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 Une langue impressionniste

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MessageSujet: Re: Une langue impressionniste   Une langue impressionniste - Page 3 EmptyDim 29 Jan 2012 - 1:52

Tout d'abord, merci pour ta lecture, tes compliments et tes remarques détaillées.

Akorion a écrit:
Par contre, lorsque tu dis que nous n'avons pas accès à la vérité, je reconnais avoir quelques problèmes... Quelle vérité?
Celle du verre brisé qui avant était non-brisé?
Celle du vrai (contraire au mensonge) : j'ai bu un verre d'eau. Si c'est vrai, est-ce que j'énonce une vérité?
Celle mathématique : si j'ai une pomme unité et que l'on me donne une autre pomme unité, alors je possède plusieurs pommes unités, non?
Par contre, il me semble (c'est un sentiment personnel) que la vérité en tant qu'entendement de la réalité est relative et dépend de chacun, chacun n'ayant pas la même. Est-ce à dire pour autant que celle-ci n'existe pas? Nous possédons notre vérité sur ce qui nous est (et non pas nous semble) réel.

Je comprends mal ce que tu entends par perception d'une évidence (qui peut-être rejoint celle du verre brisé). Est-ce que tu sous-entends que, parce que nous ne sommes pas capable de comprendre le Vrai, le monde tel qu'il est, la réalité de l'Univers, celle, même aussi élémentaire qu'un objet qui se brise, parce qu'appartenant au monde Vrai, ne peut que nous échapper dans sa vérité, (une sorte de Vrai supérieur), et que ce que nous comprenons n'est qu'un aspect, une forme comme simplifié de cette vérité, forcément fausse car incomplète, une "illusion" de la réalité que nous compensons par un ersatz de vrai issu de nos sens? (Je ne suis pas sûr d'avoir été super clair, là...)
Tout d'abord, il me faut clarifier la définition des termes que je vais utiliser dans cette explication. "Vérité" n'est pas tout à fait synonyme de "Réalité" : la vérité, c'est en fait l'expression de la réalité. La vérité est donc liée à la pensée, au langage et à leur signification ; la vérité est même, en fait, la connaissance de la réalité - connaissance qui peut par la suite être exprimée ou non (mais ne pensons-nous pas et donc ne connaissons-nous pas uniquement par nos moyens d'expression ?).

J'affirme donc que nous n'avons jamais accès à la réalité, et donc évidemment pas à sa connaissance, la vérité. Ce n'est peut-être pas vrai dans une perspective objectiviste classique, mais une perspective objectiviste (à l'exception du scepticisme) se fonde nécessairement sur une théorie de la connaissance, et une théorie de la connaissance se heurte nécessairement au subjectivisme. C'est pour cette raison que la philosophie moderne, depuis Descartes, a amorcé le repliement du sujet sur lui-même (avec le cogito) et a abouti à la phénoménologie (Husserl disait justement : "il faut retourner aux choses-même"). Comme je l'ai bien précisé dans mon message original, ma philosophie est une philosophie sceptique.

J'excluerai du sens du mot "vérité" celui que des petits malins mettent dans "ma vérité" ou "sa vérité". Si la vérité existe, elle est absolue, et c'est la même pour tout le monde. La véritable question est donc : y-a-t-il une vérité ? Y-a-t-il un absolu ? Cela, on n'en sait rien. Il y a du pour, il y a du contre, mais en vertu de quoi pourrait-on trancher ? Et, après tout, dire qu'"il n'y a pas" de vérité absolue, cela ne serait-il pas trahir cette pensée-même ? Dès que l'on débat sur ce qui est et ce qui n'est pas, on présuppose l'existence de la vérité. Ne pas croire en l'existence de la vérité, c'est être nihiliste, par définition ; et en ce sens, le nihilisme est à la fois très proche du et opposé au scepticisme.

En revanche, j'accepte tous les autres sens que tu donnes au mot vérité, et je les fonds en un seul. J'affirme donc que nous n'avons pas accès à la réalité ; pourquoi ? Eh bien parce que, comme expliqué précédemment, je suis obligé de prendre pour base le sujet (subjectivisme). En d'autres termes, je ne peux me baser sur la réalité pour parler de la réalité ; la réalité, il faut l'atteindre avant de parler d'elle. Procéder autrement serait comme définir un mot par lui-même. Ce serait absurde. Je dois donc commencer ma réflexion par : "Moi qui perçois des choses, qu'est-ce que je peux déduire de ces perceptions ?" ou, autrement dit : "Qu'est-ce que je peux connaître ?".

Le problème, c'est que, dans cet étrange nuage de perceptions, je n'ai aucun moyen d'obtenir la moindre certitude. Je n'ai pas de point fixe pour sortir de moi-même (c'est ce qu'on appelle le solipsisme : solus ipse, "seul en soi"). Descartes avait trouvé un point fixe pour sortir de lui-même : le cogito. Mais je suis en profond désaccord avec Descartes. Je ne considère pas le cogito comme une certitude absolue, car ce cogito est fondé sur le présupposé que tout ce qui me semble "clair", "distinct" et "évident" (j'emploie ici les mots de Descartes) est nécessairement la vérité. Je suis en profond désaccord avec cette idée. Pourquoi avoir l'impression que quelque chose est évident devrait-il m'assurer que c'est la vérité ? Descartes songe brièvement à cette objection, mais il l'écarte grâce à l'existence de Dieu. Or l'existence de Dieu, chez Descartes, est démontrée par la logique, et la logique, elle-même, n'est rien de plus qu'une évidence. On a donc affaire à un schéma circulaire dans le raisonnement : l'évidence amène la logique, qui amène Dieu, qui amène l'évidence. Comme tout schéma circulaire, ce raisonnement est cohérent mais sans fondement.

Contrairement à Descartes, je refuse donc d'assimiler l'évidence à la vérité. Rien n'est évident. L'évidence est un sentiment, une sensation, une impression ; l'évidence, en somme, est une perception. Lorsque j'ai la sensation d'une évidence, j'ai la perception d'une évidence. Or, peut-on induire d'une perception un sens ? La réponse, selon moi, est clairement non : la perception peut être interprétée, mais pas de manière à la fois certaine et rationnelle. C'est toujours à partir d'idée que l'on peut obtenir des déductions. Mais ces idées doivent auparavant être vraies ; ces idées sont un sens que l'on donne aux perceptions, c'est-à-dire aux images qui nous parviennent dépourvues de sens ! C'est un paradoxe immense, et je ne crois pas qu'il puisse être résolu. La perception pourrait être comparée au signe (tel que "&", par exemple) et l'idée à la signification (dans l'exemple précédent, "et"). Le problème, c'est que le sujet reçoit des signes de la réalité, mais pas leur signification ; la signification ne lui est pas donnée, c'est à lui de la trouver. Or on ne peut pas induire d'un signe sa signification. Une signification ne peut être obtenue que par le biais d'autres significations, de même manière que traduire un langage inconnu est impossible sans Pierre de Rosette, sans point d'Archimède.

L'évidence n'est donc pas, pour moi, un argument suffisant pour justifier quoi que ce soit. Nous percevons des évidences, mais ces évidences ne sont rien de plus que des perceptions. Elles sont un des multiples masques de la réalité, et en cela elles ne diffèrent aucunement de la plus brumeuse des confusions. Or, l'évidence n'est-elle pas ce qui fonde la logique, les mathématiques, et toutes les sciences exactes ? Les axiomes sont des présupposés admis par évidence. Je remets en question ces présupposés. Toute connaissance étant fondée sur un ou plusieurs axiomes, je considère donc que nous ne possédons aucune connaissance. En outre, Osiander, dans sa préface au plus célèbre des ouvrages de Galilée, explique bien que la science n'a pas pour objectif de décrire la réalité ni d'apporter la vérité, mais seulement de créer des modèles de prévision fonctionnels. C'est là une idée encore admise aujourd'hui, et très fortement supportée par tous les partisans d'Einstein. Le modèle Newtonien n'est pas faux ; c'est simplement un modèle qui a ses limites, et qui ne donne des résultats justes que dans certaines situations. Et il en va de même pour le modèle d'Einstein. Ce modèle est plus large que celui de Newton, mais comme il est aussi plus complexe, les deux modèles cohabitent dans la science moderne.

Nous ne pouvons donc rien connaître avec certitude sur quoi que ce soit. Rien n'est plus certain qu'un axiome, et pourtant même un axiome n'est rien de plus qu'un présupposé, une interprétation subjective, une simple perception ! Peut-être avons-nous accès à la réalité par nos actes, mais, cela, nous l'ignorons totalement, car interpréter la réalité est impossible de manière à la fois certaine et rationnelle. On peut être certain, mais alors on est irrationnel (et ce n'est pas nécessairement un mal). On peut être rationnel, mais alors on n'est certain de rien : on est sceptique. Même ma propre existence est douteuse, car le cogito, l'évidence des évidences, l'axiome des axiomes, est une perception dont le sens véritable nous est inaccessible - en supposant seulement que sens véritable il y ait.

Cette longue explication t'aura-t-elle permis de mieux saisir mon cheminement philosophique ?


Akorion a écrit:
Citation :
Or séparer les choses et les impressions est tout le travail de l'artiste : il donne un sens nouveau à la réalité, il parle de son ressenti, d'un univers entièrement neuf et séparé de celui de chacun d'entre nous : son univers intime.

Bon, là je ne te suis plus. J'aime croire exactement l'inverse. L'artiste, différent du conceptualisateur, cherche par son art à se rapprocher du Beau, dont la Nature (= Univers) est la manifestation la plus parfaite. S'en éloigner, c'est s'éloigner de l'Art.
Faire de l'Art, pour toi, est-ce décalquer la Nature ? Le plus pur des artistes est-il celui qui reproduit avec le plus d'exactitude la réalité ? L'Art, est-ce l'imitation ? Car, peu importe que cette imitation soit celle de ce qu'il y a de plus beau en ce monde ou non : si elle est imitation de la Nature, elle n'est toujours qu'imitation.

À mon avis, l'Art est plutôt création. Je ne crois pas en l'existence d'un Beau essentiel (ou alors ce Beau est Dieu). La Nature n'est pas... Belle. Le Beau de la nature, il est dans notre oeil à nous, humains. Le Beau est création de l'observateur. Rien n'est Beau en soi, car ce qui est Beau en soi n'est pas en soi : le Beau n'est jamais qu'en quelque chose d'autre. J'ai imaginé, un jour, des créatures que j'appelle "anges" (mais n'ont strictement rien à voir avec les anges des religions de notre monde) ; ces créatures surnaturelles ont la propriété d'évoquer aux hommes des sentiments et des sensations d'une intensité inouie, surnaturelle, et même métaphysique. Notamment la sensation de beauté. Mais ces créatures ont aussi la propriété de n'être que des façades, des apparences ; elles ne sont strictement rien par elles-même. Ces créatures sont l'illustration parfaite de ma conception du Beau : le Beau est mort, il est un infini mais il n'est rien.

La travail de l'artiste, il n'est pas de créer des objets dans lesquels réside un Beau essentiel. Le travail de l'artiste, il est d'évoquer le sentiment du Beau ; il est, en fait, de créer ce sentiment, non-pas dans une réalité objective, mais dans son propre oeil, puis de transmettre ce sentiment par un objet. L'objet n'est pas beau. Son image est belle. Héraclite, philosophe présocratique, a dit : "on n'entre jamais dans le même fleuve". Ici, de même, on ne contemple jamais le même objet. Car, de même que les eaux du fleuve coulent sans cesse et que, lorsque j'entre dans un fleuve, il n'est plus celui que j'avais goûté la veille, eh bien les impressions, perceptions que je reçois coulent elles-aussi, et en particulier mes perceptions émotionnelles, les plus chaotiques de toutes, celles qui, par leurs jugements de valeur naturels, déterminent que quelque chose est "beau" ; et ainsi, l'interprétation que mon regard donne d'un objet est infiniment différente d'un instant à l'autre. On s'en aperçoit dès lors que l'on essaie de regarder nos perceptions. Il m'est déjà arrivé de voir deux fois le même tableau de manière absolument différentes. Chaque instant est un nouveau point de vue, exactement de la même manière que chaque philosophie est un point de vue différent sur le monde.

Akorion a écrit:
Citation :
l'impression, située précisément à mi-chemin entre la chose (fixe, individuelle) et la relation (le mouvement lui-même, essentiellement virtuel).
Désolé, mais ici je ne comprends pas ce que tu veux dire Embarassed .
Il ne s'agit pas d'une idée essentielle. Dans cette phrase, je souligne simplement le fait que l'impression, en comparaison aux éléments de l'échelle ontologique des langues indo-européennes, est parfaitement neutre. Ma philosophie redéfinit l'atome de la métaphysique non comme la chose (c'est-à-dire ce qui est) mais comme l'impression (c'est-à-dire ce que je perçois), en gros la tâche de peinture. Le monde n'est donc pas composé de choses (une planète, une vache, une bouteille, un monsieur, une maison, une molécule, un photon), il est composé de tâches indistinctes qui n'existe que dans le sujet - puisque le sujet ne peut pas sortir de lui-même (solipsisme), nous n'avons pas le choix. Ontologiquement, l'impression est différente à la fois de la chose (l'étant) et de la relation (le non-étant) : à mi-chemin entre les deux, elle est mais est de manière indistincte, et rien n'est plus ni moins (en tout cas, dans notre monde de perceptions).

Akorion a écrit:
Citation :
Dans cette langue impressionniste, chaque mot correspondra à une précision supplémentaire d'ordre descriptif au sujet d'une impression dont nous ignorons (et voulons ignorer, quasiment) la véritable nature. La structure liant ces informations descriptives claires, elle, sera floue, et devra être devinée par le destinataire, qui par la même occasion deviendra conscient de l'incertitude de ses interprétations.

Je me pose à ce propos la question suivante : imaginons que cette langue existe depuis des générations. Ne risque t-on pas de se retrouver au bout d'un moment avec des schémas d'interprétation tout fait, codifiés qui au final, au lieu de libérer l'esprit, finissent par l'enfermer?
Oui, c'est bien possible, et c'est triste. Je ne pense pas être un linguiste assez doué pour éviter cet écueil (d'ailleurs, existe-t-il un linguiste assez doué pour cela ? Je ne veux pas dire que la tâche est impossible en soi, mais elle est peut-être au delà des capacités de tout homme). Cependant, même si cette langue enferme l'esprit d'une certaine manière, je crois qu'elle l'enfermera toujours moins que les langues indo-européennes.


Akorion a écrit:
Citation :
elle comprendra un système modal essentiel correspondant précisément aux différents sens (par sens, j'entends ici la vue, l'ouïe, le toucher, etc).
N'en manque t-il pas?
Le sens du temps (même dans une caverne, sans lumière, le bio-rythme du corps humain ressent le passage du temps et notre cerveau possède des petits récepteurs capables d'analyser ce passage du temps)
Le sens de l'équilibre?
L'intuition?
Et il doit y en avoir d'autres (je me rappelle que dans la philosophie de Steiner, c'est plus d'une dizaine de sens qui sont évoqués... reste à savoir si c'est "vérifiable" ?)
D'après un autre forum, les 12 sens de Steiner sont :
Toucher
Sens de la vie
Sens du mouvement
Équilibre
Odorat
Goût
Vue
Sens de la chaleur
Sens de la parole
Sens de la pensée
Ouïe
Sens de l’autre

Je ne connais pas bien Steiner, mais sa division des sens ne me semble pas très bonne dans une optique phénoménologique comme ici. Il en va certainement autrement dans une optique psychologique, mais ma langue n'est pas construite dans une optique psychologique. Par exemple, je ne vois pas l'intérêt d'un sens du mouvement. Le mouvement, je le perçois et je le pense par un sens tel que la vue ou le toucher ; il n'y a pas, à mes yeux, un sens propre au mouvement. Idem pour le sens de la chaleur : la chaleur, peut-on la percevoir par autre chose que le toucher ? J'en doute. Cela dit, Steiner fait-il comme moi la confusion entre perception réelle et perception imaginaire ? Dans ma philosophie, la chaleur réelle et la chaleur imaginaire (telle que celle des sueurs froides) sont identiques, puisque ma philosophie est centrée sur le sujet. L'image que je vois en rêve et celle que je vois par ma rétine ne sont pas de nature différente. Cette idée, je doute encore une fois que Steiner l'ait, et s'il ne l'a pas il est tout à fait logique que sa division des sens ne soit pas la même que la mienne.

Ma division des sens, pour rappel, est la suivante :
1 - Vue
2 - Ouïe
3 - Goût et odorat (en un seul sens)
4 - Toucher
5 - Émotion
6 - Concept
7 - Ineffable

Ce sont les 6 sens que ma philosophie trouve à la perception humaine. Oui, je dis bien 6 sens, car l'ineffable n'est pas un sens à proprement parler ; c'est plutôt un fourre-tout. Il n'y a pas un sens de l'ineffable. Mais puisque nous percevons de l'ineffable et que l'ineffable ne peut pas être classé dans un des 6 autres sens, il faut bien en faire une 7ème catégorie.

J'ai longtemps, très longtemps songé à notre perception du temps, et je dois admettre qu'elle est problématique. J'ai hésité avant de décider que la perception du temps fait partie, en fonction de la situation, soit des autres sens soit de l'ineffable, mais je suis maintenant un peu plus sûr de moi. En effet, les 6 autres sens ont pour point commun de ne pas avoir d'objet de perception particulier, tandis que le sens dédié au temps, s'il existe un tel sens, ne peut percevoir que le temps, de manière exclusive ! Est-il possible qu'un mode de perception entier ait un seul et unique objet de perception ? Je peine à le croire. De plus, percevons-nous vraiment le temps ? La plupart du temps, nous n'avons en réalité que perception de l'instant présent, et ce qui nous semble être son écoulement n'est qu'une abstraction, appartenant donc au mode conceptuel, ou éventuellement au mode émotionnel, voire même au mode du toucher (n'a-t-on pas parfois une impression presque physiologique d'entropie ou de croissance, que l'on ne peut s'empêcher de lier au temps ?). Cela dit, je n'exclue pas la possibilité que, exceptionnellement, nous percevions le temps. En revanche, cette expérience est si particulière qu'elle ne peut faire partie que de l'ineffable.

Tes autres objections me gênent beaucoup moins. Le mot "intuition", à mes yeux, ne décrit pas un mode de perception mais plutôt la façon dont nous vient une perception : une intuition, c'est simplement une perception soudaine et inexpliquée, accompagnée d'un désir naturel de lui faire confiance. Ainsi, je peux tout à fait avoir une intuition visuelle (par exemple, l'intuition de placer mes mains devant moi lorsque je tombe, c'est certes un réflexe mais cet exemple caricatural me semble illustratif), une intuition affective (comme par exemple lorsqu'une personne ne m'inspire pas confiance), ou encore une intuition conceptuelle (comme la plupart des intuitions logiques, c'est-à-dire les "évidences"). Le sens de l'équilibre, celui de l'espace et celui du mouvement, quant à eux, m'apparaissent faire partie du sens de la vue ou du toucher la plupart du temps (en fonction de la situation). Pour l'équilibre, c'est le plus souvent le toucher, et la chose est d'autant plus évidente que, dans notre conception habituelle des sens, l'équilibre provient réellement du toucher dans l'oreille interne !

Akorion a écrit:
Je me demande comment l'on peut s'exprimer pour autrui : "il a dit que dans cette histoire ceux qui dirigeaient étaient ceux qui mentaient..."
Ou encore, comment éprouver le caractère des sciences dont la précision s'accommode peut-être mal d'impressions à deviner? Cela rejoint le caractère "vrai" ou "non-vrai" des mathématiques. Mais peut-être n'ai-je pas tout compris à la formation des mots et des phrases "impression" dans ta langue...
Mouarf, tu es cruel de me proposer des phrases aussi complexes pour une langue aussi naissante ! :p Après ce long message explicatif, je ne suis pas extrêmement motivé pour me pencher sur mon vocabulaire à peine entamé pour te donner un exemple directement en langue impressionniste. Mais voici déjà une transcription grossière en français impressionniste : "[il-2] [parole-2] [ici-2] [équivalence-6] [personne-6] [direction-6] , [personne-6] [mensonge-6]." C'est le mode auditif, en début de phrase, qui fait tout : ce mode est aussi celui de la narration.

Pour ce qui est des sciences exactes, qui exigent un raisonnement logique précis, la langue impressionniste n'est pas impotente, mais elle est un peu lourde : elle sera fréquemment obligée de passer par plusieurs phrases pour détailler la nature de la relation. Cela dit, tu peux constater, dans l'exemple précédent, qu'il existera un vocabulaire logique dans cette langue, avec [équivalence].
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MessageSujet: Re: Une langue impressionniste   Une langue impressionniste - Page 3 EmptyDim 29 Jan 2012 - 7:55

Grelot-de-Bois a écrit:
Ma division des sens, pour rappel, est la suivante :
1 - Vue
2 - Ouïe
3 - Goût et odorat (en un seul sens)
4 - Toucher
5 - Émotion
6 - Concept
7 - Ineffable
Ne crois-tu pas qu'il existe un autre sens spécifique (par rapport à ceux habituels), celui qu'on appelle habituellement le "sixième sens", l'intuition, l'instinct ? Un sens qui na pas d'organe sensoriel externe, mais qui dépendrait de mécanismes cérébraux encore mal élucidés et qui aurait trait à la mémoire génétique et générationnelle ? Quelque chose qui ressemblerait à l'inconscient collectif de Jung et qui serait le résultat "devenu génétique" de l'accumulation culturelle de centaines et de milliers de générations ? Parce que l'instinct existe, l'instinct de faire ou ne pas faire telle chose, de prendre des précautions pour telle confrontation ? Qui expliquerait le principe de sociabilité lui-même ? Ou, sinon, comment expliquer que certains animaux savent d'instinct qu'ils doivent éviter tel prédateur ? Quelque chose qui rendrait compte du principe d'adaptation collective et expliquerait la conscience et la culture ?
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MessageSujet: Re: Une langue impressionniste   Une langue impressionniste - Page 3 EmptyDim 29 Jan 2012 - 9:18

Tout d'abord, je tiens à préciser que, malgré leurs noms, mes sens ne correspondent pas à ceux des organes sensoriels. Par exemple, mon sens de la vue n'est pas celui de l'oeil humain, car l'imagination visuelle fait elle aussi partie de mon sens de la vue, or elle ne dépend pas du tout de l'oeil matériel. C'est la perception que je classe, totalement indépendamment de la nature de la chose perçue (réelle ou imaginaire, matérielle ou immatérielle, etc).

Et il semble que ceci ait son importance relativement à ton message, car, en le lisant, j'ai l'impression que tu différencies l'intuition de mes 7 sens simplement parce qu'elle ne dépend d'aucun de nos organes sensoriels. Mais comme je viens de l'expliquer, ceci n'est pas un trait disqualificateur. Dans cette philosophie, un sens n'est rien de plus qu'un mode de perception pour le sujet ; ainsi, je considère que, la plupart du temps, les intuitions appartiennent à l'un des six premiers sens de ma classification ; et lorsque ce n'est pas le cas, la perception en est si exceptionnelle qu'on peut légitimement la nommer "ineffable" : la chose est inconcevable pour qui ne l'a pas vécue (moi, par exemple).

Mais pour des explications plus détaillées à ce sujet, je te suggère de relire mon message précédent, notamment le passage suivant :
Grelot-de-Bois a écrit:
Le mot "intuition", à mes yeux, ne décrit pas un mode de perception mais plutôt la façon dont nous vient une perception : une intuition, c'est simplement une perception soudaine et inexpliquée, accompagnée d'un désir naturel de lui faire confiance. Ainsi, je peux tout à fait avoir une intuition visuelle (par exemple, l'intuition de placer mes mains devant moi lorsque je tombe, c'est certes un réflexe mais cet exemple caricatural me semble illustratif), une intuition affective (comme par exemple lorsqu'une personne ne m'inspire pas confiance), ou encore une intuition conceptuelle (comme la plupart des intuitions logiques, c'est-à-dire les "évidences").
Cette définition de l'intuition ("perception soudaine et inexpliquée accompagnée d'un désir naturel de lui faire confiance") ne spécifie absolument rien sur le mode de perception et montre donc bien que l'intuition n'est pas un sens.

Sab a écrit:
l'instinct de faire ou ne pas faire telle chose, de prendre des précautions pour telle confrontation ?
C'est précisément ce que je décris ci-dessus. Cette idée, celle de faire telle chose ou de ne pas faire telle autre, est une interprétation (hâtive à mon avis, car je ne crois pas en la justesse de l'instinct, mais qui sait ?) que nous faisons d'une perception donnée. Et cette perception peut être de différentes natures : ce peut être directement un concept, sorti de nulle part et purement abstrait, auquel cas il s'agit du mode conceptuel ; ce peut être une sorte de "flash" visuel, dans lequel notre imagination nous montre de manière incontrôlée ce qui pourrait arriver si nous agissions ou si nous n'agissions pas (ici, mode visuel) ; ce peut être un sentiment inexplicable, tel que de l'animosité, de la méfiance, ou au contraire de la sympathie (ici, mode émotionnel) ; ce peut même être une sorte de sensation physiologique tel qu'un vertige, qui nous avertirait de quelque chose (mode tactile)... dans chaque cas, l'intuition est à ranger dans une de mes catégories. Tu n'es pas d'accord ?

Sab a écrit:
Ou, sinon, comment expliquer que certains animaux savent d'instinct qu'ils doivent éviter tel prédateur ?
Cette question est sans lien avec le sujet, car ma définition de "sens" est "mode de perception". Ainsi, les sens que je décris sont des sens phénoménologiques, pas des sens biologiques que l'on pourrait étudier scientifiquement. Ma classification, qu'elle soit juste ou non, n'a donc aucune conséquence sur la signification que l'on trouve à la perception, et "il faut éviter ce prédateur" est un bien une signification. Cela dit, il est tout à fait possible, même dans une optique non-phénoménologique, de soutenir l'inexistence d'un sens de l'instinct. En effet, ce que tu nommes l'instinct chez un animal, on pourrait simplement considérer qu'il s'agit d'un mécanisme psychologique construit par l'éducation (qui existe chez les animaux), la plasticité cérébrale (dont le nom vernaculaire est l'"apprentissage") et peut-être la physiologie elle-même, donc les gènes (à la façon des réflexes, les réflexes myotatiques notamment). Nul besoin d'impliquer là-dedans le quasi-surnaturel d'un inconscient collectif (quoique l'idée d'inconscient collectif me semble dans d'autres situations séduisante, après tout je suis un admirateur de Jung). D'ailleurs, il est tout à fait possible de considérer l'inconscient collectif non comme une noosphère mais simplement comme les mécanismes les plus profonds et donc les plus essentiels de la pensée d'une espèce animale, mécanismes qui sont par définition communs à tous les membres de cette espèce, sans qu'il y ait pour autant communication télépathique avec un extérieur quel qu'il soit. Le concept d'inconscient collectif n'est pas forcément dépendant de celui de synchronicité.

Sab a écrit:
Quelque chose qui rendrait compte du principe d'adaptation collective et expliquerait la conscience et la culture ?
Idem.
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MessageSujet: Re: Une langue impressionniste   Une langue impressionniste - Page 3 EmptyDim 29 Jan 2012 - 21:52

Mon questionnement faisait bien la différence d'avec tes "sens et modes" pour ta création linguistique et portait sur les notions de "sens traditionnels". J'ai peut-être mal formulé ma digression, mais étant curieuse de nature, ton avis m'intéressait sur la question. Pour ma part, je suis intimement persuadée que l'instinct existe, qu'il est un véritable sens (sans notion de télépathie particulièrement associée) et qu'il tire sa source de comportements culturels transmis et répétés sur des milliers de générations, à tel point qu'il en est devenu "génétique". Sa genèse étant historiquement plus récente que celle des autres sens, il n'est pas universel et certains individus en sont plus doués que d'autres. Il y a trop de témoignages, à toutes les époques et dans des contextes tellement différents, ne serait-ce que le basique instinct de survie partagé par toutes les espèces animales (et peut-être végétales), ou encore le besoin grégaire, pour ne pas considérer qu'il y a là un sens de nature mémorielle innée.

Je ne manie guère les concepts philosophiques, et pour tout dire me méfie "d'instinct" de toutes les grandes théories, idéologies et abstractions, aussi mésusé-je peut-être la portée exacte de l'inconscient collectif développée par Jung, mais il m'apparait que l'homme est un animal social et culturel et que la sédimentation même des centaines de milliers d'années de développement collectif et de transmission a forcément imprégné nos gènes de dimensions de nature purement mémorielle, ce qu'on appelle faute de mieux l'instinct .
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