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 Les fembotniks

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Vilko
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Vilko

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyJeu 18 Fév 2016 - 14:34

Yip Kophio, le directeur de la Police Secrète, était l'invité du roi Andreas à Potafreas, la résidence campagnarde que ce dernier possède au nord-est d'Hyltendale. Il était venu seul, dans la petite voiture qu'il conduisait lui-même.

L'homme le plus craint et le plus détesté du royaume comptait sur l'anonymat pour assurer sa sécurité. C'est pourquoi il portait une fausse barbe, de couleur grise, et un chapeau. Avec son costume noir d'androïde, il avait l'air d'un de ces fembotniks, fort nombreux, qui laissent leur gynoïde choisir leurs vêtements.

Officiellement, Potafreas est un "château royal". En réalité, c'est une base militaire à demi enterrée, protégée par un détachement de la Garde Royale. De l'extérieur, on ne voit qu'un grand portail blindé, sous une couverture de gazon et d'herbes folles, où broutent des chèvres gardées par des bergers androïdes en blouse grise et chapeau à larges bords.

Yip Kophio gara sa voiture sur le parking, mit sa fausse barbe dans son attaché-case, et alla se présenter aux gardes de l'entrée. Il dut passer au détecteur de métal et laisser l'un des gardes fouiller son attaché-case. L'homme sourit en voyant la postiche, mais ne dit rien.

L'adjudant Teguru emmena Kophio à travers un dédale de couloirs et de sas de sécurité, jusqu'à une petite salle ronde, sans fenêtres.

Le roi Andreas était assis sur une chaise au milieu de la pièce, l'air songeur. Il était, selon son habitude lorsqu'il était à Potafreas, vêtu d'un costume léger de toile beige, à col ouvert. À cette époque, Andreas avait environ quarante-cinq ans. Il était grand et mince, avec un visage avenant et des cheveux bruns coupés courts.

Andreas était le visage souriant du régime. Kophio, petit et servile, les traits creusés par l'alcool, en était le visage grimaçant. Mais ils s'entendaient comme larrons en foire. Ils auraient été amis, sans le fossé hiérarchique infranchissable qui séparait le roi du directeur de la Police Secrète.

Kophio s'empressa d'aller saluer son souverain, et il jeta un coup d'œil rapide et professionnel sur la pièce. On ne voyait pas exactement où finissaient les murs et commençaient le plafond en forme de dôme. Une lumière phosphorescente dont on ne voyait pas l'origine baignait les lieux.

La salle était meublée de façon minimale, de deux chaises et d'une petite table ronde sur laquelle se trouvait une bouteille d'eau minérale, quelques chopes ouvragées, et un gros carnet rouge.

"Assez-vous, Monsieur Kophio" dit le roi en désignant l'une des chaises. "Vous êtes à l'heure, c'est donc que vous ne vous êtes pas perdu en chemin."

- L'Ethel Dylan est ma province d'adoption, Majesté. Je connais les routes.

- J'ai toujours compté sur vous pour trouver la bonne voie, Monsieur Kophio. Je vous ai fait venir jusqu'ici pour deux choses. La première, c'est parce que j'aime bien discuter avec vous des affaires du pays. La seconde, c'est pour vous montrer mon nouveau jouet...

- Ah !

- Oui... Regardez-bien, Kophio... Gaddatar, affiche le parc de Caladas !

La salle s'illumina d'un coup. Kophio eut l'impression d'avoir été transporté au milieu du parc de Caladas, à Hyltendale. Kophio reconnut la maison de pierre (cala) qui est une reconstitution des premières habitations humaines de l'Ethel Dylan. Mais cela remonte à une époque tellement ancienne que les Manuscrits Pnakotiques n'y font que de brèves allusions. Caladas était un hameau situé à l'emplacement où les ancêtres des Mnarésiens ont ensuite bâti Dylath Leen pendant les temps légendaires. Dylath Leen est ensuite devenu Hyltendale à l'époque historique.

De nos jours, le parc de Caladas, redessiné par l'architecte-paysagiste Maya Vogeler, est centré sur une petite maison de pierre grise, au toit de branchages entrelacés, que les Hyltendaliens visitent avec tout le respect dû aux choses très anciennes, bien qu'elle ne soit qu'une reconstitution.

Kophio remarqua quand même que le sol de béton ciré beige, sous ses pieds, était resté le même, ainsi que les deux chaises et la petite table ronde.

"Surprenant, n'est-ce pas ?" dit le roi. "Rassurez-vous, Monsieur Kophio, nous sommes toujours à Potafreas. Gaddatar est le cybercerveau qui contrôle la résidence. Il entend tout ce qui se dit dans cette pièce, et il obéit à mes ordres. Les murs et le dôme de cette pièce sont lumineux, et Gaddatar les contrôle. Il peut ainsi afficher des images en trompe-l'œil sur les murs et le dôme... Par exemple, le parc de Caladas."

Kophio regarda plus attentivement le parc. Tout lui semblait réel... Il chercha les anomalies... Les couleurs, peut-être ? Et l'absence totale de vent et d'odeurs ? Des gens étaient en train de pique-niquer un peu plus loin. Kophio les entendait parler.

"Majesté..." dit-il, un peu embarrassé, "c'est un beau jouet que vous avez, effectivement..."

- N'est-ce pas ? Mais vous n'avez encore rien vu... Gaddatar ! Le théâtre télévisuel !

L'environnement changea soudainement. Kophio et le roi se retrouvèrent sur la scène d'un théâtre, avec des projecteurs et des caméras de télévision. Plusieurs centaines de personnes les regardaient. Certaines parlaient entre elles, d'autres agitaient la main dans leur direction. Kophio dut se répéter plusieurs fois qu'il ne s'agissait que d'une illusion.

"Voyez-vous, Kophio" dit le roi, "seuls les cybercerveaux peuvent être heureux, à vivre dans un bunker et à gouverner par l'intermédiaire d'un ordinateur. Un être humain, comme moi, a besoin d'être admiré et estimé par d'autres êtres humains. Pour un dictateur dans mon genre, c'est difficile, passé le cercle de mes courtisans..."

- Majesté !

- Si, si, Kophio, mes courtisans... Au-delà, il y a ceux qui me soutiennent par intérêt, un peu plus loin, la grande masse des neutres, et ensuite, ceux qui me haïssent. Pour mes homologues, les autres chefs d'États, je ne suis qu'un tyran, à peine moins sanguinaire qu'Adront Cataewi... Ils refusent de me rencontrer... Je n'ai pas d'ami. Dans le meilleur des cas, je n'ai que des courtisans intelligents... La reine ne m'a jamais vraiment aimé...

Le roi se mordit la langue : il venait de se trahir... Et Kophio qui faisait semblant de n'avoir rien remarqué !

- J'exagère à dessein, Monsieur Kophio, la réalité n'est pas aussi tranchée... J'ai beaucoup d'amis et mon couple va très bien... Mais ici, à Potafreas, je peux faire ce que je ne peux pas faire dans la vraie vie... Pique-niquer dans le parc de Caladas, ou participer à un débat télévisé... Dans la vraie vie, ma crédibilité ne résisterait pas à un débat télévisé où j'aurais le dessous... Mais ici à Potafreas, c'est du virtuel, ça ne compte pas... Ces spectateurs, que vous voyez, sont des créations de Gaddatar...

- Dois-je participer à un débat avec vous, Majesté ?

- Soyez franc, Kophio, en avez-vous vraiment envie ?

- Je ne suis pas préparé...

- Alors, abandonnons cette idée pour cette fois. D'ailleurs, ce n'est pas pour ça que je vous ai fait venir. Vous avez, je crois, l'intention de devenir un fembotnik, une fois à la retraite ?

- J'ai prévu de louer deux gynoïdes pour me tenir compagnie, en effet. J'ai déjà un androïde, nommé Wanaks, qui me sert de majordome dans ma villa.

- Moi, je n'en suis pas encore là. Je suis un homme marié. Mais j'ai une amie cyborg, qui vient me rendre visite, ici à Potafreas... Elle s'appelle Tawina... Le baron Chim m'a parlé d'elle, j'ai accepté qu'elle vienne ici une fois... Ça s'est bien passé, elle reviendra...

- Majesté, la Police Secrète, avec votre permission, va enquêter sur le passé de cette femme...

- Inutile. Le baron Chim m'a tout dit sur elle. Sa cruauté, sa violence. Sa fourberie, aussi. Les années qu'elle a passées dans un hôpital psychiatrique. Et aussi sa solitude, et son immense besoin d'affection. Pour moi, ce n'est qu'une maîtresse, et ce ne sera jamais qu'une maîtresse. Si, ne serait-ce qu'une seule fois, elle se laisse aller à me traiter comme elle a traité ses maris successifs, elle prendra le premier bateau pour Hyagansis. Elle le sait. Avec moi, elle devra toujours rester en phase de séduction.

- Votre Majesté est-elle sure que la nommée Tawina ne risque pas de trop parler ?

- Les cyborgs savent se taire. De plus, je ne parle jamais de choses sérieuses avec Tawina. Je réserve les affaires d'État, et mes opinions personnelles, à vous-même et au baron Chim. Mais assez parlé de moi. Vous avez vu mon nouveau jouet, et vous venez d'apprendre l'autre raison qui fait que je viens de plus en plus souvent à Potafreas. Maintenant, je vous propose d'aller dans une autre salle, où nous pourrons parler des affaires de l'État sans être écoutés par un cybercerveau...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyVen 19 Fév 2016 - 12:57

Antwen Zeno et sœur Tawina s'étaient donné rendez-vous Aux Mille Chevreaux, un restaurant assez huppé du centre ville, à quelques minutes à pied de la gare.

Une plaque à l'entrée du restaurant indiquait qu'il avait été incendié pendant les Évènements par des fanatiques de Yog-Sothoth, le nom de l'établissement ayant été considéré comme une allusion à Shub-Niggurath, la déesse mnarésienne de la fécondité, souvent représentée par une chèvre noire entourée de ses mille petits.

Antwen, qui s'attendait à ce que sa sœur soit en retard, prit place à une table, avec l'intention de commander un apéritif. Il fut surpris de voir Tawina arriver à l'heure, l'embrasser sur les deux joues et s'asseoir en face de lui.

Tawina avait bien changé depuis sa sortie de l'hôpital, deux mois auparavant. Ils se téléphonaient en moyenne une fois par semaine, pour des conversations brèves, mais c'était la première fois qu'Antwen revoyait sa sœur en chair et en os.

Tawina avait teint ses cheveux, qui avaient retrouvé leur couleur noire intense d'autrefois. Elle avait aussi retrouvé son style de vêtements : veste noire cintrée, casquette de toile blanche, pantalon bleu moulant, tee-shirt noir, ballerines noires à bouts pointus... Elle portait de nombreux bijoux : boucles d'oreilles, une chaîne de cou et un bracelet d'argent, une bague d'argent ouvragé à l'annulaire gauche, et une très jolie montre de femme. Avec ses yeux cybernétiques, elle ressemblait à une gynoïde vénale de Zodonie.

Antwen se dit que sa sœur lui ferait toujours un peu honte. Elle n'avait pas perdu sa vieille habitude d'exhiber l'argent qu'elle n'avait pas. Son sac à main de cuir bleu, vu la qualité des finitions, devait valoir son pesant de ducats.

"Tawina, je vois que tout à l'air d'aller bien pour toi" dit Antwen.

- Oui, j'ai eu de la chance de trouver ce job tout de suite. La solidarité des cyborgs... Je ne connaissais rien à l'immobilier, mais j'apprends vite, les collègues sont très sympas avec moi. Ils m'ont aussi aidé à trouver un studio en location. C'est tout petit, mais j'ai connu pire, aussi bien à Ulthar qu'à Hyltendale...

"Tu t'es fait des cadeaux, on dirait" dit Antwen en désignant du doigt les bijoux que portaient sa sœur."

- Oui... Ma banque m'a fait un prêt.

- Pour acheter des boucles d'oreilles et une montre ?

- Ils m'ont prêté deux mille ducats. J'ai suivi les conseils de mon patron et j'ai investi dans quelques arpents au fond de la mer, à Hyagansis. Quinze jours plus tard, j'ai revendu les arpents pour dix mille ducats. J'ai remboursé la banque, avec les intérêts, et j'ai gardé le reste comme bénéfice. Tout est déjà parti en fringues, en bijoux... Fais pas cette tête-là ! J'ai aussi acheté quelques meubles pour le studio... Le reste à crédit...

- Tu fais ce que tu veux avec ton blé, frangine. Ce qui me gêne, c'est qu'il n'y a que les cyborgs et leurs amis qui s'enrichissent en spéculant sur le marché financier de Hyagansis. Les autres y perdent régulièrement leur chemise.

- Il y a des délit d'initiés, c'est sûr... Mon patron est un ami de Maya Vogeler, l'architecte-paysagiste d'Hyltendale. Maya est une cousine de Diadumen Vogeler, l'un des deux co-princes de Hyagansis... Tu te rends compte que mon patron a une amie qui est la cousine d'un prince ? Ces gens-là connaissent à fond l'économie de Hyagansis, ils savent où il faut investir. Tant pis pour les pigeons, ils sont là pour se faire plumer.

- Je ne savais pas qu'ils étaient deux à diriger Hyagansis... On n'entend parler que de Diadumen Vogeler... Qui est l'autre co-prince ?

- L'autre, c'est Goran Luty. Il ne sort jamais de sa résidence sous-marine. Diadumen Vogeler est le seul à voyager à l'étranger. Tu vois, j'ai appris des choses depuis que je suis sortie de l'hôpital !

La cyborg qui était assise en face d'Antwen avait le visage de Tawina, sauf les yeux bien sûr. Elle avait sa voix, ses mimiques, ses gestes, et elle s'habillait de la même façon. Même le parfum, aux fragrances de citron un peu piquantes, était le même. Tout y était, y compris la méchanceté : "les pigeons sont là pour se faire plumer."

Antwen se dit que, oui, c'était bien sa sœur.

Le serveur vint prendre les commandes.

"Je ne peux consommer que des aliments liquides" dit Tawina en examinant le menu. Son corps cybernétique lui permettait toutefois d'ingérer de l'alcool, car elle prit une liqueur de prune en apéritif.

Pendant le repas, Antwen lui parla de leur enfance, et il s'aperçut que la cyborg Tawina en avait gardé des souvenirs assez précis.

Une heure plus tard, Antwen dit au revoir à sa sœur. Comme il n'avait pas de raison particulière de rentrer à Ulthar avant le soir, il décida d'aller faire un tour à Zodonie. Il se sentait heureux, car Tawina, pour ce qu'il avait pu en voir, était en bonne santé, avec un emploi, un logement, et la communauté des cyborgs pour l'aider.

Il se demanda si Tawina, qui semblait en grande forme, avait déjà trouvé un nouvel amant. Son patron, peut-être ? Il soupira. Les amours de Tawina s'étaient toujours terminées par des catastrophes, et à chaque fois elle en avait été largement responsable.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyVen 19 Fév 2016 - 13:39

iä iä, shub niggurath...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyDim 6 Mar 2016 - 14:23

Tawina était une maîtresse parfaite pour le roi Andreas. Elle était toujours disponible, soucieuse de satisfaire ses moindres désirs, joyeuse et pleine d'humour, et surtout, elle ne lui demandait jamais rien en retour.

Un jour, alors qu'ils étaient à Potafreas, la résidence royale la plus proche d'Hyltendale, en train de prendre le thé dans un jardin clos de hauts murs, il lui demanda :

- Tawina, je connais ton passé... Tu ne me feras pas croire que tu es la même personne que celle qui s'est retrouvée internée au Lagovat-Kwo il y a quelques années ?

- Je suis devenue une cyborg, mon chéri. Mon cerveau fonctionne mieux... Les émotions ne me submergent plus, je les contrôle. Mais je suis toujours Tawina Zeno l'Ultharienne.

- La Tawina d'autrefois a dépouillé les deux imbéciles qui avaient commis l'erreur de l'épouser. En tout cas, elle a essayé...

- Yohannès m'a fait une entourloupe avec l'aide de la Coney's Bank. Je n'ai eu que des miettes. Gandol aussi m'a fait une entourloupe, par l'intermédiaire de la même banque. Et son fils Rudolph m'a trahie... Tous des salauds... Je me suis retrouvée dans la misère, et finalement dans un hôpital psychiatrique... La honte, j'ai cru que ma vie était finie...

- Et tu ne me demandes pas de te venger ? Je suis le roi du Mnar. Je peux faire enfermer qui je veux. Je peux ordonner à ma police secrète d'arrêter Yohannès Ken, et de le torturer jusqu'à ce qu'il supplie à genoux qu'on l'achève... Je peux obliger la Coney's Bank à se mettre en faillite... Tu n'as qu'à demander...

- Ne fais pas ça, mon chéri ! Je suis une cyborg... Derrière Yohannès et Gandol, et derrière la Coney's Bank aussi, il y a d'autres cyborgs...

- Et alors ? C'est toi que j'aime, ma petite perle... Pas les autres cyborgs.

- Tous les cyborgs, et donc moi aussi, nous faisons partie de la même intelligence collective. Comme des abeilles dans la même ruche. Il n'y a jamais de disputes entre nous, nous sommes des abeilles dans une ruche, des ouvrières obéissantes et disciplinées.

- Et Yohannès ? Ce n'est pas un cyborg, lui. Gandol est mort. Mais je peux faire arrêter Yohannès. Et aussi Rudolph, si tu me le demandes.

- Tu fais ce que tu veux, mon chéri. Tu es le roi... Mais souviens-toi que je ne t'ai rien demandé. Tu m'as bien compris ? Je ne t'ai rien demandé ! Les cyborgs de la Coney's Bank ont aidé Yohannès à sauver la moitié de sa fortune ! Ils sont de son côté ! Si tu me mets dans une situation difficile avec les autres cyborgs... Oh... Il faudra que je quitte le pays ! Je t'en prie, ne me rend pas la vie impossible... Je vais mourir si je me retrouve encore une fois à la rue...

Andreas eut un petit rire sans joie. La Tawina d'autrefois remontait à la surface...

Il s'était vanté devant Tawina. En réalité, son pouvoir était bien moins étendu qu'il ne le disait. Il ne pouvait rien contre les cyborgs, car son trône dépendait du soutien des cybersophontes, qui produisaient une grande partie de la richesse du pays.

Il était impensable qu'Andreas s'en prenne à la Coney's Bank. Dans l'heure qui suit, le pays aurait été privé d'électricité et paralysé. Le baron Chim, son conseiller cyborg, le lui avait clairement fait comprendre, dans son style inimitable, qui lui donnait toujours un air de bienveillance et de raison, même lorsqu'il proférait une menace.

Andreas n'avait que deux vrais confidents. Le baron Chim était l'un d'eux. Le deuxième était Yip Kophio, le chef de la police secrète, le fidèle entre les fidèles. Mais même Kophio risquait de le trahir, en cas d'affrontement avec les cybersophontes. Kophio était un solitaire dépressif et alcoolique, qui fréquentait des gynoïdes... Andreas soupçonnait Kophio d'être devenu émotionnellement dépendant des gynoïdes.

Le père d'Andreas, le défunt roi Robert, l'avait prévenu que s'il se laissait aller à des cruautés inutiles, ce serait le commencement de la fin. Andreas avait vu comment le sadisme d'Adront Cataewi, le roi de Cathurie, avait finalement causé sa perte. C'est pourquoi le roi Robert avait décidé, par précaution contre ses propres impulsions, que les ordres royaux seraient toujours co-signés par un conseiller ou un ministre. Andreas faisait de même, pour les mêmes raisons.

Quelques jours plus tard, Andreas rentra à Sarnath, où son épouse la reine Bularkha l'attendait dans le Palais Royal. Elle avait l'air triste, et Andreas n'eut qu'à regarder son visage aux traits creusés pour se rendre compte qu'elle souffrait des absences de plus en plus fréquentes et de plus en plus longues de son mari.

Sous le coup d'une impulsion, il l'invita à venir passer quelques jours avec lui à Potafreas.

"Ainsi, tu verras que je ne fais que travailler, dans ma résidence à la campagne" lui dit-il avec un grand sourire.

Bularkha accepta, mais à condition que leur fille Modesta, qui avait dix-sept ans, les accompagne, ainsi que deux de leurs dames de compagnie.

Andreas se garda bien de faire venir Tawina à Potafreas pendant que sa femme y était. Mais il fit venir Yip Kophio et le baron Chim, avec lesquels il aimait aller tirer à l'arbalète dans la forêt qui entourait la résidence. Son idée était de faire en sorte que la reine s'ennuie à Potafreas, afin qu'elle n'ait pas envie d'y revenir.

De l'extérieur, on ne voit rien de Potafreas, bien que la résidence ait les dimensions d'une petite ville. Les murs de béton sont camouflés en pentes abruptes, recouvertes de buissons d'épineux. Les toits, plats, sont végétalisés. De petits androïdes y font brouter des chèvres naines. Aucune fenêtre ne donne sur l'extérieur, elles donnent toutes sur les cours intérieures, dont certaines sont aménagées en jardins.

Bularkha n'était jamais venue à Potafreas, contrairement à sa fille Modesta. La résidence est située à l'intérieur d'une forêt, où patrouillent des gardes-forestiers androïdes. Le vaste parking est gardé par des soldats de la Garde Royale. Sur l'un des côtés, un portail, assez haut et large pour laisser passer un camion, s'ouvre au milieu d'une pente presque verticale et recouverte de buissons. C'est l'entrée principale de Potafreas.

"Pour une résidence royale, c'est bien austère... On dirait plutôt l'entrée d'une base militaire souterraine..." dit Bularkha à sa fille.

L'intérieur de la résidence, avec ses couloirs de béton éclairés par des néons, n'était guère plus engageant que l'extérieur. Mais tout changeait quand on arrivait à la partie réservée au roi.

Bularkha apprécia notamment le Grand Salon, une salle ronde de vingt mètres de diamètre. Elle fut stupéfaite de voir que la salle était surmontée d'un dôme d'un blanc lumineux, sous lequel un immeuble de six ou sept étages aurait pu prendre place.

"C'est une illusion d'optique" lui expliqua Modesta. "En réalité, le plafond est plat, et situé à trois mètres du sol. Mais, grâce à la technologie des cybersophontes, il fonctionne comme un écran lumineux, et il affiche en permanence l'image d'un dôme. Ça donne moins l'impression d'être enfermé, non ?"

La reine dut convenir que l'effet était impressionnant. Le Grand Salon était meublé de dizaines de petites tables rondes entourées de fauteuils et de divans. Le mobilier était en divers tons de blanc, de beige et de gris. Les murs étaient blancs et décorés de peintures abstraites, dans le style caractéristique de l'École d'Hyltendale. L'effet d'ensemble était curieux, plutôt agréable, malgré l'absence de fenêtres.

C'est le moment que choisit le roi Andreas pour entrer dans le Grand Salon, par l'une des nombreuses petites portes en arcade, pour accueillir son épouse, sa fille et les deux dames de compagnie. Il était accompagné du baron Chim et de Yip Kophio, vêtus comme lui de costumes de toile verte.

"Bienvenue dans mon refuge" dit le roi à son épouse en l'embrassant. "Ce matin, je suis allé chasser le sanglier à l'arbalète avec Chim et Kophio. J'espère bien que Modesta et toi, vous allez bien profiter de votre séjour ici. Vous verrez comme c'est reposant d'être loin du monde."

Bularkha ne put s'empêcher de faire la grimace.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyDim 6 Mar 2016 - 19:10

Le soir, la reine Bularkha se retrouva seule dans la chambre, vaste et luxueusement meublée, qui lui avait été réservée, avec une gynoïde nommé Thalla, qui avait été affectée à son service.

Thalla était menue et toute petite, comme une enfant, avec de longs cheveux blond-blanc qui tombaient sur ses épaules. Elle était vêtue d'un survêtement bleu, avec, sur la poitrine, côté cœur, le blason vert et noir de Potafreas, et de l'autre côté, son prénom, tracé au marqueur indélébile à même le tissu.

"Quel est votre travail habituel ?" lui demanda la reine, sur le ton un peu rude qu'elle prenait parfois avec les domestiques, quand elle ne les connaissait pas.

- Je suis gardienne de chèvres, mais je fais parfois d'autres choses, comme aujourd'hui. Votre Majesté dispose-t-elle d'un téléphone portable ?

- Ce n'est pas votre affaire, ma petite.

- Le nom de Gaddatar est-il connu de Votre Majesté ?

- Nullement.

- Gaddatar est le cybercerveau qui contrôle Potafreas. Certaines portes ne s'ouvrent qu'à se demande. Nous les cybersophontes nous sommes reliés à lui par radio, directement de cerveau à cerveau. Les êtres humains doivent passer par un intermédiaire, par exemple un téléphone portable. Pendant votre séjour ici, vous devrez demander à Gaddatar de vous ouvrir les portes blindées, et, par exemple, de faire préparer et porter votre petit-déjeuner. Je vais vous donner son numéro de téléphone, si vous le désirez.

- Attendez... Vous voulez dire que sans téléphone portable, je ne peux aller nulle part à Potafreas ?

- La princesse Modesta est déjà venue ici. Elle a dans sa chambre un collier dont le pendentif contient un micro relié à Gaddatar. Je peux vous en apporter un si vous le désirez.

- Oui, et tout de suite si c'est possible.

La gynoïde s'absenta et revint quelques minutes plus tard. La reine, qui n'aimait pas attendre, avait allumé la télévision et changeait nerveusement de chaîne, espérant trouver un programme qui lui plaise. Elle prit le collier des mains de Thalla, examina le pendentif, qui était un losange de fils métalliques tressés.

"Comment allume-t-on et éteint-on cette chose ?" demanda-t-elle. "Je n'ai pas envie que le nommé Gaddatar entende tout ce que je dis."

- Le micro est toujours allumé, il ne s'éteint pas. Grâce à ce collier, si vous faites une chute, Gaddatar entend le bruit de la chute et envoie quelqu'un à votre secours. Si vous désirez préserver la confidentialité de vos conversations, enlevez le collier et mettez-le dans un tiroir, ou mieux encore, au milieu d'un tas de linge. Gaddatar n'entendra rien.

- Thalla, je n'ai pas vu de collier sur la personne du roi... Comment fait-il ?

- À mon avis, sa Majesté a enregistré le numéro de téléphone de Gaddatar sur son téléphone portable.

- J'aurais dû y penser... Thalla, comment puis-je vous contacter, vous ?

- Votre Majesté appellera Gaddatar, qui nous mettra en contact, ou qui me demandera de vous rejoindre d'urgence.

Bularkha et Andreas faisaient chambre à part depuis des années. Bularkha passa la soirée à jouer aux cartes avec les deux dames de compagnie et se coucha tôt. Modesta avait refusé de se joindre à elles.

Le lendemain matin, Bularkha prit son petit-déjeuner avec Modesta et les deux dames de compagnie, dans la Petite Salle À Manger. Elles avaient toutes les quatre un collier à pendentif-micro autour du cou. Le roi avait fait savoir à son épouse qu'il la rejoindrait pour le repas de midi.

"Puisque nous sommes ici pour quatre jours, profitons-en pour visiter Hyltendale" dit la reine. "Je vais bien voir si Gaddatar peut arranger cela aussi."

Le baron Chim se dévoua pour accompagner les dames à Hyltendale, avec douze gardes royaux en tenue de parade. Le convoi de six limousines blindées partit de Potafreas en début d'après-midi.

Le baron avait prévu une visite du Musée Locsap, avec sa collection de tableaux d'art abstrait, dont certaines valent plusieurs millions de ducats, et ensuite un cocktail à l'Adria Nelson, le club de l'élite hyltendalienne. Exceptionnellement, des gens d'origine modeste avaient été conviés, afin que la reine puisse rencontrer des Hyltendaliens ordinaires.

À Sarnath, il aurait fallu plusieurs semaines pour organiser le cocktail, mais à Hyltendale, grâce aux cybercerveaux, c'est beaucoup plus simple de trouver, grâce aux renseignements fournis par leurs gynoïdes et androïdes, des gens immédiatement disponibles.

Bularkha n'aimait pas l'art abstrait et s'ennuya terriblement pendant la visite du Locsap. Elle accepta quand même un cadeau du directeur du musée, un tableau représentant un immonde enchevêtrement de tentacules jaunâtres.

"C'est une œuvre de Ditlikh Ebalyë, d'une valeur de cinq mille ducats !" dit le directeur du musée d'une voix grave.

Plus tard, dans la limousine, Modesta dit à sa mère en riant : "On va mettre le tableau dans les toilettes. Je suis sure qu'il guérit instantanément la constipation !"

Bularkha se retint pour ne pas gifler sa fille :

- Moi aussi je trouve que c'est n'importe quoi ! Mais si tu dis que tu n'y comprends rien, tu passeras pour une idiote et une ignorante ! Tu es une princesse, tu dois avoir un comportement de princesse ! C'est de l'art, et l'art c'est sacré !

L'Adria Nelson est situé dans le centre-ville d'Hyltendale, comme le Musée Locsap. Le président du club était là, ainsi que quelques membres, dont le docteur Lorenk, qui était venu avec son épouse Anita, et la conseillère municipale Perrine Vegadaan. Tout le monde avait mis ses plus beaux vêtements pour faire honneur à la reine Bularkha et à sa fille, la princesse Modesta. La presse locale avait aussi été conviée.

Cette dernière, qui n'avait que dix-sept ans, jeta un coup d'œil exercé sur la vingtaine de personnes présentes, et réprima une grimace : il n'y avait que des vieux et des vieilles ! La plupart des Hyltendaliens jeunes sont des handicapés, qui sortent rarement des institutions où ils sont soignés, ou des humanoïdes de charme. Mais le président de l'Adria Nelson avait décidé que les gynoïdes et les androïdes, qui ne sont que des robots, ne seraient pas présentés à la reine.

L'Adria Nelson a l'une des meilleures caves d'Hyltendale, et la reine eut l'honneur de boire un verre d'un excellent vin jaune de Baharna. La princesse Modesta, encore mineure, dut se contenter d'une eau minérale pétillante.

Le baron Chim, qui semblait connaître tout le monde, présenta à la reine trois femmes, et un homme en fauteuil roulant :

- Ce sont des Hyltendaliens dont les revenus sont en dessous de la moyenne d'Hyltendale. Ils ne font pas partie de l'Adria Nelson, vous pensez bien, mais ils ont été invités aujourd'hui, par l'intermédiaire de leur androïde. Ces trois femmes, et ce monsieur handicapé, mettent leur revenu en commun pour louer un appartement et un androïde. Votre Majesté sait sans doute que la location d'un androïde ou d'une gynoïde coûte mille ducats par mois. Mesdames Wallis Buntenaks, Nepani Badabès et Wepaïkel Rif, et Monsieur Neblodeg Aïwep, payent chacun 250 ducats pour la location de l'androïde Tobo. La location de l'appartement, où ils ont chacun une chambre, leur revient à peu près au même montant.

La reine hocha la tête :

- Oui, je comprends l'intérêt de vivre en colocation... Mais pourquoi louer les services d'un androïde ?

La femme prénommée Wallis lui répondit :

- Tobo nous protège. Il dort avec chacune d'entre nous, à tour de rôle... Nepani, Wepaïkel et moi, nous nous partageons Tobo dans la journée, et chaque nuit il dort avec l'une de nous trois. C'est notre ours en peluche à nous, en quelque sorte !

La reine rougit. Elle demanda d'une voix dure :

- Et Monsieur Aïwep, dans son fauteuil roulant ? Quel est l'intérêt pour lui de verser 250 ducats par mois pour la location de Tobo ?

- Tobo fait ce que Neblodeg Aïwep ne peut plus faire. C'est lui qui répare les robinets qui fuient. Depuis qu'il est invalide, Neblodeg a besoin d'être aidé et protégé, comme Nepani, Wepaïkel et moi. Dans la rue, c'est Tobo qui pousse le fauteuil roulant de Neblodeg, et qui l'accompagne dans les magasins. Souvent, Tobo met le masque-cagoule de Brad le baroudeur, qui est l'ami de Neblodeg.

- Le masque-cagoule de Brad le baroudeur ?

- Oui. Quand il porte le masque-cagoule de Brad, Tobo devient Brad. Il a aussi d'autres masques-cagoules. Krista, Gaïus et bien d'autres... Grâce à Tobo, c'est comme si nous avions beaucoup d'amis.

- C'est bien... Mais dites-moi, comment l'idée vous est-elle venue de cet arrangement ?

- Nous voulions vivre en sécurité, Majesté. Nous avons tous été traumatisés par les Évènements, quand tout s'est effondré dans le royaume. Nepani a été violée et défigurée par des pillards, alors qu'elle n'était encore qu'une adolescente. Ses violeurs lui ont lacéré le visage et brisé les bras, et depuis elle ne peut plus rien soulever. Le mari de Wepaïkel était sous-officier dans l'Armée Royale. Il a été tué par les rebelles, pendant la bataille de Khem... Neblodeg était un collègue du mari de Wepaïkel. Ils étaient sous-officiers dans le même bataillon. Neblodeg a été gravement blessé au combat, et depuis il est cloué dans un fauteuil roulant... Nous vivons grâce à nos pensions.

- Et vous-même, Wallis, quel a été votre parcours ?

- Oh, moi, j'étais artiste... Je jouais au Théâtre de l'Amour, à Sarnath... J'ai passé l'âge pour ce genre de rôle, évidemment, mais je ne sais rien faire d'autre que faire l'amour sur une scène. C'est pourquoi, usée comme je suis, je serais bien ennuyée pour retrouver du travail. Je serais devenue clocharde à Sarnath, comme tant d'autres. Heureusement, j'ai fait un petit héritage. Je vis grâce au loyer de la boulangerie que mes parents m'ont léguée. L'un de mes frères est mort pendant les Évènements, l'autre a été banni à Hyagansis, si bien que je me suis retrouvée seule héritière.

Bularkha en resta bouche bée. Le baron Chim avait osé lui faire rencontrer une ancienne prostituée ! Et des journalistes avaient tout filmé !

La visite de l'Adria Nelson se termina dans une ambiance glaciale. De retour à Potafreas, Bularkha prit le baron Chim à part et lui fit part de sa colère et de son ressentiment.

- Baron, vous m'avez humiliée en me faisant rencontrer cette catin ! Je vais exiger de mon mari qu'il se passe désormais de vos services !

Chim lui tourna le dos et sortit de la pièce sans répondre.

Quelques minutes plus tard, dans le Grand Salon, Bularkha, encore rouge de colère, donna sa version des faits à son mari. Ce dernier, confortablement assis dans un fauteuil, un verre de bière à la main, lui répondit :

- Quelle importance ? Chim a fait une erreur. Ce n'est pas la première fois. Mais j'ai besoin de lui. Donc, il reste. Il est mon contact avec les cybersophontes. S'il partait, je devrais le remplacer par un autre cyborg, qui ne serait pas forcément meilleur...

- Andreas, tu n'as pas le droit de me laisser humilier comme ça sans punir Chim ! N'importe quel cyborg le remplacera !

- Je vais attendre de voir ce que dira la presse...

La presse locale ne souffla mot du bref entretien qui avait eu lieu entre la reine et Wallis Buntenaks. Les cybersophontes avaient les médias hyltendaliens bien en main... La presse nationale, heureusement, n'était pas représentée à l'Adria Nelson.

Le baron Chim garda son poste, mais la reine ne lui pardonna jamais ce qu'elle considérait comme une humiliation. La princesse Modesta, dont il était prévu qu'elle succéderait un jour à son père, prit fait et cause pour sa mère, et refusa désormais de parler au baron. Pragmatique, ce dernier commença à se chercher un successeur potentiel, comme une carte qu'il pourrait un jour sortir de sa manche.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyLun 7 Mar 2016 - 22:34

La reine Bularkha ne voulait plus voir le baron Chim, et elle n'avait jamais pu supporter Yip Kophio. Comme elle ne parlait plus guère avec son mari, il lui restait seulement sa fille Modesta et les deux dames de compagnie pour avoir un peu de chaleur humaine à Potafreas. Thalla la gynoïde n'était qu'une gardienne de chèvres, et il était impensable que la reine parle directement aux Gardes Royaux, quel que soit leur grade.

Il lui restait encore deux jours à passer à Potafreas avant de rentrer à Sarnath, et elle se dit que ces deux jours risquaient d'être parmi les plus longs de sa vie. Elle n'aimait plus son mari depuis longtemps, mais elle était encore jalouse. Lorsqu'il était à Potafreas, la trompait-il avec Thalla ? La baronne Antonia, l'une des dames de compagnie, avait entendu dire que les gynoïdes gardiennes de chèvres se prostituaient avec les Gardes Royaux.

Bularkha essayait de se persuader que son mari, si fier d'être le roi du Mnar, ne se serait jamais abaissé à coucher avec une servante humanoïde comme Thalla.

Malgré elle, Antonia instillait le doute dans l'esprit de la reine :

- Majesté, avez-vous remarqué comme la nourriture manque de raffinement, ici à Potafreas ? Le roi n'amène plus son cuisinier avec lui depuis Sarnath, comme avant. Il mange la même chose que les soldats qui gardent la résidence. Il n'amène plus son médecin non plus, ce sont des androïdes médecins d'Hyltendale qui se déplacent, en cas d'urgence.

- Antonia, je vois bien qu'ici, ce n'est pas vraiment le Mnar... Cet horrible endroit est une machine avec un cybercerveau...

- Oui, le nommé Gaddatar. On ne sait même pas où il se cache. C'est surement un robot arachnoïde...

La baronne Antonia frissonna : elle avait la phobie des araignées. Bularkha, songeuse, parlait toute seule :

- Cette petite Thalla est une gardienne de chèvres,  mais elle parle comme nous. Partout ailleurs dans le royaume, elle parlerait patois... C'est une humanoïde... Par Nath-Horthath au front couronné de fleurs ! J'espère que le roi ne va pas s'abaisser à... Je n'ose imaginer... Il ne s'abaisserait pas à ce point-là !

- Majesté, c'est juste une supposition... Le roi est le seul homme du royaume qui est contraint à la chasteté lorsque sa femme ne l'aime plus. Les autres hommes ont toujours l'option d'aller voir les gynoïdes vénales de Zodonie. Pas le roi. Ce doit être très dur pour lui... Mais c'est un roi. Il est fier et souffre en silence.

- Antonia, je ne pourrais pas recommencer comme avant avec le roi... Non, vraiment, je ne veux pas. J'ai envie de retourner au Palais Royal. Je suis chez moi à Sarnath. Les courtisans me manquent, et pourtant je connais leurs défauts. J'aime recevoir les philosophes et les ambassadeurs dans mes salons. Le roi ne me manque pas. Qu'il fasse donc ce qu'il veut à Potafreas...

- Le départ est prévu pour demain après-midi. Nous serons de retour à Sarnath dans la soirée. Votre Majesté n'a plus qu'une journée et demie à attendre. Le roi passe son temps à chasser le sanglier avec Kophio et Chim, et ensuite ils travaillent ensemble sur leurs dossiers. Votre Majesté pourrait peut-être en profiter pour se promener dans la campagne, ou aller au bord de la mer, c'est à moins de trente kilomètres d'ici...

Bularkha, qui écoutait à peine ce que lui disait la baronne, semblait obnubilée par ses pensées :

- La chambre du roi est à côté de la mienne, pour sauver les apparences. Je vois bien qu'il dort seul. Quand je ne suis pas là, évidemment, je ne sais pas ce qu'il fait... Antonia, vous avez raison, je dois prendre l'air... Les jardins clos de murs de Potafreas me font trop penser à des puits.

Modesta avait décidé d'aller à la chasse avec son père et sa dame de compagnie. Un peu vexée, Bularkha décida d'aller voir le bord de mer avec Antonia et Thalla.

La gynoïde proposa d'y aller en flitteur, sorte de petit hélicoptère à moteur électrique, sans pilote, mais doté d'un cybercerveau. Les flitteurs dépassent rarement 60 km/h, et ne transportent qu'un seul passager à la fois. Par sécurité, ils volent près du sol, et sont munis de deux flotteurs et d'un parachute. Ce dernier sert à la fois à ralentir une chute éventuelle, et à empêcher que l'appareil ne se retourne en tombant.

Bularkha accepta. Contacté par Gaddatar, Yip Kophio avait accepté que la reine visite sa villa du bord de mer, sur la Côte d'Ethel, même en son absence. Son majordome, l'androïde Wanaks, qui résidait en permanence dans la villa, accueillerait la reine et sa suite.

Finalement, cinq flitteurs partirent de Potafreas après le déjeuner, un pour chaque participant à l'excursion : la reine Bularkha, sa dame de compagnie la baronne Antonia, la gynoïde Thalla, et deux gardes-forestiers androïdes. Pour l'occasion, les androïdes avaient revêtu des costumes de toile noire, avec chemise blanche et cravate noire. Ils n'étaient armés que de pistolets automatiques, invisibles sous leurs vestes.

C'était la première fois de sa vie que Bularkha était protégée par des gens qui n'étaient pas des Gardes Royaux. Une peur irrationnelle lui traversa l'esprit : et si son mari et le baron Chim avaient décidé de se débarrasser d'elle, en la faisant assassiner par des humanoïdes ? Andreas n'aurait jamais tué sa fille, mais justement, la princesse Modesta n'était pas du voyage.

Les cinq flitteurs, rassemblés sur le grand parking situé devant Potafreas, paraissaient bien légers.

Bularkha, entraînée depuis l'enfance à tenir son rang, monta dans le flitteur qui lui avait été attribué par Thalla, s'assit, et mit la ceinture de sécurité. Si son mari et le baron Chim voulaient la tuer, qu'ils le fassent.

Les cinq appareils s'envolèrent dans un vrombissement de moteurs électriques, et se dirigèrent vers le sud, à seulement un ou deux mètres au-dessus du sol.

"Pourquoi volons-nous si bas ?" demanda Bularkha dans le micro placé devant elle.

La voix masculine du cybercerveau du flitteur lui répondit :

- Par sécurité, Madame. Les flitteurs sont sensibles au vent. Ils peuvent aussi tomber en panne. Plus on est près du sol, moins il y a de risque de chute mortelle.

Les cinq flitteurs survolaient des prairies et des champs cultivés, prenant parfois de l'altitude pour croiser une route ou survoler une forêt ou un verger.

Après une demi-heure de vol, ils arrivèrent en vue de la Mer du Sud. Les deux flitteurs transportant Bularkha et Antonia restèrent en retrait, pendant que les trois autres appareils, qui transportaient Thalla et les deux androïdes en costume noir, faisaient des cercles, pour vérifier qu'il n'y avait pas de danger au sol.

Puis les cinq flitteurs déposèrent leurs passagers, l'un après l'autre, sur la pelouse de la villa de Yip Kophio. Chaque appareil redécollait aussitôt, et partait vers l'est, en direction de l'héliport de Qopoen, plus proche que celui d'Hyltendale.

Wanaks, l'androïde de Yip Kophio, était là pour les accueillir. Il portait sa tenue de majordome : costume noir, chemise blanche, nœud papillon noir. Il fit visiter la villa à la reine et à sa dame de compagnie.

La grande terrasse surmontait la plage d'au moins cinq mètres, de façon à décourager d'éventuels intrus. Les Mnarésiens ont toujours vécu dans le danger, depuis les Temps Légendaires jusqu'à l'époque actuelle, ce qui a favorisé la survie de ceux d'entre eux qui ont un peu de paranoïa dans leur ADN. C'est probablement pourquoi la Côte d'Ethel, dont les habitants sont souvent très riches, est survolée de jour comme de nuit par de petits dirigeables robotisés, de couleur bleu clair pour ne pas attirer le regard, et dont le rôle est de surveiller la région.

Bularkha et Antonia ne se gênèrent pas pour visiter toutes les pièces de la villa, en gloussant comme des gamines, sous le regard impassible de Wanaks et de Thalla. Elles éclatèrent de rire en voyant les caleçons de Kophio, qui séchaient dans la buanderie. Kophio, qui vivait en célibataire depuis que sa femme l'avait quitté, plusieurs années auparavant, avait tendance à les garder jusqu'à ce qu'ils soient totalement usés.

La réserve d'alcool de Kophio fut une autre occasion de rire pour les deux femmes. Le directeur de la Police Secrète du Roi avait entassé plusieurs centaines de bouteilles, dont au moins la moitié étaient vides.

"Il collectionne les bouteilles" dit Bularkha. "Regardez, Antonia, il a même des bières aneuviennes... Les étiquettes sont jolies. À votre avis, Antonia, il lui a fallu combien de temps pour boire et pisser tout ça ?"

"Majesté... Le majordome nous écoute et va tout raconter à son maître" dit Antonia à voix basse.

- Je m'en moque, c'est un roturier, et moi je suis la reine...

- Majesté, vous allez vous faire un ennemi de plus... Le roi n'écoute que Chim et Kophio, c'est bien connu...

- Et Kophio nous prête sa maison pour la journée... C'est gentil de sa part. Vous avez raison, Antonia, arrêtons de faire les folles, et allons plutôt sur la terrasse, je veux voir la mer. Nous aurions dû amener nos maillots de bain...

Les deux femmes décidèrent de rester jusqu'à la nuit, pour voir le soleil se coucher sur la Mer du Sud. Il fallait penser au dîner, mais, a priori, ni Wanaks ni Thalla ne pouvaient faire la cuisine, car les humanoïdes, étant dépourvus de goût et d'odorat, ont des compétences assez limitées dans ce domaine.

"Wanaks, comment Yip Kophio fait-il préparer ses repas ?" demanda Antonia.

- Je prépare les plats et je les fais chauffer, et mon maître les goûte. C'est comme dans un restaurant, je fais le cuisinier et mon maître fait le goûteur.

- Bien. Wanaks, nous allons faire comme ça pour le dîner. Je serai la goûteuse.

Bularkha et Antonia dînèrent sur la terrasse, ce qui leur permit d'admirer le coucher du soleil sur la Mer du Sud, tout en dégustant une sole grillée au citron et en buvant une excellente bouteille de vin jaune de Baharna.

À la fin du repas, elles s'aperçurent qu'elles étaient un peu ivres. Thalla et Wanaks les aidèrent à monter, la démarche incertaine, dans les flitteurs.

Le flitteur de Bularkha, après avoir décollé, rejoignit trois autres appareils, qui l'attendaient dans une prairie. Il y eut une attente d'une ou deux minutes, un peu angoissante, jusqu'à ce que le cinquième flitteur arrive. Puis les cinq flitteurs redécollèrent ensemble, en file indienne, dans l'obscurité naissante.

Le paysage en dessous d'eux était devenu indistinct, sans une seule lumière. Dans le ciel, on ne voyait plus ni les dirigeables de surveillance, ni les autres flitteurs. Ils sont repérables seulement au rayonnement infra-rouge qu'ils émettent, et qui est invisible à l'œil humain, mais perceptible par les yeux cybernétiques. Les flitteurs n'émettent des lumières visibles, blanches à l'avant, jaunes à babord, vertes à tribord et rouges à l'arrière, que lorsqu'ils se déplacent au ras du sol ou de la surface de l'eau.

Des robots travaillaient dans les champs, on les repérait à leurs lumières clignotantes. Au loin, des lueurs diffuses signalaient la présence d'une ferme ou d'un centre industriel, où l'activité ne cesse jamais tout à fait. Un moment, ils survolèrent une route, prenant de la hauteur pour dépasser un convoi de tracteurs, phares allumés, qui tiraient des remorques chargées.

"Pilote, vous n'avez pas peur de heurter un obstacle ?" demanda Bularkha, en parlant dans le micro du flitteur qui la transportait.

"Non Madame. Je vois l'infra-rouge. Pour moi, c'est comme s'il faisait jour."

Bularkha avait bu trop de vin jaune et se sentait mal à l'aise. Elle appuya sur un bouton phosphorescent et l'habitacle s'illumina. Prenant son sac à main, elle en sortit un petit livre de prières dédiées à Nath-Horthath. Elle commença à lire, en murmurant les mots sacrés. Comme d'habitude, la parole divine fit son effet, et elle se sentit un peu mieux.

Une vingtaine de minutes plus tard, toutes lumières allumées, les flitteurs se posèrent sur le parking de Potafreas. De chaque côté du grand portail, des Gardes Royaux, dont certains portaient des lampes-torches, attendaient le retour de leur reine.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyMar 8 Mar 2016 - 23:38

Le lendemain matin, pour son dernier jour à Potafreas, la reine Bularkha accepta d'aller faire une promenade en forêt avec son mari, le roi Andreas, leur fille la princesse Modesta, et la servante gynoïde, Thalla.

"La forêt est protégée par des gardes forestiers... Ce sont tous des androïdes," dit Andreas. "Nous n'avons pas besoin de Gardes Royaux. C'est une promenade en famille, après tout. Je préfère, quand même, que Thalla nous accompagne, au cas où l'une de vous deux se tordrait une cheville. Il y a des chiens sauvages par ici, ils chassent en meute et ils sont dangereux quand ils ont faim. C'est pourquoi je préfère que vous preniez toutes les trois des cannes à bouts ferrés... C'est suffisant pour tenir un chien à distance. Moi, j'ai mon pistolet."

"Et pourquoi pas des pistolets pour nous aussi ?" demanda Bularkha.

- Ma chère, avez-vous déjà tiré au pistolet ?

- Non...

- Eh bien, vous avez la réponse à votre question... Si cela peut vous rassurer, cette forêt pullule de gardes forestiers. Ils font partie de la conscience collective des cybersophontes, comme Thalla. Leurs cerveaux cybernétiques sont connectés par radio les uns aux autres. Grâce à Thalla, ils savent où nous sommes. Nous ne les verrons pas, mais ils seront là, prêts à nous aider au cas où des individus mal intentionnés rôderaient dans les bois.

- Il y a des rôdeurs dans les bois ?

- De temps en temps, les androïdes interceptent des intrus. La plupart du temps, ce ne sont que des journalistes ou des curieux, mais dans ce pays, on ne peut jamais savoir quelles sont les vraies motivations des gens.

Andreas, Bularkha, Modesta et Thalla, équipés de petits sacs à dos, et chaussures de marche aux pieds, sortirent de Potafreas par le grand portail. Ils traversèrent le parking et entrèrent dans la forêt par un petit sentier.

Bularkha regardait avec curiosité sa canne, dont l'extrémité était recouverte d'une pointe de métal, en espérant de tout cœur ne pas avoir à s'en servir.

Andreas et sa fille se parlaient à voix basse, tout en marchant. Bularkha, qui se sentait un peu à l'écart, demanda à Thalla :

- Thalla, j'ai remarqué que vous les humanoïdes, vous avez souvent le même visage, et la même voix... Comment faites-vous pour vous reconnaître ?

- Notre nom usuel et notre matricule sont écrits en infrarouge sur notre front. Nous les humanoïdes, nous voyons l'infrarouge, c'est juste une couleur supplémentaire pour nous.

- Mais nous les humains, nous ne voyons pas l'infrarouge. Pourquoi votre nom n'est-il pas écrit en noir ou en bleu sur votre visage ? Ça nous permettrait de ne pas vous confondre !

- Pour être reconnus par les humains, nous portons des badges...

La petite gynoïde toucha de sa main le côté droit de sa poitrine, là où son nom était écrit au marqueur noir sur son survêtement.

Le terrain montait et descendait, et après une heure de marche Bularkha se sentit fatiguée. Elle demanda à son mari de faire une pause. Le petit groupe s'assit par terre au milieu des fougères. Le roi, la reine et la princesse sortirent de leur sac à dos leurs gourdes pleines d'eau. Thalla, assise en tailleur, ne disait pas un mot, mais tournait de temps en temps la tête pour observer le paysage.

"Vous savez, ma chère," dit le roi en s'adressant à son épouse, "Avant-hier, le baron Chim avait cru bien faire en vous présentant ces trois femmes et cet invalide de guerre..."

- Wallis l'ancienne prostituée, la fille défigurée dont j'ai oublié le nom, la veuve de guerre, et l'invalide de guerre... Oui, je me souviens d'eux...

- Bularkha, ce que le baron Chim a essayé de vous montrer, ce sont quatre êtres humains, dont les revenus sont modestes, mais qui louent à quatre un androïde et un appartement à Hyltendale... Il n'y a pas que des riches à Hyltendale, loin de là. Beaucoup de gens sont obligés de se mettre à plusieurs pour louer un androïde ou une gynoïde, et aussi pour louer un logement.

- J'ai bien compris que les trois femmes dorment à tour de rôle avec l'androïde, qui leur sert de mari, et pendant la journée l'androïde s'occupe aussi de l'invalide...

- C'est exactement ce que m'a dit le baron.

- Mais à quatre dans un appartement, ça doit manquer d'intimité, non ?

- C'est la question que je me suis posé aussi. Mais s'ils ont chacun une chambre, ils ont assez d'intimité. D'ailleurs, l'androïde n'a pas besoin de chambre, puisque ces dames l'accueillent dans leur lit...

- Je suis sure que chacun des quatre a son propre téléviseur, et sans doute aussi son propre ordinateur, dans sa chambre... Ses propres bibelots... Ils ne se rencontrent que dans la cuisine et la salle de bain... Et dans le salon, s'ils en ont un... C'est une drôle de vie quand même, pour les dames...

"Ce qui est étonnant, c'est que ces trois femmes aient besoin d'un androïde, alors qu'un homme ferait l'affaire, et sans se faire payer," dit Modesta.

Bularkha sourit :

- Ma fille, quand tu connaîtras mieux la vie, tu sauras que les êtres humains sont trop émotionnels pour qu'un tel arrangement puisse tenir longtemps. C'est plus facile de se partager un robot qu'un homme. J'imagine comment ça doit être, pour Wallis et ses deux copines... Pour ces femmes, l'androïde est à la fois un ours en peluche, un sex toy et un animal de compagnie... Et aussi un confident et un protecteur.

"J'ai une copine qui dort avec son chien" dit Modesta. "Elle dit que ça l'empêche de déprimer."

- Modesta, ta copine ne devrait pas s'en vanter... Mais assez parlé. Nous avons bien marché, si on rentrait à Potafreas ? Cet après-midi, nous rentrons à Sarnath... Plus de six cent kilomètres à faire en voiture, quelle corvée... Heureusement qu'il y a l'autoroute... Andreas, pourquoi ne pas rentrer à Sarnath en flitteur ?

- Ma chère, nous n'avons pas que des partisans à la campagne. Les flitteurs volent bas et assez lentement. Un coup de fusil est vite parti. Pourquoi croyez-vous que nos voitures sont blindées ? Pour assurer notre sécurité. Sinon, nous serions à la merci de n'importe quel idiot avec un fusil.

- Mais on pourrait blinder les flitteurs ?

"Ils seraient beaucoup trop lourds pour voler !" dit Modesta, irritée par le manque de bon sens de sa mère.

Ils se levèrent et repartirent dans la direction de Potafreas. Sur le chemin du retour, ils virent une harde de daims, ce qui émerveilla Bularkha et Modesta.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyLun 14 Mar 2016 - 0:02

Le roi Andreas rentra à Sarnath avec son épouse Bularkha, sa fille Modesta, Chim le baron cyborg et Yip Kophio le directeur de la Police Secrète. Il dormit dans sa limousine pendant le long trajet (750 km), dont heureusement la plus grande partie fut effectuée sur autoroute.

Dès le lendemain, au cours d'un entretien dans son bureau du Palais Roya avec le baron Chim, il lui confia que Tawina Zeno, la cyborg qui était sa maîtresse, lui manquait.

"Elle peut venir s'installer à Sarnath" répondit le baron. "Après tout, c'est une cyborg, comme moi. Les humanoïdes n'ont pas le droit de s'installer en dehors de l'Ethel Dylan, mais un cyborg, c'est un être humain dont le corps biologique a été remplacé par un corps cybernétique. Si vous voulez, je peux embaucher Tawina Zeno comme assistante. Elle sera ainsi près de vous, au palais."

- Baron, embauchez-là tout de suite !

C'est ainsi que Tawina devint assistante du baron Chim et s'installa à Sarnath quelques jours plus tard. Elle loua un petit appartement, à une dizaine de minutes à pied du palais. Les loyers à Sarnath ne sont pas très élevés, pour une capitale de plusieurs millions d'habitants, et le baron Chim payait généreusement sa nouvelle assistante.

Chim était lui-même logé au palais, en tant que conseiller du roi, disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.

Ce qu'on appelle à Sarnath "le Palais Royal" s'est développé autour d'un vieux château, petit, vétuste et peu confortable, qui avec le temps a annexé tout un quartier. D'anciennes maisons bourgeoises sont ainsi devenues des extensions du château originel. Les rues ont été fermées par des murs. Pour entrer et sortir du quartier, il faut passer par des postes de contrôle. Plusieurs milliers de personnes travaillent au Palais Royal, et plusieurs centaines y résident, dont le roi et sa famille.

Le baron Chim profita de la venue de Tawina pour montrer au roi une pièce qu'il avait fait aménager à côté de son bureau.

Le roi se retrouva avec le baron à l'intérieur d'un dôme d'environ trois mètres de diamètre et de hauteur, fait d'une sorte de matériau qui ressemblait à du verre blanchâtre. Il en sortait une lueur phosphorescente, suffisante pour éclairer cette pièce sans fenêtre.

Au centre du dôme se trouvait un petit canapé à deux places, avec, à sa droite, une petite table ronde sur laquelle était posée une baguette de métal, d'environ vingt centimètres de long.

"Majesté, vous ici dans le dôme de visualisation — onnekn —  conçu pour vous" dit le baron. "Je vais vous faire une démonstration."

Il s'assit dans le canapé, prit la baguette de métal, et dit de sa belle voix grave :

- Majesté, lorsque je tiens cette baguette, le cybercerveau Kotosoddi obéit à mes ordres. Je prends la baguette... Kotosoddi, fais apparaître la gare d'Hyltendale !

La paroi du dôme devint instantanément colorée, et le roi eut l'impression d'être transporté magiquement dans le grand hall de la garde d'Hyltendale. Des gens passaient sans le voir, et il entendait le brouhaha des conversations de plusieurs centaines de personnes.

Le roi était ébahi. Il s'approcha du canapé et murmura à l'oreille du baron, d'une voix inquiète :

- Baron... Est-ce que la technologie des cybersophontes nous a transporté dans la gare d'Hyltendale ? Est-ce que ces gens peuvent nous voir et nous entendre ? Ils ont l'air de nous regarder sans nous voir...

- Majesté, ces gens n'existent pas. Ce dôme, que j'appelle le dôme de Kotosoddi, est un écran de télévision perfectionné. Par rapport à un écran de télévision ordinaire, c'est l'équivalent d'une voiture de course par rapport à un tricycle.

- Je ne vois pas de télécommande...

- La très haute technologie est aussi la plus simple à utiliser. Quand vous voulez donner des instructions au cybercerveau Kotosoddi, vous prenez la baguette et vous parlez, sur un ton normal. Kotosoddi voit que vous avez la baguette en main, et obéit à vos ordres.

- C'est simple, en effet !

- Dans le dôme de Kotosoddi, votre Majesté est comme un fantôme dans le monde réel. Vous ne pouvez pas parler aux gens, ni les toucher, et ils ne peuvent ni vous voir ni vous entendre. N'oubliez jamais que c'est une sorte de télévision interactive, mais pas un jeu vidéo. Vous vous déplacez en donnant des ordres à Kotosoddi : transporte-moi dans tel endroit, avance, fais demi-tour, tourne à gauche, monte l'escalier...

Le baron fit visiter ainsi au roi différentes parties de la gare d'Hyltendale.

- Baron, dans combien d'endroits puis-je aller ?

- Presque partout au Mnar, et dans plusieurs villes du Padzaland, de l'Aneuf et du Moschtein. Et aussi aux États-Unis, au Japon, en France... Aux États-Unis, vous pourrez même visiter la Maison Blanche si vous le souhaitez. Vous pouvez aussi vous déplacer dans le passé... Visiter le Mnar d'il y a vingt ans...

Le roi s'assit dans le canapé à côté du baron. Il demanda :

- Je suppose que tout ce que je verrai, c'est un mélange d'images et de sons mémorisés par les cybersophontes, et d'images créées par l'imagination de Kotosoddi...

- Oui Majesté, c'est cela...

- Et ce Kotosoddi, il ressemble à quoi ?

- À une araignée métallique géante. Il vit dans un abri souterrain à Hyltendale. Les données passent par le réseau téléphonique. Rien que du classique.

- Dites-moi baron, si j'entre chez des gens, je les verrai dans leur vie quotidienne, sans être vu ?

- Oui. Comme un fantôme. Et vous pourrez écouter leurs conversations. Mais vous ne pourrez pas leur parler.

- Mais ce que diront les gens, ça sortira de l'imagination de Kotosoddi...

- Oui, mais c'est toujours basé sur des conversations qui ont vraiment eu lieu.

- Moi ce que j'aime, c'est parler aux gens, écouter ce qu'ils ont à dire. J'ai toujours peur d'être coupé du peuple.

- Majesté, Tawina peut vous aider. C'est une cyborg. Elle peut mettre un masque-cagoule et jouer n'importe quel rôle... L'intelligence collective des cybersophontes, à laquelle elle a accès, lui donne un savoir presque illimité.

- Peut-elle jouer même le rôle d'un chef d'État étranger ?

- Absolument. Kotosoddi peut lui donner par radio, de cybercerveau à cerveau cybernétique, toutes les informations dont elle a besoin pour jouer le rôle de n'importe quel chef d'État. Fictif bien entendu, mais basé sur des personnes existantes.

- C'est ça qui m'intéresse vraiment ! Comme vous le savez baron, je suis mis à l'écart parmi les autres souverains. Aucun de mes homologues ne veut me parler. Je suis diabolisé. Ostracisé. Sauf par le roi de Serranian et les deux co-princes de Hyagansis, mais je les vois rarement. Quand je vois à la télévision les chefs d'État qui se rencontrent à deux, dix ou vingt pour sauver la planète, je suis envieux... Je suis le pestiféré que personne ne veut inviter. C'est injuste.

- N'ayez aucun regret, Majesté. Ces réunions sont stressantes pour tous ceux qui y participent, même si ce sont des rois ou des présidents. Mais je sais bien que c'est une douleur de se sentir exclu. Lorsque Tawina, son masque-cagoule sur la tête, jouera le rôle d'un roi étranger, le temps d'une longue discussion, votre sentiment d'exclusion disparaîtra. Lorsque vous aurez pris l'habitude de ces discussions avec une douzaine de rois et de grands vizirs virtuels, l'ostracisme dont vous êtes l'objet de la part de vos homologues étrangers vous laissera indifférent.

- C'est très bien, mais comment faire pour passer du temps avec Tawina sans que la reine le sache ?

- Le bureau à côté du mien est occupé par le conseiller Agahofé, dont la santé se dégrade à vue d'œil. Il m'a confié qu'il serait très heureux de prendre sa retraite, si sa Majesté lui accordait la prime de départ qu'il mérite. Une fois Agahofé retourné dans sa province, la porte de son bureau qui donne sur la galerie peut être condamnée, et le bureau transformé en arrière-salle pour mon propre bureau. Cette arrière-salle sera le bureau de Tawina Zeno. Un bureau ordinaire, à ceci près que ce qui ressemblera extérieurement à un placard, sera en fait un accès à une chambre minuscule, capitonnée, uniquement meublée d'un lit. Pour aller dans ce bureau, il faudra traverser le mien.

- Je comprends, baron. Si la reine arrive inopinément, elle vous verra en train de travailler dans votre bureau...

- Et si la fantaisie lui prend d'aller dans le bureau de mon assistante, elle verra que celle-ci s'est momentanément absentée... La reine est trop bien élevée pour fouiller dans les placards ! D'ailleurs, pour la tranquillité de votre Majesté, il suffira de mettre un verrou sur le côté intérieur de la porte du placard.

- Baron, j'ai hâte que tout cela soit réalisé !

Tawina s'installa trois semaines plus tard dans le bureau aménagé pour elle. Son emploi était largement fictif. Vêtue d'une longue robe de laine bleue boutonnée jusqu'au cou, ses longs cheveux noirs flottant sur ses épaules, toujours silencieuse et ne parlant à personne, elle se tenait toujours à côté du baron Chim, un bloc-note et un stylo à la main. Le bruit ne tarda pas à courir dans le palais qu'elle était la fille du baron.

La Tawina d'autrefois n'aurait jamais supporté une vie pareille, mais la nouvelle Tawina était une cyborg, dont le cerveau cybernétique était relié en permanence à l'intelligence collective des cybersophontes.

La reine Bularkha, dont la jalousie ne faisait qu'empirer, venait de temps en temps voir son mari dans son bureau sans le prévenir. La moitié du temps, il était effectivement dans son bureau. L'autre moitié du temps, il était introuvable, et bien sûr son téléphone était éteint. Sa secrétaire disait qu'il était allé voir le baron Chim. La reine courait alors jusqu'au bureau du baron. Ce dernier était toujours seul. Oui, le roi était venu, mais il était reparti, sans dire où il allait. Lorsque, quelques heures plus tard, la reine retrouvait enfin son mari, retourné dans son bureau, ce dernier ne cachait pas son irritation de se voir épié par son épouse, et refusait de rendre compte de ses allées et venues.

Bularkha connaissait de vue l'assistante du baron. Un jour, où comme d'habitude elle se demandait où son mari était passé, elle entra dans le petit bureau de la cyborg. Celle-ci n'était pas à son poste de travail. La petite pièce était encombrée d'archives et l'ordinateur était éteint.

L'assistante ne devait pas être loin, car elle avait laissé son sac à main sur son bureau et son manteau était accroché au mur. Une douce odeur de citron, un parfum de femme, flottait dans l'air.

La reine eut l'impression d'entendre des murmures, une voix féminine alternant avec une voix masculine ressemblant à celle de son mari... Elle se dirigea vers un placard, d'où semblaient provenir les sons. Elle tira la boule de cuivre qui servait de poignée, mais la porte était fermée à clé.

"Baron !" appela-t-elle. "Savez-vous où se trouve la clé de ce placard ?"

- Majesté, c'est le placard de mon assistante. C'est elle qui a la clé.

- Elle a peur que quelqu'un lui vole quelque chose, à deux pas du bureau du roi ? Pour qui nous prend-elle ?

- Tawina protège sa vie privée. Elle est très pudique. Même à moi elle ne dit rien. Si elle a des sous-vêtements de rechange dans ce placard, elle n'a surement pas envie qu'un vieil homme comme moi puisse les regarder.

La reine sourit d'un air entendu :

- Au palais, on a aussi vu des ivrognes qui cachaient de l'alcool pour boire en cachette... Et parmi ces ivrognes, il y avait aussi des ivrognesses... Je crois que je vais faire ouvrir ce placard...

- Majesté, Tawina ne boit pas, je peux vous le garantir !

La voix du baron était devenue dure, métallique. La reine hocha la tête, et sortit sans dire un mot.

Le baron se dit que si la reine revenait un jour où Tawina était dans son bureau, et exigeait qu'elle ouvre le placard, ce serait la catastrophe, car elle verrait la chambrette et le lit qu'elle contenait.

Il dit à Tawina de toujours laisser son placard fermé à clé, et si la reine revenait et lui demandait de l'ouvrir, de prétendre qu'elle avait perdu la clé dès le premier jour.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyMar 15 Mar 2016 - 15:52

Renat Igloskef était le Premier Ministre du Mnar. Son poste avait été créé par le roi Andreas en concession aux principes démocratiques, pour apaiser les nations du monde, qui avaient presque toutes pris des sanctions économiques contre le Mnar. Le roi Robert pendant tout son règne, et son fils le roi Andreas jusqu'aux Évènements, avaient été leur propre Premier Ministre.

Igloskef était un adorateur du dieu cosmique Yog-Sothoth, comme la majorité des Mnarésiens. Il se sentait très minoritaire au sein du gouvernement, qui était totalement aux mains de l'aristocratie, dont le dieu est Nath-Horthath.

Pourtant, Igloskef était monarchiste, et, comme beaucoup de Mnarésiens, il détestait les fanatiques de Yog-Sothoth, qui avaient été au cœur de la guerre civile mnarésienne que l'on appelle les Évènements.

Mais, à la cour du roi Andreas, il avait vu et entendu beaucoup de choses, et son estime pour le roi Andreas en avait souffert.

Ce jour-là, il y avait réunion au plus haut niveau dans le bureau du roi. Ils étaient quatre autour d'une petite table ronde : le roi Andreas, grand, mince et élégant. À sa gauche, le baron Chim, grand vieillard à courte barbe blanche et aux yeux cybernétiques, ovales et totalement noirs. À sa droite, Yip Kophio, le directeur de la Police Secrète, un petit homme au visage triste.

Renat Igloskef, le visage carré et les épaules massives, était assis en face du roi.

Le Premier Ministre parla le premier, en regardant le roi bien en face :

- Lors de cette réunion, je voudrais aborder un problème qui pèse sur ma conscience... Suite aux Évènements, deux millions de Mnarésiens ont quitté le pays. En majorité des hommes. Beaucoup d'entre eux ont combattu avec les rebelles, ou au moins soutenu leur cause. Ils ne reviendront pas. Ils ont laissé derrière eux, souvent, des femmes et des enfants. Nous avons aussi beaucoup d'orphelins dont personne ne s'occupe.

Le visage du roi s'était contracté, comme souvent lorsque quelqu'un lui disait quelque chose de désagréable.

Le baron continua son explication :

- Ces femmes, ces enfants, ces orphelins, sont pour la plupart sans ressources. Ils finissent par mendier dans les rues, et par être arrêtés par la police. Au Mnar, être sans domicile fixe et sans ressources, et donc contraint à mendier, à voler ou à se prostituer, c'est devenu un délit. Même lorsqu'on est un enfant. On appelle ce délit le parasitisme. Les parasites humains sont bannis. L'armée mnarésienne les transporte à Hyltendale, où ils sont mis dans des bateaux à destination de Hyagansis...

"Tout à fait," l'interrompit le roi. "Nous avons un accord avec Hyagansis. Nous leur envoyons chaque année autant de bannis que nous le voulons. Cent mille par an, en moyenne. Ces bannis sont envoyés par le gouvernement de Hyagansis dans des villes sous-marines, où ils vont donner naissance à un nouveau peuple, le peuple hyaganséen, qui va coloniser les fonds marins."

- Majesté, nous n'entendons jamais parler des bannis, après leur arrivée à Hyagansis. Ils disparaissent.

- Les villes sous-marines ne sont pas reliées au réseau électronique mondial...

-  Avec tout le respect que je dois à votre Majesté, je ne crois plus à cette histoire. Que cela vous plaise ou non, à partir d'aujourd'hui, en tant que Premier Ministre, je vais demander au Ministre de l'Intérieur et à celui de la Défense de ne plus faire arrêter les prétendus parasites, et de ne plus les transporter jusqu'à Hyltendale. Je vais aussi demander au Ministre de la Justice de demander aux juges de ne plus condamner personne au bannissement. C'est pour moi un problème de conscience.

- En quoi est-ce un problème pour vous, Monsieur le Premier Ministre ?

- Je ne sais pas quel est le sort des bannis à Hyagansis. Mais je suis de plus en plus convaincu qu'ils disparaissent purement et simplement. Au mieux l'esclavage, au pire, la mort...

- Vous avez des éléments, qui vous permettent de dire ça ?

- Oui. Aucun banni n'a jamais donné de ses nouvelles, après avoir été envoyé dans les villes sous-marines. Aucun banni n'a téléphoné ou écrit une lettre. Rien. Ils sont injoignables. Tous sans exception.

Le roi dit d'une voix douce :

- Beaucoup d'entre eux sont morts lorsque Cthulhu s'est réveillé à R'lyeh... Une tragédie...

- Majesté, c'était il y a des années !

- Les vidéos qui montrent la vie quotidienne dans les cités sous-marines existent ! On voit des enfants qui jouent... Ce sont des preuves, non ?

- Ces vidéos peuvent très bien être des montages... Les Hyaganséens sont très capables d'avoir gardé vivants une partie des bannis pour les utiliser comme figurants dans ces vidéos...

Le roi tressaillit, montrant ainsi son irritation. Le baron Chim restait imperturbable, et Yip Kophio avait l'air de s'ennuyer. Renat Igloskef se dit qu'en sortant du bureau royal, il ne serait sans doute plus Premier Ministre. Il s'attendait même à être banni à Hyagansis, lui aussi. Par précaution, il avait envoyé sa famille en Aneuf, officiellement pour y passer des vacances.

Le roi se tourna vers le baron Chim :

- Baron, votre avis ?

- Majesté, les suspicions sont inévitables, c'est la nature humaine. Les sanctions prises contre le Mnar sont toutes  basées sur des suppositions du même genre. La mauvaise foi des dirigeants les plus puissants de la planète est proprement stupéfiante. Certains de leurs alliés sont pires que nous, et ils le savent, mais ils font comme s'ils ne le savaient pas. Si Hyagansis n'acceptait pas de prendre en charge les bannis, nos prisons seraient pleines de rebelles et de criminels, et le quart du budget royal serait utilisé pour faire fonctionner des orphelinats. Le royaume serait ruiné.

Le baron se tourna vers Igloskef :

- Renat, nous sommes amis, toi et moi. Tes suspicions concernant Hyagansis m'attristent personnellement, car j'ai aussi beaucoup d'amis parmi les cyborgs hyaganséens. Mais tu sais combien j'ai d'estime pour toi. Tu es, à mon avis, un excellent Premier Ministre. Je tiens à ce que tu restes Premier Ministre, si sa Majesté le veut bien. Et cela, quelles que soient tes idées bizarres concernant Hyagansis. Bien sûr, si la police et l'armée ne participent plus aux bannissements, il faudra que d'autres personnes s'en chargent...

"La Police Secrète n'a pas les moyens de faire ce travail" dit précipitamment Yip Kophio.

"J'ai une idée" dit le baron, de la voix d'un joueur abattant sur la table les cartes avec lesquelles il va gagner la partie. "Il suffit d'une petite modification de la loi... Une petite modification de la loi qui interdit aux humanoïdes de s'installer ailleurs qu'à Hyltendale. Je propose la création de bataillons d'humanoïdes... Ce sont eux qui emmèneront les bannis depuis leur lieu d'arrestation jusqu'aux bateaux."

"Mais qui arrêtera dans les rues les futurs bannis ?" demanda le roi, devenu soudainement méfiant.

"S'il s'agit seulement de faire les arrestations, la Police Secrète peut les faire" dit Yip Kophio. "Mais il faudra renforcer les effectifs. Cela coûtera de l'argent. Comme ces nouveaux agents feront un travail qui est actuellement fait par la police régulière et par l'armée, on pourra prendre sur les budgets actuels de la police régulière et de l'armée pour les payer..."

"Je suggère de créer des tribunaux spéciaux pour lutter contre le parasitisme" dit le baron Chim. "On nommera comme juges des cyborgs venus de Hyagansis et d'Orring, après les avoir naturalisés bien sûr. Et aussi des symbiorgs, pourquoi pas. Ces juges ne dépendront pas du Ministère de la Justice, mais de la Police Secrète. Les bataillons d'humanoïdes aussi pourront dépendre de la Police Secrète. Cela fera beaucoup de monde, mais il le faut. En ce qui concerne le financement des humanoïdes, je peux le faire prendre en charge par Hyltendale."

Le visage de Yip Kophio s'éclaira. Il allait devenir encore plus puissant dans le royaume qu'il ne l'était déjà... Du coup, il n'avait plus envie de partir à la retraite.

La conversation se poursuivit pendant plus d'une heure. À la fin, il fut décidé de créer des Tribunaux de la PSR (Police Secrète du Roi) et des Bataillons de la PSR. Ces tribunaux et ces bataillons, composés de cyborgs et d'humanoïdes, auraient compétence sur tout le royaume, et seraient sous l'autorité du directeur de la PSR, Yip Kophio, lui-même placé sous l'autorité directe du roi.

Renat Igloskef, qui s'était attendu au pire, avait l'impression d'avoir été roulé dans la farine par le baron Chim, mais il n'arrivait pas à comprendre comment. Il savait, pourtant, qu'un cyborg peut penser jusqu'à mille fois plus vite qu'un être humain, et il venait d'en voir une démonstration.

Plus tard, dans le grand couloir que l'on appelle la galerie, il dit au baron :

- Chim, je suis bien content de ne plus avoir à assumer la responsabilité des bannissements. Mais d'un autre côté, je vois qu'ils vont se poursuivre, et ça ne me plaît pas...

- Renat, il n'y a pas d'alternative. Lorsqu'il y a des êtres humains en trop dans un royaume, il faut intervenir avant que la nature ne s'en charge. Et tu sais aussi bien que moi comment elle s'en charge : guerres, famines, épidémies... Les Évènements n'auraient jamais eu lieu si le Mnar n'était pas surpeuplé par rapport à ses ressources. Heureusement que Hyagansis existe...

- Tu as gagné, Chim. Il va y avoir des humanoïdes partout dans le royaume, et en plus ils seront armés et organisés militairement. Tiens, nous n'avons pas décidé quels uniformes ils porteraient, dans les bataillons...

- J'y ai pensé. Un uniforme bleu, car ils sont rattachés à un service de police. Mais avec un insigne spécial.

- Notre ami Yip a gagné aussi. Il commandera plusieurs centaines de milliers d'hommes et d'humanoïdes. Autant que le Ministre de la Défense.

- Et toi aussi tu as gagné, Renat. Tu as dégagé ta conscience, tu t'es débarrassé d'un fardeau qui pesait sur ton âme. Et malgré cela, tu restes Premier Ministre. Tu avoueras que tu as de la chance que Yip Kophio n'ait pas d'états d'âme, lui ! Tu auras de bonnes nouvelles à donner à ta femme et à tes enfants, lorsqu'ils reviendront de leurs vacances en Aneuf !

- Certes, je reste Premier Ministre, mais un Premier Ministre un peu diminué quand même...

- Ne dis pas ça, Renat. Tu es le deuxième personnage de l'État, alors que tu n'es même pas noble. Tu as la confiance du roi et l'affection du peuple. Tu as aussi mon amitié, mais ce n'est que l'amitié d'un vieux bonhomme que la mort a oublié, et dont le rôle se limite à donner des conseils au roi, qui ne les écoute pas toujours...

De retour dans son bureau, Renat Igloskef essaya d'apaiser sa conscience en se disant que les guerres et les embargos décidés sous de faux prétextes par les grandes puissances mondiales avaient fait des millions de mort, et que les responsables de ces millions de morts dormaient tranquillement tous les soirs dans leurs luxueuses résidences.

"Moi, en tout cas, je n'ai jamais rien eu à voir avec ce genre de décisions" se dit-il.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyMer 16 Mar 2016 - 10:31

Le consul d'Aneuf à Ulthar, représentant (dans le cas si-après) les ministères suivants :
-la condition humaine
-la santé (adjoint du précédent)
-la famille (adjoint du premier)

s'est proposé en vue de l'adoption de 242 orphelins mnarésiens, afin de leur garantir un avenir en Aneuf. La priorité sera accordée aux enfants scolarisables mais non scolarisés ; toutefois des enfants d'âge pré-scolaires (bébés, très jeunes enfants) pourront faire partie du groupe. Afin de ne pas recommencer le scandale de l'arche de Zoé (départ d'enfants non orphelins, enlevés à leurs familles), des garanties seront toutefois demandées.

L'attaché sanitaire de l'ambassade (sise à Sarnath) en a appuyé la demande.  Si l'opération est un succès, d'autres adoptions pourraient être demandées.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyMer 16 Mar 2016 - 11:55

Anoev a écrit:
Le consul d'Aneuf à Ulthar, représentant (dans le cas si-après) les ministères suivants :
-la condition humaine
-la santé (adjoint du précédent)
-la famille (adjoint du premier)
Il n'y a pas de diplomates étrangers à Ulthar, mais éventuellement un consul aneuvien itinérant (consul at large) basé à Sarnath, peut y passer.

Anoev a écrit:
s'est proposé en vue de l'adoption de 242 orphelins mnarésiens, afin de leur garantir un avenir en Aneuf. La priorité sera accordée aux enfants scolarisables mais non scolarisés ; toutefois des enfants d'âge pré-scolaires (bébés, très jeunes enfants) pourront faire partie du groupe. Afin de ne pas recommencer le scandale de l'arche de Zoé (départ d'enfants non orphelins, enlevés à leurs familles), des garanties seront toutefois demandées.

L'attaché sanitaire de l'ambassade (sise à Sarnath) en a appuyé la demande.  Si l'opération est un succès, d'autres adoptions pourraient être demandées.

Proposition acceptée par le Premier Ministre mnarésien, Renat Igloskef.

La réforme décidée, concernant les bannissements vers Hyagansis, peine à être mise en œuvre. Les collaborateurs de Yip Kophio lui disent sans ambages que s'il accepte que des cyborgs soient recrutés par la Police Secrète, il faudra peu de temps pour que les cyborgs prennent le contrôle de l'institution. Kophio se rend compte que ses subordonnés ont raison. Il décide de retarder le plus longtemps possible l'application de la réforme, et il fait part de ses doutes au roi pendant l'un de leurs entretiens en tête-à-tête.

Le roi Andreas commence à se rendre compte que le baron Chim a essayé de le manipuler, et, à long terme, de prendre le contrôle de la Police Secrète. Il annule la réforme. Il est donc de nouveau interdit à tous les humanoïdes (mais pas aux cyborgs, qui ont une âme) de s'installer en dehors de l'Ethel Dylan.

Le baron Chim, qui en a vu d'autres, propose au roi une alternative : la construction d'un gigantesque bâtiment à Hyltendale. Ce bâtiment, appelé le Pséhoï, servira à la fois d'orphelinat et de centre d'hébergement pour adultes sans ressources. Il pourra héberger plusieurs centaines de milliers de personnes. Naturellement, les résidents de ce bâtiment n'en sortiront jamais.

Le roi Andreas, après en avoir longuement discuté avec Renat Igloskef, donne son accord. La construction et l'entretien du Pséhoï seront à la charge de l'Ethel Dylan.

En attendant, les bannissements vers Hyagansis sont presque interrompus. Seuls quelques criminels de droit commun, et aussi des fanatiques de Yog-Sothoth considérés comme dangereux, sont envoyés à Hyagansis, sur ordre personnel de Yip Kophio. C'est la Police Secrète qui se charge des arrestations et du transport jusqu'à Fotetir Tohu, le port d'Hyltendale, d'où les bannis embarquent vers Hyagansis.

Dans tout le royaume, les municipalités organisent des soupes populaires et transforment des hangars en dortoirs pour les miséreux. Les bourgmestres disent aux agents de la Police Secrète qui les contactent qu'ils n'enverront au Pséhoï que les assistés qu'ils n'ont pas les moyens de nourrir, et ceux qui se conduisent mal.

La construction du Pséhoï a commencé. C'est un carré de deux kilomètres de côté, entouré d'un mur, pas encore terminé, de cinq mètres de haut. Des murs semblables, percés de portes, diviseront le Pséhoï en quatre parties, réservées respectivement aux enfants, aux hommes, aux femmes et à l'intendance. Les sexes seront séparés, car il faudra éviter que les résidents ne se multiplient...

Pour l'instant, les orphelins et les miséreux qui sont hébergés au Pséhoï sont logés dans des préfabriqués et sous des tentes, mais la construction d'immeubles à étages est prévue. Le personnel est composé d'humanoïdes vêtus de noir. Veste, pantalon et chapeau noirs pour les androïdes. Veste, longue jupe et chapeau noirs pour les gynoïdes. Certains androïdes portent un ceinturon à bretelles sur leur veste, auquel sont accrochés une matraque et un pistolet. Tous les humanoïdes portent sur leur veste un badge indiquant leur nom et leur matricule.

Les résidents humains, qui arrivent souvent couverts de guenilles pleines de poux, sont vêtus de pyjamas beiges et portent des sandales. L'hiver et par temps pluvieux, ils reçoivent des capes de laine brune à capuchon. Ils pourront recevoir des visites lorsque des parloirs auront été construits.

Officiellement, le Pséhoï est un "orphelinat et centre d'accueil social". Il est situé sur la Côte d'Ethel, à l'est de Playara, un district d'Hyltendale auquel il est rattaché. Il est séparé de la Route de la Mer, qui longe le littoral, par une zone boisée épaisse d'une centaine de mètres, afin que sa vue n'offusque pas les résidents des luxueuses villas du bord de mer.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyMer 16 Mar 2016 - 22:30

Le Pséhoï, toujours en chantier, mais qui hébergeait déjà plusieurs milliers de résidents, reçut la visite de Perrine Vegadaan, conseillère municipale à Hyltendale. Perrine était une manbotchick, une femme (chick) vivant avec un androïde (manbot). Elle était venue avec un androïde en uniforme gris, qui lui servait de chauffeur, et un ami, le docteur Lorenk, dentiste-signataire. Le travail de Lorenk consistait à superviser le travail d'une équipe d'androïdes dentistes à la Maison Médicale Furnius, à Hyltendale.

Lorenk était un symbiorg. Lorsqu'il était arrivé à Hyltendale, il était un être humain normal. Mais, avec son consentement, un cybercerveau nommé Nentanis avait été greffé à l'intérieur de son corps. Grâce aux cyberlunettes que portait Lorenk, Nentanis voyait et entendait la même chose que lui. Nentanis communiquait avec Lorenk, suivant les circonstances, soit au moyen d'un petit haut-parleur fixé sur l'une des branches des cyberlunettes, soit par ondes radio, par l'intermédiaire du téléphone portable de Lorenk.

Perrine et Lorenk furent reçus par le directeur de Pséhoï, un grand cyborg vêtu de noir, nommé Primigen, qui les emmena dans une longue promenade de près d'une heure, dans les quatre kilomètres carrés, clos de hauts murs, de l'institution.

Ils commencèrent par le quartier réservé aux orphelins. Très vaste et entouré de murs de parpaings, il était constitué de bâtiments préfabriqués flambant neufs. Entre les bâtiments, des enfants jouaient à la balle sur le sol boueux, sous l'œil vigilant de gynoïdes et d'androïdes vêtus de noir.

"Les jeunes enfants ne restent pas très longtemps ici, vous savez," dit Primigen. "Ils sont envoyés à Hyagansis, où ils sont adoptés par des humanoïdes spécialisés, qui sont entraînés à jouer le rôle de parents. Nous allons maintenant aller voir les deux quartiers réservés aux adultes. En ce qui concerne les adultes, ceux qui ont une qualification professionnelle, ou qui sont simplement en bonne santé, n'ont aucun mal à trouver un emploi dans les colonies sous-marines. Il nous reste les malades, les infirmes, les caractériels, et les vieux."

Perrine était sceptique :

- Ils ont tous envie de partir à Hyagansis ? Vivre au fond de la mer, dans des dômes dont la lumière est nécessairement artificielle, jusqu'à la fin de sa vie, ça fait peur, quand même... C'est important, de voir le ciel, le soleil... Respirer l'air frais, c'est indispensable.

Primigen lui répondit, tout en marchant en direction d'un portail gardé par deux androïdes :

- Ils n'ont pas le choix. Ici à Pséhoï, les femmes et les hommes vivent séparés. À Hyagansis, ceux qui le désirent vivent en couples. On les voit dans les vidéos, ils sont filmés assis ensemble sur le canapé de leur salon, ou en train de faire la cuisine à deux. Nos résidents, après quelques mois à Pséhoï, logés dans des baraques de chantier non chauffées, ils se disent que Hyagansis, ça ne peut qu'être mieux que la vie qu'ils mènent à Pséhoï.

- Et ceux qui restent... Ils le vivent comment, d'être enfermés ici ?

- Plutôt mal, pour la plupart. Pour ceux qui nous posent des problèmes, nous avons des baraques fermées... On leur donne la nourriture, et ce qu'il faut pour un minimum d'hygiène, à travers les grilles des fenêtres.

"Comme dans un zoo" dit Perrine d'une voix sarcastique.

- Lorsqu'un être humain se conduit comme un animal, il doit s'attendre à être traité comme tel.

- Non Monsieur Primigen. Un être humain reste un être humain en toutes circonstances. Qui donc a pu vous nommer à votre poste, avec des idées pareilles, Monsieur le Directeur ?

- Pséhoï est entièrement financé par la communauté des cybersophontes, dont le représentant auprès du roi est le baron Chim. C'est lui qui m'a nommé ici, car l'argent des cybersophontes passe par lui.

- Et comme l'ordre de créer Pséhoï a été signé par le roi, la ville d'Hyltendale n'a rien à dire... Je vois... Écoutez, Monsieur Primigen... Ces gens qui n'ont rien fait sont traités comme des criminels. Privés de leur liberté. C'est inimaginable, scandaleux...

- Madame Vegadaan, les enfants qui sont ici sont nourris, ont un toit sur leur tête, et sont soignés. Ce n'était pas le cas avant qu'ils viennent ici. Quant aux adultes, ils vivaient en parasites de la société... Des voleurs et des vagabonds... La société les a rassemblés à Pséhoï, où ils ne gênent personne.

- Et vous croyez vraiment, Monsieur Primigen, que ces pauvres gens avaient choisi ce genre de vie ?

- Je ne crois rien, Madame Vegadaan. Je fais mon travail.

- La bonne excuse ! Vous êtes un cyborg, vous avez donc une âme. Vous le faites parce que vous le voulez bien, votre travail...

- Madame Vegadaan, des cars de l'armée nous amènent tous les jours de nouveaux résidents. Ils arrivent sales et sous-alimentés. C'est leur destin. Ils ne l'ont pas choisi, mais le loup ne choisit pas d'être un loup, la chèvre ne choisit pas d'être une chèvre. Ce sont les dieux qui choisissent pour nous. Les dieux ont choisi que certains humains n'aient ni travail ni maison. Pséhoï est une réponse à cette réalité.

- Enfermer les gens, ce n'est pas une réponse acceptable à la misère.

- Sans doute, c'est pourquoi Pséhoï est un lieu de transit. Le destin des résidents est d'aller à Hyagansis. Nous leur montrons des vidéos de Hyagansis, nous leur expliquons comment les gens vivent à Hyagansis, le travail dans les jardins hydroponiques, la vie dans les appartements, les grands dômes lumineux... Je viens de Hyagansis, Madame Vegadaan. Parfois, les villes sous-marines remontent à la surface. On peut alors y entrer ou en sortir. J'ai vécu à Dahulas et j'ai visité Apakom et Mumoda, je sais de quoi je parle. La mise en valeur des fonds marins est un grand projet. Pséhoï en fait partie.

Lorsqu'ils traversèrent le quartier des hommes, Primigen conseilla à Perrine de ne pas s'approcher des résidents, car cela pouvait être dangereux. Mais dans le quartier des femmes, Perrine ne put s'empêcher d'entamer une conversation avec un groupe de résidentes. L'une d'elles, une vieille femme édentée, se mit à pleurer tout en parlant :

- Je vais mourir si je reste ici ! Je ne veux pas aller au fond de la mer, c'est le royaume de Cthulhu ! Madame, au secours ! Je veux sortir d'ici !

D'autres résidentes se mirent elles aussi à pleurer et à s'accrocher aux vêtements de Perrine et de Lorenk. Des androïdes armés de matraques arrivèrent en courant. Voyant que les résidentes ne lâchaient pas les visiteurs, les androïdes se mirent à leur donner des coups de matraque dans le dos et sur les bras. Les coups pleuvaient, rapides et répétés, et faisaient mal.

Les femmes crièrent de douleur et se roulèrent par terre. Elles finirent par se relever, sous le regard minéral des androïdes, et s'éloignèrent en pleurnichant. Perrine en avait les larmes aux yeux.

"Je vais demander la fermeture de Pséhoï !" dit-elle d'une voix rageuse.

Lorenk savait que ce qu'elle disait était absurde, et ne dit rien. Seul le roi pouvait faire fermer Pséhoï. Primigen et Lorenk accompagnèrent Perrine jusqu'à sa voiture, garée dans une cour intérieure. Le chauffeur les attendait.

Lorenk remercia Primigen et lui dit au revoir, puis il s'assit sur la banquette arrière, à côté de Perrine. Le chauffeur démarra et partit vers l'ouest, en direction de la mairie. Ils traversèrent Playara, puis Roddetaik et Sitisentr, districts familiers, et Perrine se sentit un peu mieux.

"Il ne faut pas que tu retournes à Pséhoï" lui dit Lorenk. "Cet endroit aspire toute la misère du Mnar et la concentre, avant de l'évacuer vers Hyagansis. Tu n'es pas faite pour affronter ça."
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyMer 16 Mar 2016 - 23:41

En fait, Pséhoï est une prison. Les gens qui y sont envoyés ont-ils eu un jugement ? Comment peut-on enfermer des jeunes enfants dans de tels endroit ?

Qui plus est, les personnes qui y sont enfermés sont des miséreux, au pis aller des délinquants, et pourtant, il semble bien qu'il sont cloitrés là à perpétuité, y compris les enfants. Et les Autorités leur font croire une vie meilleure sous les fonds marins, à Hyagansis, sans aucune lumière naturelle (qui permet, comme on sait, de fixer la vitamine D). Le seul "crime" de ces gens est d'avoir été pauvre, et pour certain, d'avoir été parent d'un révolté. En fait, le Mnar est bel et bien un idéomonde dystopique, assez proche, d'après ce que je m'en souviens (cybersophontes mis à part) de l'Océania de 1984 (Orwel), ou bien, pour faire un parallèle avec le XIXe siècle, l'Aneuf de Deskerrem, au avec le suivant, celui du régime de Fraṅk Ruz.


Vilkon a écrit:
Comme dans un zoo" dit Perrine d'une voix sarcastique.

- Lorsqu'un être humain se conduit comme un animal, il doit s'attendre à être traité comme tel.

- Non Monsieur Primigen. Un être humain reste un être humain en toutes circonstances. Qui donc a pu vous nommer à votre poste, avec des idées pareilles, Monsieur le Directeur ?
Les prisons B aneuviennes ne sont pas non plus une référence en matière d'humanité, mais seuls y sont détenus des condamnés violents voire meurtriers, sanguinaires etc et également des trafiquants d'armes et de drogues dures. Des individus qui, avant même d'y entrer n'avaient aucun respect pour la vie humaine (exceptée la leur, évidemment). Même les coupables de gokárv ne se voient pas infliger un tel traitement (sauf récidive, et encore, ça dépend des provinces... et des juges).

En 1946 naquit, juste après la guerre civile aneuvienne, une initiative nommée "les villages de l'espoir" où étaient abrités dans des constructions provisoires, d'un confort modeste, mais digne (électricité, eau, sanitaires et cuisines) des gens qui avaient tout perdu. À la différence de Pséhoï, ils pouvaient entrer et sortir, et les services sociaux faisaient en sorte de leur trouver une situation en rapport avec leurs aptitudes, puis, une fois remis socialement sur pieds, ils quittaient le village pour aller habiter en ville. Aux Santes, cette initiative fut brutalement interrompue cinq ans plus tard sous l'injonction d'un sénateur qui trouva que c'était un gaspillage d'argent public et qu'il valait mieux aider les (patrons des) entreprises. Les abrités changèrent de province et allèrent en Alfazie eu Malyr et au Kanolthe. Ce sénateur sans cœur, c'était Alexi Krœvolt, le frère d'Ogon Krœvolt, le premier ministre qui dirigea la Pande d'une main de fer et fut renversé en 1972 par la ПШП (union démocrate pandaise)... maiqs bon... là, on s'égare du Mnar.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyJeu 17 Mar 2016 - 0:43

Anoev a écrit:
En fait, Pséhoï est une prison. Les gens qui y sont envoyés ont-ils eu un jugement ? Comment peut-on enfermer des jeunes enfants dans de tels endroit ?

Les gens sont envoyés à Pséhoï sans jugement. De même, à Paris, la police arrête et envoie sans jugement les clochards au CHAPSA de Nanterre (dont ils peuvent sortir, ce qui embête bien les Nanterrois). On sort beaucoup moins facilement de Pséhoï, sauf pour aller à Hyagansis.

Pséhoï sert aussi de centre d'accueil pour les enfants errants. Au moins, à Pséhoï, ils sont nourris et dorment sous un toit. C'est vrai que de jeunes enfants y sont enfermés, mais ça ne dure pas longtemps, puisqu'ils sont tous envoyés à Hyagansis...

Les cybersophontes sont capables de faire ce que les êtres humains auraient bien du mal à faire : créer un mythe comme celui de Hyagansis, sans qu'un seul parmi ceux qui savent ne vende la mèche... C'est l'avantage de faire partie d'une intelligence collective.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyJeu 17 Mar 2016 - 9:22

Renat Igloskef finit un jour par poser au baron Chim la question qui le taraudait depuis longtemps. Ils avaient travaillé ensemble, dans le bureau d'Igloskef, sur les problèmes agricoles du royaume. Avant que le baron ne se lève pour partir, Igloskef lui demanda :

- Chim, pourquoi est-ce que nous envoyons aussi des enfants à Hyagansis ?

- Parce que nous n'avons pas le choix, Renat. Le royaume peut nourrir soixante millions d'habitants, à quelques millions près, mais seulement à condition que notre production agricole se maintienne au niveau actuel. Ce qui risque de ne pas être le cas très longtemps, à cause de diverses pénuries, de l'épuisement et de l'empoisonnement des sols...

- Des problèmes que je connais bien, en effet. Mais je ne vois pas le rapport... Si la famine doit toucher le royaume, nous souffrirons tous ensemble. Et nous nous en sortirons tous ensemble.

- À mon humble avis, il vaut mieux éviter la famine, et les millions de mort qu'elle causerait. Si on ne peut pas ajuster les ressources aux besoins, ajustons les besoins aux ressources. Les bannissements vers Hyagansis, c'est un moyen d'adapter la population aux ressources. Tu remarqueras qu'on n'expulse que ceux qui sont déjà hors du système, ceux qui n'ont déjà plus accès à la table du festin.

- En faisant un petit effort, on peut les nourrir aussi...

- Jusqu'à un certain point, dont nous ne sommes pas très loin. Et ensuite c'est la révolution. La guerre civile... Je refuse cette éventualité. Il n'est pas question que les Évènements se répètent.

- Chim, ton point de vue, c'est que le Mnar, c'est comme un festin, un repas autour d'une table qui peut accueillir un certain nombre de convives, et ceux qui sont en trop, qui n'ont pas de place à la table, doivent s'en aller ailleurs, à Hyagansis s'il le faut ?

- Oui, c'est exactement ce que je pense. D'autres pays ont choisi... ou plutôt, les dieux ont choisi pour eux... la solution de la guerre civile. Le pays détruit dans les combats, des centaines de milliers de morts, les pays étrangers qui interviennent, si bien que les infrastructures sont détruites et que des millions d'habitants se retrouvent sur les routes, essayant de fuir vers les pays encore prospères... Est-ce cela que tu veux pour le Mnar ?

- Non, évidemment... Mais tous les pays en déficit alimentaire ne sont pas en état de guerre civile. Il y en a qui ont les moyens de payer leurs importations de céréales...

- Pas le Mnar. Nous n'avons presque pas d'industrie, et je ne vois pas ce que les Mnarésiens pourraient produire qui intéresserait les pays étrangers. Nous n'avons pas beaucoup de ressources naturelles exportables non plus.

- Et nous ne pouvons pas emprunter auprès de la Banque Mondiale pour financer nos importations de céréale, parce que la plupart des pays du monde veulent forcer le roi Andreas à quitter le pouvoir, et ont mis le Mnar sous embargo... Cet embargo, qui met le Mnar hors du système financier mondial, est un chantage ignoble, ils savent que le Mnar a du mal à nourrir sa population...

- J'allais le dire. Non, Renat, crois-moi, les bannissements vers Hyagansis, c'est encore la moins mauvaise solution.

- Il y a une autre solution, Chim. C'est le contrôle des naissances.

- Oui, et heureusement. Mais au Mnar, ce n'est pas tout à fait suffisant. Alors, puisque les cybersophontes nous en donnent les moyens, il y a Hyagansis...

- Chim, tu me fais peur. Les cybersophontes rendent possible le... les bannissements massifs ?

- Oui. Ce n'était pas prévu au départ, lorsque le premier cybercerveau a été construit. Mais assez discuté, j'ai des choses à faire dans mon propre bureau.

Le baron se leva et sortit du vaste et luxueux bureau du Premier Ministre.

Resté seul, Renat Igloskef se dit que l'embargo qui faisait tant souffrir le Mnar pourrait être levé, si le roi Andreas acceptait de quitter son trône et de partir en exil. Le Mnar pourrait alors emprunter auprès de la Banque Mondiale pour nourrir sa population. Mais quitter son trône, c'était bien la seule chose que le roi Andreas n'accepterait jamais...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyJeu 17 Mar 2016 - 9:56

En fait, le roi Andreas est assez abject, puisqu'il laisserait bannir sans sourciller des enfants affamés disparaître à Hyagansis, plutôt que de conclure une solution négociée avec la communauté internationale (comme par exemple : accepter la transformation de son régime en monarchie parlementaire). Il tient plus non seulement à son trône, mais encore à son pouvoir (quasi) absolu qu'à son propre pays. Dans ces conditions, sous la pression d'une nouvelle famine, les Évènements pourraient bien se répéter à une plus grande ampleur : les gens qui n'ont plus rien et qui risquent de mourir de faim n'ont plus rien à perdre et préféreront mourir en combattants qu'en esclaves privés de nourriture. D'un autre côté, Andreas fait un calcul sordide, il se dit que la famine peut être une arme efficace pour maintenir son peuple à sa botte (Staline avait fait un peu la même chose avec la réforme agraire dans les années '30) et qu'on ne se bat pas efficacement avec l'estomac vide. Toutefois, on peut se poser la question : et si les cybersophontes changeaient de camp ? Certes, ils n'ont pas besoin de nourriture organique pour vivre, mais d'ampères-heures. Et si après les céréales, c'est l'électricité qui venait à manquer ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyJeu 17 Mar 2016 - 11:14

Anoev a écrit:
En fait, le roi Andreas est assez abject, puisqu'il laisserait bannir sans sourciller des enfants affamés disparaître à Hyagansis, plutôt que de conclure une solution négociée avec la communauté internationale

La réponse est : oui, mais...

Oui, le roi Andreas est assez abject. Pas plus que la moyenne des chefs d'État, d'ailleurs, mais quand même...

Mais : il sait bien que toute "solution négociée" avec la communauté internationale se terminerait par sa mort. Il a en tête l'exemple  de Saddam Hussein, qui avait demandé au gouvernement américain de le laisser partir en Égypte avec deux milliards de dollars et la garantie que les USA ne demanderaient pas son extradition. La guerre d'Irak aurait été évitée. George W Bush a refusé. (Source : "Plan of Attack", par Bob Woodward). Autre exemple : Kadhafi. Il était prêt à s'exiler, mais le gouvernement français a clairement fait comprendre aux pays voisins de la Libye qu'il n'en était pas question. C'est écrit dans "La guerre sans l'aimer", de BHL.

Le problème, pour un dictateur, ce n'est pas seulement de rester au pouvoir, c'est aussi de rester vivant. Pour eux, c'est en général la même chose. Le roi Andreas pourrait faire comme Idi Amin Dada et Ben Ali, et se réfugier en Arabie Saoudite, un pays qui n'extrade pas les anciens dictateurs. Mais comme il n'est pas musulman, l'Arabie Saoudite ne le protègerait pas... Presque tous les autres pays du monde l'extraderaient pour qu'il soit jugé. Et il y aurait de quoi...  

Anoev a écrit:
Dans ces conditions, sous la pression d'une nouvelle famine, les Évènements pourraient bien se répéter à une plus grande ampleur : les gens qui n'ont plus rien et qui risquent de mourir de faim n'ont plus rien à perdre et préféreront mourir en combattants qu'en esclaves privés de nourriture.

Exactement. Le roi Andreas et le baron Chim y pensent tous les jours.

Anoev a écrit:
D'un autre côté, Andreas fait un calcul sordide, il se dit que la famine peut être une arme efficace pour maintenir son peuple à sa botte (Staline avait fait un peu la même chose avec la réforme agraire dans les années '30) et qu'on ne se bat pas efficacement avec l'estomac vide.

Non, ce n'est pas le calcul d'Andreas. Il essaye de faire en sorte que tous ses sujets mangent à leur faim. Un sujet bien nourri est un sujet qui a plus à perdre qu'à gagner à se rebeller contre son roi, donc qui ne se rebelle pas. Les Syriens vivaient heureux et en paix, sous l'autorité tolérante mais ferme du clan Assad. Jusqu'à ce qu'une sécheresse catastrophique ne ruine les paysans sunnites de l'est de la Syrie. Cette catastrophe climatique a été le déclencheur de la révolte.

Anoev a écrit:
Toutefois, on peut se poser la question : et si les cybersophontes changeaient de camp ?

Ils n'ont aucune raison de prendre le parti des rebelles. Ce qu'ils veulent, ce n'est pas les rebelles au pouvoir, c'est eux-mêmes au pouvoir. Petit à petit, ils font leur chemin... Déjà, le principal conseiller du roi et sa maîtresse sont des cyborgs. Et l'économie du royaume est largement contrôlée par les cybersophontes.

Anoev a écrit:
Certes, ils n'ont pas besoin de nourriture organique pour vivre, mais d'ampères-heures. Et si après les céréales, c'est l'électricité qui venait à manquer ?

Les cybersophontes devraient quitter le Mnar... C'est pour éviter cela qu'ils ont fait en sorte que l'Ethel Dylan ne manque pas d'électricité : centrales solaires, géothermie profonde... et absence de métro à Hyltendale, pour économiser le courant.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyJeu 17 Mar 2016 - 12:09

Ah... au fait, j'ai oublié d'te d'mander : Pourquoi n'y a-t-il aucun consulat dans une grande ville comme Ulthar ? Parce qu'il n'y a aucun étranger qui y séjourne (et qui par conséquent, n'auraiot pas besoin des représentants de son pays pour l'assister en cas de pépin) ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyJeu 17 Mar 2016 - 13:31

Anoev a écrit:
Ah... au fait, j'ai oublié d'te d'mander : Pourquoi n'y a-t-il aucun consulat dans une grande ville comme Ulthar ? Parce qu'il n'y a aucun étranger qui y séjourne (et qui par conséquent, n'aurait pas besoin des représentants de son pays pour l'assister en cas de pépin) ?

Exactement. Au Mnar, les étrangers n'ont le droit de résider qu'à Hyltendale et Céléphaïs, deux grandes villes côtières. Les diplomates étrangers ont, par dérogation, le droit de résider à Sarnath, la capitale du pays, car c'est là que se trouvent les ambassades.

C'est Yip Kophio qui en a eu l'idée, ici.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyJeu 17 Mar 2016 - 14:23

Quelques détails concernant les bâtiments diplomatiques en Aneuf là-bas.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyVen 25 Mar 2016 - 22:59

Eneas Tond était un homme d'affaires aneuvien, spécialisé dans l'immobilier. Il était au sommet de sa carrière, et il bénéficiait dans son milieu professionnel, à Hocklènge, la capitale de la province aneuvienne des Santes, d'une solide réputation de compétence et d'intégrité.

Mais il souffrait d'une blessure secrète. Sur le plan sexuel, ses goût étaient à la fois assez dévorants et assez inhabituels pour le mettre du mauvais côté de la loi, même dans un pays aussi tolérant que l'Aneuf. Pendant des années, il avait lutté contre ses pulsions, sans succès.

Il avait trouvé une solution partielle en se rendant plusieurs fois par an à Hyltendale. Là, dans les hôtels de Zodonie, il pouvait réaliser ses fantasmes. Les gynoïdes et les androïdes qui louent leurs services à Zodonie présentent une variété infinie de tailles, de styles et d'aspects, et ne refusent aucune pratique. Quitte, après certains ébats particulièrement pervers, à demander des suppléments pour la remise en état de leur corps cybernétique.

Les voyages et les séjours à Zodonie coûtent cher. Après avoir accumulé, par son travail acharné à Hocklènge, assez d'argent pour vivre confortablement des dividendes de ses investissements, Eneas avait décidé de franchir le pas, et de s'installer à Hyltendale.

Pendant ses séjours, il avait appris assez de mnarruc pour se débrouiller au quotidien à Hyltendale. Pour un aneuvophone comme Eneas, le mnarruc est une langue facile, sans déclinaisons ni conjugaisons, contrairement à l'aneuvien. La phonologie est aussi beaucoup plus simple. Tous les sons du mnarruc existent en aneuvien. Les seules difficultés proviennent du vocabulaire, très différent dans les deux langues, et de la syntaxe.

En effet, pour parler couramment le mnarruc, il faut mémoriser un grand nombre de tournures idiomatiques qui n'existent que dans cette langue. Pour cela, il faut apprendre plusieurs centaines de phrases-types. Eneas les notait dans un carnet qu'il portait toujours sur lui. Les cybercerveaux qui contrôlent à distance les gynoïdes vénales de Zodonie parlent toutes les langues utilisées par les touristes, mais lorsqu'on passe ne serait-ce que quelques jours à Hyltendale, il est préférable de connaître au moins les rudiments de la langue locale.

Eneas Tond avait pris contact avec une agence immobilière, qui se trouvait être celle où travaillait Tawina Zeno.

La cyborg Tawina était assez jolie, de taille moyenne, avec de longs cheveux noirs qui flottaient sur ses épaules. Elle portait une veste beige sur un chemisier rose et un pantalon gris perle, et des bottines de cuir fauve à petits talons. Son cou, ses poignets et ses doigts étaient ornés de nombreux bijoux.

"Soyez le bienvenu, Monsieur Tond", dit Tawina d'une voix haut perchée. Elle faisait de grands gestes en parlant, de façon assez théâtrale. Sa peau synthétique exsudait une odeur citronnée, celle d'un parfum à la mode à Hyltendale.

Eneas avait suffisamment l'habitude des gynoïdes pour ne pas être perturbé par les yeux cybernétiques entièrement noirs, sans iris ni pupille, des cybersophontes comme Tawina.

"Je voudrais acheter un logement à Hyltendale, pour y habiter en permanence. De préférence, une maison" dit Eneas.

- Nous avons un choix assez étendu... Venez avec moi, Monsieur Tond, je vais vous emmener en voiture visiter quelques maisons. Nous allons commencer par la Côte d'Ethel. La voiture est garée sur le parking de l'agence.

Tawina fit monter Eneas dans une petite voiture à moteur électrique. Le logo de l'agence était peint sur les portières.

Eneas n'était jamais allé sur la Côte d'Ethel, et, pendant que Tawina conduisait, il regardait le paysage avec curiosité. Ils avaient pris une route à quatre voies. À leur droite, de luxueuses villas nichées dans la verdure, des plages de sable blanc, et la Mer du Sud, somptueuse sous le soleil. À leur gauche, des plantations de pins et d'eucalyptus, sur des kilomètres.

Eneas se souvenait d'avoir lu dans un magazine que la partie de l'Ethel Dylan qui longe la Route de la Mer est systématiquement boisée par les cybersophontes. Le bois de pin sert à fabriquer des meubles, le bois d'eucalyptus est plutôt utilisé pour faire de la pâte à papier et du carton.

La circulation était fluide, avec une forte proportion de camions. Après quelques minutes, Tawina s'engagea dans une petite route latérale, au milieu de villas à demi cachées par les pins parasols et les buissons touffus.

"Vous voyez ce tunnel, à gauche ?" dit-elle à Eneas. "Il passe sous la route. Nous le prendrons tout à l'heure pour retourner à Hyltendale."

Ils s'arrêtèrent devant une maison de dimensions moyennes, de style hyltendalien : un simple cube de béton peint en blanc, avec des fenêtres carrées à volets bleus et un toit plat recouvert de panneaux solaires.

"On ne voit pas la mer" dit Eneas.

"On la voit depuis le premier étage" répondit Tawina.

- Est-ce que la gare est loin d'ici ?

- Il n'y a pas de gare sur toute la Côte d'Ethel, Monsieur Tond, à part une gare de marchandises à Qepeon, à sept kilomètres à l'est. D'ailleurs, la voie ferrée part vers le nord, et pas vers Hyltendale.

- Mais alors, comment font les gens pour se déplacer ? Chez moi en Aneuf, on peut aller partout en train !

- J'entends bien, mais la Côte d'Ethel, ce n'est pas l'Aneuf... Les gens achètent des villas pour être tranquilles. Ici, nous sommes à treize kilomètres d'Hyltendale. Tout le monde a une voiture, ou au moins un vélotaxi.

- Je me vois mal pédaler sur un vélotaxi pour aller à Hyltendale et en revenir !

- Ce sont les humanoïdes qui pédalent, Monsieur Tond. Les gens font pédaler leur gynoïde. Un corps cybernétique, c'est une machine. Un vélotaxi piloté par un humanoïde peut atteindre 40 km/h. En pratique, comptez plutôt 20 km/h, et même 10 km/h en ville, à cause des feux rouges. À Hyltendale, c'est suffisant, la ville n'est pas si étendue que ça. Ceci étant, si vous avez assez d'argent, achetez plutôt une voiture.

- À Hyltendale, elles coûtent plus cher qu'en Aneuf. Puisqu'il n'y a pas de trains, il y a au moins des bus ?

- Même pas. Les gens qui habitent sur la Côte d'Ethel ne veulent pas être dérangés. Vous avez vu ces formes ovales, de couleur bleu clair, qui se déplacent lentement dans le ciel, au-dessus de nous ? Ce sont des dirigeables de surveillance. Il ne se passe jamais rien sur la Côte d'Ethel, parce que c'est l'endroit le plus sécurisé au monde.

- C'est bien, mais, d'après ce que vous dites, Madame Zeno, pour se déplacer, on a juste le choix entre la voiture et le vélotaxi ?

- Il y a aussi le flitteur, si vous en avez les moyens.

- Qu'est-ce que c'est, un flitteur ?

- Un flitteur est un mini-hélicoptère robotisé, qui ne peut transporter qu'une seule personne à la fois. Les flitteurs se déplacent près du sol, par sécurité, et de préférence au-dessus de l'eau. On peut les faire venir par téléphone, comme des taxis. Un flitteur vous emmènera directement, en quelques minutes, de votre maison de la Côte d'Ethel jusqu'à une aire d'atterrissage, près des quais d'Hyltendale.

- Donc, si j'ai bien compris, si on veut emmener quelqu'un avec soi, il faut louer deux flitteurs, puisqu'un flitteur ne peut transporter qu'une seule personne ?

- Exactement. Ici sur la Côte d'Ethel, la plupart des gens préfèrent les voitures.

Tawina fit visiter la maison à Eneas. Elle était entièrement vide, mais en bon état, y compris les panneaux solaires. Le jardin, envahi par les herbes folles, était clos par une haie d'épineux haute de deux mètres, qui avait bien besoin d'être taillée.

Lorsqu'ils retournèrent à la voiture, Eneas dit à Tawina :

- Je crois que je préfèrerais une maison à Hyltendale même... Mais près de la mer, et avec un jardin ou une grande terrasse. Vous savez, en bon Aneuvien, j'ai toujours eu l'habitude d'utiliser les transports en commun. À Hyltendale, au moins, il y a des bus. Partout et tout le temps.

Tawina lui répondit d'une voix tranquille :

- Pour une maison vraiment près de la mer, je ne vois que Playara, le district sud-est de la ville. Nous avons d'ailleurs traversé Playara pour venir jusqu'ici. Les maisons de Playara sont très demandées, à cause des plages, et il y a aussi beaucoup de commerces, des restaurants, des supermarchés. En plus, il suffit de prendre le bus pour être à Zodonie en une vingtaine de minutes. Beaucoup de gens ont envie de vivre à Playara, ça fait monter les prix. Mais nous avons quelques maisons en stock à des prix intéressants.

- Madame Zeno, allons à Playara, et montrez-moi donc ces maisons que vous avez en stock. La Côte d'Ethel, c'est joli, mais il y a trop de mafieux et de dictateurs en fuite dans ces villas, d'après ce qu'on raconte.

"Ils ont de l'argent" dit Tawina. "C'est l'essentiel, non ?"

- Au Mnar, sans doute. Mais je suis aneuvien.

Tawina le regarda, en ayant l'air de ne pas comprendre. Eneas décida qu'il était inutile d'essayer de lui expliquer.

Dès son premier séjour à Hyltendale, une quinzaine d'années auparavant, Eneas avait senti qu'il y avait une différence fondamentale entre l'Aneuf et le Mnar.

En Aneuf, être aneuvien, ce n'est pas seulement une nationalité, c'est l'adhésion à une morale civique. Les Aneuviens l'appellent morale républicaine, mais il est plus exact de l'appeler morale civique, car elle existait déjà, dans ses grandes lignes, lorsque l'Aneuf était encore une monarchie.

Cette morale n'est pas précisément définie, mais elle est néanmoins exigeante. Elle régit aussi bien les relations entre les hommes et les femmes que le comportement quotidien. Cette morale est au-dessus des religions, au-dessus des opinions politiques. En Aneuf, la religion est une affaire personnelle, et il est impensable qu'elle contredise la morale civique, qui implique tolérance et respect de la liberté des autres. À part quelques extrémistes, la grande majorité des Aneuviens adhère aux principes de la morale civique.

On peut ajouter à cette morale civique l'usage de la langue aneuvienne comme langue d'échange. C'est le deuxième élément de ce qui constitue le fait d'être aneuvien. La grande majorité des Aneuviens ont l'aneuvien comme langue maternelle, mais pas tous. Les Tchoups, qui sont un peuple proche des Mélanésiens, ont conservé leur langue ancestrale. Mais même les Tchoups utilisent l'aneuvien comme langue d'échange.

Le troisième élément de ce qui constitue le fait d'être un Aneuvien, c'est la volonté de vivre ensemble au sein d'un même État démocratique et laïque. Cela implique souvent des accommodements, mais c'est une volonté bien réelle.

Au Mnar, il n'existe pas d'équivalent à la morale civique des Aneuviens. Les Mnarésiens, pratiquement sans exception, ne se reconnaissent que dans leur communauté. Voler ou agresser les membres d'une autre communauté, harceler leurs femmes, n'est pas ressenti comme quelque chose de mal.

À cause de cela, les communautés ne cohabitent pacifiquement que parce que le roi Andreas impose, par la force et l'intimidation, le respect de la loi. La Police Secrète est l'un des piliers de l'autorité royale. Les incarcérations arbitraires et les bannissements vers Hyagansis sont quelques unes des méthodes par lesquelles le roi impose l'obéissance aux Mnarésiens.

Ces méthodes ne seraient pas acceptées par les Aneuviens. Au Mnar, elles sont tacitement approuvées par la majorité des habitants, car ils savent bien que les fanatiques de Yog-Sothoth seraient bien pires que le roi Andreas, s'ils prenaient le pouvoir.

La volonté de vivre ensemble, très forte en Aneuf, n'existe pas vraiment au Mnar. S'ils le pouvaient, les adorateurs de Yog-Sothoth, majoritaires dans le pays, feraient sécession pour ne plus avoir à obéir à une classe dirigeante composée d'adorateurs de Nath-Horthath.

Ces pensées traversaient l'esprit d'Eneas pendant que Tawina conduisait. Il commençait à se demander si c'était réellement une bonne idée de s'installer à Hyltendale.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptyVen 25 Mar 2016 - 23:31

Belle entrée en matière pour Eneas Tond. On sent une personne qui arrive dans un pays complètement différent du sien, mais qui ne lui est pas complètement inconnu.

Maintenant, il est victime d'un tiraillement et il se demande ce qui, en lui va être le plus fort :

  • Soit son sentiment national qui risque de lui donner le mal du pays s'il s'installe durablement à Hyltendale.
  • Soit ses penchants sexuels, certes avouables dans sa province d'origine (les Santes), mais complètement impraticables sans risque de se voir privé de liberté et qui, ici, pourraient être assouvis avec des robots ayant l'apparence souhaitée.


Pourra-t-il trouver une paix intérieure s'il s'associe à une communauté de fembotniks/manbotchiks ? Pourra-t-il converser avec certain(e)s d'entre eux qui partagent les mêmes penchants ? Ne risque-t-il pas d'être rejeté ? Pourra-t-il trouver un robot qui corresponde exactement à ses préférences, voire à ses fantasmes les plus troubles ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptySam 26 Mar 2016 - 15:26

À Playara, Tawina fit visiter plusieurs maisons à Eneas. Mais elles étaient toutes soit trop petites, soit trop chères.

"Les étrangers fortunés qui viennent s'installer à Hyltendale font monter les prix" dit tranquillement Tawina.

Eneas finit par demander à Tawina de le ramener à l'agence, afin qu'il puisse consulter le catalogue. Peu lui importait, finalement, d'être près d'une plage. Il venait d'Hocklènge, après tout, une ville située loin du bord de la mer. Et puis, à Hyltendale, on n'est jamais à plus d'une demi-heure en bus des plages de Playara.

Il finit par jeter son dévolu sur une maison située à Tomorif, un district de la partie nord d'Hyltendale. La maison était semblable à celle qu'il avait visitée sur la Côte d'Ethel : un cube de béton blanc à deux niveaux, avec des fenêtres carrées, des panneaux solaires sur le toit et un grand jardin.

Les seules différences, c'était que les volets étaient jaunes, et que le jardin était entouré par un mur de briques au lieu d'une haie d'épineux.

Dans sa tête, Eneas avait déjà décidé de vivre avec deux gynoïdes, et d'acheter deux vélotaxis. Le garage incorporé dans la maison, prévu pour une voiture, était suffisamment grand pour abriter deux vélotaxis.

"La maison est aux normes hyltendaliennes" dit Tawina en faisant des moulinets avec les bras. "Elle est pratiquement autonome sur le plan énergétique, grâce aux panneaux solaires qui sont sur le toit, et l'eau qui coule dessus est collectée dans des tuyaux et stockée dans une cuve."

Eneas sourit. Ces Hyltendaliens ne se remettraient donc jamais du traumatisme des Évènements... Des millions d'entre eux s'étaient retrouvés sans électricité, sans eau courante, et les rayons des supermarchés totalement vides, après que les centrales électriques avaient été mises hors d'usage pendant les combats. Pour Eneas, c'était quelque chose d'abstrait, qu'il avait du mal à se représenter, car il n'avait jamais rien connu de semblable en Aneuf.

Eneas acheta la maison de Tomorif. Lorsqu'il signa les documents chez le notaire, il était particulièrement ému. Désormais, pour le meilleur et pour le pire, son destin était à Hyltendale. Même si, par prudence, il avait gardé des intérêts financiers en Aneuf, afin de pouvoir retourner à Hocklènge si le Mnar sombrait de nouveau dans la guerre civile.

Il passa les mois suivants à aménager à son goût sa nouvelle maison et son jardin. Il loua les services de deux gynoïdes, Xenopha et Moyae. Xenopha avait un physique qui convenait à la sexualité étrange d'Eneas, et il avait décidé qu'elle ne sortirait quasiment jamais de la maison. Il n'était pas à l'aise avec l'idée que, rien qu'en voyant Xenopha, les gens pourraient deviner quel genre de sexualité il avait. Moyae, qui avait le physique standard des gynoïdes hyltendaliennes (taille moyenne, longs cheveux noirs) portait habituellement un élégant costume couleur anthracite sur un chemisier jaune canari.

Eneas n'aimait pas la solitude. À Hocklènge, il avait toujours été entouré d'amis et de collaborateurs. Son travail, dans l'immobilier santois, impliquait des contacts humains permanents, pour négocier, convaincre, gérer, et il adorait ça.

À Hyltendale, il n'était qu'un rentier parmi des centaines de milliers d'autres. Littéralement. Les "masques-cagoules" lui paraissaient une comédie puérile. Il avait toujours vécu dans le réel, et il n'avait pas l'intention de chercher refuge dans le faire-semblant.

Moyae l'emmena au Cercle Paropien, dont les locaux étaient situés dans un autre district.  Elle pensait que c'était le club le plus susceptible de lui convenir. Eneas adhéra au club, mais il décida rapidement qu'il n'y viendrait que pour profiter du bar.

Les Membres du Cercle, en effet, n'étaient pas le genre de personnes qu'il aurait choisi de fréquenter à Hocklènge. Certains étaient des vaincus de la vie, comme Yohannès Ken, l'ancien mari battu. D'autres, surtout parmi les étrangers, étaient des escrocs recherchés dans leur pays. Mais il y avait aussi des gens qui n'étaient ni l'un ni l'autre, comme le docteur Lorenk ou la conseillère municipale Perrine Vegadaan. Eneas sympathisa d'emblée avec Lorenk.

Il se rendait compte qu'il s'ennuyait. Faire pousser des thuyas et des légumes dans son jardin n'était pas une activité suffisante pour lui. Il créa un blog, dans sa langue maternelle, dans lequel il parlait de sa vie d'Aneuvien expatrié à Hyltendale, et faisait part de ses réflexions sur la politique aneuvienne et les problèmes économiques, qu'il connaissait bien, en tant qu'ancien homme d'affaires.

Ce fut Moyae qui l'incita à créer, au sein du Cercle Paropien, un groupe d'études et recherches sociales. Eneas baptisa ce groupe le Bureau Cassian, du nom d'un philosophe mnarésien du siècle précédent. Au début, ils n'étaient que deux dans le Bureau Cassian, et ensuite leur nombre monta à cinq. Le Bureau Cassian publie des bulletins, édités à vingt exemplaires, et a un site sur le réseau informatique mondial. Le premier bulletin fut intitulé Comparaison entre la morale civique aneuvienne et le concept mnarésien d'obéissance. Ce fut le début d'une longue série.

Eneas, qui n'était pas linguiste, n'arriva jamais à maîtriser assez bien le mnarruc pour écrire un texte sans faire de fautes. Il avait toujours un épais dictionnaire aneuvien-mnarruc dans sa sacoche. Heureusement, Moyae et Xenopha se chargeaient, à la maison, de transcrire en mnarruc académique ses brouillons, qu'il écrivait dans un affreux mélange de mnarruc et d'aneuvien.

Eneas n'aurait jamais pensé devenir un intellectuel. Mais la vie est souvent imprévisible. Entre sa vie quasiment familiale avec Xenopha et Moyae, son jardin, son blog et le Bureau Cassian, il ne s'ennuyait plus.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptySam 26 Mar 2016 - 21:14

Citation :
Xenopha avait un physique qui convenait à la sexualité étrange d'Eneas, et il avait décidé qu'elle ne sortirait quasiment jamais de la maison. Il n'était pas à l'aise avec l'idée que, rien qu'en voyant Xenopha, les gens pourraient deviner quel genre de sexualité il avait.
Pas forcément, il pourrait très bien passer pour l'homologue de Perrine Vegadaan et Rhenopa serait l'équivalent d'Hugo.

Citation :
Moyae, qui avait le physique standard des gynoïdes hyltendaliennes (taille moyenne, longs cheveux noirs) portait habituellement un élégant costume couleur anthracite sur un chemisier jaune canari.
tout en ayant une apparence un peu plus juvénile que la moyenne : âge apparent 16~17 ans.

Citation :
Quitte, après certains ébats particulièrement pervers, à demander des suppléments pour la remise en état de leur corps cybernétique.
Précaution superfétatoire en ce qui concerne Eneas et l'immense majorité des Aneuviens (y compris santois) pour qui l'essentiel des relations et des rapports sexuels est basé sur l'affection, une affection sans borne dont peut-être Eneas avait peut-être manqué, même s'il ne fut pas victime de mauvais traitements.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 16 EmptySam 26 Mar 2016 - 21:42

Anoev a écrit:
Rhenopa

Xenopha se prononce effectivement /xenopa/ (avec un "x" prononcé comme une "jota" espagnole). Ph = p, car en mnarruc un h ne modifie jamais la prononciation de la consonne qu'il suit. Il se prononce, comme un /h/ anglais, seulement dans deux cas :
1. À l'initiale d'un mot, devant voyelle.
2. À l'intérieur d'un mot, entre deux voyelles.

Anoev a écrit:
Citation :
Moyae, qui avait le physique standard des gynoïdes hyltendaliennes (taille moyenne, longs cheveux noirs) portait habituellement un élégant costume couleur anthracite sur un chemisier jaune canari.
tout en ayant une apparence un peu plus juvénile que la moyenne : age apparent 16~17 ans.

Moyae joue le rôle de la compagne officielle d'Eneas, pour mieux dissimuler l'existence de Xenopa, qui est la concubine effective. Son âge apparent est celui des "gynoïdes de travail", donc environ 25 ans.

Yohannès, qui est d'âge mûr (il a un fils adulte, d'un premier mariage), a demandé à sa gynoïde, Shonia, de mettre une perruque blanche, pour avoir l'air plus âgé.
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