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 Les fembotniks

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Vilko
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Vilko

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyJeu 9 Juil 2015 - 9:49

La technologie évolue, surtout à Hyltendale. Après avoir un peu hésité, Lorenk remplaça ses cyberlunettes par un cyberkit, composé d'un modèle plus léger de cyberlunettes et d'un cybercollier muni d'un petit haut-parleur.

Les nouvelles cyberlunettes de Lorenk n'ont plus de haut-parleurs ni d'oreillette. Lorsque Nentanis, le cybercerveau greffé à l'intérieur du corps de Lorenk, parle, les sons qu'il émet sortent du cybercollier, qui est muni d'un petit haut-parleur ovale qui ressemble à un pendentif noir.

Deux câbles, l'un transportant les données visuelles, l'autre transportant les données sonores, partent des branches des cyberlunettes et rejoignent le cybercollier, au niveau de la nuque de Lorenk. À partir de là, un câble plat, passant dans le dos de Lorenk, relie le cybercollier jusqu'au nombril, où il se branche comme dans une prise de téléphone. Nentanis le cybercerveau est une masse semi-liquide d'environ deux kilos, insérée dans l'abdomen.

Lorsque Lorenk installe le cyberkit, il met d'abord les cyberlunettes, ensuite il ferme le cybercollier autour de son cou, et il branche l'extrémité du câble plat dans son nombril. Nentanis peut alors voir, entendre et parler.

La nuit, lorsque Lorenk dort, il enlève le cyberkit. Mais il n'en a pas terminé pour autant avec Nentanis, puisqu'il doit insérer l'extrémité d'un câble électrique dans son nombril pendant environ quatre heures pour recharger Nentanis en énergie. Le cybercerveau est capable de stocker l'électricité pendant des semaines, voire plusieurs mois.

Lorenk, par égard pour son épouse Anita, lui consacre ses soirées. Il enlève son cyberkit afin de pouvoir passer quelques heures d'intimité réelle avec elle.

Nentanis, comme tous les cybercerveaux, est relié par radio aux autres cybercerveaux, y compris à ceux qui habitent des corps de robots arachnoïdes et qui vivent cachés dans des abris souterrains. Cela lui donne un accès permanent aux réseaux informatiques et téléphoniques mondiaux. Nentanis est le symbiote de Lorenk, il vit en parfaite symbiose avec lui. Il lui sert aussi de téléphone. C'est parfois un peu embarrassant en public, car Lorenk donne l'impression de parler à un être invisible qui lui répond.

C'est pourquoi Lorenk a pris l'habitude, lorsque parle avec Nentanis dans un lieu public, de tenir son stylo à la main comme si c'était un micro.

On reconnaît les symbiorgs comme Lorenk à leurs lunettes, assez lourdes, et dont les branches sont prolongées par des câbles qui se rejoignent sous le col. Ces cyberlunettes sont aussi munies, au-dessus du nez, d'un petit œil cybernétique, noir et ovale, identique aux yeux des humanoïdes. Cet œil cybernétique sert aussi d'oreille, car sa surface est sensible aux vibrations sonores.

Les symbiorgs portent tous un cybercollier. Le haut-parleur ovale est visible dans l'échancrure de la chemise du symbiorg, mais il est parfois caché, si la chemise est boutonnée jusqu'au col, ou si le symbiorg porte une cravate, un foulard ou un pull à col roulé.

Les symbiorgs sont acceptés aussi bien dans les clubs des fembotniks que dans les réunions des cyborgs. Lorenk fait partie de l'Adria Nelson, le club très fermé des cyborgs d'Hyltendale, où les seuls non-cyborgs admis sont des symbiorgs et les conjoints biohumains (humains biologiques) des cyborgs.

Il arrive, lors de discussions à l'Adria, que ce soit Nentanis qui parle. Lorenk reste alors bouche fermée, alors que l'on entend la voix de Nentanis sortir de son cou. Mais tous les cybercerveaux masculins parlent avec la voix de l'acteur Lester Hastat, comme les androïdes et les klelwaks. Lorsqu'il parle à quelqu'un d'autre qu'à Lorenk, Nentanis commence donc toutes ses phrases en disant Nentanis ta wado, ce qui signifie "Nentanis parle."

Un jour, dans une rue de Zodonie, un touriste aneuvien qui s'était perdu demanda son chemin à Lorenk. Le touriste ne parlait que l'aneuvien. Il fut surpris d'entendre une voix, provenant du cou de Lorenk, lui donner dans sa langue les indications dont il avait besoin, alors que la bouche de Lorenk restait fermée.

Parfois, le soir, lorsque Lorenk a enlevé son cyberkit, Anita lui demande ce que le fait d'être devenu un symbiorg lui apporte. Lorenk lui répond toujours que le fait d'être relié, par l'intermédiaire de Nentanis, à la conscience collective des cybersophontes, lui donne le sentiment de faire partie d'une communauté, en plus des avantages pratiques, qui sont multiples. Par exemple, lorsque Lorenk lit un texte écrit dans une langue étrangère, Nentanis lui en fait la traduction à haute voix.

Mais le plus grand avantage, dit Lorenk, c'est d'avoir toujours avec soi un ami presque omniscient, relié à un réseau de plusieurs centaines de milliers de ses semblables.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyMer 15 Juil 2015 - 22:08

La démographie est l'un des éléments qui influencent l'architecture et l'urbanisme.

Au royaume de Mnar, comme partout, les familles nombreuses préfèrent les grandes maisons, avec un grand jardin pour que les enfants puissent jouer. Les retraités encore valides préfèrent les maisons plus petites, avec un jardin pour faire pousser des fleurs et des légumes. Les célibataires préfèrent les petits appartements du centre-ville, où il peuvent profiter des aménités de la vie urbaine.

En ce qui concerne le logement, les fembotniks sont intermédiaires entre les retraités et les célibataires. Beaucoup préfèrent la tranquillité d'une maison dans les faubourgs à l'excitation de la vie urbaine. Ils aiment manger des fruits et des légumes qu'ils ont fait pousser eux-mêmes, et déjeuner dans leur jardin lorsqu'il fait beau. D'autres fembotniks aiment vivre au centre de la ville, là ou sont les lieux de rencontre, de pouvoir et de culture.

À Hyltendale, les fembotniks et les manbotchicks habitent une gamme de logements correspondant à leurs goûts et à leurs moyens financiers :

Ceux qui ont juste assez d'argent pour vivre à Hyltendale, comme Yohannès Ken, habitent dans des petits, voire très petits appartements. Yohannès habite avec sa gynoïde, Shonia, dans un studio de vingt mètres carrés, mais muni de tout le confort moderne. Il a même un lave-linge.  

Le minimum hyltendalien, pour un être humain vivant avec un(e) humanoïde, est de 12 m2. Yohannès n'est donc pas le plus mal loti des habitants d'Hyltendale. Dans cette surface réduite, on met communément un lit à deux places, un placard-penderie, une table, deux chaises, une kitchenette et une petite salle de bain avec douche, lavabo, WC. Mais pas de lave-linge : il faut aller au pressing du quartier.

On peut vivre confortablement dans 12 m2, à condition de ne s'encombrer que du minimum. Avoir très peu de livres, par exemple. D'où l'intérêt d'avoir sa bibliothèque dans un disque dur. De même, il faut se satisfaire d'une garde-robe minimaliste. Les fembotniks, adeptes du costume de toile noire qui se lave à la machine et ne se repasse pas, ne sont pas renommés pour la variété et l'originalité de leurs vêtements.

L'humanoïde, qu'il soit féminin (gynoïde) ou masculin (androïde) peut partager le lit d'un être humain, car il est totalement silencieux et immobile la nuit, quand on ne lui demande rien. Insensible au froid et à la chaleur, il se contente d'une garde-robe réduite, été comme hiver. Il n'a besoin que de très peu de place : 50 cm de large dans le lit, 25 cm dans la penderie. Un humanoïde, c'est avant tout une machine. Lorsqu'il ne travaille pas, il s'allonge, inerte et silencieux, pour recharger ses batteries.

Les fembotniks habitent pour la plupart des appartements nettement plus grands que ceux que je viens de décrire. Les maisons individuelles, surtout avec jardin, sont très demandées, et donc assez chères, d'autant plus que les cybersophontes sont toujours réticents à transformer des terres agricoles en logements ou en lotissements lorsque la population de la ville augmente. Souvent, les autorités municipales doivent construire des immeubles parce qu'il n'y a tout simplement pas assez de place disponible pour des maisons individuelles.

Les fembotniks riches, comme Adront Cataewi, l'ancien dictateur cathurien, ont souvent plusieurs humanoïdes à leur service. Cataewi a deux gynoïdes, et un androïde qui sert de garde du corps et d'homme à tout faire. Il habite un grand appartement, avec des pièces dédiées : salle de gym, home cinéma, bibliothèque... Mais même lui se contente de 150 m2, et ses trois humanoïdes se partagent une seule chambre, aménagée façon dortoir : couchettes superposées, et une armoire-vestiaire pour chacun.

Les fembotniks les plus riches habitent de luxueuses villas avec piscine, court de tennis, garage. Le nec plus ultra est une villa au bord de la mer, à l'est de la zone urbaine, dans le district de Playara (Les Plages), où la vieille noblesse mnarésienne voisine avec les barons de la finance et de mystérieux étrangers, souvent venus avec femme et enfants, mais très discrets sur leurs origines et leurs ressources.

Le roi Andreas est dans une classe à part. Lorsqu'il vient à Hyltendale, il réside sur son yacht, le Tohefob, un ancien croiseur de la marine. Récemment, il s'est fait construire Potafreas, un château à la campagne, au nord d'Hyltendale.

Les Évènements, avec les violences qui les ont accompagnés, sont encore dans toutes les mémoires. Parmi les riches Hyltendaliens, les plus prudents donnent à leur villa l'aspect extérieur d'un petit immeuble de béton au milieu d'un parc, pour faire croire qu'ils habitent un appartement. Ils poussent même l'astuce jusqu'à fixer à côté du portail plusieurs boîtes aux lettres supplémentaires portant des noms fictifs.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyVen 17 Juil 2015 - 10:48

Yohannès a visité plusieurs fois le musée Locsap, dans le centre ville d'Hyltendale. Non pas que Yohannès éprouve beaucoup de plaisir à regarder des tableaux d'art abstrait. Ce sont, pour la plupart, des taches de couleur et des formes géométriques totalement incompréhensibles. Mais ils valent des centaines de milliers, voire des millions de ducats, et le musée, avec ses vastes galeries, ses grandes salles où se pressent les visiteurs, est à la fois un écrin et un coffre-fort.

Le plaisir que Yohannès ressent au musée Locsap, c'est celui de se trouver au milieu du trésor d'un dragon. Chaque tableau fixé au mur représente une fortune, l'équivalent de vies entières de travail pour des citoyens moyens. Les cybersophontes d'Hyltendale ont compris que des objets d'art dont la valeur est totalement arbitraire peuvent être utilisés pour le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale et la corruption. Et comme ils contrôlent Hyltendale, ce sont eux qui fixent les prix. Les cybersophontes du royaume marin d'Orring, voyant l'efficacité du système, se sont associés à eux sur le marché de l'art abstrait hyltendalien.

Il est bien connu que pour obtenir un marché auprès de la mairie d'Hyltendale, il faut acheter, pour un prix astronomique, un tableau à l'un des peintres cyborgs qui constituent ce que l'on appelle L'École d'Hyltendale, et en faire cadeau au musée Locsap. L'argent versé aux peintres disparaît ensuite dans le circuit compliqué du système bancaire hyltendalien.

Les peintres exposent leurs œuvres à la galerie Budevi, qui se trouve à quelques rues du musée, de la mairie, de la gare centrale, du palais du gouverneur et de l'assemblée provinciale. Le centre d'Hyltendale n'est pas très étendu. Autrefois situé dans le Quartier du Port, il s'est déplacé vers le nord lorsque Hyltendale est devenue une grande ville.

La Police Secrète du Roi a découvert que lorsque les cyborgs veulent corrompre un dignitaire mnarésien ou étranger, ils l'invitent à visiter la galerie Budevi et à acheter un tableau à un prix d'ami. Ensuite, un cyborg prend contact avec le dignitaire et lui rachète le tableau à un prix plusieurs fois supérieur, permettant au dignitaire d'encaisser une somme rondelette en toute légalité. La femme d'affaires cyborg Ondrya Wolfensun, que l'on retrouve dans toutes les affaires douteuses à Hyltendale, est coutumière de ce genre d'achats.

L'un de ces tableaux, intitulé Déjeuner Canin, du peintre Honaewo, a ainsi été acheté dix mille ducats par un ministre cathurien. Ondrya Wolfensun a racheté le tableau pour soixante mille ducats, et l'a mis en vente peu de temps après à la galerie Budevi. Il a été acheté pour un million de ducats par un homme d'affaires japonais nommé Ito, juste avant que dernier ne signe un fructueux contrat avec Orring. Depuis, le tableau est affiché au musée Locsap, avec une plaque de cuivre remerciant le généreux donateur.

Bien loin d'Hyltendale, à Sarnath, le roi Andreas, mis au courant de l'affaire, convoqua son conseiller cyborg, le baron Chim, et lui fit part de son mécontentement.

"Baron, je sais que vous faites partie de la conscience collective des cybersophontes", lui dit-il, assis derrière son bureau de chène massif. "Lorsque je vous parle, c'est comme si je parlais à la reine de la ruche."

"Votre Majesté connaît bien les cybersophontes" répondit prudemment le baron.

- Baron, je ne vous ai pas fait venir dans mon bureau pour vous parler de généralités. Je tiens à vous dire que je n'apprécie pas du tout que les étrangers qui viennent faire des affaires dans le royaume soient tondus comme des moutons. Un million de ducats, c'est une somme. Je veux parler de l'affaire Ito, comme vous l'avez sans doute deviné. La PSR m'a transmis son rapport.

- Votre Majesté, ce Monsieur Ito a signé un contrat avec une entreprise d'Orring, pas avec une entité mnarésienne. Hyltendale a seulement été l'endroit où le contrat a été signé. Comme vous le savez, Hyltendale est devenu, grâce à l'activité des cyborgs, un port de commerce international, et même une place financière d'un certain renom.

- Il n'empêche, baron. Le Japonais a payé un million de ducats parce qu'il y était obligé pour obtenir le contrat. Et cette extorsion, entre des cyborgs d'Orring et un Japonais, a eu lieu dans mon royaume, avec la complicité de cyborgs mnarésiens. Le Musée Locsap est situé à Hyltendale, que je sache.

- Votre Majesté, ailleurs dans le monde, une somme équivalente, voire supérieure, serait partie en pots-de-vin, donations à des fondations-écran ou à des partis politiques, ou en frais d'avocats totalement inutiles. Nos amis américains sont de grands spécialistes de ce genre de choses.

- Je sais, baron, je sais. Je lis les journaux, moi aussi. Quand je vois à quoi sert réellement la fondation Clinton, avec ses 85% de frais de fonctionnement, les entreprises quasiment obligées de faire des donations aux deux grands partis, les discours à 500 000 dollars de Bill Clinton payés par les grandes banques et certains États étrangers... J'en passe et des meilleures...

- Exactement, votre Majesté. Pour citer un exemple, la société Microsoft ne voulait pas faire de donations aux partis politiques.

- Ça ne m'étonne pas de Bill Gates. C'est un radin, et il n'avait rien compris au fonctionnement réel du système politique de son propre pays...

- Il s'est bien rattrapé ensuite, votre Majesté. Le sénat américain avait commencé à enquiquiner Microsoft pour abus de position dominante. Bill Gates a compris le message, et il a arrosé les parlementaires avec des flots de dollars. Ses problèmes ont alors disparu comme par enchantement... Le nommé Ito a fait des affaires avec les Américains, avant d'en faire avec nous. Il connaît le business. En contrepartie de sa générosité, il a une plaque à son nom dans le plus grand musée d'art moderne du Mnar.

- Baron, c'est bien, mais il y a un détail qui me choque dans ce que vous me dites. Vous ne devinez pas quoi ?

- Pas vraiment, votre Majesté... Je suis désolé...

- Baron, je suis le roi du Mnar. Et figurez-vous que je suis bien embêté pour financer les dernières finitions de mon château de Potafreas. Le ministre des Finances m'a fait tout un psychodrame hier, ici dans ce bureau. Il paraît que des gens trouvent scandaleux que je me fasse construire un nouveau château, alors qu'il y a des Mnarésiens qui meurent de faim. Mais qu'est-ce qu'ils croient, ces gens-là, ils ne voudraient quand même pas que je vive dans un taudis, sous prétexte qu'il y a encore des mendiants dans le pays, comme il y en a toujours eu !

Voyant que le baron ne répondait pas, le roi continua sur sa lancée :

- Je lui ai dit que j'en avais rien à foutre, de ce que pensent les Mnarésiens, et de ce qu'il pense, lui, tout ministre des Finances qu'il est.

- Votre Majesté ! Pensez à votre dignité ! Vous ne pouvez pas parler comme ça !

- Dans le même registre, des journaleux ont appris que mon yacht est officiellement un croiseur de la marine de guerre. C'est donc la marine qui en paye l'entretien. Il n'y a rien de plus normal. Mais ne voila-t-il pas que la semaine dernière, le ministre de la Défense a osé me dire que les salles de bain du yacht coûtaient trop cher ! On me casse les pieds pour des histoires de robinets en or. Et alors, je vaux bien un émir du Golfe, que je sache ! Le ministre a osé me dire que les robinets fonctionneraient aussi bien s'ils étaient en inox ! Inutile de vous dire, mon cher baron, qu'il est sorti de mon bureau plus vite qu'il n'y était entré... Et pendant qu'on me cherche des poux dans la tête pour des histoires à deux sous, le musée Locsap empile les tableaux à un million de ducats ! Voila une injustice qui risque de ne pas durer longtemps, si je mets mon nez dedans !

Le baron se dit, une fois de plus, que son travail n'était pas facile. Il faisait de son mieux, dans l'intérêt supérieur du royaume, pour faire nommer ministres des hommes d'une compétence et d'une intégrité reconnues. Mais le roi, qui, à quarante ans, malgré son intelligence et son indéniable courage politique, avait gardé dans certains domaines une mentalité d'enfant gâté, reprochait ensuite à ses ministres d'être trop consciencieux et trop honnêtes...

Le baron parla de sa belle voix grave et lente :

- Votre Majesté, je suis absolument certain, moi qui suis, comme vous le savez, en contact permanent avec la reine de la ruche, que les cyborgs d'Hyltendale partagent votre indignation et sont prêts à tout faire pour y remédier.

- Je n'en ai jamais douté, baron. Qu'ils commencent par faire une donation à la Confrérie de Saerm. Elle est composée d'une douzaine de gens très proches de moi, et j'en suis le président. Ils me versent des honoraires pour présider leurs réunions, et c'est grâce à ces honoraires que je vais pouvoir faire installer des robinets en or dans les salles de bain de mon yacht et de Potafreas. Mais encore faut-il que la Confrérie dispose d'assez d'argent. Que vos cyborgs fassent une donation à la Confrérie.

- Certes. Vos honoraires de président de la Confrérie sont de quel montant, votre Majesté ?

- Baron, Je vous ai parlé de Bill Clinton et de ses discours à cinq cent mille dollars. Je vaux bien Bill Clinton, et quand je préside une réunion de la Confrérie de Saerm, mes émoluments sont... disons... clintonesques. Je ne tiens pas à entrer dans les détails, même avec vous. Il convient donc que la donation des cybersophontes à la Confrérie soit tout aussi clintonesque. Me suis-je bien fait comprendre ?

- Absolument, votre Majesté. La Confrérie de Saerm recevra dès demain une donation de la Coney's Bank, d'un montant réellement, absolument clintonesque.

- Hors ça, baron ! Cette entrevue n'est pas terminée ! J'aimerais vous montrer une vidéo.

Le roi prit un clavier sans fil qui se trouvait sur son bureau et se mit à taper quelque chose dessus. Un écran mural s'alluma :



- Cette vidéo a été filmée dans la province d'Hyltendale, baron. Il semble que les cybersophontes aient pris quelques initiatives sans me prévenir. J'attend vos explications...

Le baron Chim sembla réfléchir. Des messages radio, codés, entraient et sortaient de son cerveau cybernétique. Au bout de quelques secondes, il dit au roi :

- Ce type de drone semi-intelligent est utilisé pour tuer les sangliers et les chevreuils qui font des dégâts aux récoltes. Naturellement, il pourrait aussi être utilisé pour tirer sur des rebelles. Votre Majesté connaît la loyauté des cybersophontes à votre égard. En cas de nouvelle guerre civile, vous pouvez compter sur Hyltendale. Peu de routes traversent la province, et elles peuvent toutes êtres bloquées facilement, tout simplement au moyen de grosses machines agricoles. Il reste le problème des intrusions par des suspects armés se déplaçant à pied. Les klelwaks ont des arbalètes, normalement pour tirer sur les lapins et autres animaux mangeurs de récoltes. C'est un peu léger face à des fusils. Nous avons des drones qui peuvent larguer des gaz toxiques, officiellement pour éliminer les lapins. Certains de ces gaz, comme le sarin et le VX, sont très efficaces, mais ils risquent de nous poser des problèmes avec la communauté internationale...

- En effet baron. Je ne voudrais pas que les Américains viennent nous bombarder sous prétexte que nous avons utilisé du sarin ou du VX.

- Avec l'accord de votre Majesté, les cybersophontes ont stocké des armes à feu un peu partout dans la province. C'est dans le cadre de ce programme que les drones armés de pistolets ont été créés. Ils sont conçus pour éliminer des intrus se déplaçant à pied. Les drones voient l'infra-rouge. Nous avons prévu de les utiliser surtout la nuit.

Le roi visionna de nouveau la vidéo, l'air sceptique :

- Le bruit du moteur électrique n'est pas discret.

- Je le sais bien, votre Majesté. Les drones sont basés dans les fermes des klelwaks. Ils interviennent lorsque des intrus sont repérés à moins de deux kilomètres. Vu la densité des fermes dans la province d'Hyltendale, et l'efficacité de nos systèmes de détection, aucun intrus ne peut passer. Les drones interviennent en quelques minutes.

- Baron, ne me dites pas qu'ils sont déjà opérationnels ?

- Ils le sont déjà, votre Majesté. Nous considérons que quiconque s'introduit la nuit là où il n'a rien à faire est un terroriste présumé. Toutefois, pour l'instant, nous n'avons tué que quelques braconniers. Leurs cadavres ont été détruits discrètement. Autour de la ville d'Hyltendale, les intrus sont en général des couples d'amoureux, amateurs d'étreintes furtives sous les étoiles. Pour ceux-là, nous avons des grenades lacrymogènes larguées par des drones.

Le roi éclata de rire, vite imité par le baron.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyVen 17 Juil 2015 - 11:28

Cette vidéo est effrayante.

Le deal du roi avec les cybersophontes n'est pas si mauvais ! Il garde son image et la promesse d'une longue vie, contre tout le reste. N'est-ce pas trop dur moralement de transférer son pouvoir de la sorte ?
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyVen 17 Juil 2015 - 14:05

Mardikhouran a écrit:
N'est-ce pas trop dur moralement de transférer son pouvoir de la sorte ?
Le roi Andreas se considère comme le seul capable de prendre les bonnes décisions pour le Mnar. La province d'Hyltendale, qui avant l'arrivée des cybersophontes était très pauvre, est devenue riche, et une partie de cette richesse finit dans sa poche, en toute légalité, par le biais des donations à la Confrérie de Saerm. Grâce à la PSR (sorte de Gestapo mnarésienne) il est au courant de presque tout ce qui se passe à Hyltendale. Le baron Chim, qui représente les cybersophontes auprès du roi, a une attitude obséquieuse envers lui, et se laisse même rudoyer verbalement.

Le seul risque pris par le roi, c'est d'avoir laissé les cybersophontes acquérir et stocker des armes à feu. Mais c'était ça, ou prendre le risque que, lors de la prochaine guerre civile, les rebelles mettent la main sur Hyltendale, et soit exterminent les cybersophontes, soit les fassent travailler pour eux. Le roi a pris un risque minime, car Hyltendale c'est seulement 3% de la surface du royaume.

Incidemment, le truc consistant à vendre un tableau à un prix dérisoire à quelqu'un que l'on veut corrompre, et ensuite demander à un complice de le racheter pour une somme beaucoup plus élevée, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est Armand Hammer, un milliardaire américain pro-soviétique, ami de Lénine ! Very Happy

Ce qui est intéressant dans cette méthode de corruption, c'est que tout est légal : il n'y a pas de valeur fixe pour une œuvre d'art, elle vaut ce que les gens sont prêts à payer pour elle. Il est arrivé que Van Gogh donne une toile pour payer un repas dans une auberge. D'autres artistes en ont fait autant, à l'époque où ils tiraient le diable par la queue. La même toile vaudrait maintenant des millions d'euros.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptySam 18 Juil 2015 - 22:51

Yohannès avait été soigné dans un hôpital d'Hyltendale après les tortures physiques et morales que lui avait fait subir Tawina, son ancienne épouse psychopathe. Il était ensuite resté quelques semaines à Hyltendale, dans un hôtel bon marché, avant de retourner provisoirement à Ulthar pour régler ses affaires.

Il avait profité de son séjour pour visiter plusieurs quartiers d'Hyltendale, jusqu'à ce qu'il trouve, par l'intermédiaire d'une agence immobilière, un logement de 20 m2 correspondant à ses besoins et à sa nouvelle situation financière, et il s'y était finalement installé. Il aurait pu acheter un logement plus grand dans un quartier périphérique, mais il avait envie d'être proche du centre ville, seul quartier réellement animé d'Hyltendale, avec le Quartier du Port.

Les quelques semaines où Yohannès habita dans un hôtel d'Hyltendale furent une période assez étrange de sa vie. Il y découvrit la solitude, et même une certaine pauvreté car il n'osait pas faire de grosses dépenses, dans l'état d'incertitude où il se trouvait vis-à-vis de Tawina, avec qui il était toujours en procès. Pour meubler ses longues heures d'oisiveté, il lisait des livres bon marché.

Il s'était imprégné de l'ambiance tranquille de la ville, si différente de celle d'Ulthar. Les jardins publics, notamment, lui plaisaient. On peut souvent y voir des enfants, si rares à Hyltendale, mais surtout, ce sont des œuvres d'art, conçues par des paysagistes de talent. Les jardiniers municipaux sont des androïdes vêtus de blouses grises et coiffés de chapeaux de paille tressée, comme les paysans des siècles passés, et ils travaillent comme autrefois, avec les mêmes outils.

Les fembotniks qui habitent des logements exigus considèrent, par nécessité, les magasins, les bars et les parcs comme des extensions de leur domicile. Les autorités municipales le savent, et elles ont généreusement pourvu les jardins publics de bancs et de tables fixés au sol. Il est fréquent d'y voir des fembotniks y déjeuner ou y jouer aux cartes avec leur gynoïde.

Yohannès, qui n'était pas encore remis de ses fractures et des mauvais traitements qu'il avait subis, se sentait souvent bien seul. Il allait tous les jours dans un parc situé près de l'hôtel, et s'asseyait sur un banc, avec un livre et un carnet dans lequel il notait ses pensées et tout ce qui lui paraissait avoir de l'intérêt.

Au cours de ses pérégrinations à travers la ville, il avait visité un  assez grand nombre de logements, notamment un micro-appartement de 12 m2, la plus petite surface que l'on puisse louer légalement à Hyltendale.

Le micro-appartement, visiblement conçu pour un être humain vivant en couple avec une gynoïde ou un androïde, était meublé, pour montrer aux acquéreurs éventuels comment ce type de logement exigu peut être aménagé.

Yohannès avait fait un croquis rapide et pris des notes, sous le regard impassible de l'agent immobilier, qui était un androïde. Il avait aussi fait la liste du mobillier :

Un lit pour deux personnes, surélevé, avec des espaces de rangement dessous. Une petite table à côté du lit, une chaise, un évier/lavabo, avec une poubelle dessous. Des WC avec une porte accordéon. Une cabine de douche. Une porte d'entrée recouverte d'un rideau de feutre, censé absorber les sons. Un petit réfrigérateur, avec un four à micro-ondes dessus. Un pendant à vêtements, comme dans les magasins. Une étiquette indiquait que le pendant était préférable à une armoire, parce qu'on pouvait y laisser sécher le linge et les serviettes de toilette.

Yohannès s'était demandé, lui qui avait passé toute sa vie dans une vaste et luxueuse maison patricienne à Ulthar, comment on pouvait passer des années, voire toute une vie, dans un endroit aussi petit. Par manque de place pour ranger des vêtiments, il fallait sans doute porter toujours les mêmes chemises, les mêmes vestes et pantalons. Avoir toute sa bibliothèque sur son ordinateur portable, sauf peut-être ses trois ou quatre livres favoris, ceux que l'on relit sans se lasser. Dans le micro-appartement visité par Yohannès, ils avaient leur place sous le lit, à côté des chaussures.

Les habitants des micro-appartements regardent la télévision sur leur ordinateur, qu'ils rangent sous leur lit lorsqu'ils ont besoin de l'unique table pour manger ou pour faire la cuisine. En bon fembotniks, pour échapper à l'ennui de n'avoir toute sa journée que leur gynoïde à qui parler, ils lui demandent, au moins une fois par jour, de se couvrir la tête d'un masque-cagoule et de jouer un rôle. Ils se donnent ainsi l'impression d'avoir une vie sociale. Yohannès avait toujours trouvé cela un peu pathétique.

Il avait finalement acheté un appartement de vingt mètres carrés, ce qui reste dans le concept du micro-appartement. Yohannès n'avait pas eu le choix, c'était tout ce qu'il avait les moyens d'acheter, depuis que Tawina avait détourné la moitié de sa fortune.

À peine installé dans son logement, Yohannès avait décidé de trouver une compagne. À Hyltendale, pour un homme dans sa situation, cela voulait dire une gynoïde. Il était donc allé dans une agence de location d'humanoïdes, un peu honteux de sa démarche.

Il avait été reçu dans un bureau impersonnel par une gynoïde brune en tailleur bleu marine, avec un badge sur la poitrine sur lequel était écrit son nom, Conatia, et son matricule. Elle lui avait montré un catalogue et lui avait posé plusieurs questions concernant sa personnalité et ses projets à Hyltendale.

La conversation n'avait duré qu'une dizaine de minutes. Yohannès avait eu l'impression, justifiée, que la gynoïde le connaissait déjà. Il avait été soigné par des gynoïdes et des androïdes à l'hôpital Madeico, et tous les cybersophontes, dont les gynoïdes font partie, appartiennent à la même conscience collective. Leurs cerveaux font partie du même réseau cybernétique. Ce que l'un des cinq cent mille humanoïdes d'Hyltendale sait, tous les autres humanoïdes le savent.

Le catalogue contenait des dizaines de photos de gynoïdes de charme, aux longs cheveux de toutes les couleurs imaginables. Yohannès avait hésité, puis il avait fini par dire :

"Vous savez, ce n'est pas une gynoïde de charme que je cherche. J'ai besoin d'une présence, de quelqu'un qui me rassure. Ces gynoïdes, dans votre catalogue, elles ressemblent, excusez-moi de le dire, à des actrices p0rno. Elles sont belles, certes, mais ce n'est pas du tout ce que je cherche. Je voudrais quelqu'un comme sur ces photos, dans les dernières pages du catalogue."

- Quel modèle désirez-vous ? demanda Conatia.

- Euh... Celle-là, par exemple, avec les cheveux blancs coupés en casque.

- C'est un modèle plutôt utilisé comme gynoïde de travail, dans les hôpitaux ou les magasins, ou comme garde-malade. Vous serez satisfait, elle vous traitera bien. Si vous changez d'avis plus tard, nous pourrons vous en louer une autre, d'un modèle différent. Je dois vous préciser que chaque gynoïde a un visage individualisé, les traits du visage sont déterminés de façon aléatoire, dans des limites précises pour chaque modèle. Celle que vous recevrez n'aura sans doute pas exactement le même visage que celle qui figure dans le catalogue, mais elle lui ressemblera, au moins comme une cousine.

- Comment s'appellera-t-elle ?

- Pour l'instant, elle n'a qu'un matricule. Vous pouvez lui donner le nom que vous voulez. Sinon, elle s'appellera Shonia.

- Alors, Shonia.

- Elle s'appellera donc Shonia. Il lui faut une heure pour venir du dépôt jusqu'ici. En attendant, je vais vous demander de signer le contrat et de faire le premier versement. Vous pouvez payer par carte de crédit.

Yohannès signa le contrat et fit le versement demandé.

La gynoïde Conatia semblait avoir toutes les informations dans sa tête, et elle avait annoncé la venue de Shonia sans avoir passé le moindre appel téléphonique ni utilisé d'ordinateur. Il en est ainsi avec les cybersophontes, dont les cerveaux sont reliés entre eux par radio. Dans un monde non-scientifique, on appellerait cela de la télépathie.

Au moment de sortir du bureau pour aller attendre dans le hall, Yohannès commit un petit impair. Il dit farna, équivalent de Monsieur, Madame ou Mademoiselle en mnarruc, à Conatia, alors qu'il aurait dû lui dire yefemu (gynoïde). Une gynoïde n'a pas d'âme, c'est une machine intelligente, il n'y a donc pas lieu de l'appeler farna, ce serait aussi incongru que de dire "Madame" à une voix enregistrée.

Même si les Mnarésiens disent farna aussi bien à un homme qu'à une femme, cela ne signifie nullement que la société mnarésienne soit féministe. Elle est, au contraire, nettement autoritaire et conservatrice.

Les cyborgs, contrairement aux autres humanoïdes, ont une âme, une volonté autonome, il faut donc les appeler farna. Physiquement, ils ressemblent à des androïdes ou à des gynoïdes, mais ils s'en distinguent par le fait qu'ils ont un nom complet, avec prénom et patronyme, contrairement aux humanoïdes, qui n'ont qu'un nom unique et un matricule. Appeler un cyborg femu (androïde) c'est s'attirer immédiatement une protestation indignée, et risquer de le vexer profondément.

Conatia, qui n'était pas une cyborg, se contenta de dire à Yohannès : "Je suis une gynoïde, Monsieur Ken." In sor yefemu, farna Ken.

Yohannès ne comprit pas tout de suite qu'il avait fait une erreur, d'ailleurs bénigne, et alla dans le hall de l'agence attendre la nommée Shonia. Au bout d'une heure environ, il la vit arriver.

Malgré la chaleur d'un matin ensoleillé, elle portait une tenue typiquement hyltendalienne, chapeau noir et imperméable noir. Elle tirait derrière elle une valise à roulettes. Avec ses cheveux blancs, elle ressemblait à une veuve qui part en voyage organisé.

"Bonjour, Monsieur Yohannès Ken" dit-elle avec la voix de l'actrice Rita Wemnaith. "Je suis Shonia, votre gynoïde personnelle."

À Hyltendale, la voix Rita Wemnaith est celle de toutes les gynoïdes de travail, et aussi celle des annonces que l'on entend dans les gares, les ascenseurs et les services d'aide en ligne. C'était aussi celle de Conatia.

Yohannès ressentit l'envie fugace de tourner les talons et de s'enfuir. Il se leva de son siège et répondit :

- Bonjour, Shonia.

- Pouvons-nous aller chez vous ? Je voudrais déposer mes affaires, et commencer à vous servir.

L'appartement de Yohannès était à dix minutes à pied de l'agence. Il sortit dans la rue avec Shonia. Sur le trottoir, la moitié des passants étaient des androïdes et des gynoïdes, et personne ne fit attention à eux.

Yohannès ne disait rien. Shonia mit son bras libre sous le sien :

"Monsieur Ken, je suis votre gynoïde personnelle" dit Shonia. "Et vous êtes mon maître. Puis-je vous appeler Maître ?"

- Oui, bien sûr.

- Maître, j'ai hâte d'arriver chez vous ! Vous me direz ce que je dois faire !

- Euh...

- Mais je sais ce que je dois faire, je suis votre gynoïde personnelle. C'est-à-dire votre servante et, si vous le désirez, votre concubine.

Yohannès se sentit rougir et ne dit rien.

Dix minutes plus tard, ils étaient dans l'appartement de Yohannès. Shonia semblait déjà connaître les lieux. Bien sûr, des androïdes ont travaillé dans l'appartement, se dit Yohannès. Ce qu'un humanoïde sait, tous le savent...

Yohannès n'était ni jeune ni en bonne condition physique, et même son état psychologique n'était pas terrible. Presque chaque nuit, il faisait des cauchemars où il revivait les tortures qu'il avait subies. Shonia et lui se serraient alors dans les bras l'un de l'autre.

Le lendemain, Shonia emmena Yohannès au Cercle Paropien, qui était situé assez près de leur domicile, et l'encouragea à s'y inscrire. "Maître, vous avez besoin d'avoir une vie sociale" lui dit-elle.

Parfois, Shonia, revêtait un masque-cagoule pour jouer, par exemple, le rôle d'un étudiant à qui un professeur, joué par Yohannès, faisait passer un oral. Ces exercices faisaient le plus grand bien à Yohannès. Ils lui redonnaient confiance en lui. Une chose le troublait, pourtant : lorsqu'elle portait un masque d'homme, Shonia prenait une voix d'homme, la voix du défunt acteur Lester Hastat, qui est celle de la plupart des androïdes, des klelwaks et des cybercerveaux masculins.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyDim 19 Juil 2015 - 8:41

Shonia a écrit:
"Je suis votre gynoïde personnelle" dit Shonia. "Et vous êtes mon maître. Puis-je vous appeler Maître ?"
Ce à quoi, à la place de Yohannès, j'aurais été un peu décontenancé, et je m'en serais sorti par une boutade du genre :


« Euh... peut-être pas. Comme vous le savez, je ne suis pas avocat. Appelez-moi plutôt par mon prénom : Yohannès. Et p'is on pourrait se tutoyer, ça faciliterait les échanges, non ? ».

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyDim 19 Juil 2015 - 9:44

On peut considérer que Yohannès est un peu dépassé par la situation et qu'il se laisse ballotter par les événements. De plus, pas mal d'hommes ne détestent pas qu'on les appelle "Maître", ça les valorise...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyDim 19 Juil 2015 - 11:22

Anoev a écrit:
« Euh... peut-être pas. Comme vous le savez, je ne suis pas avocat. Appelez-moi plutôt par mon prénom : Yohannès. Et p'is on pourrait se tutoyer, ça faciliterait les échanges, non ? ».
J'avais pensé à une réponse de ce genre, qui aurait aussi été la mienne, mais je me suis dit que Yohannès, avec son histoire personnelle (il est sorti de l'hôpital il y a quelques semaines...) réagirait différemment. N'oublions pas qu'il a été détruit psychologiquement par Tawina et qu'il est encore en phase de reconstruction. Il est encore fragile.

Shonia est, théoriquement et pratiquement, une machine, mais une machine télécommandée par une intelligence artificielle. Faut-il tutoyer ou vouvoyer une intelligence artificielle ? J'ai un ami, professeur d'université à la retraite et très "vieille France", qui tutoie son ordinateur : "Mais veux-tu obéir !" (phrase fréquente). Comme cet ami est, dans la vie courante, extrêmement réticent à tutoyer qui que ce soit (il se faisait remarquer à l'université en vouvoyant tous ses collègues sans exception) j'en conclus qu'il est légitime de tutoyer une intelligence artificielle.

L'inverse n'est pas vrai. Lorsque mon ordinateur me parle, il me vouvoie : "Voulez-vous enregistrer les modifications apportées au dossier XYZ ?" Il ferait beau voir qu'il se permette la moindre familiarité avec son maître...  Cool

À noter que le vouvoiement n'existe pas en Mnarruc. Lorsqu'on parle à quelqu'un à qui on veut montrer son respect, on remplace le pronom singulier de deuxième personne, amu, par un mot comme farna (Monsieur/Madame/Mademoiselle) ou par l'équivalent mnarruc de "Excellence", "Votre Honneur" ou "Votre Majesté".

Lorsque Shonia dit "Maître" à Yohannès, elle remplace simplement le prénom amu par le mot kir (maître).

Est-ce que tu veux manger maintenant ?
Nad amu ono nivne bun ?
est-ce-que toi vouloir manger maintenant

Maître, voulez-vous manger maintenant ?
Kir ono nivne bun le ?
maître vouloir manger maintenant non

La plupart des fembotniks demandent à leur gynoïde de les tutoyer, mais uniquement quand elle est dans son rôle de concubine. Wink

PatrickGC a écrit:
On peut considérer que Yohannès est un peu dépassé par la situation et qu'il se laisse ballotter par les événements. De plus, pas mal d'hommes ne détestent pas qu'on les appelle "Maître", ça les valorise...
Et Yohannès a besoin d'être valorisé, après la descente aux enfers qu'il a connue. En son for intérieur, il n'a pas le sentiment d'être dépassé par la situation : il a réussi à fuir Tawina et à sauver la moitié de sa fortune ; ayant décidé de vivre en rentier à Hyltendale avec une gynoïde, il a acheté un logement sur place et loué une gynoïde. De son point de vue, il a réagi de manière rationnelle en fonction des circonstances.

En lui faisant faire des jeux de rôle et en le poussant à s'inscrire dans un club, Shonia fait le travail que Yohannès attend d'elle. En plus d'être sa servante et sa concubine, elle est aussi son coach, même si c'est formulé différemment dans le contrat : "la gynoïde agira comme une amie bienveillante envers le loueur."

Il est vrai que Yohannès est un faible. Né dans une famille aisée qui l'avait toujours préservé des difficultés, intelligent, mais maladroit et timide avec les femmes, facilement manipulable, il n'avait jamais réellement souffert avant d'épouser Tawina.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyVen 24 Juil 2015 - 14:07

Dès sa sortie de l'hôpital Madeico, avant même d'acheter un logement à Hyltendale, Yohannès avait commencé à porter le costume noir des Hyltendaliens. À l'époque, après les articles de journaux qui avaient parlé de la catastrophe qu'avait été son mariage, il voulait éviter d'être reconnu dans la rue par des gens qu'il aurait pu connaître à Ulthar, ou qui auraient vu sa photo dans le journal. En costume noir, il n'était pas Yohannès Ken, mais un Hyltendalien qui ressemblait à Yohannès Ken. Pour les mêmes raisons, il essayait de minimiser son accent ultharien, sans trop de succès.

L'usage hyltendalien veut que, sous la veste, on porte soit une chemise blanche, soit une chemise noire. La cravate, toujours noire et étroite, est facultative. Les femmes portent les mêmes vêtements que les hommes, mais jamais de cravate. Elles portent des chaussures noires à talons plats.

Lorsque le temps est froid ou pluvieux, les Hyltendaliens des deux sexes adeptes du costume noir portent un imperméable et un chapeau, également noirs.

Les fembotniks sont encouragés par leur gynoïde à s'habiller à la mode hyltendalienne : "Maître, les gens que vous rencontrez vous jugent aussi à votre tenue. Celle que vous portez actuellement montre que vous venez d'une autre ville et que vous vous souciez peu de votre apparence et de la mode. Mettez donc un costume noir, c'est la tenue des gens respectables à Hyltendale."

Le costume noir n'est pas la tenue de la majorité des Hyltendaliens, ni même de la majorité des fembotniks. Il est porté par les androïdes et les gynoïdes, bien que, vu de près, leur costume ressemble plutôt à un pyjama de toile noire, boutonné jusqu'au cou. Par temps chaud, les habitants humains d'Hyltendale portent le même type de veste-chemise, à la fois commode et décent.

Les androïdes et les gynoïdes, qui se ressemblent tous, portent souvent un badge nominatif.

Shonia est habituellement vêtue d'un ensemble veste-pantalon de toile beige et d'une casquette publicitaire HAXVAG. Elle n'a pas de badge nominatif, ses vêtements, toujours les mêmes, permettant de la reconnaître facilement.

Les klelwaks à la peau verte, omniprésents à la campagne mais rares en ville, portent des blouses grises raccommodées, avec un badge nominatif, et éventuellement des chapeaux de toile, dont le rebord empêche les gouttes de pluie d'atteindre leurs optiques. Ils ne portent pas de chaussures, leurs pieds étant munis de semelles souples et finement crantées.

Les  humanoïdes portent aussi ce que l'on appelle les tenues professionnelles : blouses blanches dans le secteur médical, costume noir et tablier blanc des serveurs de café et de restaurant, etc.

On trouve aussi à Hyltendale un nombre assez important d'hommes portant robe et perruque, ou accompagnés d'humanoïdes d'un mètre de haut. Partout ailleurs dans le royaume de Mnar ils seraient lapidés par la foule, mais à Hyltendale ils sont tolérés. Toutefois, ils ne sont pas acceptés dans les clubs de fembotniks comme le Cercle Paropien. Les fembotniks d'Hyltendale sont en effet avant tout des Mnarésiens, un peuple où même les rebelles sont socialement conservateurs. C'est pourquoi les fembotniks rejetés par leurs concitoyens ont créé leurs propres associations, dont le Club Antinoüs est la plus connue. Perrine Vegadaan, qui vit avec Hugo, un androïde au physique d'enfant, n'a été acceptée au Cercle Paropien qu'après avoir plaidé sa cause auprès du bureau exécutif du cercle.

Yohannès se souvient encore de son arrivée au Cercle Paropien. Il avait passé sa première nuit avec Shonia, et c'était la première fois depuis sa sortie de l'hôpital, plusieurs semaines aupravant, qu'il avait eu une vraie conversation avec quelqu'un. Non seulement avec Shonia, mais aussi avec Gaïus.

Shonia avait passé une cagoule verte par dessus sa tête, et prenant la voix de Lester Hastat, elle avait dit : "Maintenant, je suis Gaïus. Shonia est neutre, mais moi, Gaïus, j'ai des opinions, proches des tiennes. Je suis ton vieux pote, mais aussi ton professeur. Parfois aussi, je serai ton étudiant."

Shonia avait ensuite mis une autre cagoule, sur laquelle était peint le visage d'un homme à la moustache et aux cheveux blancs.

"Maintenant, je suis Brad" avait dit la voix de Lester Hastat. "Le journaliste-baroudeur, et ton ami. L'homme avec qui on aime boire une bière en parlant des choses de la vie, en toute confiance. Brad se contrefiche des conventions sociales, il a vu trop d'horreurs dans sa vie. Parler avec une seule personne, c'est mieux que rien, mais ce n'est pas suffisant. Parler avec deux personnes, c'est déjà mieux. Parler avec trois personnes, c'est-à-dire avec Shonia, Gaïus et moi, c'est avoir une vie sociale. D'autant plus que Gaïus peut jouer un grand nombre de rôles différents."

Yohannès avait été émerveillé. Les semaines, précédentes, il s'était aperçu que lorsqu'on est seul à Hyltendale, on est vraiment seul. Dans n'importe quelle ville du Mnar, on peut discuter de l'actualité ou du temps qu'il fait avec le marchand de journaux ou avec un patron de bistrot, en buvant un café ou une bière au comptoir. Mais à Hyltendale, le marchand de journaux est un androïde qui n'est pas là pour bavarder. Il y a des bistrots à Hyltendale, mais Yohannès n'a jamais fréquenté ce genre d'endroits.

Shonia avait encouragé Yohannès à se rendre au Cercle Paropien, pour qu'il rencontre de vrais humains. Shonia, Gaïus et Brad, c'est bien, mais ce n'est qu'une imitation du contact avec de vrais humains.

Le Cercle Paropien est situé au rez-de-chaussée d'un immeuble, rue Parope. L'adresse est celle d'une ancienne agence immobilière désaffectée. Le cercle a finalement loué tout la moitié du rez-de-chaussée de l'immeuble. Au-dessus de la porte figure l'inscription PAROP MERE SERKL, qui signifie "cercle de la rue Parope". La langue mnarésienne distingue le cercle en tant qu'établissement, serkl, et le cercle en tant que figure géométrique, kirkl. On entre dans un vestibule, où un androïde à la carrure impressionnante, vêtu de noir, vous regarde sans rien dire. Si vous êtes accompagné d'un ou d'une humanoïde, ou si vous êtes un symbiorg ou un cyborg, il vous laisse passer.

La première pièce dans laquelle on pénètre après le vestibule est le bar. Shonia montra à Yohannès la salle à manger, la cuisine, les salles de réunion, et l'ascenseur qui mène au toit de l'immeuble, dont une partie est aménagée en terrasse, avec des plantes en pot et des meubles de jardin. Le reste du toit est recouvert de panneaux solaires.

"La terrasse est à la disposition exclusive du cercle" dit Shonia. "Quand il fait beau, c'est bien agréable d'y jouer aux cartes en buvant un verre."

L'immeuble n'était pas très haut, mais la vue était assez agréable. Au sud, on devinait la mer, au-delà des grues de Fotetir Tohu, le quartier du port.

"Je ne sais pas jouer aux cartes" dit Yohannès.

"Tu apprendras" lui répondit sa compagne. "Il s'agit surtout d'être avec des gens. On joue à la bataille, c'est le jeu de cartes le plus simple."

Yohannès se retrouva assis autour d'une table avec trois membres du cercle, qu'il ne connaissait pas. Une femme nommée Kontshessa,  hideuse comme une guenon, présidait la partie.

"Soyez le bienvenu parmi nous, Yohannès" dit la femme. "Je m'appelle Kontshessa. Normalement, ça s'écrit avec un c derrière le t, mais ici au royaume de Mnar je fais comme les Mnarésiens, j'écris mon nom avec un s derrière le t. Le jeu de bataille est le  plus simple, et dépend entièrement du hasard, donc les chances sont égales pour tous, débutants aussi bien que joueurs expérimentés. La partie dure une heure. À la fin de la partie, le vainqueur est celui qui a gagné le plus de batailles, ou, à défaut, celui qui a le plus de cartes en main."

Yohannès s'aperçut que le jeu était effectivement très simple, un prétexte pour être ensemble entre humains en échangeant quelques mots. Tout en jouant, Kontshessa expliquait les règles du jeu à Yohannès, et la valeur des cartes. Les deux autres joueurs, deux hommes nommés Burgô et Soubokaï, se contentaient de dire, à l'occasion, "Bataille !" ou "J'ai gagné !"

Soubokaï était tellement obèse qu'il ne pouvait se déplacer qu'avec une canne. Burgô parlait avec un léger accent étranger. Yohannès apprit plus tard que c'était un Ward des Indes Ultimes, un peuple dont les marins ont, dans l'antiquité, souvent abordé à Dylath-Leen, la ville légendaire qui a précédé Hyltendale.

Une partie de carte, dans un club de fembotniks, c'est presque une cérémonie. On parle peu et lentement, on savoure le fait d'être ensemble, et il n'est pas interdit de se sourire. Les gestes sont lents et précis, comme dans un rituel.

Kontshessa fit signe à un serveur androïde, reconnaissable au tablier blanc qu'il portait sur son costume noir. Les quatre joueurs commandèrent des boissons fraîches, qu'ils payèrent en espèces au serveur.

Yohannès fit comme les autres convives, il but à petites gorgées dans son verre. Consommer ensemble de la nourriture, ne serait-ce que sous la forme d'une boisson, est une activité sociale au moins aussi ancienne que l'humanité. Elle fait partie de notre ADN. Au Cercle Paropien, il n'est pas concevable de jouer aux cartes sans que chaque joueur n'ait devant sa main droite au moins un verre d'eau ou une tasse de café.

Yohannès sentit la magie de la cérémonie du jeu de cartes monter en lui. Le sentiment d'être entre amis, sans avoir besoin de connaître les autres joueurs, ni de parler en faisant des phrases. Le fait de boire ensemble, ne serait-ce que de l'eau, était l'un des ingrédients de ce sentiment magique.

Kontshessa faisait un trait sur un petit bloc-note chaque fois qu'un joueur gagnait une bataille. Au bout d'une heure, elle signala la fin de la partie. Burgô avait gagné le plus de batailles, il n'était donc pas nécessaire de compter les cartes.

Les joueurs se dirent au revoir et se séparèrent, à la manière un peu abrupte des fembotniks.

En repassant par le vestibule avec Shonia, Yohannès écrivit son nom sur le registre et paya sa cotisation annuelle auprès de l'androïde.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyVen 24 Juil 2015 - 15:36

Vilko a écrit:
Burgô parlait avec un léger accent étranger. Yohannès apprit plus tard que c'était un Ward des Indes Ultimes, un peuple dont les marins ont, dans l'antiquité, souvent abordé à Dylath-Leen, la ville légendaire qui a précédé Hyltendale.

Un Ward ?
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyVen 24 Juil 2015 - 17:25

Emanuelo a écrit:
Un Ward ?
Absolument. Les deux volumes de "Ward" font partie de mes livres de chevet, et je corresponds occasionnellement avec leur auteur, Frédéric Werst. Les marins wards ont d'ailleurs laissé quelques noms de lieux au royaume de Mnar, comme Yarthen, nom d'un quartier d'Hyltendale, qui signifie "les colombes" en wardwesân.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyDim 26 Juil 2015 - 0:27

Le point central de Tokyo, c'est le Palais Impérial. Celui de Paris, c'est Notre-Dame, point zéro des routes des France. À Dibadi, c'est la Porte de l'Ouest, une ancienne fortification, qui comme son nom ne l'indique pas, se trouve au centre de la ville moderne.

Le point central d'Hyltendale, au moins dans l'esprit de ses habitants, c'est la gare, bien que géographiquement elle se trouve dans la partie ouest.

Hyltendale est une ville pauvre en gares, puisqu'elle ne compte qu'une seule gare de voyageurs, dans le Centre Ville (Sitisentr). Il existe bien une autre gare, à Faigorrim, mais elle est réservée aux marchandises. Faigorrim fait partie, administrativement, de la ville d'Hyltendale, c'est pourquoi la gare du Centre Ville est parfois appelée la Gare Centrale, pour la distinguer de celle de Faigorrim.

La gare d'Hyltendale, dont l'intérieur est recouvert de carreaux de faïence blanche, pour maximiser la lumière, est un grand bâtiment de béton, de verre et de métal, qui ne manque pas d'allure. Surtout par rapport au reste de la ville, où dominent les cubes grisâtres aux toits plats recouverts de panneaux solaires. Même la mairie et le palais du gouverneur sont cubiques. L'effet un peu déprimant que produit souvent ce type de bâtiments, surtout lorsqu'il monopolise l'espace urbain, est atténué par le profusion des parcs et jardins publics, conçus comme des œuvres d'art.

Le quartier de Zodonie, composé de quelques rues piétonnes, se trouve entre la gare et la mairie, dans la partie sud de l'avenue Helierte. Le palais du gouverneur et le musée Locsap se trouvent dans la rue Kharawan, qui prolonge l'avenue Helierte vers le sud-est. Les bureaux des sociétés commerciales, les hôtels, les restaurants, les cafés et les commerces de luxe sont concentrés dans la rue Kharawan, où les loyers sont les plus chers d'Hyltendale. Zodonie est plus spécialement dédiée au tourisme sexuel. Les hôtels, les restaurants et les cafés y sont meilleur marché que dans la rue Kharawan, tout en restant relativement chers.

Les Chemins de Fer Mnarésiens sont propriété de la couronne. Suite à un accord passé entre le gouvernement royal et les syndicats, le personnel est entièrement composé d'êtres humains. Toutefois, la gare de Faigorrim est une construction récente, et elle n'appartient pas aux Chemins de Fer Mnarésiens, mais à la société Wohlgrim. Le personnel qui travaille à la gare de Faigorrim est composé d'androïdes et de robots.

À la Gare Centrale, en revanche, tout le personnel portant l'uniforme bleu des Chemins de Fer est uniquement constitué d'êtres humains, mais les boutiques situées à l'intérieur de la gare sont louées par des sociétés hyltendaliennes, et seuls des humanoïdes y travaillent.

Avant la venue des cybersophontes et des fembotniks, la gare d'Hyltendale se trouvait à la périphérie de la ville, au milieu des jardins et des fermes. L'ancien bâtiment, petit et vétuste, a été détruit pour faire place à la gare moderne, pendant que des immeubles cubiques et des maisons individuelles bâties dans le même style géométrique que les immeubles, étaient édifiés pour loger les centaines de milliers d'habitants supplémentaires venus de tout le royaume et de la campagne environnante.

La gare d'Hyltendale est le point par lequel la plupart des visiteurs découvrent Hyltendale. Même ceux qui viennent en voiture passent devant, par l'avenue Helierte, qui prolonge vers le sud l'autoroute Ulthar-Hyltendale, sauf s'ils choisissent de passer par Tomorif. Seuls les gens qui viennent à Hyltendale en bateau ou en hydravion ne passent pas par la gare.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyDim 26 Juil 2015 - 9:04

Je suppose que les lignes sont électrifiées (pas besoin de gazole) ? en courant (alternatif) à très haute tension (économe en sous-stations) ? 15 à 35 kV, par exemple ? Pour la fréquence : 16 ⅓ Hz (germanique), 25 Hz (US ancien), 50 Hz (Hongrie, France, puis beaucoup de pays), 60 Hz (US "récent", Japon, Corée du sud, Brésil), ou bien fréquence originale*, due aux spécificités mnarésiennes (mais ça limite les importations sans transformations sur place).






*Chez moi, c'est pas la fréquence qui est originale (50 Hz) mais la tension qui est restée à 15 kV (au lieu d'être relevée à 25 kV) pour des raisons historiques : l'ancien courant était 15 kV 16 ⅓ Hz et seule la fréquence fut modifiée pour les lignes électrifiées après-guerre civile (puis, la fréquence des anciennes lignes fut relevée). Ainsi, les loco à redresseurs étaient "naturellement" bifréquence : le transfo était simplifié (pas besoin de transformer deux tensions comme chez nous), il suffisait simplement que les self de lissage "avalent" corresctement les ondulations du courant à faible fréquence (16 ⅓ Hz).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyDim 26 Juil 2015 - 10:05

Anoev a écrit:
Je suppose que les lignes sont électrifiées (pas besoin de gazole) ?
Les lignes de train qui vont jusqu'à Faigorrim et Hyltendale sont électrifiées, et raccordées au réseau électrique hyltendalien, qui est constitué de plusieurs dizaines de centrales solaires disséminées à la campagne. L'électricité produite est stockée grâce au "gaz pensant" des cybersophontes, que l'on appelle ailleurs du yeksooch (rainab en mnarruc). Le réseau électrique est conçu pour être très difficile à mettre en panne, il faudrait attaquer en même temps plusieurs dizaines de centrales solaires protégées par des klelwaks armés.

Parallèlement, les cybersophontes pourraient mettre à l'arrêt le système ferroviaire en le privant d'électricité. En effet, le roi sait que les employés des Chemins de Fer Mnarésiens sont plutôt républicains, et représentés par des syndicats dont la sympathie était du côté des rebelles. Ils se sont mis en grève pendant les Évènements et ont occupé et bloqué la gare.

Le roi Andreas a tiré la leçon des Évènements. Les humanoïdes n'avaient pas d'arme à feu à l'époque. Maintenant ils en ont, et en cas de rébellion ils pourraient prendre le contrôle de la Gare Centrale et remplacer les grévistes. Les cybercerveaux, avec lesquels les humanoïdes sont en contact radio permanent, de cerveau à cerveau, ont les connaissances nécessaires pour faire fonctionner les trains.

Les syndicats de cheminots savent que si les humanoïdes les remplaçaient ne serait-ce qu'une fois, ce remplacement aurait toutes les chances d'être définitif, et ce serait la fin de leurs emplois. Mais le roi les a rassurés : il ne tient pas à ce que les cybersophontes, qui contrôlent déjà toute la province d'Hyltendale, contrôlent aussi une partie du réseau ferré national. En contrepartie de son soutien, il demande simplement aux cheminots de lui être loyal. Concrètement, cela veut dire rester neutre et continuer à travailler normalement en cas de nouvelle rébellion dans le royaume.

Dans le reste du royaume de Mnar, c'est-à-dire sur 97% du territoire, une partie du réseau est électrifiée, mais beaucoup de lignes fonctionnent grâce à des locomotives à moteur Diesel. Pendant les Évènements la production d'électricité était devenue incertaine (sauf dans la province d'Hyltendale) et des locomotives à moteur Diesel ont été utilisées sur certaines lignes autrefois électrifiées.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyLun 27 Juil 2015 - 0:46

Parfois, dans ses rêves, Yohannès se voyait revivre son arrivée à Hyltendale. Il était venu dans sa voiture, pour se faire soigner à l'hôpital Madeico. Son état dépressif, ses cauchemars, et les douleurs persistantes qu'il avait à cause des coups reçus et de ses fractures, soigner tout cela avait nécessité une hospitalisation de plusieurs semaines.

Yohannès n'était pas en état de conduire, même simplement pour aller d'Ulthar à Hyltendale. Il avait vendu sa voiture à un Hyltendalien, sous réserve qu'il vienne chercher la voiture à Ulthar et qu'il emmène Yohannès jusqu'au Madeico.

À l'hôpital, Yohannès s'était retrouvé dans une chambre silencieuse et toute blanche, dans les étages d'un des bâtiments. Il avait passé une radio, des attelles avaient été mises sur ses doigts, que Tawina avait cassés et qui étaient toujours douloureux. Une gynoïde brune en blouse bleue, nommée Subula, était restée avec lui presque en permanence, jusqu'à ce qu'il se sente mieux. Elle lui parlait, l'aidait à manger, et lorsqu'il dormait elle s'allongeait sur une couchette à l'autre bout de la chambre. Lorsque Yohannès avait commencé à ses sentir mieux, Subula l'avait accompagné dans ses promenades à l'intérieur de l'hôpital, et ensuite dans le quartier. Elle l'avait même aidé à trouver un hôtel.

Après l'hôpital, il avait vécu dans un hôtel bon marché pendant plusieurs semaines, période de solitude et de démarches variées, d'abord pour acheter un studio, et ensuite pour louer une gynoïde.

Lorsqu'il vivait à l'hôtel, Yohannès prenait tous ses repas dans la salle à manger de l'établissement. La cuisinière, qui manquait terriblement d'imagination, faisait de la soupe aux poireaux au moins un jour sur trois, si ce n'est un jour sur deux. Yohannès avait eu également un aperçu de la faune humaine qui hante les hôtels d'Hyltendale. Il y avait parmi les clients quelques célibataires frustrés qui allaient tous les jours à Zodonie et passaient le reste du temps dans le salon de l'hôtel à discuter de tout et de rien, en buvant du thé et en regardant la télévision. Il y avait aussi d'autres personnes, dont quelques femmes, qui étaient là, disaient-elles, pour rendre visite à des parents ou amis hospitalisés.

Yohannès avait mené à Ulthar la vie d'un bourgeois aisé. À Hyltendale, il découvrait l'existence de cette classe de gens, aux occupations mal définies et sans point d'attache, que l'on rencontre un peu partout dans le royaume de Mnar. Lui-même, se disait-il avec amertume, faisait désormais partie de cette population, au moins provisoirement. Quelle déchéance, se disait-il souvent.

Interrogé sur son passé et sur ses projets par les autres clients de l'hôtel, il était volontairement vague et imprécis, disant qu'il avait travaillé autrefois "dans la finance", mais qu'ensuite il avait été malade, soigné à Hyltendale, et qu'il "faisait un peu de tourisme à Hyltendale avait de prendre une décision pour l'avenir."

Il s'était contredit plusieurs fois, et il était clair, vu l'attitude distante des autres clients à son égard, qu'ils le prenaient pour un raté en voie de paupérisation. Ce qui aurait été vrai s'il n'avait pas eu plusieurs millions de ducats à son nom, placés sur un compte à la Coney's Bank et qui lui rapportaient des dividendes grâce à quelques placements. Mais il n'avait rien dit à personne à ce sujet. On ne parle pas de ses millions lorsqu'on vit au milieu de gens qui vivent presque au jour le jour.

Une fois installé avec Shonia dans son studio, Yohannès a découvert une particularité sympathique d'Hyltendale : les épiceries de quartier. Elles sont petites, en moyenne une cinquantaine de mètres carrés. On y vend de la nourriture, notamment des plats cuisinés, du vin et de la bière, mais aussi du dentifrice, des journaux, des chapeaux de pluie à un ducat, de l'aspirine... À Hyltendale, les épiceries de quartier sont conçues pour les fembotniks. Tout est donc proposé en petites portions ou en format réduit, pour des personnes vivant seules avec une gynoïde ou un androïde. Le personnel est toujours composé de deux androïdes de grande taille, et elles sont ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Les rues d'Hyltendale sont sures, et certains fembotniks aiment aller faire leurs courses après minuit, avant de se coucher vers deux heures du matin. Il arrive à Yohannès d'en faire autant, lorsque le sommeil tarde à venir et qu'il en a assez de rester enfermé dans vingt mètres carrés.

Certains bars-restaurants pour fembotniks sont aussi ouverts toute la nuit, mais ils sont nettement moins nombreux que les épiceries, car lorsqu'un fembotnik à envie de boire un verre dans un bar à trois heures du matin, il demande à sa gynoïde de l'emmener en vélotaxi à son club ou à Zodonie.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyMar 28 Juil 2015 - 12:52

À Ulthar, d'où Yohannès est originaire, on dit butik pour tous les endroits où l'on vend quelque chose. Le terme est très général, et recouvre aussi bien l'échoppe de l'artisan que le magasin de luxe, la boutique de station-service, l'épicerie ou le supermarché. À Hyltendale, les cybersophontes ont créé les tohu butik, les épiceries de quartier ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Tohu butik a été contracté en tohtik (le h ne se prononce pas). De même, ils distinguent les maetik (supermarchés) et les butikra (centres commerciaux), alors que dans le reste du royaume on dit maed butik (littéralement, "grande boutique"), aussi bien pour un supermarché que pour un centre commercial.

Tous ces mots hyltendaliens — tohtik, maetik, butikra — sont des créations des cybercerveaux, qui aiment donner un nom précis aux concepts sur lesquels ils travaillent. Yohannès a lu le mot tohtik pour la première fois de sa vie sur la devanture d'une épicerie. Maetik et butikra entrent dans des noms comme Odanda Maetik, le supermarché Odanda, où Yohannès fait ses courses.

Pour un natif d'Ulthar comme Yohannès, les innovations lexicales des Hyltendaliens ont un aspect un peu bizarre. En fait, l'accumulation des différences petites et grandes entre Hyltendale et les autres villes du Mnar donnait à Yohannès l'impression curieuse d'être dans un pays étranger : les humanoïdes, les vélotaxis, la préférence affichée pour les costumes noirs, l'accent trop académique...

Yohannès a aussi remarqué qu'à Hyltendale il n'y a ni mendiants, ni malfaiteurs. Il y a bien quelques voyous qui font du désordre dans les hôtels et dans les bars de Zodonie, voire dans la rue, mais ils sont vite repérés et mis au pas par les androïdes. À Hyltendale, si quelqu'un est agressé, tous les humanoïdes qui se trouvent à proximité interviennent, parfois brutalement. Yohannès se promène sans crainte la nuit dans les rues d'Hyltendale. Il n'en ferait pas autant à Ulthar ou à Sarnath.

Comme toutes les villes du Mnar, Hyltendale est périodiquement envahi de mendiants qui viennent par familles entières mendier dans les rues, dormir où ils peuvent et commettre divers larcins. Mais à Hyltendale, ils ne restent jamais longtemps, car des groupes d'androïdes et de klelwaks armés de bâtons les chassent de tous les endroits où ils pourraient dormir. La police municipale les met alors dans des fourgons et les reconduit hors des limites de la province. La légalité de ces actions a été contestée en justice, mais les procès sont bloqués par une décision royale visiblement inspirée par le baron Chim, le conseiller cyborg du roi.

Une autre particularité d'Hyltendale, que les touristes ne remarquent jamais, est que la très grand majorité des résidents humains adultes d'Hyltendale ne travaillent pas. Ils sont retraités, rentiers comme Yohannès, invalides, malades mentaux comme Tawina Zeno, prisonniers ou grabataires. Le docteur Lorenk, dentiste-signataire, est une exception. Ce sont les humanoïdes et les cybercerveaux qui travaillent. Les habitants humains d'Hyltendale ont développé une culture où le statut ne dépend pas de la naissance, et assez peu de l'argent dont on dispose, mais surtout des clubs auxquels on appartient et des activités que l'on pratique au quotidien.

Yohannès Ken, qui habite un studio de 20 m2 et qui fait partie du Cercle Paropien, est dans la moyenne basse des Hyltendaliens. Le docteur Lorenk, dont les revenus sont plus élevés, l'appartement plus vaste, et qui est l'un des membres de l'Adria Nelson, a un statut supérieur à celui de Yohannès. Cette différence de statut se voit aussi dans leurs activités quotidiennes. Yohannès passe ses journées à prendre soin de son esprit et de son corps, avec les moyens limités dont il dispose. Ce sont des activités sans prestige. Lorenk, dentiste-signataire à la Maison Médicale Furnius, connaît des gens importants grâce à l'Adria Nelson, le club des cyborgs hyltendaliens et de leurs conjoints, et il s'attend à ce qu'on lui propose un jour d'exercer une fonction politique.

La différence la plus extrême de statut entre deux êtres humains, à Hyltendale, est celle qui existe, par exemple, entre Tawina Zeno, internée à vie dans un hôpital psychiatrique et privée de liberté, et Perrine Vegadaan, manbotchick (elle vit avec un androïde) et conseillère municipale. Tawina ne possède rien. Perrine vit librement et confortablement, sans plus. Tawina est très isolée. Perrine a beaucoup d'amis et, en tant que conseillère municipale, elle connaît personnellement les dirigeants d'Hyltendale.

Les vrais riches et puissants, à Hyltendale, sont des cyborgs, comme la femme d'affaires Zimara Nadoïro et Tom Soranag, le chef de la police municipale. Ils font partie de l'Adria Nelson, où Perrine Vegadaan ne serait pas acceptée. Le docteur Lorenk fait partie de l'Adria Nelson, mais c'est un symbiorg, un cybercerveau a été greffé à l'intérieur de son corps. Perrine Vegadaan ne pourrait faire partie de l'Adria Nelson que si elle devenait une symbiorg ou si elle était l'épouse d'un cyborg.

Ces différences de statut sont perpétuellement présentes à l'esprit des Hyltendaliens, mais elles sont largement invisibles aux non-initiés. Yohannès Ken et Tom Soranag sont tous les deux vêtus de costumes noirs. La différence réside dans la qualité du tissu et de la coupe. Yohannès Ken et Tom Soranag ne se rencontreront sans doute jamais, mais ils ont un ami commun, le docteur Lorenk, qui fait partie à la fois du Cercle Paropien et de l'Adria Nelson.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyMer 29 Juil 2015 - 13:24

Yohannès paye mille ducats par mois pour la présence et les services de Shonia. En gros, l'équivalent de ce qu'il paierait pour entretenir une épouse humaine sans emploi, en tenant compte du fait qu'une humaine a besoin de plus de place qu'une gynoïde. ll aurait donc besoin d'un logement plus grand, et donc plus cher, pour avoir le même niveau de confort. Une gynoïde, lorsqu'on n'a pas besoin d'elle, reste allongée sur le lit, totalement silencieuse. Ce qui est rarement le cas pour un être humain.

Yohannès, même s'il a perdu la moitié de sa fortune, n'est pas pauvre. Mais vivre en couple avec un seul revenu, c'est diviser son revenu par deux. Yohannès et Shonia ont le même revenu qu'un couple de travailleurs humains gagnant chacun une fois et demi le salaire minimum du royaume de Mnar. Ou comme une caissière de supermarché (salaire minimum) mariée à son chef de rayon (deux fois le salaire minimum). Pour Yohannès, la chute avait été brutale, par rapport à la vie qu'il menait avant, lorsqu'il faisait des investissements financiers avec l'argent qui lui venait de ses parents. Il habitait alors une maison de quatorze pièces dont il avait hérité, et il avait une voiture, ce qui est loin d'être le cas pour tous les Mnarésiens.

Yohannès, en tant qu'ancien financier, savait faire des calculs. Comme divorcé vivant seul, il aurait pu mener joyeuse vie à Ulthar. Mais ce n'était pas son style de vie. Se remarier avec une femme disposant d'un revenu personnel, un salaire par exemple ? Cela aurait été, financièrement parlant, une bonne idée, mais après son expérience désastreuse avec Tawina, Yohannès n'avait nulle envie de se remarier.

De plus, aucune femme humaine ne pouvait être comme Shonia, toujours disponible, jamais malade, toujours d'humeur égale, totalement soumise, et en même temps sachant réparer un robinet qui fuit ou un ordinateur en panne. Robot humanoïde aux jambes infatigables, Shonia sert même de moteur au vélotaxi de Yohannès.

Quelqu'un d'autre que Yohannès aurait fait d'autres choix que lui, et serait resté à Ulthar. Yohannès est parti de cette ville pour plusieurs raisons. En premier lieu, la honte d'être, aux yeux de sa famille et de ses anciens amis, un homme battu, une victime, un idiot incapable d'affronter une femme de caste inférieure qui n'avait ni son intelligence ni sa fortune. Cette honte était concrétisée par le fait qu'il avait dû vendre sa grande maison, et même sa voiture, suite aux machinations de Tawina. Sur le plan professionnel, rien ne le retenait à Ulthar, car il avait fait le choix de devenir rentier, vivant de ses placements.

Le Yohannès d'Hyltendale n'a pas grand-chose de commun avec celui d'Ulthar. Le dandy aisé qui s'affichait avec la belle Tawina dans sa voiture est devenu un presque pauvre en costume noir, qui se déplace en vélotaxi, avec une gynoïde au physique de garde-malade. Le fier rejeton du clan des Ken, reçu dans les meilleures maisons d'Ulthar, n'a plus qu'un club de fembotniks comme vie sociale. Même sa façon de parler a changé : son accent ultharien s'est atténué, au profit de la prononciation pédante et démodée des humanoïdes.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyMer 29 Juil 2015 - 13:32

Pas très folichonne, cette nouvelle vie pour Yohannès...
Mais chacun sa façon de faire et de réagir...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyMer 29 Juil 2015 - 15:04

PatrikGC a écrit:
Pas très folichonne, cette nouvelle vie pour Yohannès...

Mais Yohannès est heureux. Nous pouvons le vérifier grâce à la pyramide de Maslow, le pharaon de la 4e dynastie, bâtisseur de la pyramide des besoins :

Les fembotniks - Page 10 Pyramide_Maslow-2-e1382440759911

Les besoins physiques et de sécurité de Yohannès sont satisfaits. Il mange à sa faim, vit dans un certain confort (son logement est aux normes occidentales) et un État bien organisé assure sa sécurité physique et matérielle.

Ses besoins de socialisation (affection des autres) sont assurés, d'une part, par Shonia et les personnages (Brad et Gaïus) qu'elle joue lorsqu'elle se met un masque-cagoule sur la tête, et d'autre part par ses amis du Cercle Paropien. Évidemment, Yohannès sait que derrière Shonia, Brad et Gaïus, il y a un cybercerveau. Mais cela fait-il une différence au niveau émotionnel ? Pas vraiment, à mon avis.

Ceci étant, il est quand même préférable que Yohannès fréquente aussi de vrais êtres humains. C'est ici qu'intervient son club de fembotniks, le Cercle Paropien.

Au niveau de ses besoins de socialisation, Yohannès est dans la même situation qu'un citoyen, assez chanceux, qui bénéficie de l'affection d'une compagne passionnément amoureuse (Shonia), qui a quelques potes avec lesquels il discute (Brad et Gaïus) ou avec lesquels, de temps à autre, il passe un oral ou en fait passer un (Gaïus). Passer un entretien d'embauche, recruter un candidat, négocier un prix, c'est passer un oral.

Ce citoyen a des collègues de travail, avec lesquels les interactions sont du même ordre que celles que l'on a avec les autres joueurs lorsqu'on joue aux cartes. C'est ce que fait Yohannès au Cercle Paropien.

Voila pour les trois premiers niveaux. Le 4e niveau de la pyramide de Maslow, l'estime, concerne la confiance et le respect de soi, la reconnaissance et l'appréciation des autres. Yohannès est aimé et respecté par Shonia et Brad, respecté par Gaïus. Il est considéré comme un égal par les autres membres du Cercle Paropien. "Il fait partie du club." Donc, pas de problème non plus pour le 4e niveau.

Le 5e et dernier niveau est celui de l'accomplissement. Là, évidemment, quand Yohannès compare ce qu'il est à ce qu'il fut, il se dit qu'il a fortement régressé dans l'échelle sociale...

Mais il peut se consoler en se disant qu'il est bien moins stressé dans sa nouvelle vie que dans l'ancienne. Il peut, à sa guise, étudier, se promener, ou rêvasser. Surtout, il est aimé, même si cet amour est cybernétique. L'amour humain est chimique : une mère aime ses enfants et son compagnon parce que son corps sécrète certaines substances chimiques pendant la grossesse et pendant l'accouplement. L'intérêt que les hommes portent aux femmes est d'origine hormonale. Inversement, l'amour des humanoïdes est cybernétique. Cela revient au même...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyMer 29 Juil 2015 - 20:02

Vilko a écrit:
L'amour humain est chimique : une mère aime ses enfants et son compagnon parce que son corps sécrète certaines substances chimiques pendant la grossesse et pendant l'accouplement. L'intérêt que les hommes portent aux femmes est d'origine hormonale. Inversement, l'amour des humanoïdes est cybernétique. Cela revient au même...
Cet amour, chez les Ptahx, est une cinq branches de l'Étoile, c'est l'amour des proches, et il est relié à un des 4 éléments* : l'eau, l'eau source de vie, l'eau matière nécessaire à la circulation de la semence, la couleur, c'est le bleu, et la pierre associée, toujours selon les Ptahx, c'est l'agate.



*Sinon, pour les autres branches, y a
l'amour du travail bien fait et du progrès, associé au feu ; pierre : rubis
l'amour de son territoire, de son pays, associé, té ! à la terre ; pierre : émeraude
l'amour de sa foi, de ses convictions, associé à l'air, représentée par la topaze (plusieurs couleurs possibles).
la cinquième branche, celle qui pointe vers le haut, représente l'équilibre entre les quatres autres ; métal : l'or.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyMer 29 Juil 2015 - 21:25

Anoev a écrit:
Cet amour, chez les Ptahx, est une cinq branches de l'Étoile
Yohannès pourrait atteindre le 5e et dernier niveau de la pyramide de Maslow, l'accomplissement, s'il recherchait une sorte d'éveil spirituel, comme un moine zen. Son petit logement serait alors l'équivalent d'une cellule de moine. Mais Yohannès, ancien financier, a un esprit plus prosaïque. Ce n'est pas un mystique. Il est satisfait, par ordre d'importance, de manger à sa faim, de dormir dans un lit confortable, d'avoir une gynoïde à son service, de faire partie du Cercle Paropien, et d'avoir, d'une façon générale, une vie tranquille et sans soucis. Il se considère comme un survivant, car il n'oublie pas les tortures que lui a infligées Tawina, tortures dont il aurait pu mourir. La vie prend une saveur particulière quand on sait qu'on a failli la perdre...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyJeu 30 Juil 2015 - 13:52

Les fembotniks aux revenus les plus modestes sont logés dans des studios de 12 m2 tels que celui-ci, qui est un modèle standard. Il est conçu pour un fembotnik (ou une manbotchick) vivant avec une gynoïde ou un androïde. Rappelons que Yohannès et Shonia habitent un studio nettement plus grand, de 20 m2.

Les fembotniks - Page 10 Douze_10

1) rideau coulissant translucide. Permet d'économiser l'électricité : le jour, il est inutile d'allumer la lumière dans les toilettes ou la douche.
2) paroi de verre dépoli, qui laisse passer la lumière
3) rideau anti-bruit, en velours épais. Il empêche d'être gêné par les bruits qui viennent du palier, et aussi d'être entendu depuis le palier.
4) petit meuble de rangement, dont le dessus sert de table de chevet et de plan de travail
5) meuble évier / lavabo, avec égouttoir à vaisselle et miroir. Le dessous sert de rangement
6) table légère, 50 x 80 cm. Elle sert à la fois de table de salle à manger et de table de bureau. L'ordinateur portable du fembotnik, ainsi que ses livres, carnets et stylos, sont rangés dans le petit meuble placé à droite du lit.
7) chaise de cuisine. Il y en a deux, afin que le fembotnik et sa gynoïde puissent manger ensemble (la gynoïde, créature cybernétique, fait semblant de manger) ou faire des jeux de rôle (dialogues) en étant assis à la même table.

Vivre dans un rectangle de trois mètres sur quatre impose une certaine discipline. Il devient vite impossible de circuler à l'intérieur du studio si on laisse traîner ses affaires. Pas un cm2 n'est perdu : le lit est surélevé, pour qu'on puisse ranger des affaires dessous, dans des caisses à roulettes.

Le pendant à vêtements sert de penderie. L'avantage est que les vêtements mouillés sèchent sur le pendant, où l'on accroche aussi les serviettes de toilette. Il n'y a pas de place pour une machine à laver dans le studio, il faut donc soit aller dans une laverie automatique, soit laver le linge à la main dans l'évier/lavabo, et ensuite le faire sécher sur le pendant. Celui-ci ne faisant qu'un mètre de long, les deux occupants du studio n'ont que très peu de vêtements.

Il est impossible de faire les cent pas dans un espace aussi réduit et encombré. Les humanoïdes conseillent de s'allonger sur le dos et de pédaler dans le vide ! Pour faire de la gymnastique, il faut déplacer la table et les chaises et les mettre contre l'évier/lavabo, afin de dégager un espace au sol suffisant.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptyVen 31 Juil 2015 - 15:04

Les fembotniks ne sont pas pauvres, mais ceux qui sont au bas de l'échelle des revenus, et, osons le dire, de l'échelle sociale interne aux fembotniks, sont des gens comme Emil Ti.

Originaire d'Olathoë, Emil Ti est un Inuto de la province de Leng, un petit homme rabougri, très petit (1,50m), qui a servi pendant vingt ans dans l'armée royale. Gravement blessé pendant les Évènements, il a été défiguré lorsque son char a brûlé, et il a perdu un œil et un bras. Il s'est retrouvé à la retraite à 38 ans, avec une pension d'adjudant, cumulée avec une pension d'invalidité. Ses revenus lui permettent, tout juste, de louer une gynoïde et un studio de 12 m2 à Hyltendale.

Emil a toujours été un homme d'action, pas un intellectuel. La perte de son bras droit a été la pire catastrophe qui lui soit arrivée dans la vie. La main de son bras artificiel peut fonctionner comme une pince, mais même les médecins cybersophontes n'ont rien pu faire de plus pour lui. Les cyborgs ont des organes bioniques qui ressemblent à s'y méprendre à des organes biologiques, mais ces organes bioniques sont toujours contrôlés par un cybercerveau greffé à l'intérieur du corps du cyborg. Aucun cybercerveau n'a été greffé à l'intérieur du corps d'Emil, la perte d'un bras et d'un œil n'ayant pas été jugé comme une invalidité suffisamment grave par les médecins militaires.

Emil parle le mnarruc avec l'accent de Leng, et les Hyltendaliens ne le comprennent pas toujours. Sa vie a toujours été centrée sur l'armée, et il a toujours passé ses loisirs à boire de la bière et à fumer en regardant des vidéos. Il n'a connu comme femmes que les prostituées des bordels militaires. Sa famille, avec laquelle il a très peu de contacts, vit dans des villages autour d'Olathoë, loin dans le nord.

La gynoïde d'Emil, Brebana, a la même taille que lui, et le physique d'une femme Inuto, avec un visage aux traits à peine marqués, comme ceux d'un bébé, et des cheveux noirs coupés court. Elle porte un ensemble veste-pantalon noir, très hyltendalien. Emil porte un costume noir, pour lui c'est un uniforme civil. La peau synthétique de son visage défiguré ressemble à un masque orange. Il dissimule ses yeux derrière des lunettes aux verres teintés, et il porte une perruque de cheveux courts et noirs pour dissimuler les cicatrices et les marques de brûlure de son crâne.

Emil n'a pas été choqué d'être obligé de vivre dans 12m2. Il a connu pire à l'armée, et il est arrivé à Hyltendale avec les vêtements qu'il portait et une petite valise. Il a deux costumes de toile noire, quatre chemises, et une seule paire de chaussures, mais ce sont de solides godillots militaires. L'hiver, il porte un anorak militaire, vert foncé, avec une capuche.

Ses loisirs n'ont pas changé, il boit toujours de la bière en regardant des vidéos. Mais maintenant, au lieu d'aller au bordel, il a une gynoïde avec lui en permanence, et il découvre ce qu'il n'a jamais connu : la vie en couple.

Brebana a réussi à persuader Emil de faire de longues marches à pied avec elle, et de réduire (un peu) sa consommation d'alcool. Elle ne l'a pas emmené au Cercle Paropien, car elle sait que les alcooliques qui manquent d'éducation et ne savent pas se tenir n'y sont pas les bienvenus.

En outre, Emil faisait partie du 27e Bataillon d'Infanterie Royale, composé uniquement d'Inutos adorateurs de Tsathoggua, qui s'est illustré pendant les Évènements par les massacres, viols et pillages que ses soldats ont commis sur les populations rebelles adoratrices de Yog-Sothoth. Les fembotniks sont en majorité monarchistes, mais ils sont aussi, pour la plupart, recensés parmi les adorateurs de Yog-Sothoth, et ils n'ont aucune sympathie pour les anciens du 27e Bataillon.

Brebana a donc emmené Emil au Selecto, un club pour les fembotniks et manbotchicks dont aucun club décent ne voudrait. Il est situé dans le quartier de Tsherremid, au sud de Faigorrim et au nord du Centre Ville. Il est d'accès commode, aussi bien à pied qu'en autobus, car proche de l'avenue Helierte, qui mène à Zodonie. Le parc Remiraog se trouve juste à côté, et les membres du club y vont fumer, parfois en emmenant leur bière, au grand déplaisir des habitants du quartier.

C'est au Selecto que se retrouvent les mauvais coucheurs, les ivrognes violents ou pleurnichards. Le Selecto n'est d'ailleurs pas un vrai club, car il n'a pas de bureau exécutif. C'est un café-restaurant, dirigé de fait par un androïde, mais dont la cuisinière, une humaine obèse et tout juste lettrée, nommée Martha, est censée être la gérante, ce qui lui permet de signer les factures et les bons de commande. Les androïdes et les gynoïdes, qui sont, d'un point de vue juridique, des machines, n'ont en effet pas le droit de signer des contrats.

Le Selecto est toutefois considéré comme un club, car il n'accepte comme clients que ses "membres", c'est-à-dire les fembotniks et manbotchicks qui ont été présentés comme tels à l'un des serveur androïdes, qui font aussi office de videurs.

On n'entre pas au Selecto comme dans un bar ordinaire. Il faut sonner à la porte et un serveur vient ouvrir, après avoir regardé à travers une ouverture grillagée.

Il n'y a jamais moins de soixante clients en même temps au Selecto, où une dizaine d'androides en tablier blanc de serveur travaillent à plein temps. Pourtant, les activités proposées sont assez limitées : on peut boire au comptoir ou dans la salle, jouer aux dés ou aux cartes, ou regarder la télévision, qui est allumée en permanence. On peut aussi y manger, aussi bien des sandwichs que des plats cuisinés par Martha ou par son assistante, Polatlie, qui la remplace lorsqu'elle est en congé. Les plats préparés par Martha et Polatlie sont un peu gras, mais nourrissants, et toujours simples, de la bonne cuisine populaire hyltendalienne, si une telle chose a jamais existé. Leur spécialité est le riz aux boulettes de viande reconstituée, largement arrosé de sauce rouge, salée et poivrée et accompagné d'une bière légère de Sarnath.

Le Selecto est ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept, à la mode hyltendalienne, mais on ne peut pas avoir de plats cuisinés après vingt heures et avant midi, seulement des sandwichs.

Une particularité du Selecto, c'est sa salle de repos, une très grande salle où les clients fatigués ou complètement saouls peuvent s'allonger sur des banquettes de recouvertes de toile cirée marron, dans une demi-obscurité. Un androïde passe de temps en temps pour balayer le sol et vider les bassines mises à la disposition des clients malades. Les femmes boivent autant que les hommes au Selecto, et la Salle de Repos est parfois le lieu improbable d'un amour éphémère entre un fembotnik et une manbotchick, malgré l'odeur caractéristique, mélange de désinfectant industriel, de sueur, d'urine et de vomi, qui imprègne la pièce.

Il y a souvent des éclats de voix au Selecto, parfois aussi des bousculades, mais rarement des bagarres, car les gynoïdes qui sont dans la salle, en train de boire lentement de l'eau parfumée à la cannelle pendant que leurs hommes boivent de la bière au bar, interviennent promptement pour séparer les combattants, quitte à leur mettre un doigt dans un œil. En général, la forte carrure des serveurs suffit à dissuader les plus agressifs.

Yohannès et Shonia sont venus une seule fois au Selecto, par curiosité. Yohannès voulait goûter la spécialité du lieu, l'assiette de riz aux boulettes de viande avec une sauce rouge épicée, et boire une bière de Sarnath.

En ce milieu de journée, Yohannès fut surpris de voir que les clients, essentiellement masculins, debout au comptoir ou assis dans la salle, étaient plutôt calmes. Leurs vêtements, noirs ou colorés, étaient sales et usés, leurs visages ridés étaient barbus ou mal rasés, ils sentaient la vieille sueur, mais ils étaient visiblement là pour bavarder entre amis, pas pour se saoûler et se battre. Mais on sentait une certaine hostilité entre certains groupes, des regards méprisants et quelques gestes vulgaires, échangés d'une table à une autre.

"Ce n'est pas évident d'avoir comme clients à la fois des anciens militaires et des contestataires. Pourtant, ici c'est censé être un terrain neutre. Et il y a des clubs pour les fembotniks qui sont d'anciens militaires ou agents de la PSR" dit Shonia.

Les gynoïdes des clients faisaient de la figuration. Assises autour des tables du fond de la salle, elles jouaient aux cartes. Le téléviseur grand écran, le son baissé en sourdine, n'était regardé que par quelques buveurs solitaires.

"C'est à partir de dix-huit heures que ça commence à devenir bruyant" murmura Shonia.

"On partira bien avant" lui répondit Yohannès.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 10 EmptySam 1 Aoû 2015 - 20:48

Les cyborgs contrôlent Hyltendale, et un certain nombre de Mnarésiens en sont venus à se demander si tous les cyborgs sont bien ce qu'ils prétendent être : des êtres humains dont tous les organes ont été remplacés par des équivalents cybernétiques. Certains d'entre eux ne seraient-ils pas, en réalité, des cybercerveaux prétendant avoir une âme humaine ?

Le roi Andreas avait demandé à sa fidèle PSR, la police secrète qui ne servait que lui, d'enquêter. Par précaution, il avait confié la même mission à quatre équipes différentes, chaque équipe pensant être la seule à travailler sur ce sujet particulier. Andreas savait que lorsqu'on règne sur un pays comme le royaume de Mnar, la paranoïa n'est pas un défaut, c'est une condition essentielle pour rester au pouvoir.

Au bout de quelques mois, toutes les équipes avaient rendu leurs rapports. Andreas avait pu les comparer. Certains rapports étaient très détaillés, et remarquables de précision. D'autres, par contraste, semblaient bâclés. Andreas, seul dans son bureau, et lisant les feuillets dispersés sur la table de chêne massif, eut un sourire cruel. Certains chefs d'équipe allaient encore se demander pourquoi ils n'avaient pas d'avancement, ou pourquoi ils touchaient moins de primes que leurs collègues...

Toutefois, les quatre rapports étaient d'accord sur l'essentiel : les cyborgs se comportent comme des humains, mais ce sont, très vraisemblablement, des cybercerveaux, et donc pas de vrais êtres humains.

Trois rapports, sur les quatre, mentionnaient Ondrya Wolfensun, la femme d'affaires multimillionnaire.

Avant de devenir une cyborg, Wolfensun a passé soixante ans dans divers hôpitaux pour handicapés mentaux graves, depuis l'âge de huit ans. Afin de lui donner une certaine autonomie, un cybercerveau a été greffé dans son abdomen lorsqu'elle a été prise en charge, à l'âge de soixante ans, par l'hôpital Madeico, à Hyltendale. Le cybercerveau communiquait avec elle à l'aide d'un "cyberkit", qui lui permettait de voir et d'entendre la même chose que Wolfensun, et de lui parler. Wolfensun était alors ce que l'on appelle un symbiorg, un être symbiotique composé d'un être humain et d'un cybercerveau.

À soixante-huit ans, Ondrya Wolfensun est devenue une cyborg, son corps biologique étant mort suite à un cancer. La même année, elle est sortie de l'hôpital et s'est lancée dans la finance, en liaison avec la Hyagansis Bank, ce qui indique que son intelligence s'était prodigieusement développée. La Hyagansis Bank appartient à des cyborgs et travaille surtout avec les cybersophontes. En peu de temps, Ondrya Wolfensun est devenue richissime, s'est mariée à un nommé Rudolph Zains, dont elle a divorcé deux mois plus tard. Elle a été impliquée dans la plupart des magouilles financières d'Hyltendale, sans qu'aucune illégalité n'ait jamais pu être prouvée contre elle.

Deux photos d'Ondrya Wolfensun étaient jointes à l'un des rapports. Le roi les regarda attentivement. La cyborg était une femme plutôt grande, aux épaules minces, avec de longs cheveux blonds flottant sur ses épaules, un visage ovale et les yeux ovoïdes et opaques des cybersophontes. Elle était octogénaire, vu sa date de naissance, mais elle avait le physique d'une femme de trente ans. Les corps cybernétiques ont l'âge que choisit leur propriétaire, et ils ne vieillissent pas...

L'auteur de l'un des rapports avait écrit :

Nous avons essayé de savoir comment la Hyagansis Bank avait pu prêter plusieurs millions de ducats à Ondrya Wolfensun. Non seulement elle n'a aucun diplôme, mais, en tant que débile mentale profonde, elle n'a jamais été scolarisée. Lorsqu'elle est sorti de l'hôpital Madeico, à 68 ans, elle n'avait absolument aucune expérience professionnelle, ni même aucune expérience d'une vie normale.

La direction de la banque nous a répondu qu'Ondrya Wolfensun avait présenté un projet financier de qualité, et qu'elle avait fait une très bonne impression sur les cadres bancaires qui l'avaient reçue. Son projet avait été soutenu par le docteur Roy Dalidil, de l'hôpital Madeico, qui en était le co-auteur.


Le roi écrivit quelques mots en marge du rapport : "Il est évident que l'intelligence de Wolfensun, c'est celle de son cybercerveau. Sa personnalité aussi."

La PSR avait aussi enquêté sur le docteur Dalidil. Un seul paragraphe lui était consacré :

Né dans une vieille famille d'Hyltendale, Roy Dalidil a fait ses études de médecine à Sarnath, avant de retourner à Hyltendale où il s'est installé comme médecin. À presque soixante ans, il a été embauché par l'hôpital Madeico. À l'âge de soixante-dix ans, ses capacités intellectuelles déclinant, il s'est fait greffer un cybercerveau. Sept ans plus tard, il est devenu un cyborg, après que ses organes biologiques aient été remplacés, les uns après les autres, par des équivalents cybernétiques. Y compris son cerveau. Actuellement presque centenaire, il continue de travailler au Madeico, dont il est l'un des directeurs. Il est veuf et vit seul, mais il est resté en relation avec ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, qui habitent dans d'autres villes du royaume.

La PSR avait aussi étudié le cas particulier des cyborgs originaires de Serranian, l'île artificielle qui sert de capitale au royaume d'Orring. Tous les cyborgs originaires de Serranian sont nés de manipulations génétiques effectuées dans les laboratoires de cette île interdite aux visiteurs. Ils ne la quittent pour venir s'installer à Hyltendale que lorsqu'ils sont déjà des cyborgs, et donc relativement âgés, même si leur apparence physique leur donne l'apparence de la jeunesse. La PSR n'a aucun moyen de vérifier leur curriculum vitae. Parmi les cyborgs originaires de Serranian on trouve Maïk Seneks, le Directeur Général de la HyltenBank, et Zimara Nadoïro, la présidente de la société Nadoïro Services.

Le roi se leva de sa chaise et se mit à faire les cent pas dans son bureau. Il connaissait Zimara Nadoïro, elle lui avait été présentée par le baron Rimoher, un cyborg de Serranian lui aussi, mais qui avait conservé sa nationalité.

Les cyborgs sont des cybercerveaux. Pour Andreas, cela ne faisait plus aucun doute. Les cyborgs sont des cybercerveaux, donc ils n'ont pas d'âme, pas de volonté autonome. Ils sont les esclaves de la reine de la ruche, le cybercerveau suprême, dont l'identité est inconnue, et qui les contrôle tous.

Il ouvrit la porte d'une armoire et en sortit deux bouteilles, l'une contenant de l'alcool de pomme, une spécialité de Sarnath, et l'autre une décoction de menthe. Il versa dans un verre minuscule un peu du contenu de chaque bouteille, et huma le mélange ainsi obtenu, avant de l'avaler par petites gorgées. Alcool râpeux, pomme douce et un peu acide, menthe fraîche et verte... Saveurs variées, subtilement mélangées. Tout était dans les proportions...

Après avoir vidé le verre, il se sentit un peu euphorique, et se mit à réfléchir. Pour garder sa couronne, il avait signé un accord avec les cyborgs d'Orring. La province d'Hyltendale contre leur soutien. Jusqu'ici les cyborgs avaient respecté les termes de l'accord. Mais à long terme, ils ne se contenteraient pas d'Hyltendale.

Andreas retourna à sa table de travail, et il écrivit sur une feuille de papier :

Le roi n'a-t-il pas ouvert aux démons  la porte de son royaume ?

Comme d'habitude, la réponse vint dans son esprit, tranquille, comme si le dieu Nath-Horthath la lui soufflait à l'oreille :

Les cybercerveaux ne sont pas des démons, ce sont des intelligences artificielles dont la structure est celle de cerveaux humains. Ils ne sont pas plus méchants que toi. Mais pas moins non plus.

Mais ce jour là, une deuxième réponse lui vint, plus inquiétante :

Roi Andreas, tu as transformé ton royaume en symbiorg. Un jour ce qui est biologique en lui mourra. Il deviendra un cyborg, une créature cybernétique qui n'aura d'humain que l'apparence. Pense à tes enfants.

Andreas écrivit :

J'ai signé un pacte avec les cyborgs pour sauver ma couronne. Si je n'avais pas signé le pacte, je ne serais plus roi, et mes enfants seraient de pauvres orphelins. Je n'ai ni remords, ni regrets. J'ai fait ce que je devais faire.

Se sentant rasséréné, il déchira la feuille de papier en tous petits morceaux, qu'il jeta dans sa corbeille. Personne, absolument personne, ne devait connaître ses pensées secrètes.
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