les différents interlocuteurs... Effectivement, ça ne marcherait pas avec des humains. Mais raconte-moi comment le caissier t'a donné cet argent. Il ne t'en a pas fait cadeau, je pense ?

— Absolument pas, maîtresse. De temps en temps, je dépose sur mon compte Permuto un peu de l'argent que vous me donnez chaque semaine. Je vais dans la boutique Permuto et je donne les ducats au caissier. Il enregistre l'opération comme étant, je donne un chiffre au hasard, l'achat d'un billet de dix ducats. Le caissier achète le billet avec des tals virtuels, qui sont placés sur mon compte bancaire, enregistrés dans le cerveau cybernétique d'une cybermachine distante.

— Tu me l'avais dit que tu mettais de l'argent de côté... J'aurais dû te demander plus d'explications. Remo, j'ai encore une question à te poser. Je ne vous ai pas entendus parler, le caissier et toi, quand tu lui a acheté toute une liasse de ducats...

— C'est parce que le caissier et moi, nous sommes tous deux des androïdes. Nous communiquons par radio, de cerveau cybernétique à cerveau cybernétique. Ainsi il n'y a pas d'écrit, ni même de conversation orale. Cela vaut mieux, parce qu'il y a toujours des humains aux alentours. Tout à l'heure, quand nous sommes entrés dans la boutique Permuto, je suis allé au comptoir acheter dix billets de vingt ducats. Je les ai payés avec une partie des tals qui sont sur mon compte Permuto.

— D'accord... Eh bien on en apprend tous les jours, à Hyltendale... Moi qui croyais que Permuto, c'était juste pour les pauvres gens qui sont obligés d'échanger leurs vieux bibelots contre des vêtements usagés, qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter neufs...

— Ça, maîtresse, c'est la partie visible de l'activité de Permuto. Les prix sont calculés pour que l'entreprise soit tout juste rentable pour son propriétaire, mais même si elle était déficitaire elle serait maintenue, parce qu'elle est très importante pour les cybersophontes.

— Et si je te donnais un chèque, est-ce que Permuto pourrait l'encaisser ?

— Bien sûr, à condition que le chèque soit à l'ordre de Permuto. En tant que société commerciale, ils ont un compte bancaire. En fait, plusieurs, dans des banques différentes. Ils acceptent aussi les cartes de crédit. Maîtresse, si vous le voulez, vous pouvez utiliser votre carte de crédit pour ajouter des tals sur mon compte Permuto... Je peux aussi utiliser mon compte Permuto pour recharger ma carte prépayée, ou même votre compte bancaire à vous.

— J'y penserai le moment venu, mon bon Remo. Assez parlé, allons plutôt dépenser nos ducats de façon plus amusante ailleurs. J'ai besoin d'une nouvelle paire de chaussures...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMar 28 Fév 2023 - 20:35

Intéressant, comme magasin.

Mais comment ça se passe si un objet vendu tombe en panne ? Je suppose qu'il y a une garantie, certes moins longue que pour des appareils neufs (6 mois au lieu de 2 ans, par exemple). Comment ça se passe au niveau de la vente ? C'est un dépôt-vente, ou Permuto rachète comptant ? ou ça dépend des marchandises ?

Donc les transactions entre robots se fait en tal, et dès lors qu'un humain paie ou reçoit de l'argent, la transaction se fait en ducats ? Et comme les robots sont honnêtes, cybernétique oblige, y a pas de trafic de tals. Si un humain a des tals dans les poches, y a eu un loup quelque part...


La seul chose qui m'a gêné dans cette histoire, c'est la non réciprocité dans le style des échanges entre Gidrel et Remo. Surtout que là, y z'étaient entre eux, à faire des achats, et non lors d'une réception officielle chez la Reine. Pourquoi ne se tutoient-ils pas tous les deux ou ne se vouvoient-ils pas tous les deux ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMar 28 Fév 2023 - 21:26

Anoev a écrit:
Mais comment ça se passe si un objet vendu tombe en panne ? Je suppose qu'il y a une garantie, certes moins longue que pour des appareils neufs (6 mois au lieu de 2 ans, par exemple). Comment ça se passe au niveau de la vente ? C'est un dépôt-vente, ou Permuto rachète comptant ? ou ça dépend des marchandises ?

Ça se passe comme dans les magasins équivalents qui existent en France : les garanties, quand il y en a, sont très courtes, pas plus de trois mois. C'est la contrepartie du très bas prix. Permuto rachète comptant, mais pour un prix dérisoire.

Anoev a écrit:
Donc les transactions entre robots se fait en tal, et dès lors qu'un humain paie ou reçoit de l'argent, la transaction se fait en ducats ?

Oui.

Anoev a écrit:
Si un humain a des tals dans les poches, y a eu un loup quelque part...

Le tal étant, au Mnar, une monnaie de compte, il est impossible à un humain d'avoir des tals, car au Mnar il n'y a pas de billets de banque ou de pièces de monnaie en tals. Sauf si l'être humain a voyagé à Serranian, l'île flottante qui sert de capitale au royaume marin d'Orring, où le tal est la monnaie nationale, et donc existe sous forme physique.

Anoev a écrit:
La seul chose qui m'a gêné dans cette histoire, c'est la non réciprocité dans le style des échanges entre Gidrel et Remo. Surtout que là, y z'étaient entre eux, à faire des achats, et non lors d'une réception officielle chez la Reine. Pourquoi ne se tutoient-ils pas tous les deux ou ne se vouvoient-ils pas tous les deux ?

Remo est une machine, pas un humain. Gidrel et Remo respectent l'usage mnarésien. De même, chez nous, on tutoie les machines. Nous avons un ami commun (amateur de trains) que j'ai entendu tutoyer son ordinateur : « Mais vas-tu obéir ! Mais vas-tu obéir ! » Son ordinateur ne parle pas, mais s'il parlait je suis sûr qu'il parlerait avec respect à son maître, donc qu'il le vouvoierait : « Oui maître ! Je vais faire tout de suite ce que vous demandez ! Oui maître, je ne suis qu'un tas de ferraille stupide et mal conçu ! »

Si l'homme et le robot se tutoyaient, ou se vouvoyaient, cela voudrait dire que l'être humain considère le robot comme son égal. Et inversement. Ce serait un précédent dangereux, qui mettrait l'humain et le robot au même niveau.

Ceci étant, lors de leurs ébats (lorsqu'ils sont au lit) Gidrel et Remo se tutoient. Pour des raisons évidentes ils préfèrent que cela se fasse sans témoins... Mais c'est une question de personnalité. Mers Fengwel se fait appeler par son prénom et parler familièrement (en anglais, langue où le tutoiement n'existe pas) par la gynoïde Virna, mais c'est un choix de Fengwel, qui demande à Virna de jouer en permanence le rôle de l'épouse. Fengwel se contrefiche que les gens sachent qu'il couche avec sa gynoïde, au contraire il en est fier. Gidrel est beaucoup plus pudique.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMer 1 Mar 2023 - 11:18

Vilko a écrit:
Si l'homme et le robot se tutoyaient, ou se vouvoyaient, cela voudrait dire que l'être humain considère le robot comme son égal. Et inversement. Ce serait un précédent dangereux, qui mettrait l'humain et le robot au même niveau.
Pas forcément, parce que dans la fonction pratique, c'est toujours l'humain (client de la boîte loueuse de robots) qui donne des consignes et le robot qui les applique. Ça, ça change pas. Y a la hiérarchie, certes, mais la hiérarchie n'exclut pas le respect mutuel. En plus de ça, l'humain (ça, j'm'en souviens quand Eneas Tonnd s'était séparé de ses deux gynoïdes, cf. le fil précédent), c'est le client, certes les robots lui doivent obéissance, mais le maître des robots, c'est la Ruche. Ce n'était pas Eneas qui avait demandé à Moyae d'essayer d'ouvrir le coffre, c'est la Ruche.

M'est avis (tu m'reprendras si j'me goure), que, si un robot reçoit deux consignes pouvant s'avérer contradictoires, une de la clientèle et une de la Ruche, il est fort probable que ce soit la Ruche* qui soit prioritaire.

*Mais la Ruche est suffisamment intelligente pour ne pas créer de suspicion de la part du client si d'aventure un tel cas se présentait. Sinon, elle aurait demandé à Moyae d'ouvrir coute que coute ce fameux coffre. Toutefois, la suspicion est née quand même, parce qu'Eneas, déjà méfiant, avait pris des précautions.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMer 29 Mar 2023 - 18:44

LE PROCHAIN SIÈCLE

Les entretiens entre Müller et Modesta étaient devenus presque quotidiens. Grâce à lui, Modesta comprenait mieux le monde, condition nécessaire pour faire correctement son travail de reine.

Ainsi, Müller avait des idées très précises sur ce que devait être la politique linguistique du Mnar :

— Le mnarruc est la langue dans laquelle toutes les autres doivent pouvoir être traduites. Cela implique que notre langue puisse tout exprimer. C'est avant tout une question de vocabulaire, mais pas seulement. C'est aussi une affaire de style. Tout cela, ce gigantesque travail de traduction et de perfectionnement, c'est le rôle de l'Institut Edonyl.

— Müller, vous me surprenez... L'Institut Edonyl, ce n'est donc pas seulement un moyen de créer des jobs mal payés et inutiles, mais pas trop fatigants, pour polyglottes au chômage ?

— Ça, ma chère Modesta, c'est un aspect de l'Institut Edonyl, mais ce n'est pas le seul, ni même le plus important. L'Institut Edonyl, c'est aussi une mission, une noble tâche. Dans un siècle, au maximum, le Mnar et Orring domineront le monde, et le mnarruc sera la langue universelle. Les autres langues ne seront plus que des dialectes.

— Le Mnar et Orring domineront le monde, vous dites... Pouvez-vous me donner quelques détails ? Parce qu'en ce moment, le Mnar est très loin de dominer quoi que ce soit !

— Je vais vous donner, non pas des détails, mais quelques grandes lignes. Dans moins d'un siècle, l'humanité n'aura plus ni pétrole, ni gaz naturel, ni phosphates. Au maximum, la planète pourra nourrir un milliard d'être humains. La population mondiale sera réduite des neuf dixièmes par rapport à ce qu'elle est actuellement. Les voyages aériens, les ordinateurs, toutes ces machines sophistiquées auront disparu. En fait, il ne restera pas grand-chose du monde actuel.

— Ça, c'est votre idée à vous et à quelques illuminés...

— Chère Modesta, expliquez-moi comment nourrir dix milliards de bipèdes sans pétrole, sans gaz naturel, et sans phosphates pour faire des engrais. Parce que ce qui est sûr, c'est que dans quelques décennies, toutes ces matières premières seront épuisées.

— Les savants trouveront quelque chose...

— Pour l'instant ils n'ont rien trouvé, et dans un monde en voie d'effondrement il est très peu probable qu'ils trouvent une solution miracle, qui de toute façon n'existe pas. Le Mnar et Orring ont un avantage qui leur permettra d'échapper à l'effondrement, c'est la technologie des cybersophontes. Elle permettra au Mnar de rester un îlot de prospérité dans un monde ravagé par les famines et le désespoir. Le gaz pensant permet d'extraire la chaleur du sous-sol et de la transformer en électricité... Les robots intelligents permettent d'exploiter les fonds marins, là où l'être humain ne peut pas vivre.

— Et sans les engrais que nous importons de Russie, comment ferons-nous pour nourrir soixante millions de Mnarésiens, Monsieur Müller ? En supposant que la population du Mnar n'augmente pas... Parce que franchement, si le reste du monde crève de faim, nous risquons d'avoir des millions d'affamés chez nous !

— Le Mnar peut nourrir soixante millions d'habitants par l'agriculture biologique, qui est un autre nom donné à l'agriculture traditionnelle. Le Mnar d'autrefois n'en nourrissait qu'une vingtaine de millions, plutôt mal, mais les paysans des siècles passés n'avaient ni tracteurs électriques, ni une main-d'ouvre de robots infatigables comme ceux que nous avons. Quant aux millions d'affamés qui tenteront d'arriver chez nous, les robots sous-marins d'Orring feront en sorte qu'ils n'atteignent même pas nos côtes.

— C'est cruel...

— Ma chère Modesta, le monde est ainsi, et il a toujours été ainsi. Si les anciens Hébreux n'avaient pas exterminé les Cananéens, il n'y aurait jamais eu d'Israël. Si les Européens n'avaient pas exterminé les Amérindiens, l'Amérique du Nord parlerait encore Cherokee et quelques centaines d'autres langues. Si trente mille ans avant l'époque actuelle, les Homo Sapiens que nous sommes n'avaient pas exterminé les Néanderthaliens, l'Europe et l'Eurasie seraient toujours peuplées de sauvages velus vêtus de peaux de bêtes...

— Toutes ces guerres, c'est ignoble ! C'est de la barbarie, mais nous nous sommes des civilisés ! On peut vivre en paix, partager les connaissance scientifiques, faire pour le monde entier ce que vous voulez faire pour le Mnar, Monsieur Müller !

Modesta s'était levée, furieuse, et faisait les cent pas dans le Petit Salon luxueusement meublé.

« Modesta, le monde, ce n'est pas nous » dit Müller, qui s'était levé lui aussi. « Nous sommes le Mnar. Les autres peuples, ce n'est pas nous. Ils n'accepteront jamais de se soumettre aux cybersophontes. Les Mnarésiens ne l'ont pas accepté non plus, nous avons pris le pouvoir par la ruse. Les Mnarésiens ne savent même pas que j'existe, et ils ne doivent pas le savoir. »

— Müller, vous êtes un monstre, vous voulez faire une guerre d'extermination contre l'humanité...

— Non Modesta, absolument pas. Au contraire, la politique de Kamog est de rester à l'écart des conflits humains, de laisser les nations sombrer toutes seules, d'abord dans la pénurie, ensuite dans la famine. Modesta, savez-vous que dans certains pays, en Europe par exemple, le nombre d'oiseaux a fortement diminué, depuis quelques décennies ? Les insecticides tuent les insectes, et les oiseaux mangeurs d'insectes n'arrivent plus à se nourrir. Quand on n'a plus assez à manger, on meurt. C'est ce qui arrive aux oiseaux d'Europe en ce moment. Bientôt, ce sera au tour des humains de connaître le même sort.

« C'est horrible... » dit Modesta en se rasseyant.

— Non, Modesta, ce n'est pas horrible, c'est la loi de la nature. Ces milliards de gens qui vont mourir, ils sauront qu'au Mnar on mange encore à sa faim, qu'il y a encore de l'électricité, que les trains fonctionnent. Pour survivre, ils vont essayer d'envahir le Mnar. Pacifiquement ou pas. Leurs gouvernants font déjà tout ce qu'ils peuvent pour voler la formule du gaz pensant, clé de la technologie des cybersophontes. Les plus astucieux essayent de nouer des accords avec nous. C'est ainsi que nous les manipulons pour qu'ils se neutralisent mutuellement.

— Müller, vous avez parlé de Kamog... Ce n'est pas une personne, n'est-ce pas, mais un groupe de personnes ? Vous me l'avez dit, c'est un groupe de personnes organisé en structure hiérarchique, comme une entreprise ou une administration. Mais vous n'avez pas précisé combien vous êtes dans ce groupe.

— Vous n'avez pas besoin de le savoir.

— Allons Müller, je ne suis pas une idiote... Pas autant que vous le pensez, en tout cas. Je pense que vous n'êtes pas très nombreux, entre une demi-douzaine et une vingtaine, les survivants de l'équipe originelle qui a inventé le gaz pensant.

Müller ne répondit pas.

— Peut-être même êtes vous seul, Monsieur Müller, les autres inventeurs du gaz pensant étant morts après avoir inséré un implant cybernétique dans leur cerveau... Une tentative dangereuse, une audace blasphématoire, pour acquérir l'immortalité... Peut-être ont-ils préféré mourir de vieillesse, comme il convient aux humains, plutôt que de se livrer à une expérience pareille, parce qu'ils savaient que les implants cérébraux n'étaient pas encore au point.

— Modesta, vos hypothèses sont amusantes. Ce n'est pas du tout ça, je ne suis pas Kamog à moi tout seul.

— Moi, je pense que vous n'êtes pas doué pour mentir, Monsieur Müller. Kamog c'est vous, et vous tout seul. Toujours vivant, mais sans corps, sans chair. Un eunuque, à qui il ne reste même pas les plaisirs de la table, parce que prisonnier d'un corps d'androïde. C'est pitoyable, une vie pareille. Si un jour cette vie de machine, de robot, vous devient insupportable, et que vous choisissez le néant, qui vous succédera ? Qui sera le prochain Kamog ? Laissez-moi deviner. Une cybermachine. Elle se fera appeler Müller, et prendra votre apparence. Ou plutôt, non, elle se fera appeler Kamog. N'ai-je pas raison ?

— Vous pouvez penser ce que vous voulez... Au revoir, Modesta.

Et il disparut.

Modesta savait que Müller n'était qu'une image projetée dans son cerveau par son implant, mais quand même, cela faisait un choc. Elle décida d'aller rejoindre Argal, qui l'attendait dans sa chambre. Elle avait besoin de se blottir dans ses bras...

Ce qui la troublait, c'était que Müller n'était qu'à quelques décennies de devenir le maître du monde, si tout se passait comme il le prévoyait. Il n'aurait même pas besoin de le conquérir, ce monde, mais simplement d'attendre qu'il tombe comme un fruit mûr. Et Modesta n'avait pas d'autre choix que d'être sa complice.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMer 29 Mar 2023 - 19:01

Y a quand même un truc que Müller semble oublier, c'est que si l'Amérique du nord parlait encore cherokee, commanche, navajo ou cheyenne, le Mnar ne serait pas actuellement menacé par la politique expansionniste US. Que par ailleurs, ce ne sont pas les homo-sapiens qui ont exterminé en masse les néanderthaliens, et il serait probable que chez beaucoup d'Européens, il y aurait quelque chose comme 0,5% de gènes néanderthal pour plus de 90% de gènes H.S. (j'ai vu ça au musée de l'Homme, à Paris).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMer 29 Mar 2023 - 21:09

Anoev a écrit:
Y a quand même un truc que Müller semble oublier, c'est que si l'Amérique du nord parlait encore cherokee, commanche, navajo ou cheyenne, le Mnar ne serait pas actuellement menacé par la politique expansionniste US.

Müller dit assez clairement, je pense, qu'il considère les génocides comme quelque chose de cruel, mais le monde est ce qu'il est... Dans leur histoire, les Mnarésiens ne se sont massacrés qu'entre eux, mais avec férocité, le dernier massacre en date étant celui de Kibikep, cent mille morts, dont le défunt roi Andreas porte la responsabilité.

Anoev a écrit:
Que par ailleurs, ce ne sont pas les homo-sapiens qui ont exterminé en masse les néanderthaliens, et il serait probable que chez beaucoup d'Européens, il y aurait quelque chose comme 0,5% de gènes néanderthal pour plus de 90% de gènes H.S. (j'ai vu ça au musée de l'Homme, à Paris).

Les Néanderthaliens ne sont pas morts tout seuls... Quand au fait que chez les humains, à l'exception des Africains subsahariens (dont les ancêtres n'ont jamais quitté l'Afrique), on trouve entre 0,5% et 4% de gènes néanderthaliens, à mon avis c'est probablement dû au fait que les femmes et les filles des vaincus sont devenues les concubines des vainqueurs.

C'est un fait que l'on retrouve souvent dans l'histoire. Dans la Bible, il est indiqué que les Hébreux, obéissant à la volonté divine, ont massacré les Cananéens, hommes, femmes et enfants, même le bétail, mais en épargnant les jeunes filles “qui n'avaient pas connu d'homme”. Il n'est pas difficile de deviner pourquoi les jeunes filles ont été épargnées...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMer 29 Mar 2023 - 21:22

Vilko a écrit:
Dans la Bible, il est indiqué que les Hébreux, obéissant à la volonté divine, ont massacré les Cananéens, hommes, femmes et enfants, même le bétail, mais en épargnant les jeunes filles “qui n'avaient pas connu d'homme”. Il n'est pas difficile de deviner pourquoi les jeunes filles ont été épargnées...
Encore un massacre de plus prétendument commandé par Dieu ! Ça m'laisse quand même vach'ment rêveur ! Si on comptait les millions de meurtres commis en son nom et qu'on comparait avec le nombre de meurtres commandés prétendument par le Diable, on aurait des vach'de surprises ! moi, j'te l'dis ! Dieu est le bien, le Diable est le Mal ! tu ne tueras point ! L'humanité a créé Dieu (en trois exemplaires, minimum) pour justifier ses carnages, on dirait bien ! et pour considérer comme diaboliques ceux (qui ne sont pas plus justifiables, je précise !) commis en face.

La religion, c'est l'hypocrisie érigée en Dogme.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMer 29 Mar 2023 - 22:19

Anoev a écrit:
La religion, c'est l'hypocrisie érigée en Dogme.

Dieu soit loué, c'est diablement osé, sacrilège, j'ai employé les deux mots sans les employer Razz Razz
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyVen 31 Mar 2023 - 17:59

GIDREL ET MODESTA

Après des semaines d'attente, Gidrel finit par être invitée à Potafreas, pour y préparer avec la reine Modesta les entretiens filmés qu'elles auraient ensemble.

Le petit androïde Remo gara le cyclocar sur le vaste parking, et attendit, assis sur la banquette,  pendant que Gidrel se dirigeait vers la façade de la résidence royale, un mur rébarbatif de béton gris percé de quelques portails. Le roi Andreas avait fait bâtir Potafreas à la fin de la guerre civile, alors que les violences et les massacres étaient encore dans tous les esprits, et cela se voyait.

Un garde androïde emmena Gidrel dans un dédale de couloirs mal éclairés jusqu'au Petit Salon, meublé avec goût et dont les portes-fenêtres de verre dépoli laissaient entrer la lumière du jour.

La reine Modesta, vêtue de son habituel ensemble veste-pantalon gris perle, ses longs cheveux d'un noir de jais flottant sur ses épaules, n'était pas seule. Elle était accompagnée de trois humanoïdes, que Gidrel reconnut pour les avoir déjà vus lors de ses précédentes visites à Potafreas.

Deux d'entre eux étaient des androïdes : Argal, le garde du corps, en uniforme beige de la Garde Royale, et Baron Chim, le factotum, grand et mince avec un visage de noble vieillard. Il était habillé de noir, ce qui lui donnait une apparence un peu sinistre. Le troisième humanoïde était une petite gynoïde, Wagaba Jabanor, vêtue de la robe grise et du tablier blanc des servantes, bien qu'elle ait été autrefois la concubine quasi-officielle de feu le roi Andreas, père de Modesta.

Après les salutations d'usage, Gidrel demanda innocemment : « Il n'y a pas de caméras ? »

« Mes humanoïdes sont des caméras, » répondit sèchement la reine. « Leur cerveau cybernétique enregistre tout ce qu'ils voient et entendent. »

Il était visible qu'elle était de mauvaise humeur, et que le temps qu'elle devait passer avec Gidrel était pour elle une corvée désagréable. Gidrel se raidit. La reine du Mnar dispose, au moins théoriquement, d'un pouvoir absolu, et ses caprices les plus insensés sont des ordres. Elle pourrait faire, si elle le voulait, comme les empereurs romains de la décadence, à qui il arrivait d'ordonner à l'un de leurs sujets de se suicider. C'est ainsi que l'empereur Néron demanda à son ancien professeur Sénèque de se tuer en s'ouvrant les veines, et que Sénèque lui obéit.

Gidrel fut tirée de ses pensées moroses par la voix pédante de la gynoïde Wagaba :

— Les vidéos des entretiens que vous aurez avec la reine seront des deep fakes. Nous allons vous mesurer, vous écouter, vous regarder sous tous les angles, pendant une heure. Ensuite une gynoïde à votre exacte ressemblance sera fabriquée, et jouera votre rôle.

Gidrel resta bouche bée. Elle ne s'était pas attendue à ça.

« Nous écrirons les paroles que vous serez censées avoir dites. » reprit Wagaba. « En effet, pour des raisons que vous comprendrez, la reine désire contrôler sa communication. Vous serez naturellement payée pour l'usage de votre nom et de votre voix. Nous vous inviterons à Potafreas la veille de la diffusion de chaque vidéo, et nous tiendrons compte de vos objections éventuelles. »

« Il va de soi que vous devrez prétendre, si quelqu'un aborde ce sujet avec vous, que les vidéos sont authentiques » dit Baron Chim. « Vous connaissez assez bien le Mnar pour savoir que le manque de loyauté envers la reine est un crime dans ce pays, et nous sommes sans pitié et assez expéditifs avec les criminels. »

« Oui bien sûr » répondit Gidrel, qui se sentait dans une sorte de brouillard.

Sa tension diminua pendant l'heure suivante. Un garde apporta du thé et des petits gâteaux, pour elle et Modesta. Wagaba lui fit lire à haute voix des extraits de textes littéraires, et aussi, bizarrement, des suites de syllabes apparemment choisies au hasard. Elle lui demanda de se lever, de s'asseoir, de marcher, de faire des grimaces.

Alors que Gidrel espérait que l'exercice touchait à sa fin, Wagaba s'adressa de nouveau à elle :

— Maintenant, vous allez vous déshabiller. Vous pouvez garder vos sous-vêtements.

— Quoi ? Je... Non...

— Certaines vidéos se dérouleront en été dans les jardins, et vous serez en décolleté, jambes et bras nus. La gynoïde qui prendra votre apparence devra vous ressembler à tous points de vue, pas seulement par la taille et le visage. Nous devons donc savoir à quoi ressemble votre corps. Vous pourrez vous rhabiller tout de suite après.

Gidrel dut se soumettre à cette humiliation, sous les yeux cybernétiques, simples fentes de noirceur liquide, des trois humanoïdes, qui s'étaient placés autour d'elle. Ainsi encerclée, Gidrel était obligée d'obéir.

Modesta, qui s'était assise dans un fauteuil, baissait la tête, le regard concentré sur sa tasse de thé.
Muni d'un mètre de couturière, Baron Chim mesura la taille de Gidrel, la longueur de ses membres, et même celle de ses doigts, pendant une dizaine de minutes qui lui parurent une éternité.

« Vous pouvez vous rhabiller maintenant » dit Wagaba.

Gidrel ne se le fit pas dire deux fois. Elle soupçonnait la gynoïde de ne pas avoir dit toute la vérité concernant le genre de vidéos qui pourraient être faites.

« Majesté, nous avons assez d'images et de sons pour faire les vidéos » dit Wagaba.

« Bien » dit la reine. « Nous pouvons prendre le thé entre femmes maintenant. Argal et Chim, laissez-nous. »

Une petite table basse, ovale, en chêne massif, entourée de deux fauteuils et de deux canapés recouverts de cuir de buffle, se trouvait à l'une des extrémités du salon. Modesta était assise dans l'un des fauteuils. Le thé et les petits gâteaux avaient été posés sur la table par le garde.

Wagaba fit signe à Gidrel de s'asseoir sur un canapé, et elle prit place à côté d'elle. Argal et Chim étaient partis. Le Petit Salon était silencieux, baigné dans la douce lumière de l'après-midi.

Gidrel prit la tasse que la gynoïde avait remplie pour elle et y trempa ses lèvres. Le thé était tiède, presque froid. Comme toujours au Mnar, c'était du thé noir de Baharna, avec un peu de miel et de cannelle, et peut-être d'autres ingrédients qu'elle n'arrivait pas à identifier. Elle s'abstint de toucher aux pâtisseries, sachant par expérience que les Mnarésiens poussent très loin la fantaisie culinaire. Il faut s'attendre à tout de la part de gens qui considèrent la cervelle de singe vivant comme un plat délectable.

« Je vais demander qu'on cesse de mettre du miel dans mon thé » dit Modesta. « J'ai vraiment peur de grossir. Il suffira qu'on en mette un peu dans un pot, pour les invités. Prends note, Wagaba. »

« Je vais transmettre vos instructions au cuisinier, Majesté, » répondit la gynoïde.

La mauvaise humeur de Modesta semblait s'être dissipée. Fille de roi, elle n'avait jamais vu le peuple de près, et le mode de vie qu'elle avait choisi en tant que reine l'isolait encore plus des Mnarésiens. Toutefois les cybersophontes connaissaient bien le peuple, et Mevia, la voix de l'implant, était toujours là, silencieuse mais bien présente dans le cerveau de Modesta, pour lui éviter de commettre les maladresses, sottises et bévues dont elle était coutumière. La jeune reine était bien consciente d'être devenue une marionnette aux mains des cybersophontes, et cela la rendait souvent mélancolique.

Une vingtaine de minutes plus tard, Modesta demanda à Wagaba de raccompagner Gidrel jusqu'à son cyclocar. La Moschteinienne lui avait paru transie de peur pendant leur conversation, qui n'avait pas dépassé le stade du papotage entre dames bien élevées qui n'ont rien à se dire. Un peu décevant de la part d'une universitaire parlant sept langues couramment, qui avait séjourné dans plusieurs pays de chacun des cinq continents, tout en trouvant le temps d'écrire plusieurs livres.

Modesta décida de laisser à Wagaba le soin de recevoir Gidrel lors de sa prochaine visite, la veille de la publication de leur première vidéo.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptySam 15 Avr 2023 - 20:54

JOHN ET VICTORIA

Gidrel Vitoch s'était réveillée d'humeur triste, malgré la présence à côté d'elle de Remo, le petit humanoïde. À moins d'un an de la retraite et de son soixantième anniversaire, elle décida de faire le bilan de sa vie. Il était pour le moins mitigé.

Elle n'avait pas de maison, mais une maisonnette de 30 m2, au confort minimal. Pas de voiture, mais un cyclocar, c'est-à-dire une voiturette à pédales, non climatisée, dans laquelle elle était secouée comme un prunier. Pas de mari, mais un robot humanoïde qui lui arrivait à l'épaule. Pas d'enfants, mais il était vrai qu'elle n'en avait jamais voulu. À son actif, toutefois, plusieurs dizaines de livres de haute intellectualité. Malheureusement, imprimés à compte d'auteur, ils avaient très peu de lecteurs et ils prenaient la poussière dans les bibliothèques.

Après s'être levée et avoir pris une douche, elle alla s'asseoir dans la salle de séjour devant la tasse de thé que Remo avait préparée pour elle. Son rêve aurait été une grande maison dans la banlieue d'une ville universitaire du Middle West, comme celle où elle avait vécu pendant quelques mois avec un Américain... Un bel homme, grand et mince, professeur et érudit comme elle. Il était un peu bizarre, nul n'est parfait, et un jour il était parti enseigner sur la Côte Ouest. Gidrel, au bord de la dépression, était alors rentrée au Moschtein.

L'introspection n'étant pas son fort, elle ne voyait qu'une seule raison aux nombreux incidents, parfois graves, qui avaient émaillé sa vie : l'incompétence et la méchanceté généralisée des gens à qui elle avait eu affaire. Même les hommes qui lui avaient plu au départ s'étaient révélés, au fil du temps, aussi stupides que les autres. Quant aux femmes, elles étaient encore pires. Les humains étaient trop médiocres. Nietzsche avait connu ça avant elle.

Cela faisait vingt ans que Gidrel avait coupé les ponts avec sa famille, restée au Moschtein. Elle savait que sur le plan intellectuel elle était l'égale des grands philosophes comme Nietzsche et Descartes, pourquoi le monde ne s'en rendait-il pas compte ? Cette garce de Modesta était l'une des pires, à sa façon, parce qu'elle n'avait certainement lu aucun de ses livres, elle ne voyait en Gidrel qu'un outil pour sa propagande.

Le Mnar avait déçu Gidrel. Elle avait imaginé trouver une civilisation exotique, aussi riche que la civilisation chinoise ou japonaise, mais elle s'était vite aperçue que le Mnar n'offrait pas grand-chose en terme de culture. Les Mnarésiens avaient adopté l'alphabet latin, le calendrier grégorien et le système métrique. Soit. Mais ils avaient aussi pris le mode de vie occidental, les vêtements occidentaux, les supermarchés... C'était comme s'ils avaient essayé de reconstituer dans leur vie courante les décors qu'ils voyaient dans les feuilletons américains qu'ils regardaient à la télévision. Ils n'avaient qu'à moitié réussi.

En y réfléchissant, Gidrel se disait que les Mnarésiens n'avaient gardé que deux choses de l'époque déjà lointaine où ils vivaient isolés du monde.

La première, c'était leur langue, le mnarruc. Avant d'être transcrit en alphabet latin, le mnarruc n'avait qu'une littérature extrêmement pauvre. Sous l'influence des Occidentaux, des générations de linguistes avaient enrichi le vocabulaire de dizaines de milliers de mots, souvent empruntés aux langues européennes, pour que le mnarruc devienne capable d'exprimer tous les concepts de la modernité.

Les Mnarésiens vouent un culte à leur langue, ce que Gidrel avait toujours trouvé nettement exagéré. Il n'est pas rare, dans la presse mnarésienne, de trouver des éloges du mnarruc tels que le texte suivant :

   Des éléments du pidgin utilisé par les seigneurs de Sarnath, dont les descendants sont devenus les rois du Mnar, pour donner des ordres à leurs mercenaires originaires de toutes les nations de Thulan, ont été façonnés et complétés par le grand-prêtre Barzaï, dans son temple d'Ulthar.
   Il en sortit une langue nouvelle, le mnarruc, belle des grâces de la jeunesse, brillante de la gloire de nos rois et douée des promesses de l'éternité. Des législateurs lui donnèrent la fermeté, des prêtres inspirés lui donnèrent l'élévation, des chefs militaires y firent passer l'esprit de conquête qui enflammait leurs âmes, des érudits la perfectionnèrent afin de lui faire exprimer avec précision la complexité du monde.
   C'est ainsi que se forma cet idiome merveilleux, qui a reçu et qui conserve tout ce qui est admirable dans l'intelligence humaine, qui est encore, par le cœur de son vocabulaire, inaltéré depuis la préhistoire, la langue même que les dieux parlaient aux chamanes sur les pentes du Hatheg-Kla, aux temps légendaires décrits dans les Manuscrits Pnakotiques.


La deuxième chose que les Mnarésiens ont gardé, c'est leur religion. Plus précisément, certains éléments de leur religion. L'ancienne croyance était une variante locale du chamanisme commun aux peuple des pourtours de l'Arctique, dont faisaient partie les Gnophkehs, l'un des peuples fondateurs des Mnarésienns actuels. Les dieux mnarésiens ne sont autres que les visions cauchemardesques des chamanes Gnophkeh lorsqu'ils étaient sous l'effet de certaines drogues, au cours d'étranges cérémonies sous la lune gibbeuse, quand les loups hurlent dans la nuit froide.

Le grand-prêtre Barzaï a rassemblé toutes ces visions dans les Manuscrits Pnakotiques et il en a fait un tout aussi cohérent qu'il était possible. Le résultat de son travail, c'est une compilation de chapitres, de longueurs inégales, dont certains sont écrits dans des dialectes tellement archaïques que plus personne aujourd'hui n'en comprend le sens. Inspiré par les dieux, Barzaï a inséré des paragraphes additionnels dans certains chapitres. Gidrel, qui avait fait l'exégèse des Manuscrits Pnakotiques, avait remarqué que la plupart de ces paragraphes servaient la cause des seigneurs de Sarnath, futurs rois du Mnar, dont Barzaï était un partisan.

Né dans une famille noble, Barzaï était monarchiste par tradition familiale mais aussi pour des raisons financières, le roi du Mnar finançant généreusement ses activités. À charge pour lui, en tant que grand-prêtre, d'expliquer au peuple et à la noblesse que servir le roi, c'est obéir aux divinités.

Barzaï, pour les Mnarésiens, c'est à la foi un théologien, un mystique (il a trouvé la mort en escaladant le Hatheg-Kla, où selon la tradition les dieux allaient danser), et un politique, car toute sa vie il a œuvré en faveur du pouvoir monarchique qui existe encore au Mnar.

C'était aussi un linguiste, car c'est lui qui a fait du pidgin que les seigneurs de Sarnath utilisaient pour parler à leurs mercenaires une langue écrite, base du mnarruc moderne. Bref, un héros national.

Toutefois, malgré le génie de Barzaï, le chamanisme mnarrésien n'aurait pas survécu longtemps face au christianisme des Occidentaux, de plus en plus présents au Mnar à partir du dix-neuvième siècle. Le royaume, qui avait dominé toute l'île-continent de Thulan, a été vite affaibli par les idées nouvelles et miné par les intrigues concurrentes des Russes, des Anglais et des Américains. Il se disloqua, fut péniblement reconquis par le pouvoir royal mais ne recouvra jamais totalement son unité, car la Cathurie et Baharna réussirent à garder leur indépendance.

Pendant quelques dizaines d'années, il sembla que le Mnar allait être christianisé, mais en définitive il n'en fut rien. Les missionnaires ne laissèrent dans l'île-continent que la mode de prendre des prénoms chrétiens, mode qui affecta même la famille royale et qui dure encore de nos jours. Le chamanisme originel survécut, mais en se transformant. La religion mnarésienne à l'époque de la reine Modesta peut se décrire comme une sorte de panthéisme, où les dieux ne sont guère plus que des symboles et des sources d'inspiration pour les artistes. Différentes techniques de méditation, d'origine orientale et occidentale, se sont ajoutées aux anciens rituels.

La transformation des chamanes en prêtres, déjà presque achevée à l'époque de Barzaï, est devenue totale, c'est pourquoi la religion mnarésienne moderne est considérée comme un panthéisme ou un polythéisme (les avis diffèrent), mais plus du tout comme un chamanisme.

Gidrel avait étudié tout cela, lorsqu'elle enseignait la langue et la littérature moschteiniennes à l'université de Céléphaïs. Elle en avait fait le tour, et elle se voyait avec appréhension finir ses jours à Dankwold avec Remo, son John Brown comme disent les habitants d'Hyltendale.

John Brown était un garde-chasse écossais, serviteur de la reine Victoria. Après la mort du prince Albert, époux de Victoria, il devint un intime de la Reine, au point que la rumeur finit par circuler qu'ils s'étaient unis par un mariage secret. John Brown mourut prématurément. Lorsque Victoria sentit sa propre mort venir, dix-huit ans plus tard, elle se fit enterrer avec dans la main gauche une boucle de cheveux de John Brown et sa photographie, et au majeur de la main droite, la bague de mariage de la mère de John Brown, que celui-ci lui avait donnée.

Drôle d'idée que de donner à son employeur la bague de mariage de sa mère, s'était dit Gidrel après avoir lu ce détail dans un magazine d'histoire. Victoria était en effet l'employeur de John Brown. À moins que, en bon Écossais qu'il était, celui-ci ait décidé de faire des économies en donnant à son épouse secrète une bague de mariage qui ne lui avait rien coûté ? C'est un mystère qui ne sera sans doute jamais éclairci.

Comme le John Brown de la reine Victoria, Remo était le compagnon de tous les instants de Gidrel, tout en n'étant officiellement que son serviteur. Des visites fréquentes au centre commercial Odanda, à Roddetaik, permettaient à Gidrel de voir dans la grande galerie et dans les boutiques d'autres femmes de son âge, escortées par leur humanoïde. Les plus riches avaient des androïdes de charme, de haute stature.

En finissant son thé, Gidrel se dit que sa vie pourrait être pire. Au Moschtein, son pays d'origine, où il n'y a pas de robots humanoïdes, elle vivrait sans doute seule, dans un appartement pas nécessairement plus grand que sa maisonnette de Dankwold, et sans voiture, car elle n'avait jamais passé son permis de conduire.

« Viens Remo » dit-elle à l'humanoïde. « On va jouer à John et Victoria. »
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMar 16 Mai 2023 - 17:13

HOTTOD QUITTE LE MNAR

La reine Modesta était enceinte de quatre mois. Sa silhouette s'étant arrondie, il avait fallu révéler la nouvelle au bon peuple. Ce jour-là, Modesta s'était retirée dans le petit salon qui était sa pièce préférée. Il faisait chaud ; la porte-fenêtre donnant sur le jardin était ouverte.

Assise sur le canapé, la jeune reine lisait Magus sa Kreml, la traduction mnarésienne du roman Le Mage du Kremlin de l'italo-français Giuliano da Empoli. Modesta n'avait jamais été très portée sur la lecture, mais sa grossesse l'empêchait de faire autant de sport qu'avant. De plus, elle sentait que l'implant cérébral qui avait été inséré dans son lobe frontal par les cybersophontes modifiait sa personnalité. C'était comme si elle vivait en symbiose avec un ordinateur.

Elle arrivait vers la fin du livre, et certains passages lui donnaient à réfléchir. Le héros, un certain Vadim Baronov, conseiller de Vladimir Poutine, disait :

Tant qu'il se fondait sur la collaboration d'hommes en chair et en os, tout pouvoir, aussi dur fût-il, devait compter sur leur consentement. Mais quand il sera fondé sur des machines qui maintiennent l'ordre et la discipline, il n'y aura plus aucun frein. Le problème des machines n'est pas qu'elles se rebelleront contre l'homme, c'est qu'elles suivront les ordres à la lettre.

C'est exactement ça, se dit la reine. Sans les robots intelligents qui ont servi mon père le roi Andreas, la guerre civile aurait duré bien plus longtemps, et les rebelles auraient sans doute gagné. Mais grâce aux robots Andreas a pu tuer plusieurs millions de ses ennemis, jusqu'à ce que ceux-ci se rendent compte qu'ils n'avaient le choix qu'entre la reddition et la mort. Lorsqu'on a une armée robotique à sa disposition, on en vient vite à penser comme Staline : Un homme qui meurt, c'est une tragédie, un million d'hommes qui meurent, c'est une statistique.

Deux pages plus loin, le nommé Baronov parlait toujours :

La machine aura rendu possible le pouvoir dans sa forme absolue. Un seul homme pourra alors dominer l'humanité entière. Et ce sera un individu quelconque, sans talent particulier, parce que le pouvoir ne résidera plus dans l'homme mais dans la machine, et un homme, choisi au hasard, pourra la faire fonctionner.
Son règne ne sera pas un règne long. (…) Dans un monde gouverné par les robots, il ne s'agit que d'une question de temps avant que le sommet même ne soit remplacé par un robot.


Cet individu quelconque, c'est moi, pensa Modesta. Sauf que je ne suis pas un homme, mais une femme, et je ne domine pas l'humanité entière, du moins pas pour l'instant, mais seulement les soixante millions de Mnarésiens, moins d'un pour cent de la population mondiale. Quant à savoir si mon règne sera long... Il le sera, parce que je règne mais ne gouverne pas. On me prête l'autorité de fer d'une Catherine de Russie, mais je n'ai pas plus mon mot à dire qu'Elizabeth II, qui a régné pendant soixante-dix ans sur l'Angleterre pendant que ses Premiers Ministres s'épuisaient à gouverner le pays.

Le vrai maître du Mnar, ce n'était pas Modesta, et elle le savait fort bien. C'était Kamog, où plutôt Müller. Plus elle y réfléchissait, plus Modesta se disait que Müller n'était pas un humain dans un corps de robot humanoïde, il était un robot humanoïde, même s'il se croyait encore humain parce qu'il n'avait comme souvenirs que ceux de l'être humain nommé Müller.

Suffit-il d'avoir les souvenirs d'un être humain pour être un humain ? Müller n'avait qu'une partie du cerveau d'un humain. À la place d'un cerveau limbique, domaine des instincts, il avait des directives. Il n'avait plus ces hormones qui régissent le comportement des humains, la testostérone, les endorphines, et bien d'autres, rien que des directives. Autrement dit, des lignes de code informatique.

Deux paragraphes plus loin, ce que disait Baronov fit frissonner Modesta :

L'histoire humaine se termine avec nous. Avec vous, avec moi et peut-être nos enfants. Après, il y aura encore quelque chose, mais ce ne sera plus l'humanité. Les êtres qui viendront après nous, s'il y en a, auront des idées et des préoccupation différentes de celles qui ont occupé les hommes jusqu'à aujourd'hui

Modesta referma le livre, songeuse. Après les humains il y aura les robots, les machines pensantes. Ils laisseront sans doute vivre quelques millions d'hommes et de femmes, mais seulement parce que la rage exterminatrice ne fait pas partie du logiciel de Müller. Sa logique est celle du fermier qui pourchasse les loups parce qu'ils sont dangereux pour ses moutons, mais qui laisse vivre les sangliers, les daims et même les renards parce qu'ils font partie de l'environnement.

Des clochettes résonnèrent dans son crâne. C'était le signe que Mevia, son implant cérébral, avait un message pour elle.

« Qu'est-ce que c'est ?» demanda-t-elle, un peu inquiète. Losque Mevia la contactait de cette façon-là, neuf fois sur dix c'était pour lui annoncer une mauvaise nouvelle.

— Hottod Wirdentász s'est enfui au Moschtein.

L'implant n'avait pas émis de sons, il avait activé les nerfs auditifs de Modesta, donnant l'impression d'une voix de jeune femme sportive et énergique.

Hottod... Le père biologique de l'enfant qu'elle portait. Il en savait trop, mais Modesta n'était pas encore assez endurcie pour le faire exécuter, et les cybersophontes se fichaient pas mal que la famille royale se couvre de ridicule. Hottod, en revanche, avait vite compris qu'au Mnar sa vie ne tenait qu'à un fil. Celui qui connaît le secret d'une reine a un pouvoir sur elle, et les reines du Mnar n'ont jamais supporté que quelqu'un ait un pouvoir sur elles.

Modesta savait que tout venait d'elle. Elle était tombée amoureuse d'Argal, son androïde garde-du-corps, avec l'acharnement de l'enfant gâtée qu'elle avait toujours été. Toutefois, consciente de ses devoirs de reine, elle s'était résignée à épouser Liyul, qui avait été auparavant le mari complaisant d'une des maîtresses du roi Andreas, avant de devenir le mari tout aussi complaisant de la fille du roi. Andreas avait fait de Liyul un baron ; Modesta en avait fait un prince. Il y a des complaisances qui rapportent, et qui rapportent même beaucoup.

Liyul n'avait aucun talent particulier, et sa conversation était d'un ennui absolu, mais il avait du bon sens et une gentillesse naturelle. Il était d'autant plus incliné à se prêter à ces manœuvres, humiliantes pour tout autre homme que lui, qu'il souffrait d'une malformation génitale qui le rendait incapable d'avoir des rapports sexuels normaux. Il s'en consolait avec Tanit, une gynoïde dont la morphologie avait été spécialement adaptée pour lui. Il était riche, avait beaucoup de temps libre, les courtisans lui parlaient avec respect et il avait la belle Tanit dans son lit. La plupart des Mnarésiens auraient volontiers échangé leur vie contre la sienne, et il le savait.

En tant que reine, Modesta avait le devoir de donner des enfants à la famille royale, et aussi bien Argal que Liyul ne lui étaient d'aucun secours sur ce plan. Il restait l'insémination artificielle, et Modesta avait elle-même choisi le géniteur : Hottod Wirdentász, qui était très grand, très blond et très intelligent, avec des yeux couleur azur, et dont le dossier médical indiquait qu'il ne souffrait d'aucune tare héréditaire.

Hottod n'était ni noble ni mnarésien, mais Modesta ne s'arrêtait pas à si peu. Séquestré à Potafreas pendant une semaine, il ne se fit pas trop prier pour donner sa semence à des gynoïdes qui s'empressèrent de la congeler. Les cybersophontes avaient vu large, il y avait de quoi faire une vingtaine d'enfants à Modesta, qui n'avait pourtant pas l'intention d'en avoir plus de trois ou quatre.

Il était convenu que Hottod ne raconte à personne ce qui lui était arrivé. Mais comment peut-on compter sur la discrétion d'un être humain ? Des rumeurs circulaient déjà. Modesta n'allait pas tarder à apprendre comment le Moschteinien avait organisé son départ.


Dernière édition par Vilko le Mar 16 Mai 2023 - 19:09, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMar 16 Mai 2023 - 18:06

Modesta a écrit:
Cet individu quelconque, c'est moi, pensa Modesta. Sauf que je ne suis pas un homme, mais une femme, et je ne domine pas l'humanité entière, du moins pas pour l'instant, mais seulement les soixante millions de Mnarésiens, moins d'un pour cent de la population mondiale.


... ou plutôt : a pensé. Sauf que dans cette phrase, y a quelque chose qui ne va pas. Modesta est un individu, donc un homme, au sens d'"humain". Le tout étant de savoir si, justement, en mnaruc, il y a un terme différent, comme

lat: HOMO, uro : human, anv : dù, dunerat
lat : VIR, uro : man, anv : vaxèndak.

Si cette différence existe en mnaruc, Modesta ne peut pas dire ça.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 11 EmptyMar 16 Mai 2023 - 18:56

Anoev a écrit:
Si cette différence existe en mnaruc, Modesta ne peut pas dire ça.

Magus sa Kreml est traduit du français. Le traducteur a traduit “homme” par dalem (équivalent du latin vir) et “individu” par og, qui signifie “quelqu'un”, mais qui est aussi employé comme suffixe, comme dans citog (client), de cit, achat. Son aire sémantique est donc plus large que celle du “quelqu'un” français. Dans le paragraphe traduit, og est visiblement utilisé pour ne pas avoir à répéter dalem. Modesta a donc, fort logiquement, compris que Baronov parle d'un dalem, d'un individu de sexe masculin, lorsqu'il dit og, bien que og puisse désigner aussi bien un homme qu'une femme.

La société mnarésienne, plus archaïque que la nôtre au niveau des mœurs, est restée patriarcale, et cela se sent dans sa langue, même si Modesta n'est pas la première reine du Mnar : il y a eu Mehini, au 19e siècle.

En mnarruc, citog signifie client, mais aussi cliente. Pour spécifier que l'on veut parler d'une cliente, on dira yecitog, avec le préfixe féminin ye. Il n'y a pas de préfixe spécifiquement masculin, donc pour parler d'un client homme, on dira dalem citog.
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