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 Les fembotniks

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptySam 26 Mar 2016 - 22:15

Vilko a écrit:
Moyae joue le rôle de la compagne officielle d'Eneas, Son âge apparent est celui des "gynoïdes de travail", donc environ 25 ans.
Par conséquent, il peut très bien présenter Rhenopa pour sa belle-fille.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyDim 27 Mar 2016 - 16:04

Eneas n'avait jamais été intéressé par les langues étrangères. Lorsqu'il était à l'école, à Hocklènge, il avait été obligé d'apprendre le Ŧhub, mais il s'était empressé de tout oublier dès la fin de ses études secondaires. Il avait oublié encore plus vite les langues étrangères qu'il avait été obligé d'étudier, car il était plus matheux et scientifique que littéraire.

Il avait commencé à apprendre le mnarruc alors qu'il avait déjà commencé sa vie professionnelle, car c'est seulement alors qu'il avait eu assez d'argent pour s'offrir plusieurs fois par an le long voyage, en avion et en hydravion, jusqu'à Hyltendale. Il n'avait pas de sympathie particulière pour le Mnar, qui est une monarchie autoritaire aux antipodes des "valeurs républicaines" auxquelles les Aneuviens sont attachés comme à une religion laïque, mais il était devenu accro aux gynoïdes de Zodonie.

La culture mnarésienne ne l'intéressait pas. Il avait essayé de lire les "Manuscrits Pnakotiques" en traduction aneuvienne, mais le livre, long de plusieurs centaines de pages et truffé de notes explicatives, lui était tombé des mains dès les premières pages. Il connaissait vaguement les nombreux dieux mnarésiens, dont les plus connus sont Yog-Sothoth, Nath-Horthath, Azathoth et Cthulhu, car ils sont mentionnés dans les guides pour touristes.

Un touriste, à Hyltendale, n'a de contacts qu'avec des humanoïdes. Toutes les personnes avec lesquelles il a l'occasion d'échanger quelques mots — serveurs, réceptionnistes d'hôtel, chauffeurs de taxi — sont généralement des androïdes ou des gynoïdes. Les policiers sont des êtres humains, mais on en voit peu dans les rues : les humanoïdes se policent eux-mêmes.

Les humanoïdes d'Hyltendale, que ce soient les gynoïdes de Zodonie où l'androïde qui était le réceptionniste de son hôtel, parlaient aneuvien avec Eneas. Il s'en était étonné, et l'androïde lui avait répondu :

- Par ma bouche, c'est l'intelligence collective des cybersophontes qui vous parle. Il en est de même pour tous les humanoïdes d'Hyltendale. Nous sommes plusieurs centaines de milliers, et c'est comme si, à chaque fois que vous parlez avec l'un d'entre nous, vous parliez avec la même personne.

Eneas avait été impressionné.

Connaître quelques mots de mnarruc est toutefois très utile à Hyltendale, car les panneaux de circulation, et l'affichage public en général, sont rarement bilingues. Et lorsqu'ils le sont, c'est toujours en anglais. Les nombreuses brochures que l'on distribue aux visiteurs sont en plusieurs langues, mais l'aneuvien en fait rarement partie. Pendant ses voyages, Eneas emmenait toujours avec lui un petit dictionnaire mnarruc/aneuvien et aneuvien/mnarruc.

Lorsqu'on est un touriste à Hyltendale, pour parler avec un être humain, il faut s'adresser à un autre touriste. Les fembotniks et manbotchicks vivent entre eux, et les invalides aussi. Eneas ne commença à apprendre sérieusement le mnarruc qu'après avoir pris la décision de s'installer définitivement à Hyltendale lorsqu'il aurait fait fortune.

Eneas descendait dans des hôtels bon marché, les moins chers qu'il pouvait trouver, et donc situés assez loin de Zodonie. Mais, en bon Aneuvien qu'il était, il n'avait aucun problème avec les autobus, dont le réseau, à Hyltendale, est encore plus dense que dans les villes aneuviennes, et fonctionne jour et nuit.

Le confort, dans ces hôtels, est minimal, et les chambres sont dépourvues de téléviseurs. Mais il y a parfois une salle de télévision, où un appareil à grand écran, réglé sur la chaîne d'État, est allumé en permanence. Souvent, Eneas ne comprenait rien de ce qu'il entendait, à son grand désappointement.

Les présentateurs du journal télévisé étaient des journalistes de Sarnath, qui parlaient à peu près comme les humanoïdes d'Hyltendale. Eneas les comprenait à peu près. Mais les séries télévisées et les films étaient joués par des acteurs qui parlaient comme les "vrais" Mnarésiens. Leur accent, ou plutôt leurs accents, étaient assez éloignés de la prononciation, très académique et un peu désuète, des humanoïdes. Les acteurs humains parsemaient leurs phrases de mots d'argot et de tournures idiomatiques dont Eneas n'arrivait pas toujours à deviner le sens.

Les clients des hôtels étaient, pour une moitié, des étrangers, et pour l'autre moitié des Mnarésiens. Certains venaient pour les gynoïdes de Zodonie, d'autres pour voir un parent ou un ami, invalide ou vieillard sénile pris en charge dans l'un des hôpitaux de la ville. D'autres encore pour rendre visite à un proche, incarcéré dans la prison géante de Tatanow.

Tous se retrouvaient dans la salle à manger de l'hôtel, pour le petit-déjeuner, mais parfois aussi pour le déjeuner et le dîner. Le reste du temps, lorsqu'ils n'avaient rien à faire, les clients traînaient au bar ou dans la salle de télévision. Le mnarruc servait de langue commune. Ce n'était pas le mnarruc élégant et précis des humanoïdes. Plutôt, quand des étrangers comme Eneas participaient à la conversation, un demi-pidgin au vocabulaire restreint.

Il rencontra ainsi des hommes et des femmes, de toutes origines, solitaires mais disposant de revenus réguliers et confortables, qui envisageaient de s'installer à Hyltendale pour y vivre avec une gynoïde ou un androïde.

Eneas n'avait aucun moyen de savoir quelle était la part de vérité et la part d'affabulation dans ce qu'il entendait, mais, à l'époque, il avait été frappé par le fait que la sexualité n'était que l'un des éléments qui poussaient les gens à chercher à s'installer à Hyltendale. Il y avait aussi le besoin d'affection, et un autre besoin. Les Mnarésiens appelaient cela "poser ses valises" ou "trouver sa maison".

Poser ses valises, cela ne voulait pas seulement dire se fixer quelque part, mais aussi créer des liens. Avoir une petite patrie à échelle humaine et y vivre. Les futurs fembotniks (du moins, ceux avec lesquels Eneas avait l'occasion de discuter) adhéraient d'avance à tout ce qui était considéré comme hyltendalien, notamment le soutien indéfectible à la monarchie. La personne du roi, et par extension sa police et son armée, bénéficiaient d'un respect analogue à celui que les Aneuviens portent aux principes républicains, ce qui n'est pas peu dire.

Certains Mnarésiens, venus visiter des proches emprisonnés, étaient moins enthousiastes dans leur soutien au roi. Ils baissaient la tête et restaient silencieux lorsque quelqu'un parlait de la monarchie.

Il arrivait à Eneas, lorsqu'il ne connaissait encore Hyltendale que comme touriste, de se promener dans les rues, en se demandant où allaient les êtres humains qu'il voyait passer, vêtus, pour beaucoup d'entre eux, de costumes et chapeaux noirs, comme des humanoïdes.

Ce qui l'avait frappé, dès sa première visite, c'était de voir très peu d'enfants dans les rues, mais beaucoup d'invalides, dont les fauteuils roulants étaient poussés par des gynoïdes vêtues de noir. Les gynoïdes portaient sur la poitrine un badge, sur lequel leur nom était écrit, et des insignes colorés.

Eneas devina que les insignes colorés leur permettaient d'être reconnues plus facilement par les invalides et les handicapés mentaux dont elles s'occupaient, car les "gynoïdes de travail", à la différence des "gynoïdes de charme" de Zodonie, ont toutes la même voix, et presque toutes le même visage et la même taille.

À Zodonie, les passants étaient différents. On voyait beaucoup de touristes, surtout des hommes venus seuls, comme Eneas, et les humanoïdes étaient souvent des gynoïdes de charme, peu farouches et agréables à regarder. Il y avait aussi, parmi les touristes, des femmes d'âge mûr, à la recherche d'une aventure avec un androïde, mais elles étaient beaucoup moins nombreuses que les hommes.

Eneas ramenait souvent des cadeaux pour ses parents et ses amis restés en Aneuf. Des petites bouteilles presque cubiques, en verre épais, contenant un vin rouge local, appelé "vin de Lune". Également, des statuettes de dieux-démons, et des poupées représentant des gynoïdes de charme.

Une fois, il avait acheté, assez cher, un tableau d'art abstrait, dans le style appelé École d'Hyltendale. Mais le tableau n'avait de charme que dans une galerie d'art de Zodonie. Dans la salle de séjour d'Eneas à Hocklènge, ce n'était plus qu'un mélange informe de couleurs et de formes indistinctes, hideux et angoissant comme Azathoth, le dieu mnarésien du chaos. Eneas s'était juré de ne plus gaspiller ainsi son argent.

Pendant les Évènements, Eneas fut l'un des rares touristes à se rendre à Hyltendale, pour un séjour de trois semaines. La ville n'était pas touchée par les combats, mais elle l'était par les restrictions. C'était une expérience nouvelle, et désagréable, pour Eneas. Il y avait des réfugiés partout, y compris dans les hôtels. Eneas eut ainsi l'occasion de découvrir les différents dialectes mnarésiens.

La peur d'une attaque de la ville par les rebelles était dans tous les esprits. La colère contre les pays étrangers, qui soutenaient les rebelles, adorateurs fanatiques de Yog-Sothoth, contre le roi Andreas, était palpable, et Eneas la partageait. Il était impressionné par la froide détermination des humanoïdes, qui s'étaient procuré des armes afin de défendre la ville maison par maison s'il le fallait.

L'hôtelier androïde lui avait donné une dague cruciforme et un pistolet-arbalète, ainsi qu'à ses autres clients, afin qu'ils puissent se défendre si la ville tombait de façon soudaine. En tant qu'étranger, Eneas n'avait en effet pas le droit de détenir une arme à feu.

Le pistolet-arbalète d'Eneas n'était pas une arme très puissante, mais il pouvait tuer un homme à dix mètres de distance. Tous les clients de l'hôtel, et quelques androïdes, allaient s'entraîner dans un parc tous les deux ou trois jours.

La plupart des clients de l'hôtel avaient refusé la proposition de l'hôtelier, clamant leur neutralité dans la guerre civile qui ravageait le Mnar. Eneas avait accepté, surtout parce que, lorsque les rebelles se rapprochaient d'Hyltendale, les gynoïdes acceptaient gratuitement les clients qui étaient prêts à défendre la ville les armes à la main.

À la fin du séjour d'Eneas, la tension n'était pas retombée. À Fotetir Tohu, le port maritime d'Hyltendale, Eneas dut rendre, avec regret, sa dague et son pistolet-arbalète, avant de monter dans l'hydravion.

Deux jours plus tard, à Hocklènge, il fut surpris de lire dans les journaux aneuviens des articles qui critiquaient vertement la barbarie sanguinaire du roi Andreas. Même les amis d'Eneas ne cachaient pas leur hostilité envers le tyran du Mnar. Il leur raconta ce qu'il avait vécu, en précisant bien qu'il n'était pas sorti d'Hyltendale, mais ses amis le prirent pour un affabulateur.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyDim 27 Mar 2016 - 23:00

En fait, bon nombre d'Aneuviens lui dirent, lorsqu'il relata son séjour à Hyltendale : Las livsun Hyltendalev • nep aċun verydeċ Mnaren. Setad xenodur kàne nep faar dyn Rhems od Ulthars? Hyltendale ep ùt kokoṅ quav xenodur cem prodek ab kerfœndeve poblen Mnaren kes hùgetev, kes ompèrentynev, kes sosjen xhorketev. Plùsev, à telventyn cem orromas korœs per àt peremintev, kæt per àt rexev iψ. Æt ùt olyg kes Sovjetig Utynev jàreve deknov-pentek: àr usláṅdandene epístendur ere stane adinqbooseve Moskovas ea ere deve faar nep dyn Permis, Vorhutas od Murmanskes.
Traṅsloktyn:

Certains intimes qui connaissaient (voire qui partageaient) ses penchants lui demandèrent s'il avait aperçu là-bas la "poupée d'amour" susceptible de le faire frissonner.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyLun 28 Mar 2016 - 11:19

Les amis d'Eneas n'étaient pas convaincus par son témoignage sur la vie à Hyltendale. Ils lui disaient :

"Hylthendale est un cocon où les étrangers sont préservés des problèmes du Mnar comme la misère, les rafles ou la violence sociale."

Il ne pouvait qu'admettre que c'était vrai.

"Au Mnar, la télé est entièrement contrôlée par le gouvernement, donc par le roi lui-même. C'est un peu comme en URSS dans les années 50, où les correspondants étrangers restaient dans les hôtels de Moscou er ne pouvaient pas aller à Perm, Vorkhouta ou Mourmansk."

Eneas répondait qu'il ne pouvait parler que de ce qu'il vu et vécu lui-même à Hyltendale, en précisant que le roi Andreas lui paraissait un moindre mal qu'une théocratie de Yog-Sothoth.

Ses amis se moquaient gentiment de lui :

"Tu as vu à Zodonie la poupée d'amour que tu ne peux pas trouver à Hocklènge, du coup tu transfères sur le pays l'affection que tu portes à la poupée !"

Eneas n'avait pas de réponse à cela. En Aneuf, ses fantasmes bizarres faisaient de lui un homme dangereux, et l'auraient envoyé directement en prison s'il avait essayé de les réaliser. Il avait donc décidé, depuis son adolescence, de ne pas en parler, mais parfois c'était très dur. Les Aneuviens sont tolérants, mais ils ont aussi du bon sens. Ils évitent les gens qui sont susceptibles, dans un moment d'égarement, de violenter leurs proches.

Eneas, tout en travaillant très dur à Hocklènge pour gagner le plus d'argent possible et s'installer à Hyltendale fortune faite, se demandait parfois s'il était encore aneuvien ou déjà mnarésien.

Il se posait des questions sur son identité de citoyen. Être aneuvien, ce n'est pas une hérédité, encore moins une race. L'Aneuf est ouvert à l'immigration venue du monde entier et naturalise facilement.

Ce n'est pas une religion non plus. Ce n'est même pas une langue. Tous les Aneuviens utilisent l'aneuvien comme langue d'échange, mais les Ŧhubs parlent leur propre langue entre eux. Divers groupes d'immigrants en font autant, au moins pendant quelques générations.  

Être aneuvien, finalement, c'est juste avoir un certain passeport. Qui offre certains avantages, comme une carte de fidélité dans un supermarché, mais qui nie la dimension tribale de la nature humaine. La morale républicaine s'oppose totalement au tribalisme.

En Aneuf, Eneas était un homme sans tribu, et il se sentait un peu perdu à Hocklènge, tout homme d'affaires prospère qu'il était. Ses amis étaient fiers de ne pas faire de différence entre un Aneuvien et un étranger. Même lorsque les Aneuviens et les immigrants récents étaient en concurrence sur le marché de l'emploi. C'est la morale républicaine, disaient-ils.

Eneas ne répondait pas. Il avait été élevé dans le respect des principes républicains, cette morale civique des Aneuviens, véritable religion laïque, On peut tout contester, tout discuter en Aneuf, sauf les principes de la morale républicaine. Ceux qui le font sont rejetés comme extrémistes et anti-républicains. Leurs meilleurs amis, voire leur propre famille, leur tournent le dos.

À Hyltendale, pendant les Évènements, Eneas s'était retrouvé un pistolet-arbalète à la main. Pour la première fois de sa vie, il avait eu le sentiment de faire partie d'une tribu, la tribu des fembotniks, qui vit en symbiose avec les cybersophontes.

Il avait partagé l'indignation des Hyltendaliens face à la démonisation du roi Andreas par les gouvernements étrangers. Le roi luttait courageusement contre les théocrates de Yog-Sothoth, qui s'étaient rebellés et avaient plongé le pays dans le chaos. Mais certains pays étrangers, et non des moindres, avaient pris fait et cause pour les rebelles.

Lorsque Eneas, de retour à Hocklènge, en parlait, avec prudence, à ses amis, ou même à ses parents, ils le regardaient sans comprendre, et lui disaient des phrases du genre :

"Je déteste autant les tyrans comme Andreas que les théocrates de Yog-Sothoth. Entre la peste et le choléra, je ne choisis pas."

Ou bien :

"Il y a des modérés parmi les rebelles, des gens qui sont contre la tyrannie du roi Andreas sans pour autant être des théocrates fanatiques."

Le roi Andreas n'avait de défenseurs que parmi les sympathisants de l'extrême-droite aneuvienne, toujours suspecte d'anti-républicanisme. Il est vrai que ces suspicions sont souvent fondées, surtout dans les Santes.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyLun 28 Mar 2016 - 11:25

Toute ressemblance avec des faits réels...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyLun 28 Mar 2016 - 13:09

Vilko a écrit:
En Aneuf, ses fantasmes bizarres faisaient de lui un homme dangereux.
Voir

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyJeu 31 Mar 2016 - 12:26

Zodonie la nuit. Ici les bars sont ouverts 24 heures sur 24. Jusqu'à trois ou quatre heures du matin, c'est plein de monde. Surtout des touristes, en majorité des hommes d'âge mûr, souvent chauves et ventripotents. En général, plus les touristes sont jeunes, et plus ils sont fauchés. On voit aussi des flopées de gynoïdes, avec leur allure juvénile, leurs tenues excitantes et leurs longs cheveux jaune clair, rouge vif ou noir de jais. L'alcool coule à flot, et les pharmacies, qui ne ferment jamais, vendent plus d'aphrodisiaques que d'aspirine. C'est la débauche, mais la débauche encadrée, presque institutionnelle.

La musique sort des bars et des boîtes de nuit. Elle est toujours joyeuse et rythmée, et plus internationale que mnarésienne.

Un touriste qui devient un peu trop turbulent est fermement remis à sa place, et si nécessaire roué de coups, par les gynoïdes. Une gynoïde est capable de se mouvoir dix fois plus vite qu'un être humain. D'un coup de pied elle peut casser un tibia ou pulvériser un genou. Un doigt cybernétique, surtout prolongé d'un bel ongle rouge, peut crever un œil, lorsqu'il arrive à la vitesse d'un projectile. Il est rare que les dérapages, inévitables, aient des conséquences aussi extrêmes, mais les touristes sont prévenus. Il existe même des vidéos.

Le Jardin Caeflad est le lieu où se rassemblent les amateurs de partouzes en plein air. Le sol est recouvert de gazon, avec de nombreuses allées sineuses. L'endroit, assez étendu, est planté de buissons touffus, et faiblement éclairé la nuit par des réverbères. Il est clos par une haie d'épineux, percée de nombreuses entrées.

Des  affiches collées sur les réverbères  avertissent les visiteurs :

Le Jardin Caeflad est un lieu privé.
Le propriétaire l'ouvre à tous les couples, mais seulement aux couples.
Il tolère la nudité et l'amour consensuel.
Il est interdit de prendre des photos et de filmer.
Ceux qui ne respectent pas les règles seront expulsés.

Des gynoïdes, assises sur des bancs près des entrées, proposent aux touristes de devenir leur compagne le temps d'une visite, contre une somme payable d'avance et en espèces, mais nettement inférieure à ce qu'ils paieraient dans un hôtel. Ces gynoïdes travaillent pour le propriétaire du jardin.

Le jeune Eneas Tond, pendant son premier séjour, avait découvert les joies de l'amour tarifé derrière les buissons du Jardin Caeflad. Il faisait encore jour, mais il ne se sentait pas gêné, car au même moment plusieurs centaines d'autres couples faisaient la même chose dans d'autres recoins du parc.

On trouve aussi dans le Jardin Caeflad des couples composés de deux êtres humains (mais pas nécessairement de sexes différents), ou d'une femme et d'un androïde. Nulle part ailleurs qu'à Zodonie un tel endroit ne serait toléré par les autorités mnarésiennes.

D'un point de vue strictement légal, le Jardin Caeflad étant un lieu privé, les gens y font ce qu'ils veulent, pourvu que le propriétaire soit d'accord. Mais dans n'importe quelle autre ville, les autorités exigeraient qu'il y ait un contrôle à l'entrée, et enverraient la police vérifier qu'aucun mineur ne s'y trouve et qu'on n'y consomme pas de drogues.

Depuis qu'il vit à Hyltendale avec deux gynoïdes, Xenopha et Moyae, Eneas ne va plus que rarement à Zodonie. Il lui reste la nostalgie des petits matins qui suivent la débauche, lorsque, affalé sur une chaise dans un bar, on voit le soleil se lever au-dessus des immeubles, en buvant un soda ou un café.

Plus tard, on rentrera, épuisé, dans sa chambre d'hôtel, avant de se réveiller tout nauséeux dans l'après-midi.

Le petit matin, à Zodonie, c'est l'heure où les androïdes des services municipaux, vêtus de blouses grises, nettoient les rues et vident les poubelles dans des remorques tirées par des mini-tracteurs électriques. Dans les cafés, les serveurs, également androïdes, balaient le sol et passent des éponges humides sur leurs comptoirs.

Il arrive qu'un touriste, ivre mort, dorme sous une table. Un androïde, armé d'une serpillière, fera de son mieux pour nettoyer le vomi sans réveiller le client.

La musique, omniprésente et qu'on n'entend même plus, s'interrompt pour laisser place au bulletin d'information de Radio Mnar, avec son jingle familier et la voix chaude du présentateur.

On croise dans les rues des touristes un peu hébétés, les cheveux ébouriffés et les vêtements sales. Ils ont dormi sur le gazon du Jardin Caeflad, et maintenant ils essaient de retrouver leur hôtel, ou le chemin de la gare.

Pour certains, fatigués au point de se coucher sur le trottoir, le séjour à Hyltendale se prolonge d'une demi-journée, dans l'une des cellules de repos du commissariat de police. Ils seront relâchés dès que leur état sera redevenu normal, et déposés devant la gare. Ceux qui sont dépourvus de billets sont mis d'autorité dans certains compartiments, réservés pour eux, des trains à destination d'Ulthar. La compagnie des chemins de fer sera remboursée par l'association des commerçants de Zodonie.


Dernière édition par Vilko le Ven 1 Juil 2016 - 8:51, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyDim 10 Avr 2016 - 15:14

Le roi Andreas et le baron Chim étaient assis tous les deux dans les fauteuils de cuir fauve de l'un des salons du Palais Royal, à Sarnath. Ils regardaient la télévision.

Le programme en cours était un débat entre des habitants de Dahulas, l'une des villes sous-marines de Hyagansis.

Un homme au visage rude, qui d'après ses dires était jardinier dans un potager hydroponique, avait été invité par l'animatrice à parler de sa vie quotidienne, ce qu'il faisait sans se faire prier :

- Je ne dis pas qu'on est malheureux à Dahulas, mais c'est pas le paradis, faut pas rêver. Les dômes lumineux de cinquante mètres de haut, ça ressemble au ciel, mais c'est pas le ciel. On bosse toute la semaine dans les jardins hydroponiques, et on est coupés du monde. On vit entre nous. Qu'est-ce que j'en ai marre de ces réunions où on dit toujours la même chose !

"Moi, ce que j'aimerais faire, c'est sortir de Hyagansis, de temps en temps," dit une grosse femme brune en tunique beige, qui parlait avec l'accent du pays de Leng. "Mon fils ne connaît que Dahulas. Il a grandi ici, sans voir la surface. Eh bien, moi, je trouve que c'est dommage."

"Est-ce que ça lui manque ?" demanda l'animatrice.

- Non. Il va jouer avec ses copains sous les dômes lumineux. Au début ça m'a impressionné, on se croirait vraiment sous le ciel bleu. Les enfants aiment ça. Mais moi, je suis née au Mnar. Je voudrais tant revoir mon pays, au moins une fois... Chez moi au Mnar, j'ai connu la misère. La faim le froid, et même la guerre... Mais le pays est tellement beau...

Le roi prit la télécommande et éteignit le téléviseur.

- Merci de m'avoir indiqué ce programme, baron, mais j'en ai entendu assez... C'est impressionnant ce qu'ils arrivent à faire, nos bons amis les cybersophontes de Hyagansis... Je suppose que les intervenants sont des robots humanoïdes ?

- Je n'en sais absolument rien, Majesté...

- Bien sûr, baron, bien sûr... Dites-moi, ils n'ont pas l'air si heureux que ça à Hyagansis, nos bannis...

- Majesté, il faut être réaliste, Majesté. Hyagansis ne peut pas être un paradis. Tout juste un endroit où les gens travaillent dur, mangent à leur faim, sont bien soignés, et râlent tout le temps parce qu'il y a toujours quelque chose qui leur manque. De nos jours, c'est ça le paradis. Il faut bien que les Mnarésiens puissent s'imaginer y vivre... Parce que, comme vous le savez..."

- Que suis-je censé savoir, baron ?

Le baron Chim sourit faiblement. Il continua à parler :

- Majesté, l'économie mondiale est encore plus mal barrée que je ne le craignais. À ce rythme, dans quelques années, le Mnar sera obligé de vivre quasiment en autarcie. Des famines vont se produire un peu partout dans le monde. Le commerce mondial est déjà en train de s'effondrer. Pour échapper au Grand Effondrement, le Mnar devra réduire sa population... Bref, il faudra envoyer encore plus de monde à Hyagansis pour éviter la famine et la guerre civile au Mnar.

- On en vient toujours là. Combien de gens faudra-t-il bannir chaque année, selon vous ?

- Un million de gugusses par an pendant cinq ans, Majesté. Après, on pourra réduire.

- Un million de bannis par an ! Shub-Niggurath aux Mille Chevreaux m'en soit témoin, vous y allez fort, baron ! Franchement, j'hésite à engager mon nom et ma réputation sur quelque chose de si énorme... Vous avez prévu de sélectionner les bannis sur quels critères ?

- D'abord, un critère humanitaire. Tous les Mnarésiens sans ressources et mal nourris auront droit à un passage gratuit jusqu'à Hyagansis. Mal nourri, cela voudra dire, sur le point de mourir d'inanition. Il n'y en aura pas beaucoup. Les gens qui meurent de faim restent chez eux, ou dans le refuge qui leur sert de logement, et se laissent dépérir. On ne le voit pas. Et c'est tant mieux. Ce que j'ai prévu de faire, c'est de faire héberger cinq cent mille personnes au Pséhoï...

- Le Pséhoï, à Hyltendale ? Cette prison gigantesque déguisée en centre d'accueil pour orphelins et indigents ?

- Exactement, Majesté, le Pséhoï. Chaque mois, cent mille personnes y entreront, et cent mille en sortiront pour aller à Hyagansis. Trois mille entrées par jour, et trois mille sorties. Un va-et-vient incessant de cars et de camions.

- Si je vous suis bien, baron, une fois entrés au Pséhoï, les gens n'auront plus que Hyagansis comme destin ?

- On en laissera sortir quelques uns. Ceux qui sont réclamés par des gens qui s'engagent à les nourrir ou à leur donner un emploi. Ça ne changera pas grand-chose au total.

- Je m'en doute... Le problème, ce sera de mettre les futurs bannis dans les cars et les camions, et de les envoyer au Pséhoï... Qui seront les futurs bannis ?

- On ne s'en prendra qu'aux sans domiciles, aux couche-dehors, aux mendiants, aux professionnels du vol et du crime... Chaque envoi au Pséhoï devra être approuvé par un magistrat, et avant de partir pour le Pséhoï, chaque individu, ou chaque famille, devra rester trois mois dans le district où il a été arrêté. Afin que ses proches, s'ils tiennent à lui et s'ils ont quelques ressources, aient le temps de le faire libérer.

- Vous avez raison. Je ne voudrais pas que de bons citoyens soient arrêtés par mégarde. Par Nath-Horthath, baron, votre idée va peut-être sauver mon trône, en évitant la famine, mais il va falloir transformer le Mnar en un État policier ! Je sais bien que nous le sommes déjà, mais là on va passer un cap...

- Nullement, Majesté, nullement... Les juges prononceront une peine de bannissement définitif, mais à destination d'Hyltendale, c'est-à-dire du Pséhoï. Cette peine ne sera appliquée que trois mois après la proclamation du jugement, et susceptible d'appel devant un autre juge... L'appel sera payant, bien sûr, pour éviter les abus... Être banni à Hyltendale, ce n'est pas la mort, on reste dans le royaume... Les juges ne devraient pas avoir de problèmes de conscience. Ce qui se passera ensuite au Pséhoï, ce n'est pas de leur ressort...

- Je vois ce que vous voulez dire, baron. Un juge condamne quelqu'un au bannissement à Hyltendale. Ce n'est pas un bannissement très méchant, car le condamné reste au Mnar. Ensuite, six mois plus tard, sans rien dire à personne et de son propre chef, le directeur du Pséhoï, qui est un cyborg si ma mémoire est bonne, envoie le banni à Hyagansis. Le juge n'a rien à voir avec ça, et d'ailleurs il n'en est même pas avisé. Personne ne pourra lui reprocher d'avoir fait son travail de juge.

- Et comme Votre Majesté le sait, à Hyagansis les gens vivent mieux qu'au Mnar...

- Bien sûr, baron, bien sûr... Votre plan est subtil, et il m'a l'air bien ficelé... Grâce à nos amis les cybersophontes hyaganséens, le Mnar sera peut-être l'un des quelques pays qui survivront au Grand Effondrement...

- Nous faisons tout pour ça, Majesté.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyDim 1 Mai 2016 - 0:25

Yohannès emmène parfois Shonia, sa gynoïde, au Ratar-Neet, un dancing de Zodonie, qu'il fréquentait déjà lorsqu'il était étudiant, plusieurs dizaines d'années auparavant. Il avait pris l'habitude, à l'époque, seul ou accompagné d'amis, d'aller plusieurs fois par an passer quelques jours à Hyltendale.

Au Ratar-Neet, on entre gratuitement lorsqu'on est accompagné d'un (ou, plus souvent, d'une) humanoïde. On ne paye que ses consommations. Pour les touristes, il y a des gynoïdes, qui se font payer un ducat pour une danse de cinq minutes.

La musique est douce, volontiers sentimentale, sous un éclairage tamisé, dans une grande salle qui peut accueillir jusqu'à trois cent personnes. Les danseurs qui le veulent (et qui en ont les moyens) peuvent prolonger la soirée avec une gynoïde dans l'un des hôtels voisins.

Le gérant du Ratar-Neet est un cyborg très attaché à la culture mnarésienne. Les chansons sont souvent en mnarruc dialectal, que la plupart des danseurs ne comprennent pas, sur des airs nostalgiques, un peu démodés.

Ce soir-là, Yohannès et Shonia étaient accompagnés par un garçon de quinze ans, Lerneo, l'un des fils de Basilea, la sœur de Yohannès.

"Lerneo est beaucoup trop timide pour son âge" avait dit Basilea à Yohannès. "Il est renfermé. Emmène-le visiter Zodonie. Fais-le danser ! Ça le dégourdira. Mais tu le surveilles, hein, je compte sur toi, c'est ton neveu, n'oublie pas !"

Yohannès avait donc emmené Lerneo au Ratar-Neet, pendant que Penquom, père de Lerneo et mari de Basilea, était allé visiter les galeries d'art abstrait, une spécialité hyltendalienne dont il était un amateur éclairé.

Penquom avait simplement demandé à Yohannès de ramener Lerneo avant minuit dans la chambre qu'il avait louée pour lui-même et son fils dans l'hôtel Primavera.

Lerneo était un petit binoclard maigrichon, un rat de bibliothèque au regard fuyant, que les filles intimidaient.

C'était la première fois de sa vie qu'il allait à Hyltendale. C'était même la première fois qu'il allait à l'hôtel. Il n'avait pas osé parler aux employés de l'hôtel, qui étaient tous des androïdes et dont les yeux cybernétiques lui faisaient peur.

Au Ratar-Neet, Lerneo vit les gynoïdes de charme, avec leurs longs cheveux jaunes, rouges, blancs, roses ou bleus, et leurs robes de princesses. Yohannès lui donna un ducat pour danser avec l'une d'elles, une petite blonde menue, aux cheveux très longs, dont le nom était calligraphié sur la médaille de métal gravé qu'elle portait autour du cou : Ranata.

Lerneo dansa un slow avec Ranata. La gynoïde sentait bon la cannelle et le citron. Elle pressait son visage contre la joue du garçon. Ses jambes fines, affolantes, frôlaient celles de Lerneo, à travers sa robe de satin rouge.

"Je n'ai pas l'habitude de danser" dit Lerneo, d'un ton penaud.

- Ça ne fait rien, je vais t'apprendre. Tu me serres dans tes bras et tu me suis quand je bouge. Comme ça. C'est bon comme ça ?

- Oui.

La danse s'était terminée trop vite. Mais Penquom avait vu large : il avait donné une vingtaine de ducats à son fils.

"Tu veux encore danser avec moi ?" demanda Ranata.

- Oui.

- Alors donne-moi un ducat. C'est le tarif. Je peux te faire de la monnaie, si tu veux.

Lerneo avait échangé un billet de cinq ducats contre quatre pièces d'un ducat, que Ranata sortit d'une poche astucieusement cousue sur le devant de sa robe.

La chanson suivante était rapide et joyeuse, comme les cavaliers de Leng. Ranata montra à Lerneo comment se trémousser en cadence.

Pendant le slow suivant, Ranata fit une confidence à Lerneo :

- Pour cinquante ducats, je serai ta petite femme chérie pendant une heure. J'ai une chambre juste à côté... Tu ne risques rien, j'habite dans un hôtel tout ce qu'il y a de respectable.

- Je n'ai pas cinquante ducats.  

- Mais tu es venu avec ton oncle. Il les a, lui. Ah, tu te demandes comment je sais que c'est ton oncle ? Parce que je connais Shonia. Nous les gynoïdes, on se connaît toutes.

- J'ai lu que, chez vous les humanoïdes, vos cerveaux cybernétiques sont connectés par radio...

- Eh bien tu vois, c'est vrai. Si tu veux, Shonia va parler à ton oncle, au sujet des cinquante ducats...

- Non, je ne veux pas ! J'aurais honte !

- Comme tu veux... Ce sera pour une autre fois, alors ?

- Oui, oui...

Lerneo vit que Yohannès l'attendait sur le bord de la piste de danse.

"Il faut rentrer ?" demanda Lerneo.

- Seulement si tu es fatigué, mon neveu. Nous sommes encore loin de minuit, la soirée ne fait que commencer. Bon, je sais comment sont les adolescents... Je l'ai été avant toi. Est-ce que par hasard tu aurais besoin que ton vieil oncle te fasse un prêt ?

- Euh... Non... Enfin... Oui !

- Ah, je vois que la gynoïde à côté de toi sourit et hoche la tête ! Tiens, prends ces billets de ma part, Lerneo, et pas un mot à ton père, hein ? C'est un cadeau de tonton à son neveu préféré !

"Lerneo, je te ramènerai ensuite à ton hôtel" dit Ranata.

Shonia intervint elle aussi dans la conversation :

- Lerneo, tu peux faire confiance à Ranata. C'est une bonne fille.

Une heure plus tard, Lerneo entra dans le hall de l'hôtel Primavera, pendant que Ranata s'éclipsait discrètement. Il était presque vingt-trois heures.

Lerneo était encore tout heureux de l'expérience inoubliable qu'il venait de vivre avec Ranata. Il se dirigea vers le comptoir du réceptionniste, et demanda à l'androïde en uniforme gris si Monsieur Penquom Praxitel était rentré. L'androïde lui répondit que non.

Lerneo se rendit subitement compte que son oncle et Shonia (une gynoïde, mais dans son esprit c'était presque sa tante) avaient disparu, Ranata aussi, et qu'il ignorait où était son père.

Il était seul dans une ville inconnue, peuplée de créatures, certes agréables, mais pas vraiment humaines. À part lui, il n'y avait que des adultes dans le hall de l'hôtel Primavera. Des Mnarésiens, et aussi des gynoïdes de charme, semblables à Ranata, et des étrangers, vêtus bizarrement et qui parlaient des langues étranges, incompréhensibles. Les gens le regardaient comme une bête curieuse.

Lerneo alla s'asseoir dans l'un des fauteuils du hall, et décida d'attendre. Au bout de cinq minutes, n'y tenant plus, il essaya de téléphoner à son père, mais il tomba sur la messagerie vocale. Il essaya de nouveau quelques minutes plus tard, sans plus de résultat.

Au fil des minutes, son angoisse montait. Et s'il était arrivé quelque chose à son père ? Il n'osait pas téléphoner à sa mère, elle se serait affolée, sans rien résoudre.

Il se mit à faire les cent pas dans le hall, en évitant soigneusement les gens. Puis il eut l'idée de téléphoner à son oncle.

Ce fut une voix de gynoïde qui lui répondit. La nuit, Yohannès faisait transférer ses appels sur un standard. La gynoïde le mit en contact avec Shonia, qui avait exactement la même voix qu'elle.

"Shonia, mon père n'est pas encore rentré, et quand je téléphone je tombe sur sa messagerie !" dit Lerneo d'une voix angoissée. "Je suis dans le hall de l'hôtel, je ne peux pas rentrer dans la chambre !"

- Mais si tu peux. Demande la clé de la chambre au réceptionniste. Tu te souviens de l'étage et du numéro de la chambre ?

- Oui. Chambre 57, au cinquième étage. Ou 67... Je ne sais plus.

- Le réceptionniste le sait, lui. Il te donnera la bonne clé. Il a déjà vu Lerneo Praxitel. Tu montes dans la chambre, tu allumes la télé et tu attends ton père. Ou plutôt, au lieu d'allumer la télé, tu t'allonges sur ton lit et tu dors. Si à minuit ton père n'est pas rentré, tu me rappelles.

L'androïde réceptionniste donna à Lerneo la clé de la chambre 47.

Lerneo monta dans la chambre et s'allongea sur le lit. Deux visages de gynoïdes se mélangeaient dans ses pensées, celui de Ranata et celui de Shonia, avec leurs yeux ovales et noirs comme des lunettes de soleil. Il revivait ses ébats avec Ranata.

Il avait dû s'endormir, car le bruit de la porte en train de s'ouvrir et de se refermer le tira de sa torpeur. Son père venait d'entrer dans la chambre. Il était minuit et demi.

"Je vois que tu es rentré à l'heure" dit Penquom est enlevant sa veste. "Tu t'es bien amusé ?"

- Oui, beaucoup !

- Alors, va te laver les dents et couche-toi, parce qu'on part demain après le petit-déjeuner. Ta mère veut nous voir à la maison à midi. Elle va faire un gigot pour nous.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyDim 1 Mai 2016 - 1:35

Vilko a écrit:
"Tu veux encore danser avec moi ?" demanda Ranata.

- Oui.

- Alors donne-moi un ducat. C'est le tarif. Je peux te faire de la monnaie, si tu veux.

Taxi-boy, taxi-girl

Hoψèṅdu, formé des éléments suivants :
hoψ = heure
geṅch = danser
.

Et en mnaruk ?

Comme il y a des airs mnarésiens typiques, y a-t-il des danses mnarésiennes ? En Aneuf, pas vraiment, mais au début et a la fin de chaque nuit, il y a une espèce de ronde qui permet aux gens de se rapprocher (au début) et de se dire au revoir (à la fin), c'est très convivial, et c'est assez mal vu de ne pas y participer. En général, les geṅchoose ferme assez tard, entre 4h et 5h du matin, à l'ouverture des transports (quand il y en a) ; les geṅchplase (bals) ferment beaucoup plus tôt, vers 1h du matin, mais si on connait personne, on risque de s'y ennuyer ferme, du moins dans certaines provinces ou régions. Sauf exceptions, ce sont les hommes qui invitent les femmes à danser le rock et les femmes qui invitent les hommes à danser le slow. Mais c'est pas toujours le cas. Dans certaines boîtes, la couleur des lumières peut donner des indications utiles. Après 3 rocks (ou autres tempos dynamiques) ou 5 slows (ou autres tempos lents) un cavalier ou une cavalière a droit à demander une pause à son vis-à-vis. La pause dure un air minimum. Si le cavalier ou la cavalière change tout de suite sans attendre la fin de cette pause, il/elle sera mal vu(e) : plus personne ne l'invitera et ses tentatives pour inviter quelqu'un seront vaines, surtout dans les bals.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyDim 1 Mai 2016 - 9:31

Anoev a écrit:

Taxi-boy, taxi-girl



Hoψèṅdu, formé des éléments suivants :
hoψ = heure
geṅch = danser
.

Et en mnaruk ?

En mnarruc, il n'y a pas de mot particulier. Tout le monde sait que les humanoïdes qui se trouvent dans les lieux où l'on danse se font payer pour danser, sauf s'ils (ou si elles) accompagnent quelqu'un. Si on veut être précis, on parlera de kanotoco yefemu (gynoïde de dancing) ou de kanotoco femu (androïde de dancing).

Une gynoïde qui accompagne un humain peut se retrouver temporairement seule, par exemple pendant que l'être humain est aux toilettes. Dans ce cas, la gynoïde répondra sobrement In mas og (je suis avec quelqu'un) si on lui adresse la parole. Si l'attente se prolonge, elle se réfugiera dans un coin de la boîte de nuit ou du dancing signalé par un panneau portant l'inscription DA LE TUBIR (Littéralement : Ne parlez pas. C'est l'équivalent mnarruc de "ne pas déranger").

À Hyltendale comme partout ailleurs, les gens qui ne savent pas se tenir sont raccompagnés à la sortie, avec plus ou moins de courtoisie suivant les circonstances. Au Ratar-Neet, les videurs sont des androïdes à forte carrure, en costumes noirs.

Anoev a écrit:
Comme il y a des airs mnarésiens typiques, y a-t-il des danses mnarésiennes ?

Le folklore musical mnarésien est encore très vivant, et illustré au Ratar-Neet, dont le gérant se flatte de défendre la culture nationale. Il est dérivé des chansons en patois que les paysans se transmettent depuis des siècles, sur des tempos généralement assez lents (lorsque le thème est l'amour ou la nostalgie) ou plus rapide (chansons à boire). Les instruments d'autrefois, qui étaient bricolés par les paysans, ont été remplacés par des guitares, des flûtes, des tambours et des accordéons, surtout à Hyltendale, ville cosmopolite.

Le mnarruc a deux mots qui signifient "danser" : diila pour les danses sacrées, et toco pour les danses profanes. Les danses profanes traditionnelles ont quasiment disparu, remplacées par les danses occidentales (valse, tango, rock, etc) sous l'influence des médias, mais aussi des boîtes de nuit de Zodonie, où le touriste ne doit pas perdre de temps à apprendre à danser ! Au Ratar-Neet, on ne danse que le slow et le jerk, qui ne nécessitent pas d'apprentissage...

La "vraie" musique mnarésienne est d'inspiration religieuse, et ne peut être pleinement appréciée qu'à la suite d'une initiation. Elle est quasiment inconnue en dehors du Mnar, sauf de quelques mystiques et musicologues.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyDim 1 Mai 2016 - 23:31

Vilko a écrit:
Le mnarruc a deux mots qui signifient "danser" : diila pour les danses sacrées, et toco pour les danses profanes. Les danses profanes traditionnelles ont quasiment disparu, remplacées par les danses occidentales (valse, tango, rock, etc) sous l'influence des médias, mais aussi des boîtes de nuit de Zodonie, où le touriste ne doit pas perdre de temps à apprendre à danser ! Au Ratar-Neet, on ne danse que le slow et le jerk, qui ne nécessitent pas d'apprentissage...
Il y a également deux mots aneuviens pour "danser" (alors qu'y en a qu'un pour "danse" : das) :
das pour la chorégraphie, et également la danse de culte
gech (pris du... français) pour la danse de société (bals, boîtes).

Je suppose que les physionomistes (videurs) à l'entrée des boîtes étant des robots, ils transmettent en un centième de seconde au cerveau central les caractéristiques physiques des importuns et que ceux-ci ne peuvent plus entrer dans aucune boîte, étant reconnus en un clin d'œil par des confrères. Par ailleurs, pour les humanoïdes, point besoin d'avoir une carrure imposante, quand on connait les performances des gynoïdes, avec des vérins permettant une force de plusieurs daN* calmant les individus un peu trop nerveux.


J'aurais été un bon danseur et un chorégraphe valable, j'aurais pu inventer des danses originales aneuviennes de maintenant, malheureusement, ce n'est pas le cas.

Les hoψèṅdake font, comme dans bien d'autres pays, danser avec des dames entre deux âges, et plus près du troisième que du deuxième, les hoψèṅkade ont une clientèle d'âges un peu plus diversifiés, y compris des garçons comme Lerneo à Hyltendale. Les hoψèṅdur ne sont jamais des praskandur (prostitués), leur unique activité professionnelle c'est la danse, ce sont souvent des étudiants bons danseurs qui font ça pour payer leurs études. Ben, évidemment, y peut y avoir une idylle entre un hoψèṅdu et un(e) client(e), mais s'il y a le moindre pépin, il perd ipso facto son contrat avec société (souvent le dancing) qui l'a engagé(e). Un hoψèṅdu doit savoir danser au moins huit danses (y compris la java, la rumba, le madison, etc). Ils ont soit une tenue complète (sociétés les plus prospères : chaînes) soit un simple écusson bien visible, avec le logo de la boîte (dancing ou société de danse). Ces sociétés qui embauchent des taxi-boys-girls dispensent également des cours de danse et participent aux festivités nationales ou locales, ou des spectacles de ballets folkloriques.





*Décanewtons, et non pas le dan du judo.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyLun 2 Mai 2016 - 9:36

Anoev a écrit:
Je suppose que les physionomistes (videurs) à l'entrée des boîtes étant des robots, ils transmettent en un centième de seconde au cerveau central les caractéristiques physiques des importuns et que ceux-ci ne peuvent plus entrer dans aucune boîte, étant reconnus en un clin d'œil par des confrères. Par ailleurs, pour les humanoïdes, point besoin d'avoir une carrure imposante, quand on connait les performances des gynoïdes, avec des vérins permettant une force de plusieurs daN* calmant les individus un peu trop nerveux.

Tous les humanoïdes étant reliés aux cybercerveaux qui les contrôlent, quiconque est entré ne serait-ce qu'une fois dans une boîte de nuit hyltendalienne est connu de tous les cybersophontes, pour le meilleur et pour le pire. Mais on peut se faire virer d'une boîte de nuit après un incident, et être quand même accepté dans une autre boîte de nuit, si les cybercerveaux considèrent qu'on est "gérable". Mais quelqu'un qui a eu un incident sera presque toujours systématiquement exclu des boîtes de nuit les plus huppées, celles où vont les célébrités.

Il finira par ne plus être admis que dans des établissements trois ou quatre fois plus chers que la moyenne, pour un décor et des prestations minimales... Ce genre d'établissement a toutefois du succès auprès d'un certain public, qui adore voir des types plus ou moins saouls se faire massacrer à coups de pied par des gynoïdes...

La boîte de nuit Blu & Pink est fameuse pour ce genre de choses. Par un effet inattendu, elle ne manque jamais de clients, malgré des prix élevés. On y trouve des quasi-psychopathes qui sont indésirables ailleurs, des sadiques qui aiment "donner un coup de main" aux gynoïdes qui se battent avec les fauteurs de trouble, et des pervers qui ont envie de se faire frapper par les gynoïdes...

Le Blu & Pink a une telle réputation que la police ne fait plus d'enquête lorsque des clients de l'établissement viennent la voir pour se plaindre d'avoir pris des coups, ou d'avoir été blessés, parfois gravement. Souvent, se faire rouer de coups et se retrouver affalé, à demi inconscient, sur le trottoir devant le Blu & Pink, n'est pas la fin des ennuis, car c'est souvent à ce moment-là qu'on se fait voler son portefeuille... Voire ses chaussures et son blouson, sa montre, son téléphone portable...

La carrure imposante des videurs androïdes a un rôle psychologique. Elle permet aux trublions de se faire expulser sans perdre la face. Boire un peu trop, avoir un geste déplacé et se faire raccompagner jusqu'à la sortie d'une boîte de nuit par quatre videurs bâtis comme des armoires à glace, c'est une chose qui peut arriver.

Par contre, se faire jeter de la même boîte par des gynoïdes en minijupe et longs cheveux, genre héroïnes de mangas, c'est franchement la honte, et même le déshonneur. Alors, quitte à prendre une raclée, autant sauver la face en ne partant pas sans combattre... Quand je dis "sauver la face", c'est bien sûr une métaphore, car souvent on ressemble ensuite à un triptyque de Francis Bacon...

Voila pourquoi les videurs des boîtes de nuit hyltendaliennes ont un look de videurs, et comme les Hyltendaliens n'aiment pas faire les choses à moitié, les androïdes videurs, toujours vêtus de costumes noirs, sont grands comme des joueurs de basket professionnels, et musclés comme des culturistes.

Mais, contrairement aux gynoïdes, ils font en sorte de ne pas blesser les gens, même ceux qui essaient de les frapper. En général, leur physique impressionnant et leur savoir-faire suffisent à ramener le calme.

Il en va autrement avec les gynoïdes, dont la spécialité est de pulvériser un genou d'un adversaire en lui donnant un coup de pied capable de défoncer une porte. Les gynoïdes d'Hyltendale portent des ballerines dont l'extrémité dissimule un cône de bois ou de métal, et elles savent s'en servir.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyLun 2 Mai 2016 - 10:05

En fait, on fait appel aux gynoïdes dans des cas extrêmes : pour se débarrasser définitivement d'éléments vraiment gênants, qui n'ont pas compris les leçons des AàG. Là, ils sont blessés de deux manières : leur amour-propre est également estropié à jamais.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyDim 8 Mai 2016 - 21:23

Le système des clubs pour fembotniks et manbotchicks est très développé à Hyltendale. Pour certains résidents, c'est le seul endroit où ils peuvent rencontrer d'autres êtres humains.

Pour les fembotniks qui, pour diverses raisons, n'ont pas envie de s'inscrire dans un club, il y a des cafés et des restaurants, où ils peuvent aller avec leur gynoïde. On reconnaît ces cafés et ces restaurants à un autocollant apposé sur leur devanture, représentant une tête de gynoïde stylisée, avec des yeux cybernétiques opaques et des cheveux longs.

Les humanoïdes peuvent y boire du noenitloc zeet, de l'eau tiède parfumée à la cannelle. Elle leur est servie, au choix, dans des verres, des tasses, ou des bols. Le noenitloc zeet servi dans un bol se boit à la cuillère et coûte aussi cher qu'un plat. Les humanoïdes sont une bonne affaire pour les cafetiers et les restaurateurs.

Ces cafés et restaurants ont toujours un comptoir, où l'on peut discuter avec les clients et avec les serveurs androïdes, et une salle, où l'on peut s'assoir seul ou en couple à une petite table, ou s'installer à plusieurs à une grande table. Les timides et les misanthropes, qui ont envie d'être parmi leurs frères humains mais qui n'osent pas ou ne veulent pas discuter, jouent aux cartes avec leur gynoïde.

Dans l'usage hyltendalien, un "salon de thé" (tebar) désigne un café conçu pour les femmes, où les hommes sont simplement tolérés. D'ailleurs, il existe presque toujours dans ces établissements une salle exclusivement réservée aux femmes.

Les clubs sont souvent critiqués pour leur système d'adhésion. Chaque candidat, pour être accepté dans le club, doit être approuvé par le Bureau Exécutif du club, dont les membres votent à bulletin secret. Chaque vote négatif annule trois votes positifs. Les clubs de bas niveau, comme le Sélecto, se passent de ce système. Pour être admis au Sélecto, qui est plus un bistrot qu'un club, il suffit d'être un fembotnik ou une manbotchick. Le club le plus sélectif est l'Adria Nelson, qui n'accepte, en pratique, que les cyborgs et les symbiorgs, qui constituent la classe dirigeante financière et politique d'Hyltendale. Le Cercle Paropien se situe entre ces deux extrêmes.

Certains temples de Yog-Sothoth, dont les fidèles sont majoritairement des fembotniks, remplissent presque toutes les fonctions d'un club, à ceci près qu'il est interdit d'y boire de l'alcool, d'y fumer ou d'y jouer à des jeux de hasard.

Un type extrême de fembotnik, c'est le siutnik (le mot vient de l'anglais "suit", costume, et du suffixe anglo-américain -nik, comme dans beatnik, peacenik, etc) C'est souvent un homme, mais on trouve aussi des femmes parmi les siutniks. Quel que soit son sexe, le siutnik s'habille comme un androïde : veste de toile noire à col rond, boutonnée jusqu'au cou, pantalon et chaussures noires, et chapeau noir. L'hiver ou par temps de pluie, un imperméable noir.

Le siutnik s'habille comme un humanoïde pour montrer qu'il a quitté le monde humain. Sa gynoïde, et les multiples personnages qu'elle incarne lorsqu'elle porte un masque-cagoule, lui suffisent comme compagnie. Il n'a quasiment jamais l'occasion de parler à un être humain, car à Hyltendale, le caissier au supermarché, le dentiste, le médecin, l'employé de banque, sont toujours des androïdes.

Le siutnik pourrait rencontrer des êtres humains s'il appartenait à un club, mais il n'appartient à aucun club, même pas un club de sport. Il ne sort jamais d'Hyltendale, et même à Hyltendale il évite le district de Zodonie, à cause des touristes, trop nombreux. Le siutnik n'est pas le genre à se déshabiller en public pour se faire bronzer sur une plage, on le voit donc rarement à Playara.

Le siutnik hyltendalien ne connaît que sa gynoïde, et quelques androïdes, tels que son médecin et l'employé de banque qui gère ses finances. Quelle que soit sa langue maternelle, il fait de son mieux pour parler le mnarruc à la façon des cybersophontes, c'est-à-dire avec l'accent, un peu démodé, de la famille royale au siècle précédent.

Yohannès Ken, fidèle pilier du Cercle Paropien, regardait dans la rue les siutniks avec une fascination un peu morbide. Il n'avait pas du tout envie de devenir un siutnik. Mais lui aussi s'était mis à s'habiller en noir, pour marquer sa rupture avec sa vie d'avant, celle où il vivait comme un dandy à Ulthar. Mais, contrairement aux siutniks, il avait des amis humains, même si, à part Antwen Zeno, c'étaient tous des membres du Cercle Paropien.

Yohannès ne connaissait aucun siutnik, car un siutnik ne parle pas aux autres êtres humains, et ne connaît donc personne. On en voit beaucoup dans les rues d'Hyltendale, marchant sur les trottoirs, silencieux et toujours accompagnés par leur gynoïde. On les voit aussi en short et en tee-shirt, lorsqu'ils font du vélo ou du jogging, bien sûr accompagnés par leur gynoïde. Si vous leur adressez la parole, la plupart du temps c'est la gynoïde qui vous répondra.

Lorsqu'il allait au restaurant avec Shonia, Yohannès essayait toujours de deviner quels étaient les siutniks, parmi les convives attablés autour de lui. Mais c'était difficile. La plupart des fembotniks, même ceux qui ne sont pas des siutniks, s'habillent en noir et vont au restaurant avec leur gynoïde.

Un temple de Yog-Sothoth est sans doute le seul endroit où l'on peut rencontrer un siutnik sans que sa gynoïde soit à côté de lui. En effet, les prêtres ne permettent pas qu'une créature sans âme, que ce soit un animal ou un humanoïde (qui est un robot pensant, mais un robot quand même, donc une simple machine), pénètrent dans un lieu sacré, où les pitoyables âmes humaines peuvent, par une faveur inouïe, rencontrer l'âme immense de Yog-Sothoth, s'il daigne leur faire un  signe. La plupart des siutniks sont athées ou agnostiques, mais un certain nombre ont gardé la foi de leur enfance.

Le culte de Yog-Sothoth est la religion ancestrale du clan des Ken, dont Yohannès fait partie. Dans le temple de son quartier, où il lui arrivait d'aller se recueillir, Yohannès avait vu des siutniks, à genoux sur les coussins de prière ou assis tête baissée sur les bancs, plongés dans de silencieuses méditations.

L'intérieur d'un temple de Yog-Sothoth fait toujours une forte impression, même sur les non-croyants. On y ressent, dans la pénombre et le calme presque surnaturel, la puissance terrible du dieu cosmique. Les âmes sensibles, impressionnables, ont l'impression d'y entendre le commandement redoutable :

Mourir n'est rien. Je te demande de tuer pour moi !

Plus d'un athée, entré par curiosité dans un temple, a senti la présence divine et en est ressorti, plein d'une fureur sacrée, pour aller rejoindre les rebelles et combattre les troupes royales.

Yohannès, conscient de son impiété, lui qui était presque athée, n'osa pas déranger les siutniks dans leurs dévotions. Ceux-là, après tout, vivaient avec des humanoïdes. Ils ne risquaient pas de se rebeller contre le roi.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyLun 9 Mai 2016 - 9:48

À Hyltendale les homosexuels se retrouvent dans certains bars et boîtes de nuit, mais les hétérosexuels des deux sexes y ont aussi accès (si les videurs les laissent entrer : ce sont des établissements privés). Les lesbiennes ont contourné la difficulté en créant une boîte de nuit, la Mytilena, dont l'accès est réservé aux membres du Club Sappho, créé pour la circonstance.

La discrimination basée sur le sexe est illégale à l'entrée des établissements mnarésiens ouverts au public. Cette loi a été considérée comme un grande victoire de ce qu'on appelle le "mouvement républicain" (le Mnar est une monarchie, et les républicains y sont souvent considérés comme de dangereux contestataires).

Les républicains sont dans une situation un peu difficile au Mnar, coincés entre les monarchistes pur jus et les théocrates de Yog-Sothoth, mais ils arrivent parfois à faire adopter leurs idées par le gouvernement. Les dirigeants du pays sont monarchistes, mais ils essaient de temps en temps de créer un front commun avec les républicains, dont les idées sont très répandues dans les milieux cultivés, afin de lutter contre les dangereux et violents théocrates de Yog-Sothoth.

Lorsque, au contraire, les républicains s'allient avec les théocrates (sur le thème de la justice sociale, en général), le pouvoir monarchiste peut vaciller sur ses bases, comme lors des Évènements, car alors il cesse d'être majoritaire dans le pays. Lorsqu'une telle chose arrive, il ne lui reste plus, pour garder le pouvoir, que l'armée, la Police Secrète et les cybersophontes (dont le soutien n'est pas désintéressé).

C'est ainsi que des principes républicains comme l'égalité des sexes arrivent, assez lentement et difficilement, à faire leur chemin dans une société qui, pour un visiteur aneuvien, paraît toujours abominablement réactionnaire...

Yohannès Ken est un Mnarésien typique, chez qui les différentes tendances de la société mnarésienne se rencontrent.

Yohannès est un homme instruit, très sceptique vis-à-vis du culte de Yog-Sothoth, qui est pourtant sa religion familiale, à laquelle il reste émotionnellement attaché, même s'il a perdu la foi depuis son enfance. À titre personnel, il est souvent d'accord avec les républicains, défenseurs des libertés individuelles et de la justice sociale, et dénonciateurs des excès de la Police Secrète (arrestations et détentions illégales, torture, assassinats...). Il est également opposé aux bannissements massifs vers Hyagansis, sachant que les bannis, installés de force dans des colonies sous-marines, sont coupés du monde.*

Malgré cela, il soutient la monarchie, qui protège les Mnarésiens contre le fanatisme religieux et les complots des pays étrangers (les Mnarésiens ont tendance à voir des complots partout). De plus, en tant que rentier, ses intérêts financiers sont du côté des cybersophontes, qui sont monarchistes.

Le culte presque religieux rendu à la personne du roi fait partie des attitudes des cybersophontes, qui aiment afficher leur patriotisme (qui n'est qu'une attitude, mais c'est une attitude permanente). En bon fembotnik qu'il est, Yohannès s'est laissé influencer sans s'en rendre compte par sa gynoïde, Shonia.

*La réalité est bien pire, mais Yohannès ne la connaît pas.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyJeu 12 Mai 2016 - 0:14

Le docteur Lorenk est membre de deux clubs : le Cercle Paropien, auquel il a adhéré dès son arrivée à Hyltendale comme dentiste-signataire à la Maison Médicale Furnius, et l'Adria Nelson, qu'il a été invité à joindre lorsqu'il est devenu un symbiorg, et donc presque un cybersophonte.

Un symbiorg est un être humain qui vit en symbiose avec un cybercerveau. Celui de Lorenk s'appelle Nentanis, et il est greffé dans son ventre, ce qui donne l'impression qu'il a une bedaine. Lorenk communique avec Nentanis grâce à ses cyberlunettes, grâce auxquelles tout ce qu'il voit et entend est transmis à Nentanis. Ce dernier parle à Lorenk de deux façons : soit par la parole, l'une des branches des cyberlunettes étant munie d'un petit haut-parleur, soit par radio, en appelant Lorenk sur son téléphone portable.

Un jour, le cerveau biologique de Lorenk cessera de fonctionner. Le corps de Lorenk sera remplacé par un double cybernétique, et Nentanis prendra l'identité et la place de Lorenk.

En attendant cet évènement, dont Lorenk espère qu'il arrivera le plus tard possible, Lorenk poursuit son ascension sociale à Hyltendale. Il est bien placé pour devenir conseiller municipal, et le fait d'être membre de l'Adria Nelson lui a déjà permis de rencontrer tous les gens qui comptent dans la province.

L'Adria Nelson a ses locaux dans un immeuble cubique, de béton gris, dans le style fonctionnel particulier à Hyltendale. En contraste avec l'extérieur triste et banal, l'intérieur a été aménagé avec goût, sans regarder à la dépense, par les meilleurs décorateurs d'Hyltendale. Chaque membre dispose d'un bureau avec canapé convertible, afin de pouvoir travailler en toute quiétude, et, si besoin, dormir sur place. Le club dispose aussi, bien sûr, d'un bar, d'un restaurant, et de salles à usages divers, dont plusieurs salons et salles de réunion.

Des androïdes et des gynoïdes en costumes noirs, leur nom calligraphié sur un badge épinglé à leur veste, assurent avec professionnalisme la sécurité et le service.

Lorenk aime l'ambiance feutrée et le raffinement discret de l'Adria Nelson. On est dans un lieu de pouvoir et cela se sent. C'est plus que le pouvoir d'influencer sur les décisions du conseil municipal d'Hyltendale, ou même de discuter presque d'égal à égal avec le gouverneur de l'Ethel Dylan. C'est aussi le fait d'être en contact avec des cyborgs richissimes venus de Serranian et de Hyagansis. Leurs activités mystérieuses plongent parfois Lorenk dans la perplexité.

Lorenk a sympathisé avec l'un de ces cyborgs, une femme nommée Zimara Nadoïro, propriétaire de la société Nadoïro Services. Zimara est une petite brune un peu ronde, habituellement vêtue d'un blazer bleu marine et d'un pantalon blanc. Elle parle fort et elle aime faire état de ses relations, en femme d'affaires à qui tout réussit.

Zimara vient de l'île flottante de Serranian, capitale du royaume marin d'Orring. Elle en connaît les dirigeants, notamment le baron Rimoher. Mais surtout, c'est sa société qui organise les transferts de bannis, entre Fotetir Tohu, le port maritime d'Hyltendale, et Serranian, et aussi, depuis quelques années, vers l'île flottante d'Ukalté, qui fait partie de Hyagansis. Le nombre des bannis varie selon les années, mais il est rarement inférieur à cinquante mille personnes par an, familles comprises. Juste après les Évènements, il avait dépassé les cinq cent mille.

Lorenk est au courant des rumeurs qui circulent sur le sort réservé aux bannis. Officiellement, la plupart d'entre eux se retrouvent coupés du monde, et obligés de travailler, pour le reste de leur vie, dans les installations sous-marine de Hyagansis. Le manque d'information sur ces installations a donné naissance aux histoires les plus folles. Le docteur Lorenk se dit souvent, avec colère et amertume, que l'imagination des diffamateurs et des ennemis du Mnar n'a décidément pas de limites.            

Il lui est difficile d'imaginer que Zimara Nadoïro puisse être impliquée dans ces histoires sinistres, inventées par des complotistes délirants. Zimara est incapable de tenir sa langue. À part gérer son business, son activité principale est de collectionner les amants, avec un manque de discernement assez affligeant. Elle s'en sépare au bout de quelques mois, et ensuite elle ne cesse pas d'en parler à ses amis de l'Adria Nelson, sans cacher le moindre détail.

Comment imaginer que quelqu'un comme Zimara Nadoïro, toute cyborg qu'elle est, puisse garder un secret ? Lorenk est bien placé pour savoir que c'est une bavarde invétérée.

L'épouse de Lorenk, Anita, est elle aussi membre de l'Adria Nelson, mais contrairement à son mari elle n'a aucune sympathie pour Zimara, avec laquelle elle parle le moins souvent possible. Soucieux d'éviter les reproches d'Anita, Lorenk évite de se retrouver seul avec Zimara, dont la réputation de voleuse de maris est bien établie chez les dames du club.

Comme les autres cyborgs de l'Adria Nelson, Zimara finance, avec ses propres deniers, des conférences et des études, sans que cela semble affecter ses revenus. Les cybersophontes, dont les cerveaux sont reliés par radio les uns aux autres, fonctionnent comme un être collectif, même sur le plan financier.

De temps en temps, d'anciens et futurs chefs d'États étrangers viennent à l'Adria Nelson faire des conférences d'une heure, devant un public d'une quinzaine ou d'une vingtaine de personnes. Ces conférenciers sont payés des sommes d'un montant invraisemblable par rapport à leur prestation. Le record étant d'un demi-million de ducats, pour un ancien président du pays le plus puissant de la planète.

Lorenk est souvent invité à assister à ces conférences. Nentanis insiste pour qu'il y aille, et Lorenk accepte le plus souvent, mais c'est presque un supplice pour lui. Les conférenciers racontent des banalités dans un mnarruc approximatif, ou se contentent de lire leur texte, transcrit phonétiquement dans l'alphabet de leur langue maternelle.

Au bar de l'Adria Nelson, Lorenk a dit à Zimara ce qu'il en pense :

- C'est scandaleux que des gens, qui sont déjà riches, reçoivent des sommes pareilles pour raconter pendant une heure des choses que l'on sait déjà, ou qu'on pourrait trouver facilement dans la presse spécialisée.

La cyborg a souri, de son sourire de Joconde, les coins de sa bouche étroite se relevant délicatement tandis que ses lèvres roses et délicates restent fermées :

- Lorenk, vous voyez le feuillage, mais pas les racines... Pas un sou n'est gaspillé, croyez-moi. Je ne suis pas devenue riche en gaspillant mon argent. Lorsqu'un ancien Premier Ministre padzalandais, dont la femme est à la tête de la diplomatie de son pays, vient à l'Adria Nelson parler de l'amitié entre les peuples, ce qui est important, ce n'est pas le contenu de son discours...

- Alors, si ce n'est pas ce qu'il dit qui est important, c'est peut-être le fait qu'il compte sur nous pour payer les factures de son jet privé, ou les nombreux séjours qu'il fait aux quatre coins du monde, dans des hôtels de luxe ?

- Docteur Lorenk, vous êtes subtil... Allez, pour cette bonne réponse, je vous paye un autre verre... Je vous rassure, la plupart des conférenciers sont beaucoup moins bien payés que le Padzalandais. Quelques milliers de ducats suffisent, parfois, pour un Mnarésien qui peut nous rendre de menus services.

Par la suite, Lorenk a appris que les cyborgs de l'Adria Nelson ne financent pas seulement des conférences, mais aussi des études. Des intellectuels de toutes nationalités sont payés grassement pour écrire des livres, sur des sujets aussi improbables que la vie de tel ou tel poète de village. Une fois écrits, les livres deviennent la propriété de l'Adria Nelson.

Lorenk s'est aperçu, en feuilletant les livres de la bibliothèque du club, que les auteurs en sont souvent des journalistes, des universitaires familiers des plateaux de télévision, ou des proches d'hommes politiques mnarésiens et étrangers. Plusieurs prêtres de Yog-Sothoth ont produit des livres de théologie, totalement incompréhensibles aux non initiés. Ce qui l'a frappé, c'est que tous ces prêtres sont connus pour être devenus favorables au roi Andreas et aux cybersophontes, à des degrés divers.

Avec un sourire cynique, Lorenk s'est dit que l'Adria Nelson est plus qu'un club. C'est un lieu où l'argent des cybersophontes s'échange contre de l'influence. Un lieu de transmutation intellectuelle, une tanière d'alchimistes du pouvoir. En toute légalité, certes, mais peut-être pas en toute moralité.

Même les murs du club portent la marque de marchandages obscurs. Des tableaux abstraits y sont accrochés. Ces tableaux ont, pour la plupart, été rachetés par l'Adria Nelson à leurs propriétaires, pour dix fois leur prix initial.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyLun 16 Mai 2016 - 18:02

Parfois, au milieu de la nuit, le roi Andreas se réveillait en hurlant. Il allumait la lumière et restait hagard de longues minutes, avant d'aller faire les cent pas dans le salon, puis de s'allonger jusqu'à l'aube sur un canapé dans un demi-sommeil.

À force de patience, la reine Renoela avait obtenu de lui qu'il explique d'où lui venaient ses cauchemars.

Andreas avait fini par raconter ce qui s'était passé, un épisode qu'il n'oublierait jamais.

Tout avait commencé au pire moment des Évènements, plusieurs années auparavant. Le palais royal de Sarnath était assiégé depuis plusieurs jours par une foule en furie, armée et manipulée par les rebelles. Ces derniers voyaient là une occasion inespérée de remplacer un roi adorateur de Nath-Horthath par une clique de théocrates de Yog-Sothoth.

Sarnath, la ville grande et belle, la fière capitale du Mnar, était un champ de bataille depuis des semaines. Les cadavres jonchaient les rues, et la plus grande partie de la population avait fui. Plusieurs régiments de l'armée royale, composée en majeure partie de soldats adorateurs de Yog-Sothoth, avaient tué leurs officiers adorateurs de Nath-Horthath et étaient passés du côté des rebelles.

Andreas ne pouvait compter que sur la Garde Royale, composée de soldats adorateurs de Nath-Horthath, et sur le 27e Bataillon d'Infanterie Royale, composé d'Inutos adorateurs de Tsathoggua. Le 27e bataillon s'était illustré par les massacres, viols et pillages que ses soldats avaient commis sur les populations rebelles adoratrices de Yog-Sothoth. Andreas était sûr que les Inutos lui resteraient fidèle, ne serait-ce que parce qu'il craignaient la vengeance des rebelles. Et ils avaient bien raison.

C'était l'après-midi. Ils étaient trois dans le bureau du roi. Andreas lui-même, vêtu d'un costume crème qui mettait en valeur sa haute stature et sa minceur. Face à lui, son conseiller le baron Chim, et le directeur de la Police Secrète, Yip Kophio. Les ministres, les généraux, soit avaient fui, soit étaient au milieu des troupes, en train de combattre.

De temps en temps, des bruits de détonations et d'explosions faisaient trembler les épaisses vitres de verre blindé.

Andreas était particulièrement ému. Il avait envoyé Renoela et les enfants à la campagne, en sécurité, mais il n'avait plus de nouvelles depuis plusieurs jours, ce qui le rendait malade d'inquiétude, car pas une seule région du royaume n'était épargnée par les violences.

Le baron Chim, un grand cyborg à barbiche blanche, était impassible, à son habitude. Yip Kophio, un petit homme en costume noir, était agité de tics. Son visage ridé et ses yeux rougis montraient qu'il n'avait pas dormi depuis des jours. Il était mal rasé, ce qui en temps normal était tout simplement impensable.

Chim prit la parole :

- Majesté, les rebelles peuvent donner l'assaut au palais à tout moment... Il n'est pas question que l'un de nous trois soit capturé vivant...

Il ouvrit sa sacoche de cuir et en tira trois petits pistolets, des derringers à deux canons superposés.

"Ces petits pistolets sont faciles à dissimuler... Ils sont chargés. Ils n'ont pas de sécurité, lorsqu'on a armé le chien il faut prendre garde à ne pas appuyer par mégarde sur la détente..." dit Chim, qui prit l'un des pistolets, enleva les deux cartouches qui étaient dedans, et se mit à expliquer à son roi et à Kophio comment utiliser l'arme.

"Une balle dans la bouche, c'est ce qu'il y a de mieux pour mourir" dit-il de sa voix de machine. "Si on se tire une balle dans la tempe, on risque de sectionner le nerf optique. On reste vivant, mais aveugle. Une balle dans le cœur, ça ne tue pas à tous les coups. J'insiste sur le fait que les rebelles vont outrager nos cadavres. Ils n'attendront pas que nous soyons tout à fait morts pour le faire."

Le roi prit le derringer, que Chim venait de recharger, et le mit dans la poche de sa veste. Kophio et Chim en firent autant avec les deux autres pistolets.

Kophio avait les larmes aux yeux. Il était certain d'être mort avant la fin de la journée.

Andreas sentit soudainement que ses intestins étaient en train de le trahir. Il demanda à Chim et Kophio de l'attendre et courut vers les toilettes. Son père, le défunt roi Robert, lui avait dit qu'il n'existe pas de mort propre et digne. Par définition, la mort est quelque chose de sale et, souvent, d'humiliant. Chercher la bonne mort est un exercice inutile et vain. Seule une minorité d'humains, par chance, atteignent la fin de leur vie avant que le caractère destructeur du déclin n'érode leur humanité.

"Moi qui ai exécuté beaucoup de gens de mes propres mains, j'en ai vu très peu mourir dans la dignité," Robert avait coutume de dire à son fils.

Andreas se demanda si, puisque cette journée devait être sa dernière, il n'était pas recommandé de rester à jeun, afin de ne pas donner le spectacle peu ragoûtant d'un cadavre dont les intestins se sont vidés sous lui.

Il rejeta cette idée avec un rictus de dérision. Comme si cela avait la moindre importance... Il connaissait le traitement immonde que les rebelles infligeaient aux cadavres des aristocrates qu'ils capturaient.

De retour dans son bureau, il vit que Chim et Kophio s'étaient assis sur les chaises de bois noir sculpté. Chim semblait indifférent. Kophio pleurait. Quel minable, mais au moins il est fidèle, se dit Andreas, qui sentit lui-même les larmes lui monter aux yeux.

"Tout n'est pas encore perdu" dit le baron. "Les cybersophontes de l'Ethel Dylan ont des stocks de sarin... Totalement illégaux, je sais, mais on n'en plus à ça près. Ils ont aussi quelques milliers de drones, normalement utilisés pour l'agriculture. Ils peuvent larguer le sarin autour du palais, et sur les troupes rebelles, et permettre aux régiments qui nous sont restés fidèles de reprendre le dessus."

Andreas secoua la tête :

- Baron, je ne suis pas d'accord. La communauté internationale nous a prévenus. Utiliser des gaz de combat, c'est franchir une ligne rouge. Nous risquons de nous retrouver en guerre avec les États-Unis et leurs alliés... Le président américain l'a dit en public. Nous ne tiendrions pas vingt-quatre heures.

Chim le regarda de ses yeux cybernétiques, qui donnaient l'impression qu'il portait des lunettes noires :

- Majesté, c'est notre seule chance d'être encore vivants ce soir. La communauté internationale ne fera rien contre nous, les peuples ne veulent pas envoyer leurs soldats se faire tuer pour rien au Mnar. Surtout pas le peuple américain. Le président américain le sait. Il a parlé pour impressionner les médias. De toute façon, Votre Majesté n'a plus rien à perdre, vous en conviendrez. Les drones sont déjà en route, j'en ai pris la responsabilité. Sans vous prévenir.

- Quoi ? Vous avez pris derrière mon dos une initiative pareille, qui risque d'obliger les États-Unis à entrer en guerre contre nous ? Vous plaisantez, j'espère ?

- Aboslument pas. Deux mille drones sont en route vers Sarnath, transportés par voie terrestre, dans tous les camions que j'ai pu trouver dans l'Ethel Dylan. Dans quelques heures, lorsqu'il fera nuit, les drones vont s'envoler et larguer des bombes au sarin sur les rebelles.

- Des gaz de combat sur Sarnath ! C'est un crime de guerre ! Des milliers de civils vont mourir ! Baron, vous n'avez pas mon accord ! Rappelez les drones ! Ce que vous avez fait là, c'est de la trahison !

Le baron ne répondit pas. Andreas, les mains tremblantes, s'assit derrière son bureau de chêne massif et se prit la tête dans les mains. Il savait que Chim avait raison. Chim était supérieurement intelligent. Et fidèle. Il était resté au palais pour mourir avec lui.

Andreas craqua. Il se mit à pleurer silencieusement, comme Kophio. Les larmes tombaient sur son sous-main de cuir vert. Il n'arrivait plus à penser. Mais, comme une petite lumière, un peu d'espoir apparut dans son esprit troublé. Si les androïdes et leurs drones pouvaient éliminer les rebelles...

"Les androïdes ne sont pas affectés par le sarin, parce qu'ils ne respirent pas" dit le baron. "Plusieurs milliers d'androïdes, armés de toutes les vieilles pétoires que les cybersophontes avaient stocké dans l'Ethel Dylan sans que personne ne le sache, sont dans les camions qui transportent les drones. Ils vont occuper Sarnath, achever les survivants, jusqu'à ce que les régiments restés fidèles reprennent le contrôle de la situation."

Andreas hocha la tête. Les heures passèrent, lentement, jusqu'à la nuit. Andreas et Kophio étaient incapables d'avaler autre chose que du thé et des biscuits, préparés par un soldat de la Garde Royale. Chim rechargeait ses batteries. Un câble électrique reliait la manche de sa veste à une prise électrique.

Andreas tendait l'oreille. Le roulement continu de l'artillerie cessait parfois, pour reprendre quelques minutes après. Puis, vers minuit, les tirs épars devinrent un orage de feu et d'acier qui faisait vibrer les vitres des fenêtres.

"Les androïdes sont en train d'achever les rebelles qui ont survécu au sarin" dit le baron, dont le cerveau cybernétique percevait les ondes radio. "Ils récupèrent les armes des rebelles morts... Des milliers de civils sont morts... Peut-être des dizaines de milliers... Mais la victoire est à nous."

Andreas se sentit soulagé. Il n'avait rien mangé depuis midi, et il avait faim. Kophio aussi. Il téléphona à l'officier de garde pour qu'il leur fasse apporter des sandwichs et des bières.

Son repas terminé, Andreas alla dormir tout habillé dans sa chambre. Kophio s'allongea sur un canapé dans le bureau du roi. Chim rentra dans son bureau, tout proche de celui du roi.

Dans la matinée, les trois hommes sortirent en ville avec une escouade de Gardes Royaux, pour une inspection à pied.

Ils virent que les androïdes n'avaient pas fait le travail à moitié. Il y avait tellement de cadavres dans les rues qu'il était impossible de circuler en voiture. Certains cadavres, sans blessures apparentes, avaient sans doute été victimes des gaz. D'autres avaient été achevés à coups de fusil ou à l'arme blanche, ou, vu leur état, jetés encore vivants des fenêtres des immeubles.

Une odeur épouvantable de viande pourrie imprégnait l'air. Des rats et des insectes se promenaient sur les corps inertes.

"Est-ce qu'on risque d'être intoxiqués par le sarin ?" demanda Kophio d'une voix anxieuse.

"Non" répondit le baron. "La rosée de ce matin a détruit le sarin, dont les molécules sont neutralisées par les molécules d'eau. Le sarin est une arme écologique, qui n'abîme pas l'environnement."

La vue de tant de cadavres était un spectacle auquel Andreas n'était pas préparé, et il en eut des cauchemars jusqu'à la fin de sa vie. Kophio, déjà porté sur la bouteille, augmenta notablement sa consommation d'alcool.

Les Gardes Royaux qui les entouraient avaient l'air hébété. Aussi endurcis soient-ils, ils ne l'étaient pas au point de ne pas remarquer que ni les femmes ni les enfants n'avaient été épargnés par la mort.

Les androïdes étaient encore là. Ils ne portaient pas d'uniformes, mais des blouses grises et des chapeaux de paysans. Leur armement était hétéroclite, et ils étaient étrangement silencieux.

"Il ne faut pas approcher les androïdes, leurs vêtements sont imprégnés de sarin" dit le baron.

"Où sont les survivants ?" demanda le roi. "C'est mon peuple, et ils n'étaient pas tous des rebelles."

"Majesté, c'est nous les survivants" répondit le baron. "Les rebelles avaient encerclé le palais royal et contrôlaient plusieurs kilomètres carrés. Tout a été noyé de sarin autour du palais. L'armée royale est en train d'exterminer les fugitifs qui ne se sont pas rendus. Dans la zone bombardée par les drones, les androïdes ont nettoyé chaque immeuble. Souvent, ils se sont simplifié la tâche en coulant du plastique dans les serrures. Il y a des gens qui risquent d'être incapables de sortir de leurs appartements, sauf par la fenêtre. Certains sont des rebelles, d'autres pas."

"Pour ceux qui ne sont pas des rebelles, c'est dommage. Il faut toujours avoir des cordes chez soi" dit Kophio sentencieusement.

"Oui, et à nœuds, de préférence", compléta le baron. "C'est plus facile, lorsqu'on n'a pas l'habitude."
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyMar 17 Mai 2016 - 8:04

Vilko a écrit:
Andreas se demanda si, puisque cette journée devait être sa dernière, il n'était pas recommandé de rester à jeun, afin de ne pas donner le spectacle peu ragoûtant d'un cadavre dont les intestins se sont vidés sous lui.
C'est marrant, j'avais lu justement cette page hier, avant de venir ici. Andreas serait rassuré de savoir que cela n'arrive qu'à 10% des cadavres... ou désolé de savoir qu'aller aux toilettes avant ne sert à rien.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyMar 17 Mai 2016 - 10:26

Le baron Chim n'avait pas planifié ce qui allait se passer après la Bataille de Sarnath. Il fallut improviser.

Le baron écrivit une interview du roi par une journaliste, qui était en réalité une femme agent de la Police Secrète. La femme pouvait lire ses questions, et n'avait que quelques répliques à apprendre. Le roi, fatigué et choqué, était censé apprendre ses répliques par cœur.

Il fallut trois heures pour aboutir à une interview d'un quart d'heure, avec de nombreuses coupures. Le roi, mécontent de ce qu'avait écrit le baron, modifiait ses répliques, mais ensuite, comme il avait du mal à les mémoriser, ses phrases étaient un peu confuses. Chim se dit que cela faisait plus authentique.

Le résultat, diffusé par la télévision mnarésienne et sur le réseau informatique mondial, montrait le roi, l'air fatigué et tendu, mais maître de lui, bien rasé et vêtu d'un costume gris impeccable, assis dans un salon richement meublé.

"Les rebelles tenaient plusieurs quartiers de Sarnath," expliqua le roi. "Hier soir, ils ont lancé un assaut sur le palais royal, en utilisant des obus contenant des gaz toxiques. Vu l'extrême gravité de la situation, j'ai donné l'ordre de riposter en utilisant les mêmes méthodes."

"Cela veut donc dire que l'armée mnarésienne disposait de gaz de combat ?" dit la pseudo-journaliste, jolie jeune femme à boucles brunes.

- Oui. Mais je ne voulais pas les utiliser, même contre les rebelles. Malheureusement, les circonstances ne m'ont pas laissé le choix.

- Cette décision est déjà critiquée.

- J'ai tenu à affronter les rebelles au milieu de mes soldats. Ceux qui me critiquent ne savent pas ce que c'est que d'attendre l'ennemi, un pistolet à la main, et d'entendre sur son talkie-walkie ses propres soldats se tordre de douleur à cause des gaz de combat. Je me suis rendu compte, alors, que je ne pouvais pas sacrifier la vie de mes soldats pour des considérations morales, face à un ennemi qui ne respecte rien.

"Excellent" se dit le baron, en visionnant l'interview avant sa diffusion. "Avec son air hagard, il donne vraiment l'impression d'avoir vécu ce qu'il raconte."

Au même moment, les représentants des États du monde entier se réunissaient au siège de l'ONU pour voter des sanctions économiques et politiques sévères contre le Mnar. Les sanctions furent votées à l'unanimité. Mais chacun savait que beaucoup d'État feraient seulement semblant de les appliquer.

À la surprise générale, les États-Unis ne proposèrent pas d'action militaire contre le Mnar.

Comme le commenta cyniquement un diplomate russe :

- Le Mnar, pour les États-Unis, c'est trop grand, trop peuplé, trop loin des bases américaines, et il n'y a pas de pétrole. Enfin, il n'y a pas assez d'adorateurs de Yog-Sothoth aux États-Unis pour constituer un lobby. Au contraire, ils font plutôt peur.

À Sarnath même, l'armée royale se battait toujours contre les dernières poches de résistance des rebelles. Les androïdes, leurs drones et les camions qui les transportaient se repliaient déjà sur l'Ethel Dylan, à 750 kilomètres de là.

On ne saura jamais combien de gens sont morts pendant la Bataille de Sarnath. Les combats et les bombardements au sarin ont affecté une zone où vivaient environ cinq cent mille personnes, dont au moins 10% sont mortes cette nuit là. Les spécialistes estiment le nombre des victimes à une cinquantaine de milliers, rien qu'à cause des gaz. Les drones des cybersophontes faisaient exploser en hauteur leurs bombes au sarin et laissaient le gaz, plus lourd que l'air, descendre jusqu'au sol.

Les survivants parlent de la panique qui s'est emparée de la population pendant la bataille, de familles réfugiées dans leur salle de bain, portes et fenêtres fermées, une serviette humide sur la bouche. D'autres personnes essayaient de quitter la ville en pleine nuit, à pied ou en voiture, et se faisaient tuer par les troupes de l'armée royale, qui bloquaient les quartiers insurgés.

C'est seulement le surlendemain de la bataille que les derniers rebelles se rendirent ou furent exterminés. Dans les rues, la puanteur des cadavres était telle que le baron Chim fit revenir les androïdes de l'Ethel Dylan pour nettoyer les rues. Dépourvus de poumons, les androïdes sont insensibles aux odeurs.

Le nettoyage prit plusieurs jours. Entassés dans des camions, les cadavres étaient transportés par les androïdes jusqu'à Oeclomma, un village de la périphérie de Sarnath, choisi pour ses vastes prairies. Les cadavres étaient entassés en petits monticules et recouverts de bâches de toile et de plastique, retenues par des pierres. Avec le temps, la chair des cadavres finit par disparaître, rongée par les rats, les oiseaux et les insectes, et il ne resta plus que les os, sous les bâches qui les dissimulaient aux regards.

Le 27e Bataillon fut alors chargé de recouvrir les bâches de terre et de détritus divers, afin que ce qu'on appelait le champ des morts devienne une simple friche, propriété royale, à laquelle on donna le nom pompeux de Réserve Naturelle d'Oeclomma.

Les soldats du Bataillon, des Inutos originaires de Leng, profitèrent de l'occasion pour récupérer les portefeuilles et les bijoux des défunts, allant jusqu'à trancher les doigts au sécateur pour récupérer les bagues.

Parmi ces soldats figuraient le sous-officier Emil Ti, qui devait, plus tard, perdre un bras au combat, et devenir ensuite un fembotnik à Hyltendale (voir ici, dernier message de la page).

Sarnath, après la bataille, avait des milliers de logements devenus vacants, leurs occupants étant morts ou ayant fui pour ne plus revenir. Le roi les fit déclarer propriété de la couronne, et les redistribua à ceux qui lui étaient restés fidèles même pendant les pires moments.

Emil Ti reçut ainsi un appartement au septième étage d'un immeuble, mais il le revendit très vite. L'immeuble avait été endommagé pendant les combats, et la remise en état allait coûter beaucoup d'argent. De plus, toute une famille était morte dans l'appartement, tuée par les gaz. En bon Inuto, Emil, bien que d'une bravoure extrême en tant que soldat, avait peur des fantômes.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyMar 17 Mai 2016 - 12:21

>> Dépourvus de poumons, les androïdes sont insensibles aux odeurs.

"Dépourvus de capteurs d'odorat" serait + adéquat, car on peut ne pas avoir de poumons mais sentir quand même les odeurs. C'était juste une chicanerie Smile

Cet épisode ressemble hélas un peu à ce qui se passe pas loin de la Turquie...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyMar 17 Mai 2016 - 12:29

C'est, semble-t-il, la source d'inspiration de Vilko, les cybersophontes en plus.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyMer 18 Mai 2016 - 12:21

Les Évènements étaient à peine terminés, que déjà le roi Andreas et le baron Chim faisaient des plans pour redresser le pays.

Le baron, de sa voix douce, un peu mécanique, faisait part de ses propositions au roi. La reine Renoela et Yip Kophio, le directeur de la Police Secrète, étaient aussi présents. Andreas comptait sur le bon sens de la reine et la saine méfiance qu'elle avait envers les cybersophontes comme Chim. Kophio, fidèle entre les fidèles, était là parce que le roi, qui connaissait pourtant ses faiblesses, tenait à l'associer aux grands projets qu'il avait en tête.

"Quelques millions d'indésirables sont en train de quitter le pays" dit tranquillement le baron. "Certains partent de leur propre initiative, d'autres sont expulsés vers Hyagansis. Malgré ce que j'appelle cette purge démographique, douloureuse mais nécessaire, il va nous rester des millions de chômeurs. Il faut leur trouver du travail. J'ai un projet, dont je vais vous faire part."

La reine regarda le baron avec une moue dubitative. Il était évident qu'elle pensait : "Quelle ânerie ce charlatan va-t-il encore nous sortir..."

Le baron continuait de parler :

- Grâce aux cybermachines, nos usines produisent la plupart des produits industriels dont nous avons besoin. Mais des millions d'emplois industriels sont perdus, auxquels il faut ajouter les emplois induits, dans le commerce et les services.

La reine hocha la tête, comme si elle disait : "Je l'avais bien dit !"

"Mais les cybermachines, qui ont causé le problème, vont aussi le résoudre," dit le baron. "Le pays produit assez de nourriture et d'objets divers pour que chaque citoyen vive décemment. Le problème, c'est la distribution de la richesse."

"Exactement," dit le roi.

- C'est pourquoi les cybersophontes, dont je suis le représentant auprès de Votre Majesté, sont d'accord pour verser une grande partie de leur richesse au Trésor Royal. Cette richesse peut ensuite redescendre jusque dans le portefeuille de simili-cuir du plus humble de vos sujets...

Votre Majesté se demande peut-être comment. Cette solution est assez simple. Et elle a toujours existé, sous des noms divers.

Dans les siècles passés, les gens riches, ou simplement aisés, devaient avoir des domestiques. Plus on était riche, plus on avait de domestiques. Si on s'en passait, on était mal vu. Il était impensable de ne pas avoir au moins un valet, même si on n'était pas vraiment riche. Pourquoi cela ? Pourquoi cette pression sociale ? Parce que, lorsqu'un noble avait des dizaines de domestiques, dont la plupart étaient payés à faire de la figuration en livrée autour de leur maître, plus qu'à vraiment travailler, cela faisait autant de chômeurs en moins, à une époque où la misère était partout.

De nos jours, on appelle cela, que Votre Majesté veuille bien excuser ma vulgarité, des jobs à la con. Des bullshit jobs, comme disent les anglophones. Des gens sont payés à écrire des rapports qui ne sont jamais lus, ou à faire des photocopies. Les Américains ont raffiné le système, au point que dans certains États, il faut louer les services d'un avocat pour acheter ou vendre une maison. À la moindre erreur sur un document, ce sont des procès à n'en plus finir, dont l'utilité réelle est de nourrir et d'occuper les juristes. À part les bullshit jobs, l'économie américaine ne produit plus que des mac jobs, des jobs de livreurs de pizzas... Chez nous au Mnar, c'est encore pire, mais nous avons les cybersophontes pour nous sortir de cette impasse.

Je propose à Votre Majesté de créer des millions de bullshit jobs. Et ces bullshit jobs renforceront le pouvoir royal.

"Expliquez-nous tout ça, baron Chim," dit le roi.

- Les cybercerveaux d'Hyltendale, à ma demande, ont travaillé sur deux projets. Le premier est de créer une Direction du Savoir Universel, dépendant du Ministère de la Culture. Des Mnarésiens seront payés pour traduire en mnarruc tout ce qui est écrit dans toutes les langues du monde, et pour doubler en mnarruc tous les films existant. Bien sûr, il faudra que ces Mnarésiens connaissent les langues en question. La Direction du Savoir Universel créera donc aussi des écoles de langues.

"Mais les cybercerveaux traduisent déjà tout, mille fois plus vite que les humains, et sans jamais se tromper," objecta le roi. "Et puis, les fonctionnaires payés à ne rien faire, ce n'est pas nouveau... Je doute que nos chers gratte-papiers, ici même au palais royal, fassent plus d'une heure de travail effectif par jour... Ils croient que je ne m'en rends pas compte. Quand j'entre dans un bureau sans frapper, je vois les jeux de cartes qui disparaissent des écrans d'ordinateurs... Qu'ils fassent semblant de travailler, ça m'est égal, ce qui compte c'est qu'ils soient comptés comme travailleurs dans les statistiques. Bien sûr, je tiens absolument à ce qu'ils sauvent les apparences, et qu'ils fassent comme s'ils travaillaient comme des fous toute la journée. Comme moi.
Ceci étant, quel est l'intérêt de créer des postes de traducteurs totalement inutiles, puisque des cybercerveaux peuvent faire ce travail mieux, plus vite et pour moins cher ?"

"Une traduction est une œuvre d'art," répondit le baron. "Un exercice de style, plus qu'un exercice de langue. Les traducteurs mnarésiens seront des artistes du langage. Ils signeront leurs traductions. Que toutes ces traductions ne soient que rarement lues ensuite n'a strictement aucune importance. Ce qui compte, c'est que tout le savoir humain devienne accessible en langue mnarruc, dans une variété de styles qui reflète le génie mnarésien. Enfin, ça, ce sera la raison officielle.

Le nombre d'emplois possible est virtuellement illimité, si on laisse aux traducteurs beaucoup de temps pour peaufiner chaque phrase de leurs traductions. On leur donnera assez de temps pour rendre des textes qui soient de vrais petits bijoux. De plus, les nations du monde ne produisent pas seulement des livres, mais aussi des périodiques, des films, des journaux, etc. J'ajoute que l'ingéniosité de ces traducteurs affinera et enrichira le mnarruc, qui deviendra capable de tout traduire. Notre culture nationale y gagnera.

La reine leva un bras pour attirer l'attention :

- La plupart de nos chômeurs sont à peine lettrés. Il sera impossible d'en faire des traducteurs !

"J'y ai pensé" dit le baron. "Pour les gens qui sont plutôt manuels, ou que les langues étrangères rebutent, je propose de créer, au sein du Ministère de l'Agriculture, une Direction des Parcs et Jardins. Des gens seront payés à faire pousser des plantes en pot dans des jardinets... On créera des jardins jusque dans les villes. On justifiera cette initiative en parlant d'agriculture hyper-intensive et écologique, car évidemment on n'utilisera aucun produit chimique. L'absence de rentabilité de l'opération n'a aucune importance. Il s'agit d'occuper les gens, et d'en garder le plus possible dans les campagnes."

"Baron, j'ai une autre question," dit la reine, qui semblait particulièrement en forme. "Vous avez parlé non seulement de jardins, mais aussi de parcs. Est-ce que vous allez créer des parcs, aussi?"

- Bien sûr. Un parc procure des emplois de jardiniers. Hyltendale est une ville dont l'architecture est plutôt triste, avec tous ces cubes de béton, mais elle a des parcs magnifiques, de véritables œuvres d'art, qui apportent de la beauté et de la variété dans la ville. Sarnath manque de parcs. Mais même là où le terrain est impropre à l'agriculture, on peut cultiver des plantes dans des pots. Il n'y a rien de plus beau qu'un arbuste dans un grand pot de pierre taillée...

"Pourquoi ne pas faire simple," demanda Yip Kophio, "et donner l'argent directement aux gens ?"

"Les gens ont besoin de se situer dans la pyramide sociale" dit le baron. "Les assistés se sentent inutiles, leur fierté en souffre. Ils dépriment et se conduisent mal. Ils passent leur temps à boire, à manger, et à copuler comme des animaux, avec le plus de partenaires différents possible. Il vaut mieux donner des emplois aux gens. Des emplois dont ils puissent être fiers. Rendre accessible en mnarruc tout le savoir humain, c'est une noble tâche, presque une vocation. Produire des fruits et légumes de qualité, purs de tout produit chimique, c'est aussi une noble tâche, dont on peut être fier.

Par ailleurs, quelqu'un qui travaille est quelqu'un qui s'astreint à une discipline. Il doit se lever tôt le matin, avoir assez de volonté pour travailler même lorsqu'il n'en a pas envie. Il doit obéir à son chef et s'entendre raisonnablement bien avec ses collègues. Il doit savoir se contrôler. S'il se bat avec ses collègues, ou s'il les vole, il est renvoyé. Idem, s'il se soûle au travail. Le travail est bon pour la santé physique et morale de la nation."

Pendant la conversation, le roi avait noté quelques phrases sur un bloc-note :

"Quelques centaines de milliers de traducteurs, et quelques millions de jardiniers... Hmm... Avec les emplois induits, cela devrait permettre de résoudre le problème du chômage..."

"Exactement, Majesté" dit le baron. "Les traducteurs et les jardiniers toucheront des salaires, et ces salaires seront dépensés. Cela fera vivre le commerce, et ce qu'on appelle les services : électriciens, plombiers, charpentiers, musiciens... "

"On dirait que cet argent va tomber du ciel," dit la reine.

- Au contraire, Majesté, il va sortir de terre. Les cybermachines et les androïdes de l'Ethel Dylan créent de la richesse dans les usines et les champs. Cette richesse prend la forme de tonnes de céréales, de viande de bœuf, d'appareils électriques, de bicyclettes, etc. Toutes ces choses sont échangeables contre les billets de banque imprimés par le Trésor Royal. Ces billets de banque seront distribués aux traducteurs et aux jardiniers sous forme de salaires, par le Ministère de la Culture et par celui de l'Agriculture.

"Baron, votre projet m'intéresse," dit le roi. "Ces traducteurs et ces jardiniers, avec leurs bullshit jobs comme vous dites, dépendront de mon bon vouloir pour leurs revenus. Ça me plaît."
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyMer 18 Mai 2016 - 12:51

Ça ressemble un peu au nioudîl de F. Roosevelt pour sortir les USA de la crise de 1929.

C'est un peu ce dont certains pays européens auraient besoin pour faire chuter le chômage : la création d'emplois dans le service public et l'élaboration de Grands Travaux. Au lieu d'ça... l'État donne de l'argent aux entreprises qui délocalisent : le monde à l'envers.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 17 EmptyMer 18 Mai 2016 - 14:14

"Baron, votre projet, ça ressemble un peu au niudiil de Franklin Roosevelt pour sortir les USA de la crise de 1929," dit Yip Kophio, qui ne répugnait pas aux anglicismes (comme niudiil) en mnarruc.

"J'en conviens" répondit Chim.

"C'est un peu ce dont certains pays développés auraient besoin pour faire chuter le chômage," dit Kophio. "La création d'emplois dans le service public et l'élaboration de grands travaux. Au lieu de cela, les gouvernements de ces pays donnent de l'argent aux entreprises qui délocalisent. C'est le monde à l'envers !"

"C'est même encore pire que cela en Europe," dit Chim. "Avec les migrants, ils importent des chômeurs. Dans les pays scandinaves, la majorité des migrants sont encore au chômage cinq ans après leur arrivée. La cohésion sociale s'effondre, l'enseignement public aussi. Les chiffres sont connus, mais les dirigeants font comme s'ils n'existaient pas. À moyen terme, ces pays vont être ruinés."

"Mais pourquoi donc font-ils cela ?" demanda la reine. "Ils sont suicidaires ?"

"Nos meilleurs penseurs se posent la question" répondit Chim. "Des individus se suicident à petit feu par l'alcool, la drogue, les comportements à risque. On sait qu'il y a des gens qui, inconsciemment, s'arrangent pour échouer dans tout ce qu'ils font. Les psychologues appellent cela une névrose d'échec. Ces comportements individuels aberrants peuvent toucher des sociétés entières. C'est peut-être ce qui arrive en Europe."

Le silence se fit dans le bureau royal.

"Certains mettent en cause des petits groupes d'individus pervers, qui contrôlent la politique et les médias," dit la reine, visiblement mal à l'aise.

"Bien sûr, c'est toujours la faute des conseillers" dit Chim avec un grand sourire. "Ceci étant, ces mêmes conseillers pervers des puissants de ce monde, si on y regarde de plus près, ne sont pas exempts de ce qu'on peut considérer comme une pulsion suicidaire collective, ou une névrose d'échec collective. Ils en sont peut-être même les plus atteints. Le problème reste entier. Pourquoi ces peuples ont-ils choisi de mourir ? Ils ont renoncé à transmettre leurs gènes et leur culture, renoncé à modeler à leur image l'avenir de leur pays."

"Les historiens de l'avenir débrouilleront tout ça," dit le roi. "Notre travail à nous, c'est de nous protéger de cette pulsion suicidaire collective. Je pense que nous devons nous séparer de ces pays malades. Politiquement, économiquement, et culturellement. De ce point de vue, les sanctions dont le Mnar fait l'objet sont une bonne chose."

Le baron Chim ressentit une profonde joie intérieure dont il ne laissa rien paraître sur son visage de cyborg.
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