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| Comment une langue raconte une civilisation ? | |
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Auteur | Message |
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Greenheart
Messages : 4041 Date d'inscription : 03/05/2008
| Sujet: Comment une langue raconte une civilisation ? Mer 22 Avr 2009 - 18:27 | |
| Ou un monde, ou les moeurs ou les croyances etc. des gens qui la parlent ?
J'avais entendu parlé de cette caractéristique dans un documentaire de la BBC sur le langage, où le narrateur donnait comme exemple le titre d'un livre - je ne me souviens plus exactement lequel, mais c'était quelque chose comme "La vie des hommes à l'époque Victorienne", où "hommes" aurait du être lu "êtres humains" (donc hommes, femmes, enfants, vieillard etc.).
Le deuxième exemple était les romans 1984 et Orange Mécanique, qui faisaient référence à des évolutions du langage qui existaient dans le monde réel, par exemple l'union soviétique ou d'autres régimes totalitaires qui interdisaient l'usage de certains mots ou forçaient à l'usage d'autres dans l'idée de modifier la société en général et le cheminement des pensées en particulier.
L'exemple le plus flagrant est dans l'échange des salutations ou les titres de civilités, comme quand le Monsieur Bidule = Mon seigneur / Mon sire est interdit pour être remplacé par "Citoyen Machin", "Camarade Truc" ou encore "Frère Chose". On le voit aussi dans les religions et les sectes, toujours dans le même but (manipuler la pensée, donc altérer le rapport interindividuel).
Ces dernières années avec le "politiquement correct" et une tendance accélérée à utilisé le jargon, les euphémismes ou les mots carrément impropres à décrire l'objet dont on parle ("les évènements" pour la "guerre" ; "les terroristes" pour les "insurgés" / les "résistants", les "combattants anti-" ; ou encore les "pirates" pour les "partageurs de fichiers" j'en passe et des meilleurs), on voit aussi se dessiner à travers la langue non pas une civilisation réelle des locuteurs, mais la civilisation souhaitée par celui qui parle la langue.
Une autre catégorie de mots potentiellement très révélateurs sur ce sujet sont le vocabulaire sexuel ou celui qui décrit les rapports entre les couples ("mariage" ou "alliance"), ainsi que tous les mots auquels sont associés des "registres de langues", parfois complètement aléatoires - d'où les difficultés qu'éprouvent certains à censurer automatiquement des textes ou un programme télévisé américain dont le héros serait "Dick", ou encore un rapport technique sur l'équipement des zones portuaires en "Bites" d'abordage, avec tout ce que cela implique de problème de "tailles" règlementaires.
En fiction, les travaux de Tolkien font aussi état de rapport entre les écritures par exemple, et les moeurs ou mode de vie des locuteurs - mais c'est surtout dans le choix des noms, et le choix des sons que Tolkien, il me semble va essayer de décrire les civilisations des peuples qu'il invente.
Mais tout cela, ce sont au mieux des constats, des intuitions : où est la grammaire, la syntaxe, le dictionnaire de traduction de cette langue dans la langue dans toute langue, qui raconterait une civilisation rien qu'en parlant de tout ? | |
| | | Vilko
Messages : 3561 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mer 22 Avr 2009 - 23:06 | |
| - Greenheart a écrit:
- Le deuxième exemple était les romans 1984 et Orange Mécanique, qui faisaient référence à des évolutions du langage qui existaient dans le monde réel, par exemple l'union soviétique ou d'autres régimes totalitaires qui interdisaient l'usage de certains mots ou forçaient à l'usage d'autres dans l'idée de modifier la société en général et le cheminement des pensées en particulier.
Qui contrôle le langage a un avantage qui peut être décisif dans les débats. C'est pourquoi aux Etats-Unis les partisans de la guerre contre l'Iraq appelaient leurs adversaires les "apaiseurs", ceux qui apaisent l'ennemi (qui est toujours le mal incarné) plutôt que de le combattre. On pourrait citer bien d'autres exemples, qui sortiraient du cadre de ce forum. - Greenheart a écrit:
- L'exemple le plus flagrant est dans l'échange des salutations ou les titres de civilités, comme quand le Monsieur Bidule = Mon seigneur / Mon sire est interdit pour être remplacé par "Citoyen Machin", "Camarade Truc" ou encore "Frère Chose". On le voit aussi dans les religions et les sectes, toujours dans le même but (manipuler la pensée, donc altérer le rapport interindividuel).
De même, dans les entreprises "modernes", où le tutoiement est de mise. En pratique, cela veut dire que le subordonné (qui reste subordonné même s'il tutoie son chef) ne peut pas se retrancher derrière le réglement pour refuser de faire des heures supplémentaires gratuites, parce qu'on est "entre copains".
Dernière édition par Vilko le Sam 25 Avr 2009 - 11:38, édité 1 fois | |
| | | Greenheart
Messages : 4041 Date d'inscription : 03/05/2008
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Ven 24 Avr 2009 - 16:28 | |
| Peut-être une piste si on arrive à dresser une liste des "sèmes" (unités élémentaires) communs à toutes les langues (ou aux principales), et qu'on compare ensuite la manière dont ces sèmes sont raccordés à chaque mot du dictionnaire.
Par exemple, le premier nom commun ("homme") de la liste des mots les plus fréquents dans les listes françaises, anglaises, latines et japonaises permet de dresser une première combinatoire (mots à un sème, puis mots combinant un sème déjà cité avec un autre etc.).
1°) L'individu = la personne 2°) L'individu humain = la personne humaine = l'être humain. 3°) L'individu humain mâle. 4°) L'individu humain femelle. 5°) Le mari = l'époux 6°) La femme = l'épouse. 7°) Le chef de famille = le parent 8°) Le chef de famille mâle. 9°) Le chef de famille femelle.
Un truc qui peut aider pour identifier quel sème est à l'oeuvre / quels sèmes sont à l'oeuvre, ce sont les contraires : "homme" par opposition à "femme", "homme" par opposition à "bête", "homme" par opposition à "enfant" etc.
En toute logique, la civilisation devrait apparaître lorsqu'on constate l'absence d'un sème - ignorance volontaire ou involontaire de l'idée, donc de la réalité de cette idée ; une hiérarchie entre les sèmes (l'un ne va pas sans l'autre, en particulier les sèmes liés au genre et au nombre etc.) ou encore une fréquence plus faible ("homme" plus fréquent que "femme", par exemple).
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Une autre piste serait les antonymes (richesse ou pauvreté, sèmes convergents ou non, nature des sèmes divergents) et les synonymes (richesse ou pauvreté, nature des sèmes divergents) par rapport au sème et au thème de ce vocabulaire.
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Une troisième piste serait les associations et les dissociations les plus fréquentes de mots. | |
| | | Nemszev Admin
Messages : 5559 Date d'inscription : 06/03/2008 Localisation : Bruxelles, Belgique
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Ven 24 Avr 2009 - 22:53 | |
| Mon prof de sémiotique dit qu'une langue est un outil que l'on peut adapter. Comme exemple, il utilisait la féminisation systématique de tous les noms de métiers en français. _________________ Le grand maître admin-fondateur est de retour. - Bedal Original, bien justifié, et différent du sambahsa et de l'uropi. - Velonzio Noeudefée Nemszev m'a fait une remarque l'autre jour, et j'y ai beaucoup réfléchi depuis. - Djino J'ai beaucoup de tendresse pour ta flexion verbale. - Doj-Pater Pourquoi t'essaies de réinventer le sambahsa ? - Olivier Simon Oupses ! - Anoev
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| | | Xé
Messages : 190 Date d'inscription : 08/04/2009 Localisation : NANCY
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Sam 25 Avr 2009 - 4:16 | |
| - Nemszev a écrit:
- Mon prof de sémiotique dit qu'une langue est un outil que l'on peut adapter.
Comme exemple, il utilisait la féminisation systématique de tous les noms de métiers en français. Je pense qu'il a on ne peut plus raison. Plus je parle anglais, plus je prends le réflexe de créer des néologismes dans mon français (pas anglicisés). C'est pas plus mal, je trouve que c'est une bonne pratique qu'ont les anglophones, et que c'est bien de l'employer dans d'autres langues, puisque si le néologisme est logique il est compris immédiatement par tout le monde... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mar 28 Avr 2009 - 17:13 | |
| - Nemszev a écrit:
- Mon prof de sémiotique dit qu'une langue est un outil que l'on peut adapter.
Comme exemple, il utilisait la féminisation systématique de tous les noms de métiers en français. C'est la norme ici. Depuis 50 ans. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mar 28 Avr 2009 - 21:51 | |
| Quels partis pris utilisez-vous dans vos langues pour rendre un terme aussi connoté et spécifique que "se marier" ?
En Kotava, on a deux verbes distincts : - kuré = se marier, avec une notion religieuse derrière - yerumá = se marier, s'unir, au sens reconnu par une autorité, mais sans aspect religieux
Je ne sais même pas comment on traduirait tous les cas de figure particuliers. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mar 28 Avr 2009 - 22:14 | |
| - Sab a écrit:
- Quels partis pris utilisez-vous dans vos langues pour rendre un terme aussi connoté et spécifique que "se marier" ?
En Kotava, on a deux verbes distincts : - kuré = se marier, avec une notion religieuse derrière - yerumá = se marier, s'unir, au sens reconnu par une autorité, mais sans aspect religieux
Je ne sais même pas comment on traduirait tous les cas de figure particuliers. Bah, dans la théorie sociologique derrière Melville, j'ai bien une notion de "Maisonnée" qui est en quelque sorte l'idée de former une unité sociale dont le but est de s'occuper l'un de l'autre et de s'occuper en commun des enfants de chacun, mais c'est très difficile de traduire cela de façon unilexicale. Ce n'est certainement pas un mariage, même au sens civil : ça ne se limite pas nécessairement à deux adultes, et ça n'est pas toujours fait dans l'idée d'amour (vision moderne) ou de réseautage familial (vision courante dans beaucoup de sociétés). Pour en parler en français, j'utilise surtout la construction verbale "X fonder une maisonnée avec Y". Reste que j'ai quand même pu exprimer la notion, même en français. Les langues s'adaptent très bien, ce ne sont pas toutes qui utilisent des constructions morphologiques (le français ADORE les constructions syntaxiques). |
| | | Vilko
Messages : 3561 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mar 28 Avr 2009 - 22:49 | |
| - Sab a écrit:
- Quels partis pris utilisez-vous dans vos langues pour rendre un terme aussi connoté et spécifique que "se marier" ?
En Kotava, on a deux verbes distincts : - kuré = se marier, avec une notion religieuse derrière - yerumá = se marier, s'unir, au sens reconnu par une autorité, mais sans aspect religieux
Je ne sais même pas comment on traduirait tous les cas de figure particuliers. Utiliser deux termes différents pour "se marier religieusement" et "se marier administrativement" (mariage reconnu par une autorité non-religieuse) c'est déjà postuler une forme particulière de société : 1. Le mariage existe comme cérémonie religieuse mais aussi comme contrat civil. Ce n'est pas le cas dans toutes les cultures : les Piraha d'Amazonie n'ont ni l'un ni l'autre, les Bouddhistes n'ont pas de mariage religieux au sens strict, etc. 2. Les deux formes de mariage sont distinctes mais tout aussi valides (dans les deux cas, on se marie). Ce n'est pas nécessairement le cas dans toutes les cultures, ni à toutes les époques. Mes langues construites ont toutes un terme général pour "se marier", au sens assez vague, précisé par des adverbes ou des locutions particulières (se marier avec contrat notarial, se marier à l'église, etc). "Se marier" est à peine distinct de "vivre ensemble" mais implique, en principe, un engagement durable, qui peut n'être rien de plus qu'une décision personnelle du couple, sans accord écrit ou cérémonie d'aucune sorte. A Dibadi, vaste métropole où l'on parle le dibadien, le mariage religieux n'implique en rien l'administration civile. Il n'existe pas de mariage administratif (à la mairie) mais il existe un grand nombre de mariages avec contrat notarial, qui sont en fait (et en droit) de simples contrats d'association. Ces contrats visent à protéger la femme, par exemple en lui donnant droit à une compensation financière en cas de rupture du contrat. Pour de simples raisons administratives les enfants portent le nom du père (s'il reconnaît les enfants comme siens) et l'identité des parents est enregistrée par le Ministère de la Population. Une femme garde son nom de jeune fille sur tous les documents administratifs et légaux, mais, dans l'usage courant, elle peut utiliser un autre nom. Par exemple, celui de son mari ou de son compagnon. Il existe plusieurs mots pour "madame" ou "mademoiselle" ( umtayi, oquil...) mais aucun d'eux ne fait référence au statut marital de la personne. Pour rester conforme au roman : une femme porte une bague ou une alliance à l'annulaire de la main gauche pour indiquer qu'elle a une relation exclusive avec un homme, et donc qu'il serait malvenu d'essayer de la séduire Si les Dibadiens parlaient le kotava, ils diraient kuré pour le mariage religieux, sans valeur légale, et yerumá pour le mariage avec contrat notarial. Mais il leur manquerait un mot pour le mariage qui est une simple cohabitation avec promesse réciproque, non écrite, d'entraide et de fidélité... également sans valeur légale. | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37582 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Douceurs nuptiales Mer 29 Avr 2009 - 0:28 | |
| - Sab a écrit:
- Quels partis pris utilisez-vous dans vos langues pour rendre un terme aussi connoté et spécifique que "se marier" ?
En aneuvien, la simplicité est de rigueur. Religion* ou pas, (se) marier de dit NÙP. Par contre, on dira: At regdak nùppa ed neràpkads = le roi a marié sa fille. O dem mir ep nùp kœm das? = Tu vas te marier avec lui ? Ar aṁb nùppăr ea habăr mœlt neràpduse = ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Ce distinguo entre DEM et AṀB est assez important, notamment au pluriel (on s'en doute, au singulier, on n'utilise que DEM, puisqu'on ne se marie pas tout seul, mais évidemment avec quelqu'un d'autre). Notamment pour ces deux cas: A ea B aṁb nùppe = A et B se marient (A se marie avec B) A ea B dem nùppe = A et B se marient (chacun de leur côté, A avec C et B avec D) * P'is laquelle, d'ailleurs? y en a une bonne douzaine à cohabiter en Aneuf! Alors... | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37582 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Douceurs nuptiales (suite) Mer 29 Avr 2009 - 10:28 | |
| Le thème du mariage a donné naissance, en aneuvien comme dans d'autres langues, à des tournures imagées. Certaines sont connues dans le monde vrai, d'autres sont typiquement aneuviennes, d'autres enfin, ont un sens différent en aneuvien et dans d'autres langues.
Dem nùp àt rodhoosev, àt sjelev, àt sinagogev, à mesquav... = se marier à la mairie, à l'église, à la synagogue, à la mosquée.... De toute manière, le mariage passe toujours par la mairie. Dem nùp àt rodhoosev suppose le fait qu'il n'y a aucune séance lithurgique de quelque culte que ce soit. Dem nùp àt hoosev = Se marier à la maison Vivre en concubinage, en union libre. Dem nùp in wyx = Se marier en blanc Être vierge au moment du mariage, quel que soit le sexe du conjoint (suranné) Dem nùp in svart = Se marier en noir Se remarier pendant un veuvage (suranné) Dem nùppa à stàtynev, à (flog)havrev = (s')être marié à la gare, au (à l'aéro)port Fig: se dit d'un couple dont chacun des conjoints habite loin de l'autre ou se voient peu, le plus souvent pour des raisons professionnels (cheminot, personnel maritime ou aérien) Dem nùppa à skoolev = (s')être marié à l'école Fig: Se dit quand il y a une très grande différence d'âge entre les conjoints et que l'un des deux était encore succeptiple d'aller à l'école. On peut forcer le trait en disant "Dem nùppa àt pirmarskoolev, àt infàntskoolev" (!) Dem nùppa àt baṅkev = (s') être marié à la banque Fig: avoir fait un mariage d'intérêt Dem nùppa kœm sed hæntes, sed digtes = (s')être marié avec sa main, son doigt Fig: pratiquer régulièrement la masturbation Dem nùp àt hosbarev, ad àt alritev = se marier à l'hopital, chez le notaire Se marier pour laisser une transmission. Dem nùppa at praskenhoosev = (s')être marié au bordel Fig: Être conjoint d'un(e) prostitué(e) professionnel(le). Dem nùp kœm Divs (...) = se marier avec Dieu (ou bien...) Avoir une vie monastique
Et j'en oublie sûrement! | |
| | | Greenheart
Messages : 4041 Date d'inscription : 03/05/2008
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mer 29 Avr 2009 - 14:46 | |
| - Sab a écrit:
- Quels partis pris utilisez-vous dans vos langues pour rendre un terme aussi connoté et spécifique que "se marier" ?
En Kotava, on a deux verbes distincts : - kuré = se marier, avec une notion religieuse derrière - yerumá = se marier, s'unir, au sens reconnu par une autorité, mais sans aspect religieux
Je ne sais même pas comment on traduirait tous les cas de figure particuliers. Je suis en plein travail sur le Rémaï 15 donc je réponds sous toutes réserves à cette question. En Rémai 15 c'est "traiter en être humain par suite d'un serment" pour "être marié" et "prêter serment de traiter en être humain" pour l'acte lui-même d'épouser quelqu'un. Il n'y a pas de notion religieuse, mais l'idée de solennité, de vérité ajoutée dans la relation humaine de respect et d'équité. La même notion s'applique donc à des expressions comme "être marié avec son entreprise", "on joue dans le même groupe mais on n'est pas marié" ou encore le fait d'entrer en féodalité ou dans une société secrète etc. | |
| | | Ziecken Modérateur
Messages : 13140 Date d'inscription : 23/03/2008 Localisation : Nointot, Normandie
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mer 29 Avr 2009 - 15:04 | |
| En elko on traduit le mot se marier au moyen de la clé WEIT (couple) qui traduit la notion de couple, d'union, de mariage.
weiti marier
Pour obtenir toutes les sortes de mariage et toutes les nuances liées à cette institution, on utilise l'agglutination :
baseiti se marier d'amour debeiti se marier religieusement wuteiti se marier en extérieur weteiti se marier en intérieur bikeiti se marier à distance bizeiti se marier administrativement daneiti se marier post-mortem daweiti se marier en groupe tadeitise remarier dineiti se marier vieux duneiti se marier jeune reiweiti se marier par obligation kizeiti se marier avec consentement réciproque keteiti se marier par obligation dès la naissance noleiti se marier le jour nokeiti se marier la nuit
etc... _________________ Idéolangues : elko, kelep, englo, ... (+27) Idéomondes : Multivers d'Aegis, monde du Losda
Dernière édition par ziecken le Mer 29 Avr 2009 - 17:43, édité 1 fois | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37582 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mer 29 Avr 2009 - 16:11 | |
| Quand j'disais qu'jen avais oublié! Et puis y a les autres distinctions de sens: Ùt jœng nùpkad = une jeune mariée (elle est vraiment jeune) Ù dla nùpkad = une femme récemment mariée. L'adjectif JŒNG (tout comme GÈREN, d'ailleurs) fait uniquement référence à l'âge et non pas l'ancienneté d'un état (mariage, veuvage, ancienneté dans une entreprise, mort...), à la différence de DLA ou ALD. - ziecken a écrit:
- wuteiti = se marier en extérieur
duneiti = se marier en extérieur Quelle différence entre les deux? | |
| | | Ziecken Modérateur
Messages : 13140 Date d'inscription : 23/03/2008 Localisation : Nointot, Normandie
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mer 29 Avr 2009 - 18:02 | |
| - Citation :
- Quelle différence entre les deux?
Au temps pour moi, faute de frappe, j'ai édité mon post. Merci ! duneiti signifie se marier jeune - Citation :
- Quand j'disais qu'jen avais oublié!
C'est tous les avantages des langues logiques, agglutinantes et systématiques, toutes les combinaisons sont significatives. Les mots peuvent avoir un sens plus précis et les combinaisons systématiques les rendent plus facile à apprendre. _________________ Idéolangues : elko, kelep, englo, ... (+27) Idéomondes : Multivers d'Aegis, monde du Losda | |
| | | Greenheart
Messages : 4041 Date d'inscription : 03/05/2008
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Jeu 7 Mai 2009 - 17:34 | |
| Je viens de tomber sur un début de réponse à ma question en approfondissant l'interfaçage du Rémaï avec le français et d'autres langues naturelles (voir aussi mon prochain post dans ce sujet).
Apparemment toute langue se composerait un noyau usuel de mots / idées absolument indispensables pour exprimer la pensée humaine. Ces mots / idées correspondent aux mots les plus fréquents de chaque langue et comprennent bon nombre de mots et marques grammaticaux, dont les marques de genre (féminin et masculin en français) par exemple.
En revanche, une fois dépassé ce noyau usuel, on tombe sur trois type de mots :
- les néologismes qui servent à dire quelque chose qu'on a pensé mais pour lequel le vocabulaire usuel ne suffirait apparemment pas.
- les faux néologismes, qui veulent dire quelque chose qui existe déjà dans le vocabulaire et qui donc fait double emploi, auquel on ajoutera les totologismes (la même idée dite deux fois dans le même mot) et les oxymorismes (les idées contradictoires mises dans le même mots).
- les mots valises, qui sont formés d'une combinaison de mots : usuels / néologismes / faux néologismes, au plaisir de ceux qui les pratique.
Et c'est là qu'il devient possible de dresser, je crois, rationnellement, une carte ou une photographie de la civilisation à travers un texte ou une série de texte qui emploierait une sélection de ces mots.
Pour cela on commence par identifier le noyau usuel, qui, à l'exception des marques et mots grammaticaux comportera de très nombreux vides, parce que les mots courants naturels sont rarement dotés d'un seul sens non équivoque, alors que tous les mots du noyeau usuel font correspondre un sens et un seul. Tandis que c'est souvent le contraire pour une langue construite.
Une fois le noyau usuel identifié, on opère une combinatoire qui va générer des dictionnaires des mots à une idée (un mot usuels), puis des mots à deux idées (combinant deux mots usuels) et ainsi de suite.
Lorsqu'on rapprochera ces dictionnaires usuels combinés des dictionnaires naturels, toutes les divergences (mots manquants, néologismes, faux néologismes etc.) vont former le portrait de la civilisation.
Par exemple, l'apparition d'un néologisme de type "internet" ou "androïde" ou "répliquant" va automatiquement marquer un point de civilisation, qui divergera par exemple de mots comme "golem" ou "homoncule" ou "automate" ou encore "robot".
Les trous des dictionnaires naturels marqueront en toute logique des tabous, des ignorances ou des faits de manipulation / propagande, comme par exemple la disparition du mot "guerre" au profit de "conflit" / "évènement", ou encore celui de "résistant" au profit de "terroriste", et ainsi de suite. | |
| | | Xé
Messages : 190 Date d'inscription : 08/04/2009 Localisation : NANCY
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Sam 9 Mai 2009 - 1:41 | |
| Sauf que fait d'employer "résistant" au lieu de "terroriste" ou vice versa ne relève que du point de vue, ces deux mots ont toujours cohabités et le feront toujours. Ce n'est pas comme "combattant", qui en soit est plus objectif et ne relève pas de la prise de partie. Les belligérants d'un conflit armés sont toujours des combattants, au delà, ce n'est plus neutre. Il y a donc peu de chances que l'un disparaisse au profit de l'autre.
Ces deux mots sont aussi subjectif l'un que l'autre, exception faite peut être que "terroriste" renseigne (ou més-enseigne) sur les méthode employées, alors que "résistant" se contente de donner une image positive des sujets en question, sans préciser le mode d'action (on peut résister par une grève de la faim, ou un poème, ce qui ne sont pas des actes de terrorisme - ce qui a une définition assez précise, même du point de vue des opposants).
L'une des parties, généralement celle qui a le dessus, désignera toujours ses adversaires comme étant des terroristes, tandis que l'autre se prétendra résistante. Dans toutes les guerres il en a été ainsi. Le jour ou l'on pourra dire que ce genre d'exemple est significatif sur le reflet de la société, ce sera quand un gouvernement unique regnera sans merci sur terre et ou un terme neutre comme "combattant" sera oublié au profit de "terroriste" ou autrement dit quand "rebelle" sera universellement devenu un synonyme de "méchant" ou de "mal".
Je ne vois pas trop comment il est possible de généraliser sur les trous sémantiques au point de prétendre que chacun représente au même niveau un tabou, une ignorance ou une manipulation. Il y a aussi les nuances, ou les références métaphoriques pas forcément utiles dans une langue par rapport à une autre, ou encore certains sens peuvent avoir besoin de plusieurs mots pour être exprimés dans une langue naturelle, contrairement à la langue philosophique "sans trous" de référence. Et je suppose qu'il y a encore d'autres exemples qui pourraient se dresser contre cette analyse.
Ceci étant, jusqu'au dernier paragraphe, je suis assez d'accord sur le concept Pas forcément sur les conclusions. | |
| | | Greenheart
Messages : 4041 Date d'inscription : 03/05/2008
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Sam 9 Mai 2009 - 6:30 | |
| - cebelab° a écrit:
- Sauf que fait d'employer "résistant" au lieu de "terroriste" ou vice versa ne relève que du point de vue, ces deux mots ont toujours cohabités et le feront toujours.
Ceci étant, jusqu'au dernier paragraphe, je suis assez d'accord sur le concept Pas forcément sur les conclusions. - Greenheart a écrit:
- Et c'est là qu'il devient possible de dresser, je crois, rationnellement, une carte ou une photographie de la civilisation à travers un texte ou une série de texte qui emploierait une sélection de ces mots.
Je voulais bien entendu parlé de l'analyse de la civilisation du locuteur ou d'un ensemble de locuteurs auteurs des textes (corpus) ainsi examiné : cela inclus à mes yeux la distorsion du point de vue (et non le point de vue lui-même). Un locuteur ne peut penser qu'au moyen des mots qui l'emploie : si "combattant" ou "résistant" sont sortis de son vocabulaire et systématiquement remplacés par "terroriste", nous sommes bien face à une constante qui indique une culture (un conditionnement) particulier. Si en revanche les mots "combattant" ou "résistant" continuent d'apparaître dans l'ensemble des textes examinés, le ou les locuteurs ne sont pas alignés sur la culture ou le conditionnement de civilisation particulier en question. Comme en plus les limites temporelles, géographiques, démographiques d'une civilisation ("occidentale" "latine" etc.) sont difficiles voire impossibles à définir, un individu pouvant changer de culture suivant son âge, le domaine dans lequel il s'exprime (science, morale etc.) et ses points de vue, il est tout à fait logique (pour moi en tout cas) que l'outil que je propose donne des résultats qui dépendent des distorsions de points de vue des auteurs des textes analysés. | |
| | | Xé
Messages : 190 Date d'inscription : 08/04/2009 Localisation : NANCY
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Dim 10 Mai 2009 - 14:32 | |
| C'est vrai que ça peut être une méthode intéressante à mettre en œuvre. Il était tard pour mes neurones, je ne l'avais pas saisi tout à fait de cette manière.
Je n'avais pas vraiment pensé à une langue dite "philosophique" (car d'après ce que j'en sais je pense qu'on peut qualifier ainsi le Rémaï) comme outil d'analyse d'une civilisation (ou culture, du moins à un moment X) au travers d'un corpus de textes choisis pour en être représentatifs, et c'est vrai que c'est tout à fait imaginable.
La tache serait probablement titanesque cependant, car ça impliquerait d'isoler tous les mots, expressions et autres locutions de la langue analysée, pour faire au préalable, et systématiquement, une analyse sémantique et étymologique, afin d'être le plus juste possible dans la comparaison avec le dictionnaire d'une langue auto-générée qui servirait de référence lexicale.
Je veux dire par la qu'avant de pouvoir déterminer tel ou tel trou sémantique dans la langue cible, et par conséquent poser un jugement de valeur sur la civilisation correspondante, il faudrait être sûr de ne pas passer au travers d'une expression, qui aurait le sens recherché et présumé manquant, ou connaître précisément les sens exacts et/ou premiers (c.a.d. le sens pour lequel le mot à été créé, ou les racines dont il est tiré) de chacun des éléments lexicaux.
Enfin, il faudrait entreprendre de rechercher les raisons pour lesquelles les trous dégagés existent, ce qui serait un délicat travail de recherche sociologique.
En somme, ce pourrait être un exercice d'ethnologie passionnant et très enrichissant, à condition d'être d'une rigueur extrême, faute de quoi il serait facile de tirer des conclusions non pertinentes. | |
| | | Nemszev Admin
Messages : 5559 Date d'inscription : 06/03/2008 Localisation : Bruxelles, Belgique
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Dim 10 Mai 2009 - 16:11 | |
| Ce qui formate l'oeil du locuteur, c'est surtout la composition du mot et son genre, nombre, etc. peut-être aussi ses sons (un son doux à l'oreille sera peut-être mieux considéré qu'un son moche, comme par exemple "chnok").
Un mot peut avoir le sens d'un autre dans une autre langue, mais ses antécédents seront différents. Parfois, on reprend un mot étranger tel quel sans le comprendre, par exemple "pizza" (qu'on rapproche difficilement de "pièce", morceau), "joker" (dont on oublie le sens de "blagueur")... On peut aussi l'adapter, soit en calque total, soit en composition arbitraire...
Il est intéressant de voir comment des langues comme l'arabe, l'islandais ou le chinois peuvent recréer des mots pour des concepts venus de l'étranger avec leurs racines...
Par exemple, dernièrement j'ai vu le mot arabe pour "indépendance". C'est "istiqlâl", le substantif verbal de "istaqlala", dont le schème signifie "chercher à, aller vers ..." et la racine "qalîl" signifie "peu". C'est "la tentative d'être moins nombreux" ou, si on veut inventer un néologisme, "la propaucité".
Autre exemple, "ishtarakiyyah" pour "socialisme", ça part d'un mot qui signifie "participer" avec ajout de -iyy pour un adjectif ou un mot qui est relatif à cela et -ah pour le féminin. On pourrait dire que c'est "le participatisme".
J'aime inventer de nouveaux mots en calquant les mots étrangers, ça m'apprend des choses... _________________ Le grand maître admin-fondateur est de retour. - Bedal Original, bien justifié, et différent du sambahsa et de l'uropi. - Velonzio Noeudefée Nemszev m'a fait une remarque l'autre jour, et j'y ai beaucoup réfléchi depuis. - Djino J'ai beaucoup de tendresse pour ta flexion verbale. - Doj-Pater Pourquoi t'essaies de réinventer le sambahsa ? - Olivier Simon Oupses ! - Anoev
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| | | Vilko
Messages : 3561 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Dim 10 Mai 2009 - 21:25 | |
| - Nemszev a écrit:
- Par exemple, dernièrement j'ai vu le mot arabe pour "indépendance".
C'est "istiqlâl", le substantif verbal de "istaqlala", dont le schème signifie "chercher à, aller vers ..." et la racine "qalîl" signifie "peu". C'est "la tentative d'être moins nombreux" ou, si on veut inventer un néologisme, "la propaucité". J'ai l'impression qu'au moins pour ce mot, le sens est indépendant de l'étymologie. Les arabophones avaient besoin d'un mot, et au lieu de recourir à l'emprunt (*indifandansa ?) ils ont bricolé un mot dont le sens est très différent de ce à quoi on pourrait s'attendre. On imagine un linguiste arabe, obligé de créer des milliers de néologismes en très peu de temps, et passant au maximum une minute par mot. C'est peut-être d'ailleurs ce qui s'est passé... Les créateurs de langues connaissent ce dilemne. En dibadien, par exemple, j'aurais le choix entre trois possibilités : indep-mutlati "indép-liberté". "Indep" ne veut rien dire en dibadien, c'est un immotivé qui précise le sens de mutlati (liberté). homutlati "liberté du pays". Ce mot ne recouvre pas tous les sens du mot indépendance. mutlalëkhti = mutla libre + lëkh élargissement de racine, obtenu en lançant deux dés à dix faces : 6 = (ë)l, 9 = (ë)kh + ti suffixe nominal des verbes d'état. J'imagine un linguiste créant dix mille mots de cette façon à raison de cent mots par jour (un vrai travail à la chaîne). Avec les retards inévitables et les weekends, il faudrait, disons, six mois. Ensuite, encore plusieurs mois pour tout classer par ordre alphabétique, éliminer les doublons, choisir entre les différentes possibilités (indepmutlati / homutlati / mutlalëkhti - ce serait mutlalëkhti), faire contrôler le travail par quelqu'un d'autre (absolument nécessaire : on trouve toujours son propre travail génial... ), et finalement publier le lexique ainsi obtenu. J'ai lu quelque part que lorsque la Bahasa Indonesia a été créée lors de l'indépendance de l'Indonésie, la commission chargée de rédiger le dictionnaire officiel a approuvé vingt mille mots en une seule séance Je suis sûr qu'ils ne les ont même pas lus ! Quelle bande de feignants !J'espère qu'ils étaient nombreux à travailler desssus. A l'époque il n'y avait pas d'ordinateurs, ils ont sans doute demandé à des dactylos de fusionner les listes effectuées par chacun des linguistes. Ensuite, il a fallu corriger les erreurs, inévitables, éliminer les homophones, faire taper par les dactylos la version définitive du dictionnaire, etc. Et ce n'était que le début : ensuite il a fallu faire apprendre la langue à ceux qui seraient chargés de l'enseigner ou de faire les traductions. Ça a dû prendre des années. Et au moins une génération pour que chaque électricien ou fonctionnaire indonésien ait appris son métier en Bahasa Indonesia. Peut-être encore une autre génération pour les médecins, ingénieurs, etc. | |
| | | Nemszev Admin
Messages : 5559 Date d'inscription : 06/03/2008 Localisation : Bruxelles, Belgique
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Lun 11 Mai 2009 - 17:47 | |
| Effectivement, souvent l'important est d'avoir un mot pour caser rapidement un concept. Une langue totalement étymologique est quelque chose qui n'existe vraisemblablement pas (sauf peut-être une idéolangue). Il y a toujours une part d'arbitraire dans le choix de la (ou des) racines. Parfois le sens dévie (comme par exemple "divan" qui à la base, en persan diwan, signifie un conseil législatif, puis dont le sens est allé vers les fauteuils où s'asseyaient les membres), on peut aussi utiliser le mot de manière figurée ("saisir le sens d'un mot" serait compliqué au sens propre!)... Et on peut très bien prendre deux mots et leur coller un concept pas toujours très proche. Puis un mot, ça s'adapte à la culture de la société. Une "madrasa" (école) musulmane n'est pas une "école" d'Europe chrétienne occidentale.
A l'inverse, il existe une version du Coran (il faudra que je retrouve le nom) traduit en français avec un nombre important de néologismes calqués sur l'arabe. Ce serait intéressant de les passer en revue... _________________ Le grand maître admin-fondateur est de retour. - Bedal Original, bien justifié, et différent du sambahsa et de l'uropi. - Velonzio Noeudefée Nemszev m'a fait une remarque l'autre jour, et j'y ai beaucoup réfléchi depuis. - Djino J'ai beaucoup de tendresse pour ta flexion verbale. - Doj-Pater Pourquoi t'essaies de réinventer le sambahsa ? - Olivier Simon Oupses ! - Anoev
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| | | Xé
Messages : 190 Date d'inscription : 08/04/2009 Localisation : NANCY
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mar 12 Mai 2009 - 1:11 | |
| Hé oui, en fait, nous baignons tous autant que nous sommes dans des langues très métaphoriques, jusqu'au coup, même dans les expressions les plus basiques, sans même nous en rendre compte... C'est probablement ce qui rend difficile de concevoir une langue formelle, et ce qui la rendrait finalement peut être peu intuitive à utiliser. Ça n'a rien de naturel, pour nous autres, êtres sensoriels. - Citation :
- A l'inverse, il existe une version du Coran (il faudra que je retrouve le nom) traduit en français avec un nombre important de néologismes calqués sur l'arabe. Ce serait intéressant de les passer en revue...
Ce ne serait pas la version Chouraqui? Je sais qu'il a traduit la torah (bible hébraïque) de l'hébreu et le coran de l'arabe vers le français, mais d'une manière non habituelle (disons non traditionnelle) en employant justement des néologismes, ce pour tenter de se rapprocher au plus des concepts et idées exprimées dans les langues sources | |
| | | Olivier Simon Modérateur
Messages : 5565 Date d'inscription : 20/02/2009 Localisation : Lorraine
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mar 12 Mai 2009 - 8:36 | |
| - cebelab° a écrit:
Ce ne serait pas la version Chouraqui? Je sais qu'il a traduit la torah (bible hébraïque) de l'hébreu et le coran de l'arabe vers le français, mais d'une manière non habituelle (disons non traditionnelle) en employant justement des néologismes, ce pour tenter de se rapprocher au plus des concepts et idées exprimées dans les langues sources Tout à fait; j'y pensais également: http://nachouraqui.tripod.com/id16.htm Ses traductions sont très proches, presque littérales des textes originaux. Ainsi, les traductions bibliques en sambahsa, disponibles sur mon site, viennent de la Bible Chouraqui, ce qui leur donne un aspect archaïque: http://sambahsa.pbworks.com/exempels-tarjten-textes-fr Olivier | |
| | | Nemszev Admin
Messages : 5559 Date d'inscription : 06/03/2008 Localisation : Bruxelles, Belgique
| Sujet: Re: Comment une langue raconte une civilisation ? Mar 12 Mai 2009 - 11:36 | |
| En fait, je parlais d'une autre version, celle de Jacques Berque. Il s'agit en fait d'un "essai de traduction". - BiblioMonde.com a écrit:
- Jacques Berque s'explique longuement sur les choix techniques qu'il avait pris et sur le parti de traduire le Saint Coran non pas de manière littérale, mais de manière sémantique. Dans cette perspective, certaines images ou métaphores peuvent être utilement rendues par des termes emblématiques dans la langue d'arrivée. Inversement, il faudrait plus de mots pour traduire des notions symboliques qui ne connaissent aucun équivalent direct. Jacques Berque a opté pour une poétisation de la langue de traduction, ici le français, pour rendre plus joliment que d'autres traducteurs des mots comme : "dénégateurs" pour mûnafiquîn, là où l'on acceptait docilement le mot "hypocrites", ce qui visiblement nous éloigne du sens initial.
Sur un forum (Bladi.net), j'ai trouvé un exemple de phrase traduite dans différentes versions: الرِّجَالُ قَوَّامُونَ عَلَى النِّسَاء بِمَا فَضَّلَ اللَّهُ بَعْضَهُمْ عَلَى بَعْضٍ وَبِمَا أَنْفَقُوا مِنْ أَمْوَالِهِمElrıgalo qowamune ălá elnısa• bımá fo ṡṡele ellaho bĕ ḋehom ălá bĕ ḋı uebımá anfefu mın amualıhım. (avec ma transcription) D. Masson: « Les hommes ont autorité sur les femmes en raison des faveurs qu'Allah accorde à ceux-là sur celles-ci et aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs biens. » J. Berque: « Les hommes assument les femmes à raison de ce dont Dieu les avantage sur elles et de ce dont ils font dépense sur leurs propres biens. » Je crois qu'ici, Berque a choisi la version la moins dure avec les femmes en employant le mot "assumer" plutôt que "avoir autorité sur", le mot "qowamune" ayant plusieurs sens possibles... Sinon, dans l'ensemble, je trouve que Berque respecte plus la syntaxe du texte. _________________ Le grand maître admin-fondateur est de retour. - Bedal Original, bien justifié, et différent du sambahsa et de l'uropi. - Velonzio Noeudefée Nemszev m'a fait une remarque l'autre jour, et j'y ai beaucoup réfléchi depuis. - Djino J'ai beaucoup de tendresse pour ta flexion verbale. - Doj-Pater Pourquoi t'essaies de réinventer le sambahsa ? - Olivier Simon Oupses ! - Anoev
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