Le dernier locuteur de l'oubykh, c'était Tevfik Esenç, pas Tevlik !
L'idée selon laquelle il n'existerait pas de mots pour désigner les couleurs en pirahã est discutable. Le mot qui signifie "rouge" signifie aussi "vieux sang", mais il semble être une expression figée, comme le mot pour "vert". Dans la même logique, on pourrait aussi bien dire qu'il n'y a pas de mots pour les couleurs "marron", "violet" et "rose" en français, puisqu'à la place on emploie des noms de végétaux !
Idem en ce qui concerne l'enchâssement, qui n'existerait pas en pirahã. En français, et dans les langues européennes en général, on peut enchâsser à l'infini : "le fils de la concierge du cousin du plombier de la femme de Georges..." C'est une possibilité plus théorique que réelle, bien sûr. En créole mauricien, on ne peut avoir que deux niveaux : "La voiture du père de Paul" = loto Pol so papa. En pirahã, un seul. Deux niveaux sont suffisants pour la vie quotidienne ; au-delà, on s'embrouille.
En français courant, on dira, pour reprendre l'exemple ci-dessus :
"Le plombier de la femme de Georges (deux niveaux) a un cousin. Le fils de la concierge de ce cousin... (deux niveaux). Là où le français et le mauricien découpent une idée compliquée en deux phrases, le pirahã le fait en quatre. L'essentiel est d'arriver au but.
Ça m'étonnerait beaucoup qu'il soit impossible de donner un ordre en pirahã. Les Pirahã sont des chasseurs-cueilleurs, et les expéditions de chasse, comme toute activité humaine organisée, suppose que des ordres soient donnés, même sous une forme indirecte, du style "Il serait bon que Paul prenne son arc." Ou "Paul prendra son arc" (en hébreu, le futur sert souvent d'impératif : Tu ne tueras pas = Ne tue pas !)
Concernant les nombres en pirahã, les Pirahã distinguent "un" et "plusieurs", "une petite quantité de" et "une grande quantité de". Ils ont aussi un mot pour dire "beaucoup", et un mot pour dire "tout", qui est en fait le mot signifiant "gros", comme en français on dit "le gros de la troupe".
Le linguiste Daniel Everett pensait que le pirahã n'avait pas de mot pour dire "tout", parce qu'une fois il avait acheté quelques chose dans sa totalité à un Pirahã, mais ce dernier ne lui en avait donné qu'une partie ! Il en avait conclu qu'il n'y a pas de mot pour dire "tout" en pirahã. J'en conclurais plutôt qu'il s'était fait duper par un Pirahã malhonnête, qui avait profité de sa naïveté.
Un peu dans la même logique qu'en pirahã, en français, "une paire" ne signifie pas nécessairement deux, par exemple dans l'expression "il est venu une paire de fois", où "une paire" signifie simplement "plusieurs", comme dans :
"Dugenou, je peux te dire qu'il y est allé une paire de fois, chez la Ginette !"
On connaît très mal le pirahã. Il n'a que quelques centaines de locuteurs, et il a été étudié surtout par Daniel Everett, et c'est bien dommage, car plusieurs de ses idées concernant le pirahã sont très contestées par d'autres linguistes, à partir des exemples que lui-même a donnés.