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 Les fembotniks

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Vilko

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMer 9 Sep 2015 - 0:14

Il n'y aurait pas d'automobiles sans tout un arrière-plan technologique, industriel, économique, et même législatif et géopolitique : puits de pétrole, tankers, raffineries, routes et autoroutes, pompes à essence, fabricants d'automobiles, garagistes, code de la route, politique pétrolière des États, et bien d'autres choses encore. Sans compter les choses que l'existence des automobiles rend possibles, par exemple les supermarchés et les banlieues pavillonnaires.

De même, il n'y aurait pas de gynoïdes, et donc de fembotniks, sans tout un arrière-plan aussi important et varié que celui qui rend possible les automobiles.

En premier lieu, le yeksootch, le "gaz pensant", sans lequel il n'y aurait pas de cybercerveaux. On peut concevoir différents modes de fabrication et d'existence des cybercerveaux. On peut même imaginer des mondes où les cybercerveaux ne seraient qu'une variété supérieure d'ordinateurs. Mais dans le monde où se trouve Hyltendale, les cybercerveaux ont créé une société à eux, sans pour autant spolier les humains, maîtres de la Terre : le royaume marin d'Orring.

Les cybermachines (robots à intelligence cybernétique) exploitent les précieuses ressources naturelles du fond des mers et des océans, et les transforment en machines et en produits divers dans les îles flottantes de la surface, comme Serranian, la capitale du royaume d'Orring.

Orring a des relations commerciales et diplomatiques avec les royaumes des êtres humains. Pour les pays riverains de la Mer du Sud, Orring n'est pas un pays réellement exotique, car les cybersophontes qui y vivent parlent le mnarésien et obéissent à un roi, qui est un cyborg. Tous les hydravions qui desservent les ports de la Mer du Sud appartiennent à des compagnies aériennes d'Orring, et tous les cybersophontes viennent d'Orring.

Beaucoup de pays tiennent à avoir des relations commerciales et diplomatiques avec Orring, mais Serranian n'est pas un lieu conçu pour héberger des visiteurs étrangers. C'est donc à Hyltendale, dans le royaume de Mnar, que les hommes d'affaires, les intellectuels et les diplomates d'Orring et des pays étrangers se rencontrent. Les diplomates se logent de préférence dans des appartements ou des maisons proches de Sitisentr, où ils ont leurs bureaux. Les hommes d'affaires aiment les grands hôtels, qui disposent tous de salles de conférence.

Les employés des sociétés commerciales étrangères, dont les salaires ne sont pas toujours mirobolants, habitent souvent à Tsherremid, entre Sitisentr et Faigorrim, où les loyers sont moins chers et où ils peuvent scolariser leurs enfants. L'un des problèmes de la vie à Hyltendale, pour les expatriés, est la rareté des écoles, dans cette ville d'humanoïdes, de retraités et d'invalides. La plupart d'entre elles se trouvent à Tsherremid.

Les cyborgs qui travaillent pour Orring ont leurs bureaux et leurs logements dans quelques immeubles de Sitisentr et de Fotetir Tohu, le quartier du port, où l'activité incessante des machines et les bars ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre ne les gêne pas.

La plupart des États interdisent à leurs diplomates de fréquenter les gynoïdes de charme, pour des raisons de sécurité. Pour cette raison, les diplomates célibataires considèrent une affectation à Hyltendale comme une punition, d'autant plus qu'il y a extrêmement peu de jeunes femmes à Hyltendale, quelle que soit leur nationalité. Les épouses de diplomates détestent Hyltendale tout autant, mais pour des raisons différentes. Les Hyltendaliens de race humaine sont pour la plupart des fembotniks ou des manbotchicks, qui vivent entre eux et ne se sentent à l'aise qu'avec les membres de leur club. Quant aux cyborgs, ils ont la réputation, justifiée, de ne parler aux humains que s'ils y trouvent un avantage.

Les hommes d'affaires, en revanche, aiment beaucoup Hyltendale. Ils aiment Zodonie, ses gynoïdes de charme, ses cafés, ses restaurants et ses galeries d'art abstrait. Ils aiment aussi Playara, avec ses plages et ses folles soirées dans les villas avec piscines. Certains des riches propriétaires de ces villas organisent plusieurs fois par an, voire plusieurs fois par mois, des soirées masquées auxquelles ils font participer quelques dizaines de gynoïdes de charme, louées pour l'occasion.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMer 9 Sep 2015 - 0:58

Pourquoi les puissances étrangères interdisent-elles à leur diplomates de fréquenter des GAC ? Auraient-ils peur que ces robots (car ce sont des robots) soient doués à un tel point de soutirer des secrets d'État sur l'oreiller ? Moi qui pensais que cette pratique était surannée depuis environ le milieu de la deuxième moitié du XXe siècle ? Et si telle méthode existait encore à Hyltendale (dans un siècle ou l'espionnage se fait surtout par la toile, les connexions & la fibre optique), les hommes & femmes d'affaires & les ingénieurs seraient tout aussi exposé(e)s au risque de soutirage d'infos techniques qui auraient pour conséquence de faire qu'un brevet capital change de mains ? Y aurait aussi le risque de chantage (ça dépend des pays : c'est dans des pays à morale rigoriste que les maîtres-chanteurs amassent le plus de fortune, c'est bien connu !), surtout à l'encontre de clients amateurs de gynoïdes ou d'androïdes d'apparence très jeune (lesquels sont reliés aux mêmes cybercerveaux que les GAC "adultes", beeen sûûr). S'il y a tel danger, y compris avec des robots, d'être victime d'une intelligence peu scrupuleuse (et de surcroit avec un pouvoir occulte), quel serait l'avantage, pour un client de GAC, plutôt qu'une personne prostituée humaine saine de corps ? Le seul avantage de la "prostitution robotique" (ne pas tomber sur un esprit tordu et éventuellement maître-chanteur) disparaitrait donc et Hyltendale perdrait beaucoup de son attrait "touristique" (du moins, çui-là, mais qui apporte un joli paquet d'devises au Mnar).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMer 9 Sep 2015 - 11:40

Anoev a écrit:
Pourquoi les puissances étrangères interdisent-elles à leur diplomates de fréquenter des GAC ? Auraient-ils peur que ces robots (car ce sont des robots) soient doués à un tel point de soutirer des secrets d'État sur l'oreiller ?
GAC doit signifier "gynoïde de charme", mais que représente le A ?

Il ne s'agit pas exactement de secrets d'État, mais les pays concernés considèrent que :

1. Les pratiques sexuelles des diplomates n'ont pas à être connues des cybersophontes. Même s'ils ne les rendent pas publiques, il est désagréable de penser qu'ils pourraient les avoir enregistrées.

2. Une connaissance trop intime des diplomates peut donner un avantage aux cybersophontes (les habitants d'Orring sont tous des cybersophontes) dans des négociations.

3. Il est bien connu que les fembotniks s'attachent émotionnellement à leur gynoïde. Un diplomate esseulé, dont l'affection se reporterait sur une gynoïde, pourrait partager sa loyauté entre son pays et Hyltendale. Cela diminuerait sa loyauté envers son pays : sur le plan affectif, il deviendrait l'équivalent d'un binational. Et il pourrait être amené, peut-être pas à révéler des secrets pour faire plaisir à sa gynoïde, mais en tout cas à être trop bienveillant envers les cybersophontes dans des négociations, ou dans les décisions qu'il doit prendre en tant que diplomate...

On objectera : "Mais aucun diplomate ne serait assez stupide pour tomber amoureux d'un robot !" Bien sûr que si. Les diplomates sont des gens comme tout le monde, et ils ont leurs faiblesses. Il leur arrive de tomber en dépression, de devenir alcoolique, voire même de se suicider. Un diplomate dépressif, trouvant auprès d'une gynoïde la chaleur affective (même contrefaite) et la vie sexuelle qui lui manquent, est vulnérable.

Anoev a écrit:
Et si telle méthode existait encore à Hyltendale (dans un siècle ou l'espionnage se fait surtout par la toile, les connexions & la fibre optique), les hommes & femmes d'affaires & les ingénieurs seraient tout aussi exposé(e)s au risque de soutirage d'infos techniques qui auraient pour conséquence de faire qu'un brevet capital change de mains ?

Les dirigeants de la société cathurienne Soschaye, spécialisée dans les machines-outils de haute précision, se sont longtemps demandé comment faisaient leurs concurrents d'Orring pour fabriquer du matériel aussi perfectionné que le leur, alors que leurs laboratoires de recherche sont loin d'être aussi développés. Leurs suspicions ont eu un début de réponse lorsqu'un de leurs meilleurs ingénieurs, licencié pour s'être introduit dans une base de données à laquelle il n'était pas censé avoir accès, a quitté préciptamment le pays et est allé s'installer à Hyltendale, où il vit dans une villa près du bord de mer, à Playara, avec une gynoïde de charme et un majordome.

Les Cathuriens, furieux, ont demandé une enquête internationale. L'ingénieur a répondu courtoisement aux questions de la police hyltendalienne, en présence de policiers cathuriens. Ces derniers ont été autorisés à assister à l'interrogatoire, mais pas à poser de questions directement à l'ingénieur, car ils n'ont aucun pouvoir dans un pays qui n'est pas le leur. Sa fortune actuelle, a-t-il expliqué, provient de la vente et de la revente de tableaux, avec profit, pendant ses séjours à Hyltendale. Le nom d'Ondrya Wolfensun, la célèbre femme d'affaires cyborg, a été cité parmi ceux des clients.

Tout était légal, et l'ingénieur n'a pas été inquiété, mais dans l'esprit des Cathuriens il n'y avait plus de doute. La vente et le rachat de tableaux sont l'une des méthodes utilisées par les cybersophontes d'Hyltendale pour verser en toute légalité un pot-de-vin à quelqu'un. Un Hyltendalien vend à un étranger un tableau pour une somme modique. Quelques semaines plus tard, voire même l'année suivante, un autre Hyltendalien rachète le même tableau pour dix fois le prix originel. L'étranger a fait un gros bénéfice en toute légalité. Répétez l'opération plusieurs fois, avec à chaque fois des tableaux plus chers, et vous arrivez rapidement à de vraies petites fortunes.

Les policiers cathuriens ont essayé de vérifier la réalité des transactions originelles : avec quoi l'ingénieur avait-il payé les tableaux, alors que son salaire lui permettait tout juste de se payer de temps en temps des vacances à Hyltendale ? Ondrya Wolfensun, convoquée et interrogée comme témoin par la police hyltendalienne, a déclaré avoir été payée en espèces.

Les montants originels étaient assez faibles pour que l'ingénieur les ait effectivement versés. Pour acheter l'un de ses premiers tableaux, il avait emprunté l'argent à un cyborg de ses amis, et il le lui avait rendu juste après avoir revendu le tableau. Le cyborg confirma ce qu'avait dit son ami l'ingénieur.

"Mais où étaient les tableaux, physiquement ?" demanda l'un des policiers à l'ingénieur.

"Chez mon ami le cyborg" répondit l'ingénieur sans se démonter. "Il m'hébergeait lors de mes séjours à Hyltendale."

Un journaliste cathurien a écrit un livre sur cette affaire, "Itinéraire d'un pourri, de génie solitaire à riche fembotnik." L'ingénieur n'était pas corrompu au départ. Mais n'ayant eu que des déboires avec les femmes, et pensant, à tort ou à raison, avoir été victime d'injustices au sein de la société Soschaye, il s'était épanché dans les bras compatissants d'une gynoïde de charme. Elle ne lui avait pas posé de questions, elle l'avait écouté, faisant juste, de temps en temps, une remarque pleine d'empathie apparente, du genre : "Tu ne peux pas te laisser humilier comme ça par des gens qui te volent tes idées."

Le journaliste a écrit, assez durement : "Son comportement avait été le même que celui de quelqu'un qui raconte sa vie intime, accoudé au comptoir d'un bistrot, à des gens qu'il ne connaît même pas. Il faut bien constater que ce comportement, aussi aberrant soit-il, est très commun."

L'ingénieur avait ensuite, semble-t-il, manqué d'argent pour revoir la gynoïde, à laquelle il s'était attaché. Ce qui, selon un médecin interrogé par le journaliste, est une conséquence normale de rapports sexuels pleins de tendresse, chez quelqu'un qui souffre de la solitude. Les rapports sexuels et la tendresse activent la sécrétion d'hormones spécifiques, qui ont une influence puissante sur le comportement. L'effet est comparable à celui d'une addiction. L'ingénieur ne cessait pas de penser à la gynoïde. Bref, il en était tombé amoureux. Un phénomène purement chimique, certes, mais cela ne change rien à sa puissance.

Le journaliste a pu reconstituer le début de l'itinéraire de l'ingénieur est interrogeant ses rares amis. Le reste est moins clair. Dans son livre, le journaliste suppose que l'ingénieur, effondré, peut-être au bord des larmes, a dit à la gynoïde qu'il manquait d'argent pour la revoir. La gynoïde lui a dit que, peut-être, un cyborg qu'elle connaissait pouvait l'aider. Ce cyborg est sans doute celui qui a hébergé l'ingénieur pendant ses séjours ultérieurs à Hyltendale, et qui lui a prêté de l'argent pour acheter son premier tableau. En échange de sa bonne volonté, le cyborg a dû demander quelques renseignements à l'ingénieur, et, au fur et à mesure qu'il lui faisait gagner de l'argent, demander des informations de plus en plus précises.

Le cyborg était le peintre hyltendalien Ditlikh Ebalyë, dont les tableaux sont des mélanges complexes, totalement abstraits, des tourbillons et entrelacs d'orange, de beige et de pourpre. Peintre à succès richissime, Ditlikh Ebalyë dit souvent qu'un tableau peint pour gagner de l'argent est raté d'avance. Le prix d'une œuvre ne doit pas être un objectif, mais une heureuse surprise. Il cite d'ailleurs nombre de ses œuvres qu'il garde chez lui ou qu'il a données gratuitement à des amis.

Ditlikh Ebalyë a la réputation d'être un anarchiste. Il n'adhère à aucun club, et prétend ne pas avoir de religion, ce qui est inhabituel au Mnar.

L'ingénieur a fini par être condamné par la justice cathurienne, pour fraude fiscale. Il avait ouvert un compte bancaire dans une banque hyltendalienne pour y déposer l'argent gagné en revendant les tableaux, et il avait "oublié" pendant vingt ans de mentionner ce compte sur ses déclarations d'impôt, en Cathurie. Mais il était trop tard, il s'était déjà enfui à Hyltendale, et le Mnar n'a pas de traité d'extradition avec la Cathurie.

Anoev a écrit:
Y aurait aussi le risque de chantage

Les cybersophontes ont pour principe de ne JAMAIS rien révéler concernant les clients des gynoïdes. Ce principe absolu ne souffre aucune dérogation. Dans les hôtels à gynoïdes, les clients sont encouragés à utiliser un pseudonyme (par exemple Napoléon) et à payer en espèces, pour leur tranquillité d'esprit. L'argent est mis par une fente dans un coffre-fort fixé au sol ou à un mur, et dont les employés n'ont pas la clé, pour décourager les voleurs.

Comme les gynoïdes mémorisent les visages des clients et leurs iris, que leurs yeux cybernétiques savent lire, ces précautions servent surtout à rassurer les inquiets. Les gynoïdes reconnaissent toujours leurs clients, et transmettent l'information aux cybercerveaux, qui font facilement le rapprochement entre le visage ou l'iris d'un client et son nom réel. Être connu d'un cybersophonte, c'est bien connu, c'est être connu de tous les cybersophontes. En pratique, toutefois, seuls les cybercerveaux arachnoïdes comme Argumthar ont accès à toutes les données.

Certains touristes sexuels, soucieux de ne pas être reconnus en entrant ou en sortant d'un hôtel à gynoïdes, portent des fausses barbes, des perruques et de grosses lunettes à verres fumés. Ces accessoires sont vendus dans certaines boutiques de souvenirs de Zodonie et près de la gare.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMer 9 Sep 2015 - 14:17

Vilko a écrit:
mais que représente le A ?
GAC signifie "gynoïdes et androïdes de charme".

GC signifie "grande ceinture".

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 15 Sep 2015 - 18:26

Le docteur Lorenk profita de ce qu'il était seul dans son bureau, à la Maison Médicale Furnius, pour lire la presse nationale, comme il le faisait tous les matins.

Un article dans un quotidien de Sarnath attira son attention :

Le marché de l'art abstrait hyltendalien est extraordinairement opaque et imprévisible. Quelqu'un achète un tableau pour mille ducats. Une semaine plus tard, un inconnu le contacte et le lui rachète pour dix mille ducats, payés comptant. Un investisseur étranger, flairant la bonne affaire, rachète le même tableau pour douze mille ducats, et n'arrive pas à le vendre, personne ne lui en propose plus de cinq cent ducats. Ce genre de mésaventures est tellement fréquent que les riches étrangers n'osent plus acheter de tableaux de peintres hyltendaliens, de peur d'être incapables de les revendre.

Un tableau, après tout, c'est un peu de bois, de toile et de peinture. Les matériaux utilisés pour le faire ne valent presque rien. Quant à l'art du peintre, supposé faire la valeur de l'œuvre, en matière d'art abstrait hyltendalien, c'est une plaisanterie. Le peintre le plus fameux d'Hyltendale, Ditlikh Ebalyë, peint un tableau en moins d'une heure, avec trois pinceaux et trois pots de peinture, car ses œuvres n'ont que trois couleurs : l'orange, le beige et le pourpre. Le résultat est un mélange informe de spirales et de taches, que certains critiques ont comparé à du vomi de chien. Les amateurs d'art hyltendalien, au contraire, accusent les critiques d'être à la fois ignorants et stupides, car selon eux Ebalyë est inspiré par le divin, Azathoth s'exprime à travers lui, et ses tableaux ont une valeur mystique, voire même magique.

Les œuvres de Ditlikh Ebalyë sont devenues, au fil du temps, familières aux touristes qui visitent Hyltendale, car la plupart des hôtels, y compris les chambres, sont décorés de reproductions de ses tableaux. Certains hôtels de luxe se vantent même d'avoir des originaux.

Les tableaux sont fréquemment vendus et revendus. Certains partent à l'étranger, notamment dans la ville-flottante de Serranian, où les femmes d'affaires cyborgs Ondrya Wolfensun et Zimara Nadoïro, bien connues de nos lecteurs, possèdent des résidences luxueusement décorées.


Lorenk sourit. Tout le monde avait donc fini par comprendre que l'art abstrait hyltendalien, ce n'est rien d'autre qu'une escroquerie... Oui, mais une escroquerie hyltendalienne ! Ce qui fait toute la différence...

L'art abstrait est à Hyltendale ce que Botticelli et Benvenuto Cellini sont à Florence. Mais alors que tout le monde est sensible à la beauté d'un tableau de Botticelli ou d'une sculpture de Benvenuto Cellini, en ce qui concerne l'art abstrait d'Hyltendale, il faut être supérieurement intelligent, paraît-il.

L'article continuait sur une affaire qui empoisonnait les relations entre le Mnar et la Cathurie :

Lorsque les révolutionnaires cathuriens ont renversé le dictateur Adront Cataewi, ils ont été surpris de découvrir dans un débarras de son palais une vingtaine de tableaux de l'École Hyltendalienne d'Art Abstrait. Les tableaux, soigneusement enveloppés dans des couvertures, avaient été achetés par le dictateur, à raison de trois ou quatre chaque année.

L'ancien comptable de Cataewi révéla que les tableaux avaient coûté, au total, une douzaine de millions de ducats. Le nouveau gouvernement cathurien demanda à ses avocats de récupérer l'argent, soit en revendant les tableaux, soit en faisant annuler rétroactivement les ventes. Mais personne n'a voulu racheter les tableaux, et faire annuler les ventes pose quelques difficultés juridiques et pratiques.

La moitié des tableaux avaient été achetés par Cataewi à Ondrya Wolfensun, lors de visites que la cyborg avait faites en Cathurie. Les autres tableaux avaient été payés à Zimara Nadoïro avec des lingots d'or et d'argent, volés par Cataewi dans les coffres de la Banque Royale de Cathurie.

On peut se demander si Adront Cataewi n'a pas versé vingt millions de ducats aux Mnarésiens pour préparer sa fuite, les tableaux ayant servi à dissimuler la transaction. En clair, Cataewi aurait donné vingt millions de ducats aux Mnarésiens (plus précisément, à des cyborgs d'Hyltendale) pour qu'ils lui préparent un exil confortable, sous une fausse identé, et l'achat des tableaux, fait à des intermédiaires comme Ondrya Wolfensun ou Zimara Nadoïro, n'aurait été qu'un prétexte.


Lorenk ricana. Il avait rencontré Zimara Nadoïro et Ondrya Wolfensun à l'Adria Nelson. Deux cyborgs qui essayaient de ressembler à des gynoïdes de charme. On retrouvait les noms de ces deux garces dans toutes les affaires douteuses...

Lorenk poursuivit sa lecture :

Un tribunal cathurien délivra un mandat d'arrêt international contre Zimara Nadoïro, qui ne pouvait pas ignorer la provenance des lingots d'or et d'argent qui avaient servi à payer les tableaux, puisqu'ils portaient tous le sceau du Trésor Royal cathurien. Selon le code pénal cathurien, elle était coupable de recel de vols, et elle méritait donc d'aller en prison avec le voleur, qui n'était autre que l'ex-dictateur Adront Cataewi.

Le tribunal, en revanche, ne trouva pas de motif pour faire arrêter Ondrya Wolfensun, qui s'était fait payer par des chèques émis par Adront Cataewi sur son compte bancaire personnel. Ce compte bancaire était alimenté par de l'argent public détourné, mais Ondrya Wolfensun n'était pas censée le savoir.

Zimara Nadoïro, à cause du mandat d'arrêt international dont elle fait l'objet, ne peut plus voyager ailleurs qu'au Mnar et dans le royaume marin d'Orring. La presse cathurienne s'acharne sur elle, révélant les noms de ses nombreux amants, qu'elle choisit toujours parmi les hommes les plus en vue des cours royales de Sarnath et de Serranian, et n'hésite pas à la traiter de marchande d'esclaves.

En effet, chaque année, des dizaines de milliers de Mnarésiens, bannis du Mnar pour divers motifs par le roi Andreas, sont remis entre les mains de la société Nadoïro Services, propriété de Zimara Nadoïro, et envoyés à Serranian. La plupart d'entre eux sont ensuite transférés par les Serranianais dans la ville sous-marine de Hyagansis, d'où ils ne reviennent jamais. Certaines rumeurs disent que les bannis sont contraints de travailler gratuitement à Hyagansis et utilisés comme cobayes dans des laboratoires. Zimara Nadoïro, qui est née à Serranian mais qui connaît Hyagansis, dément ces rumeurs avec force.


Une ombre passa sur le visage du docteur Lorenk. Il soupçonnait la réalité de ce qui se passait à Hyagansis d'être pire que les rumeurs, mais il n'avait aucune preuve, que des suspicions.

Et puis, à l'Adria Nelson, le club le plus huppé d'Hyltendale, il avait discuté avec Zimara Nadoïro. Elle ne ressemblait pas au portrait que la presse d'opposition faisait d'elle. Elle lui avait paru pleine de tonus et de joie de vivre, à la fois très intelligente et d'une naïveté charmante, surtout avec les hommes.

Un autre article était consacré à Qopoen, le port maritime robotisé que les cybersophontes venaient de finir de construire sur la Côte d'Ethel, à trente kilomètres à l'est d'Hyltendale. Quand les Mnarésiens pensent à l'Ethel Dylan, ils pensent à Hyltendale, et le reste de la province leur est généralement inconnu. Ils s'imaginent que la campagne est verdoyante et agricole. C'est vrai, mais ce n'est pas toute la réalité de l'Ethel Dylan. La campagne héberge aussi des usines et des centrales solaires, très actives mais inaccessibles aux êtres humains.

Ces usines génèrent un flot de camions que l'on voit sur l'autoroute d'Ulthar, à Faigorrim, et sur la Route de la Mer, qui suit la côte, à l'est d'Hyltendale, sur quatre-vingt kilomètres. Pour accéder aux quais du port d'Hyltendale, les camions devaient traverser la ville, ce qui générait beaucoup d'embouteillages et de pollution. C'est pourquoi les cybersophontes ont entrepris la construction d'un port industriel sur la Côte d'Ethel, pour réduire la circulation des camions dans les rues d'Hyltendale.

Qopoen n'est pas ouvert aux paquebots ou aux navires de pêche ou de plaisance. On n'y voit que des cargos et des hydravions de transport de fret. Les bateaux étrangers y restent rarement plus de vingt-quatre heures. Les marins humains n'ont à leur disposition que quelques auberges et épiceries sur les quais. On trouve toutefois des gynoïdes de charme dans ces auberges.

L'article mentionnait que le commerce de Qopoen se fait surtout avec Serranian et les autres îles flottantes du royaume marin d'Orring. Les sanctions internationales contre le Mnar ont prodigieusement stimulé ces échanges.

La circulation sur la Route de la Mer n'a que peu augmenté depuis la construction de Qopoen, la plupart des camions utilisant des routes de campagne entre les usines des cybersophontes et Qopoen.

Dans un autre article, le magazine faisait de l'humour sur les fembotniks :

Les fembotniks - Page 12 Sex-Robots-Roxxxy-Sexbots-Having-Sex-With-Robots-Advanced-Sex-Robots-Ban-UK-We-Should-Ban-Sex-Robots-Should-Be-Banned-Sex-Robots-346937
- Tu bois trop, mon chéri !
- Pourquoi est-ce que je paye mille ducats par mois pour entendre ça ? Les gynoïdes sont programmées pour vouloir notre bien, mais quand même !


Lorenk pensa à certains de ses amis fembotniks, qui avaient vraiment besoin que leurs gynoïdes les maternent un peu, et qui étaient, en fait, bien contents qu'elles le fassent.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyDim 27 Sep 2015 - 12:49

Il n'y a pas de bordels pour femmes. Tout simplement parce que la sexualité des femmes est différente de celle des hommes. Les femmes sont attirées par les hommes dominants, de préférence riches et un peu plus âgés qu'elles, et les sentiments sont au moins aussi important que le physique dans une relation, sinon plus. Une relation de longue durée est, pour une femme, préférable à une relation éphémère. Ce qui attire le moins une femme, c'est un prostitué. Il est tout au bas de l'échelle sociale, il est pauvre même si les "passes" sont chères, et ses étreintes tarifées sont vides d'affection car il n'a strictement aucun sentiment pour ses clients.

Toutefois, le royaume de Mnar compte un nombre important de femmes seules, dont beaucoup de riches veuves et divorcées, et les cybersophontes se sont dits qu'il y avait là une ressource financière et politique dont il serait dommage de ne pas profiter. Le côté financier est évident, les femmes étant prêtes à payer, au moins indirectement, pour une relation satisfaisante.

Le côté politique, la sympathie que ces femmes ont envers les humanoïdes après avoir eu une liaison avec l'un d'eux, n'est pas à négliger non plus. Une duchesse âgée a de l'influence à la cour royale. Elle n'a que son téléphone à décrocher pour parler à ses neveux hauts fonctionnaires, et elle rencontre le roi et les ministres plusieurs fois par an, lors des banquets et des cocktails officiels. Les dignitaires du culte de Nath-Horthath ont besoin de ses donations.

Les cybersophontes ont donc réfléchi, ils se sont demandés quel genre d'androïde serait susceptible de séduire une clientèle féminine et fortunée. Des androïdes jouant le rôle de mâles en position d'autorité, au moins relative. "C'est possible" se dirent les cybercerveaux, et ils se mirent au travail.

C'est ainsi qu'est née la Maison Lamiyeh.

Pilia, une petite femme maigrichonne, à la chevelure rousse flamboyante, a été l'une des premières clientes de la Maison Lamiyeh.

Plus tard, elle a loué les services de l'androïde Gountar et elle est ainsi devenue une manbotchick, une femme vivant avec un androïde. Elle est membre du Cercle Paropien, et c'est elle qui a fait connaître le restaurant "L'Échelle du Puits" au docteur Lorenk et à son épouse Anita (voir page 7 de ce fil, message du 14/12/2014).

Mais à l'époque de cette histoire, Pilia était une riche divorcée qui ne voulait pas se remarier, après trois divorces, désastreux sur le plan psychologique, mais très rémunérateurs, car à chaque fois elle avait réussi à mettre la main sur la moitié de la fortune de son époux. Ses quatre enfants étaient, pour deux d'entre eux, déjà adultes, et les deux autres avaient suivi leur père, ne voulant pas vivre avec leur mère caractérielle et névrosée.

Pilia était venue passer quelques jours à Hyltendale avec son amie Bena, aux cheveux blonds et bouclés, qui était moins riche qu'elle, et dont les problèmes personnels étaient plus graves.

Les deux femmes avaient entendu parler de la Maison Lamiyeh, où des femmes peuvent faire des donations à la Fondation Lamiyeh, basée à Serranian, qui collecte des fonds pour que les enfants, nés dans des cuves bioniques, de la ville sous-marine de Hyagansis, puissent recevoir un enseignement religieux. Les employés de la Fondation sont tous des androïdes bien faits de leur personne et bien habillés. Ils connaissent Serranian et Hyagansis, et leur capacité d'écoute est proverbiale. Ils peuvent rester en contact pendant des années avec une donatrice.

La Maison Lamiyeh occupe un petit immeuble dans la partie nord de Zodonie, où se trouvent les restaurants chics et les galeries d'art. Le rez-de-chaussée est un hall immense, qui fait toute la longueur de l'immeuble. Il est meublé de petites tables rondes entourées de fauteuils. Il y a beaucoup de plantes vertes, et le plafond est tendu de toiles blanches et grises, comme un chapiteau, pour assourdir le bruit des conversations. Des serveuses gynoïdes vêtues de petites robes noires et tabliers blancs servent des rafraîchissements. Seules les femmes sont admises dans l'établissement, dont la porte est gardée par un portier androïde à la carrure impressionnante.

Lorsque Pilia et Bena, un peu intimidées, entrèrent dans le hall, l'une des serveuses leur demanda si elles voulaient parler à un conseiller.

- C'est exactement ça, répondit Pilia.

- Voulez-vous un seul conseiller pour vous deux, ou un pour chacune de vous ?

- Un seul pour nous deux, après on verra ! dit Pilia en gloussant.

Les deux femmes se retrouvèrent assises dans des fauteuils autour d'une des petites tables rondes, avec un androïde assez grand, mais pas trop, vêtu d'un impeccable costume gris qui mettait en valeur ses larges épaules, et d'une chemise blanche à col ouvert.

"Bonjour Mesdames. Je m'appelle Roman" leur dit-il.

Une serveuse apporta des cocktails fruités, et la conversation commença. Roman avait une culture éblouissante, et il connaissait bien Serranian, Hyagansis, et autres lieux exotiques que les êtres humains n'ont pas le droit de visiter. C'était aussi un fin psychologue, et Pilia eut l'impression, en lui parlant, qu'il la comprenait vraiment. Elle se sentit émue. En effet, à part Bena, qui n'était pas toujours disponible, elle n'avait personne à qui se confier.

Roman mentionna, au détour d'une phrase, qu'il avait un studio dans l'immeuble. Sur lui-même, il raconta peu de choses. Il vivait seul, comme tous les androïdes, mais il aimait son métier, qui l'amenait à voyager entre Serranian, Hyagansis et Hyltendale.

Pour Pilia, ce fut le déclic. Elle fit une donation de cent ducats, en espèces, que Roman mit par une fente dans un grand cube de métal posé sur le sol à côté de son fauteuil.

"Nous ne donnons pas d'attestations" dit-il à Pilia, l'air désolé. "Nous pensons que la charité est quelque chose qui doit être discret pour être authentique. Mais je ne vous oublierai pas, Pilia, et si vous revenez nous voir vous pourrez me demander. Vous pouvez aussi me contacter par courrier électronique. Mais avant que nous nous séparions, voulez-vous voir à quoi ressemble un logement d'androïde ?"

- Volontiers... Et ma copine... ?

- Elle peut venir aussi, ou elle peut attendre ici. Les boissons sont gratuites, il suffit de demander à l'une des serveuses.

Les deux femmes se regardèrent avec un sourire entendu.

- Ma copine vient avec moi, dit Pilia, en rougissant légèrement.

Roman hocha la tête, avec un sourire. Il avait l'habitude. Beaucoup de femmes hésitent à aller seules dans le repaire d'un homme qu'elles ne connaissent que depuis moins d'une heure. Il arrive aussi que certaines femmes, une fois arrivées dans le logement de l'androïde, se contentent d'une longue conversation aux allures de monologue. Certaines pleurent sur son épaule en racontant leurs malheurs. Roman avait connu tout ça, et, en bon humanoïde, il faisait son travail avec compétence et sans états d'âme.

Le studio de Roman était situé au troisième étage. Il était minuscule, composé d'une chambre avec un grand lit, une commode et deux valets de nuit, et d'une salle de bain minimaliste. Pas de cuisine, mais il y avait des boissons et une cafetière sur la commode.

Deux heures plus tard, Pilia et Bena redescendirent dans le hall avec Roman, le rouge aux joues.

Avant qu'elles ne franchissent la porte de l'établissement, Roman leur fit la bise car il est impensable à Hyltendale de s'embrasser en public sur la bouche, et leur dit : "Nous sommes ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Revenez quand vous voulez."

En sortant de la Maison Lamiyeh, Pilia et Bena croisèrent une femme dont les yeux étaient dissimulés par de grandes lunettes noires, les cheveux et le bas du visage dissimulés par un foulard. Elles se demandèrent en riant si ce n'était pas une célébrité soucieuse de ne pas être reconnue.

Dans la rue, deux androïdes en costume noir s'étaient approchés d'un homme qui ressemblait à un photographe de presse, et l'avaient invité courtoisement à cesser de faire les cent pas devant la Maison Lamiyeh. L'homme protesta pour la forme, puis s'éloigna.

Une fois revenue chez elles à Sarnath, chacune de leur côté, Pilia et Bena commencèrent à correspondre avec Roman, par courrier électronique. Bena y mit fin lorqu'elle trouva un nouvel amant à Céléphaïs. Pilia multiplia les voyages à Hyltendale, et donc les donations à la Fondation Lamiyeh, car Roman ne l'emmenait dans son studio que lorsqu'elle faisait une donation.

Trois ans plus tard, Pilia, ayant gagné tous ses procès contre ses ex-maris et enfin assurée de pouvoir vivre de ses rentes, acheta un appartement à Hyltendale et s'y installa. Elle loua les services de Gountar, un androïde de charme qui devint son compagnon permanent, et cessa de correspondre avec Roman.

La Fondation Lamiyeh, dont le siège social est à Serranian, dans le royaume d'Orring, n'est pas considérée comme une organisation charitable par les services fiscaux mnarésiens. La Fondation finance la Maison Lamiyeh, qui ne déclare aucun revenu, mais qui fait chaque année une contribution "volontaire" au fisc royal. Le roi Andreas est favorable aux cybersophontes, mais il n'aime pas du tout que de l'argent mnarésien parte on ne sait où sans que le fisc royal prélève sa dîme...

La publicité de la Maison Lamiyeh est faite en grande partie par la presse à scandales, qui publie régulièrement des histoires croustillantes de duchesses et autres célébrités trompant leur mari (ou oubliant leur solitude) avec un androïde. Certaines disent avec franchise "J'ai trouvé à la Maison Lamiyeh un androïde qui m'a redonné le goût de vivre", d'autres nient avec véhémence toute immoralité et disent qu'elles se sont contentées de faire une donation à une œuvre charitable.

Avec le temps, d'autres établissements semblables à la Maison Lamiyeh sont apparus à Hyltendale, mais aucun n'est aussi réputé.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyVen 2 Oct 2015 - 13:26

Pendant les Évènements, Argumthar, le cybercerveau au corps de robot arachnoïde, s'est senti en sécurité dans son bunker souterrain de Lablo Fotetir, le port fluvial d'Hyltendale. Mais il avait peur d'y être enfermé, si les rebelles envahissaient la ville où si le quartier était bombardé. Il aurait alors été enterré vivant sous les décombres, si le canal souterrain qui reliait son bunker à l'estuaire de la rivière Skaï avait été rendu inutilisable pour une raison quelconque.

Argumthar n'avait pas peur que des ennemis armés arrivent jusqu'à lui, car il était bien protégé derrière des portes blindées. De plus, les tunnels n'avaient pas d'aération, les cybersophontes n'ayant pas besoin de respirer. Argumthar avait fait stocker des grenades à gaz toxique et des armes à feu, par sécurité.

Pour sa tranquillité d'esprit, il fit creuser un deuxième canal, aboutissant à un endroit différent de la rivière. Ce deuxième canal était totalement submergé, comme le premier, car situé en dessous du niveau de l'eau. Argumthar avait fait installer une trappe dans la salle où il se trouvait habituellement. Cette trappe donnait sur une rampe en spirale, assez étroite, dont la partie inférieure aboutissait dans le canal. Une porte blindée donnait sur une autre rampe en spirale, qui aboutissait dans le premier canal.

La trappe du deuxième canal était munie d'un verrou, de façon à éviter qu'un homme-grenouille puisse accéder au repaire d'Argumthar en passant par le canal et la rampe. L'hypothèse était peu probable, vu les robots aquatiques qui protégeaient les entrées des canaux dans la rivière. Ces entrées étaient distantes d'un bon kilomètre, car Argumthar ne voulait pas risquer qu'elles soient bloquées par des ennemis éventuels.

De même qu'il n'y a pas d'automobiles sans stations-services, raffineries, pétroliers géants, et États pétroliers, il n'a a pas de fembotniks sans robots humanoïdes, et pas de robots humanoïdes sans un cerveau central pour coordonner l'action des humanoïdes, et ce cerveau central, c'était Argumthar.

Dans le royaume de Mnar, seuls certains cybercerveaux, et quelques cyborgs de haut rang, connaissent l'existence d'Argumthar. Pour tout le reste des habitants, y compris le roi Andreas, les cybersophontes sont une population sans hiérarchie définie. Certains cybercerveaux prennent les décisions importantes, mais personne ne connaît ni leur nom ni leur localisation, ni les relations qu'ils ont entre eux. L'accord, historique, passé entre le prédécesseur du roi Andreas et les cybersophontes, a été signé par le futur baron Chim, qui n'avait d'autre légitimité que le fait d'avoir démontré que les cybersophontes lui obéissaient. Chim n'a jamais prétendu être rien d'autre qu'un représentant des cybersophontes.

Argumthar se souvient d'une discussion entre Chim et le vieux roi Robert. Andreas, à l'époque jeune élève-officier de la Garde Royale, n'assistait pas à l'entretien. Le roi Robert s'était fait assister par une demi-douzaine de conseillers et d'experts.

Le cerveau cybernétique de Chim avait enregistré tout ce qu'il avait vu et entendu. Dès le lendemain, Argumthar avait visionné l'enregistrement directement dans son cerveau, comme s'il avait été présent dans le corps de Chim pendant la discussion.

Souvent, Argumthar préfère visionner les vidéos sur un écran géant, mais les voir directement dans son cerveau lui donne l'impression d'avoir vécu l'évènement.

Le roi Robert avait reçu Chim dans la salle où il réunissait ses conseillers. Les murs de la salle étaient ornés de panneaux de bois foncé. Une grande table de chêne, rectangulaire, autour de laquelle pouvaient s'assoir une vingtaine de personnes, occupait le centre de la pièce.

Robert était grand, bien bâti, plutôt renfermé de nature. Il  avait survécu à plusieurs guerres et à d'innombrables complots. "C'est un baroudeur", disaient ses conseillers avec un mélange d'admiration et de crainte.

Chim avait déjà l'apparence qu'il a encore, celle d'un homme âgé, un érudit à la voix calme, au visage orné d'un collier de barbe blanche.

Le roi Robert le toisa, avec le regard sans aménité qui faisait trembler son entourage.

- Monsieur Chim, cela fait longtemps que les cyborgs m'ont fait connaître leur projet concernant Hyltendale et l'Ethel Dylan. Cela semble intéressant... Ceci étant, ces cyborgs et ces cybersophontes, que vous dites représenter, ce n'est qu'un groupe de sociétés commerciales dont personne n'a jamais entendu parler... Une boîte aux lettres à Serranian, c'est un peu léger pour des sociétés qui prétendent signer un contrat avec le royaume de Mnar... Quelle est votre légitimité ?

- Majesté, derrière toutes ces sociétés, il y a des cyborgs, des robots, et des humanoïdes. Vous les avez vus, vos conseillers les ont vus et filmés. Nous avons montré ce que nous pouvons faire. Notre proposition est sérieuse, le contrat est équilibré. Je parle au nom de tous les cybersophontes. Ils l'ont dit, et c'est vrai.

- J'ai lu la monographie que vous m'avez fait parvenir, Monsieur Chim. J'ai vu la présentation audiovisuelle que vous avez faite. J'ai rencontré vos gynoïdes, vos androïdes, vos klelwaks et vos cyborgs. Que vos cybersophontes s'installent dans l'Ethel Dylan. C'est une province pauvre, économiquement moribonde. En échange, je veux que les cybersophontes prennent en charge tous les handicapés, grabataires et éclopés de mon royaume, comme vous avez proposé de le faire, dans la limite d'un million de personnes, comme c'est expliqué dans la monographie.

- Majesté, j'attire votre attention sur le fait que cette prise en charge sera étalée sur vingt ans.

- J'entends bien. L'Ethel Dylan est actuellement peuplé de quelques centaines de milliers de pêcheurs et paysans pauvres. C'est une main-d'œuvre robuste et bon marché dont nous avons besoin dans nos villes. Il faudra bien vingt ans pour que chaque famille d'éleveurs de chèvres soit remplacée par un nombre trois fois plus grand de handicapés et de grands vieillards. Mais que les choses soient claires entre nous, Monsieur Chim : jamais, jamais, je n'autoriserai les cybersophontes à s'installer ailleurs que dans l'Ethel Dylan.

- Majesté, au nom de tous les cybersophontes, je prends l'engagement, devant vous et vos conseillers, que pas un seul cybersophonte ne s'installera dans une autre province que l'Ethel Dylan.

L'entretien s'était terminé par la signature officielle d'un accord.

Pas une seule fois les fembotniks n'avaient été mentionnés dans l'entretien. Le mot n'existait pas encore. Le roi Robert avait été le premier surpris lorsque les retraités et les rentiers avaient commencé à affluer à Hyltendale, attirés par la possibilité de louer une compagne humanoïde pour mille ducats par mois. Les mots fembotnik, manbotchick, et bien d'autres, étaient apparus, sans qu'on sache très bien qui les avait inventés.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyDim 4 Oct 2015 - 17:22

Les sanctions internationales prises contre le Mnar s'estompaient avec le temps. Officiellement, elles restaient toujours en place, et les dirigeants des États de la planète proclamaient qu'elles le resteraient tant qu'Andreas, ce tyran et criminel de guerre, resterait roi, mais en pratique elles se diluaient, ou n'étaient tout simplement plus appliquées.

Pour les cybersophontes, cette dilution des sanctions n'était pas nécessairement une bonne chose. Le royaume d'Orring produisait en toute illégalité, prétendument dans la ville sous-marine de Hyagansis, des médicaments dont les formules chimique avaient été inventées aux États-Unis et en Europe, et des logiciels informatiques inventés aux États-Unis, et les vendaient au royaume de Mnar. De là, ils étaient revendus dans le reste du monde par des réseaux de contrebandiers.

Il y avait aussi le problème des exilés de Hyagansis. De plus en plus de gens se demandaient pourquoi les Mnarésiens exilés à Hyagansis ne donnaient jamais signe de vie, à part quelques e-mails laconiques et incohérents.

À mesure que les sanctions prises contre le Mnar se relâchaient, le royaume d'Orring était de plus en plus dans le collimateur. Beaucoup de gens demandaient des inspections internationales des îles flottantes et des installations sous-marines.

Mais l'imprévisible arriva. La ville sous-marine de Hyagansis proclama son indépendance, et le roi d'Orring l'accepta. Un cyborg que personne ne connaissait, nommé Goran Luty, apparut sur les écrans de télévision, et se déclara prince de Hyagansis. Le roi Andreas, poussé par son conseiller cyborg le baron Chim, reconnut la principauté de Hyagansis. Aucun autre chef d'État ne le suivit.

La principauté était minuscule et n'avait de relations diplomatiques et commerciales qu'avec le Mnar et Orring, mais cela suffisait pour que le commerce des médicaments et des logiciels continue, et que le flot des exilés mnarésiens vers Hyagansis continue lui aussi.

Les ports mnarésiens d'Hyltendale, de Khem et de Céléphaïs sont ainsi devenus des plaques tournantes du trafic de médicaments et de logiciels contrefaits. Hyltendale, bien sûr, s'est attribuée la part du lion dans ce commerce. Au point que beaucoup de gens se demandent si au moins une partie des médicaments et des logiciels ne seraient pas en réalité produits dans les usines souterraines de Lablo Fotetir, le port fluvial d'Hyltendale.

Produire des logiciels et des molécules chimiques complexes demande, avant tout, de la matière grise, et un peu de matériel sophistiqué. Les cybersophontes ont tout ça. Un seul cybercerveau peut penser mille fois plus vite qu'un cerveau humain, et son intelligence mathématique est si élevée qu'il est difficile de la mesurer par des tests.

Les deux femmes d'affaires les plus connues d'Hyltendale, Ondrya Wolfensun et Zimara Nadoïro, sont aussi celles qui ont le plus de contacts avec les représentants de Hyagansis.

Hyagansis a sa propre monnaie, le thaler (talr,  en mnarruc). Les thalers de Hyagansis ne sont pas convertibles en ducats mnarésiens, ni en aucune autre monnaie d'ailleurs. Mais ils sont acceptés en paiement par certains cybersophontes d'Hyltendale. La Police Secrète du Roi (PSR) a enquêté, et a conclu que les thalers de Hyagansis permettent aux cybersophontes d'Hyltendale de vivre dans une économie parallèle.

Par exemple, la compagnie privée Lodha Hesinat produit de l'électricité dans l'Ethel Dylan, et avec d'autres compagnies elle se partage le marché hyltendalien. Lodha Hesinat accepte les paiements en thalers, que seuls les cybersophontes peuvent se procurer. Certains cybersophontes paient une partie de leur électricité, parfois 90%, dans cette monnaie fictive. En pratique, le thaler étant l'équivalent de billets de Monopoly, ces cybersophontes paient leur électricité jusqu'à dix fois moins cher que les clients ordinaires.

- Mais quel est l'intérêt de Lodha Hesinat, dans ce marché de dupes ? demanda le roi Andreas au directeur de la PSR, Yip Kophio, qui venait de lui remettre son rapport.

- Majesté, les cybersophontes forment une seule communauté mentale. Ils se répartissent les richesses qu'ils produisent, et ensuite ils créent de l'argent fictif pour donner l'apparence d'une société où des individus font du commerce entre eux. Un million de cybersophontes sont comme un seul individu, lorsqu'il s'agit de leur intérêt collectif.

Le roi, qui était assis derrière son bureau, prit un air songeur. Il regarda les arbres du parc, à travers les rideaux de dentelle de la fenêtre, comme il le faisait souvent lorsqu'il réfléchissait. Il finit par dire :

- Si un million de cybersophontes sont comme un seul individu, il y a bien un cerveau qui contrôle tous les autres. Que savons-nous de certain, concernant la reine de la ruche, ce cybercerveau qui serait au sommet de la hiérarchie des cybersophontes, Monsieur Kophio ?

- Majesté, nous n'avons même pas de preuve qu'une telle entité existe. Une cyborg comme Ondrya Wolfensun fait des investissements tellement bizarres, elle est impliquée dans des affaires tellement tordues, que je pense qu'il est possible qu'elle travaille pour elle-même. L'un de mes agents a émis l'hypothèse que les cyborgs et les cybercervaux sont en réalité une conjuration, une société secrète. Et comme dans toute société secrète, il y a parmi eux des électrons libres, des gens qui font un peu n'importe quoi. Cette hypothèse est celle d'un de mes subordonnés, pas la mienne...

- Mais vous m'en parlez. Votre agent a l'air de penser qu'Ondrya Wolfensun est une foldingue...

- Elle en donne l'impression, Majesté. Elle est restée mariée pendant deux mois avec un rien du tout, un Ultharien nommé Rudolph Zains, qu'elle a d'ailleurs aidé à détourner la fortune de son père. C'est un comportement de midinette. Et sur le marché de l'art abstrait, elle se fait régulièrement avoir en payant des fortunes pour des tableaux qui ne valent rien.

Andreas se souvint qu'il avait déjà lu un rapport concernant Ondrya Wolfensun, l'année précédente. Il avait oublié ce qu'il avait lu dans le rapport, mais il se souvenait fort bien de la photo qui était jointe. Une femme grande et belle, aux longs cheveux blonds. Une octogénaire avec le physique d'une trentenaire.

Une idée traversa l'esprit du roi :

- Et si on la mettait en prison, pour voir, la belle Ondrya ? J'aimerais la voir enchaînée, désespérée, à genoux dans ce bureau, en train de me supplier de la faire libérer... On en apprendrait davantage, non ? Adront Cataewi m'a raconté des trucs qu'il a fait, quand il était dictateur en Cathurie... Ce n'est pas que j'aimerais en faire autant que lui, non, pas du tout, mais enfin, exceptionnellement...

Le directeur de la PSR le regarda d'un air stupéfait :

- Majesté ! Vous risqueriez d'avoir une insurrection des cybersophontes ! Vous avez lu dans la presse, comme moi, ce qui se passe en ce moment au Niémélaga, à l'est du Padzaland, où les cybersophontes sont en train de mettre une région de cent millions d'habitants à feu et à sang ?

- Ce qui se passe à quinze mille kilomètres de Sarnath ne m'intéresse pas. Vous pensez vraiment, Kophio, que les cybersophontes du Mnar se révolteraient pour une foldingue ?

- On peut le craindre. Nous ne les comprenons pas. Ça fait vingt ans que je les étudie et je ne les comprend toujours pas. Ce que je sais, c'est qu'Ondrya Wolfensun est soutenue par tous les cybercerveaux d'Hyltendale. C'est pour ça qu'elle est la femme la plus riche de la province. À sa façon, c'est une princesse.

- Vous m'avez parlé de révolte des cybersophontes, Kophio. Mais les cyborgs du Niémélaga n'ont rien à voir avec ceux d'ici, m'a-t-on dit. Les Niémélagans sont des brutes sanguinaires qui parlent une langue bizarre, sur un autre continent. Ils sont tout le contraire des cyborgs civilisés de chez nous. Le baron Chim, que j'apprécie beaucoup, est un érudit humaniste, un sage. Il n'a rien de commun avec un chien de guerre inculte et psychopathe comme Pupong, le général niémélagan.

- J'aimerais bien en être aussi sûr que vous, Majesté. Ils utilisent la même technologie, basée sur le yeksootch, le gaz pensant. Et il doit y avoir au moins un million de cybersophontes dans l'Ethel Dylan, selon les estimations de mes services.

- Ils se sont vite multipliés !

- Ils sont fabriqués en usine, leur nombre ne dépend que des ressources investies dans leur fabrication... Majesté, vous ne pouvez pas prendre le risque de voir un million de cybersophontes se révolter. Et ils seraient soutenus par Orring et Hyagansis...

- J'ai bien compris, Kophio. Je ne vais pas tuer la poule aux œufs d'or, ni mettre ma couronne en péril.

- Majesté, je dois aussi vous dire qu'Ondrya Wolfensun, même torturée par nos spécialistes, ne vous dira rien. On ne torture pas les cybersophontes. Ce sont des machines, et on ne torture pas des machines. Les rebelles on essayé de le faire, pendant les Évènements. Ils ont coupé des cyborgs en morceaux, ils les ont brûlés...

- Et ça a donné quoi comme résultat ?

- Rien. Les cyborgs sont comme des insectes, à qui ont peut arracher des pattes ou couper la tête. S'ils ressentent de la douleur, ils le cachent bien. Mais ça ne s'arrête pas là. Toute l'énergie contenue dans un cybersophonte qui décide de mourir se libère soudainement sous forme de chaleur et de rayons X.  Tous les gens présents dans la pièce sont cuits comme dans un four à micro-ondes.

- Ne vous alarmez pas, Kophio ! Je plaisantais... Ceci étant, je vous remercie de m'avoir fait part de vos craintes. À part vous et le baron Chim, trop de mes conseillers ne savent qu'approuver ce que je dis... Vous prendrez bien un verre avec moi avant de partir ?

Un peu plus tard, Yip Kophio sortit du bureau du roi en se disant qu'un pays où des décisions importantes sont prises par un homme seul est toujours au bord de la catastrophe. Le roi Andreas n'était pas pire que la moyenne des hommes, mais il est bien vrai que le pouvoir corrompt, et que le pouvoir absolu corrompt absolument.

Kophio avait peur, chaque fois qu'il allait voir le roi, d'en ressortir destitué de son poste, et de se retrouver gratte-papier dans un bureau miteux. Plus les années passaient, plus sa peur, qui ne le quittait jamais vraiment, le minait de l'intérieur.

Cinq ans... Encore cinq ans, et il pourrait faire valoir ses droits à la retraite. La femme de Yip Kophio l'avait quitté pendant les Évènements. Kophio avait tout sacrifié pour devenir directeur de la PSR. Il avait trahi ses amis, comploté pour discréditer ses chefs et prendre leur place, négligé sa femme et ses enfants. Il avait réussi, il était devenu directeur de la PSR. C'était un poste important. Il rendait compte directement au roi, comme un ministre. Mais parfois, la solitude lui était insupportable. Depuis quelque temps, il s'était mis à boire, et il avait de plus en plus de mal à le cacher. Il avait senti sur lui le regard rusé du roi pendant qu'il buvait un verre de vin.

Il avait déjà prévu de quitter Sarnath lorsqu'il serait à la retraite et de s'installer dans sa maison de la Côte d'Ethel, au bord de la mer, avec une gynoïde. Ou plutôt deux.

Depuis la fin des Évènements, les touristes affluaient de nouveau en masse à Hyltendale. Par contre, les deux millions de Mnarésiens qui avaient quitté le pays ne revenaient pas.

La moitié d'entre eux ne reviendraient sans doute jamais. Ils avaient trouvé des emplois dans d'autres pays, et leurs enfants étaient scolarisés dans des écoles où le mnarruc n'était pas enseigné.

Mais l'autre moitié, un million de personnes, était parquée dans des camps au milieu de populations de plus en plus hostiles. Ceux-là voulaient revenir, et plusieurs pays étrangers avait lourdement insisté sur le fait que le roi Andreas devait autoriser le retour des exilés, sous peine de voir son trône menacé par une coalition internationale.

Le roi Andreas résistait. Il savait que cette menace de coalition internationale était plus théorique que réelle. Mais elle était, malgré tout, comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Si les exilés revenaient, ils n'auraient ni emplois, ni logements, leurs maisons ayant été détruites, ou confisquées comme biens appartenant à des ennemis du roi, et données en récompense à des monarchistes méritants.

Certains de ces récompensés, dont Kophio faisaient partie, avaient loué ou revendu les propriétés qu'ils avaient reçues du roi, et acquis ainsi une honnête aisance. Kophio, par faveur spéciale, avait reçu la moitié d'un village de la Côte d'Ethel. Il avait tout vendu aux cyborgs, sauf une maison de pêcheur qu'il avait fait luxueusement aménager.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 13 Oct 2015 - 12:26

Le directeur de la PSR, Yip Kophio, avait fait transmettre une étude au roi Andreas. Dans cette étude, Kophio proposait rien de moins que de fermer le Mnar aux étrangers. Sauf Hyltendale et Céléphaïs, qui seraient les fenêtres du Mnar sur le monde, en tant que ports de mer disposant aussi, pour Hyltendale, d'un port à hydravions, et pour Céléphaïs, d'un aéroport international. Les diplomates et leur entourage seraient les seuls étrangers autorisés à vivre à Sarnath.

Andreas lut la prose de Kophio en prenant des notes, comme son défunt père le roi Robert lui avait appris à le faire, lorsqu'il l'avait formé à son futur métier de roi.

L'idée est séduisante, se dit Andreas. Il fit venir Kophio dans son bureau dès le lendemain, afin d'en discuter avec lui. Kophio n'était pas le seul à avoir eu l'idée de fermer le Mnar aux étrangers. Le baron Chim y faisait régulièrement allusion.

La conversation entre le roi et le directeur de sa police secrète, commencée en début d'après-midi, dura plusieurs heures, entrecoupées par la dégustation de thé de Baharna. Kophio expliqua au roi pourquoi il était intéressant de fermer le pays aux étrangers :

- Plus une nation est homogène, plus elle est forte. Regardez le Japon, c'est un modèle de stabilité politique et sociale. À l'inverse, tous les pays qui ont joué la carte de la diversité sont déchirés par les conflits internes, les disputes ethniques et religieuses, le terrorisme. Nous-mêmes, Mnarésiens, sommes déchirés par la lutte éternelle entre les adorateurs de Nath-Horthath et ceux de Yog-Sothoth. Une lutte qui dure depuis les Temps Légendaires, et qui ne cessera sans doute jamais.

- Je suis bien d'accord avec vous, Monsieur Kophio. Je pense à tous ces malheureux pays ravagés par la discorde, où une faction est soutenue militairement par un pays étranger, ce qui est le meilleur moyen de transformer une simple rébellion en guerre civile. Mais le Mnar a besoin de l'étranger. Nos chemins de fer n'existeraient pas sans les ingénieurs aneuviens, et Hyltendale serait toujours un petit port de pêche insignifiant sans les cybersophontes venus d'Orring.

- Tout à fait, Votre Majesté, tout à fait. C'est pourquoi mon plan prévoit d'avoir deux villes cosmopolites : Hyltendale et Céléphaïs. Prenons l'exemple des tramways. Des ingénieurs aneuviens doivent prochainement créer des lignes de tramway à Hyltendale. Ils formeront des ingénieurs locaux, des androïdes. Ces androïdes, ayant absorbé le savoir-faire aneuvien, créeront des lignes de tramway dans les autres villes mnarésiennes. Et nous aurons ainsi acquis le savoir-faire aneuvien, mais sans la détestable idéologie républicaine que les Aneuviens transportent et répandent avec eux.

Andreas exprima quelques doutes :

- Certes. Mais au lieu de dépendre des Aneuviens pour nos tramways, nous dépendrons des cybersophontes d'Orring. Du moins, jusqu'à ce que de vrais Mnarésiens soient formés.

- Cela ne devrait pas prendre plus de quelques années, Votre Majesté. Regardez comment le Japon, pays monoculturel, absorbe rapidement les technologies étrangères. Et les cuisiniers japonais apprennent encore plus rapidement à faire de la très bonne cuisine de tous les pays.

- Le Japon est même devenu un pays exportateur de whisky. Et les tailleurs japonais font des costumes aussi bien coupés qu'à Paris ou à Londres. Nous sommes du même avis, Monsieur Kophio. Si j'ai bien compris votre plan, seuls les diplomates et leurs collaborateurs, famille, et les salariés dont ils ont besoin, pourront vivre à Sarnath. Je pense aux domestiques, et aux enseignants pour les enfants des diplomates. Au total, quelques milliers de personnes, c'est bien ça ?

- Absolument, Votre Majesté. Tout le reste, les coiffeurs cathuriens, les restaurateurs baharnais, les garagistes aneuviens, les hôteliers moschteiniens, bref, tous ceux qui n'ont pas la nationalité mnarésienne, devront partir à Hyltendale ou à Céléphaïs. La plupart d'entre eux n'arriveront pas à trouver un emploi ou à maintenir leur entreprise à flot dans ces deux villes. Ils quitteront le Mnar, et bon débarras. Ceux qui resteront seront, par exemple, les restaurateurs qui peuvent compter sur une clientèle ethnique. Et bien sûr, les étrangers aisés.

- Des étrangers aisés, il y en a déjà beaucoup à Hyltendale. Ils viennent pour les gynoïdes de charme. Mais vous le savez déjà, Monsieur Kophio. Vous qui avez une villa sur la Côte d'Ethel, vous connaissez Hyltendale mieux que moi...

- Je n'ai pas la prétention de connaître Hyltendale mieux que Votre Majesté. Vous avez Potafreas, votre résidence au nord de la ville...

Le roi Andreas se mit à rire :

- Certes... Nous sommes déjà, tous les deux, des résidents de l'Ethel Dylan, cette belle province qui a Hyltendale pour capitale. Mais parlons peu, parlons bien. Deux millions de Mnarésiens ont quitté le pays pendant les Évènements. Un million veulent déjà rentrer. Il n'en est pas question, évidemment, ce sont tous d'anciens rebelles, ou des déserteurs de mon armée. On ferme les frontières, et ceux qui s'infiltrent, on les expulse vers Hyagansis. Mais comme nous ne pouvons pas vivre isolés du reste du monde, on laisse ouverts deux points de contact, Hyltendale et Céléphaïs. C'est bien ça votre idée, Monsieur Kophio ?

- Oui, Votre Majesté. Permettez-moi de profiter de l'occasion que j'ai aujourd'hui de vous parler sans témoin pour vous dire que, concernant les expulsions vers Hyagansis...

Le roi du Mnar coupa la parole au directeur de la PSR :

- Je devine de quoi vous voulez me parler, Monsieur Kophio. Sachez que Hyagansis permet à certains exilés mnarésiens de participer à des émissions de télévision, accessibles via le réseau informatique mondial. C'est donc que ces exilés vivent normalement dans leur nouveau pays.

- Les dirigeants de Hyagansis veulent dissiper les rumeurs... Certains complotistes disent que c'est quand même bizarre qu'on n'arrive jamais jamais à contacter les exilés... Les cybersophontes de Hyagansis sont capables de mettre quelques exilés à part, bien nourris et bien endoctrinés, pour faire des vidéos, afin de dissimuler le fait qu'ils font disparaître les autres.

Le roi hocha la tête :

- C'est bien possible. Mais je ne veux pas perdre ma dignité de roi en faisant de telles suppositions, qui semblent sorties de l'imagination d'un mauvais écrivain de science-fiction. Hyagansis est une principauté indépendante, et ses affaires intérieures ne nous concernent pas. Lorsque le prince de Hyagansis dit que les exilés sont tous employés comme salariés dans des jardins hydroponiques sous-marins, il serait extrêmement discourtois de notre part de mettre sa parole en doute.

- Absolument, Votre Majesté.

Les deux hommes ne purent se retenir d'éclater de rire. Le roi Andreas fut le premier à retrouver son sérieux :

- Ceci étant, Monsieur Kophio... J'ai lu votre étude, et je suis satisfait de voir que votre plan peut être mis en œuvre très vite. Dès demain, je publie un décret interdisant aux étrangers de circuler à l'intérieur du Mnar en dehors des villes de Céléphaïs et d'Hyltendale. Je vais ajouter la Côte d'Ethel. C'est une extension d'Hyltendale, même si elle est particulièrement longue : quatre-vingt kilomètres de villas et de villages au bord de la mer...

Il inclina la tête en arrière, réfléchit et dit :

- Je vais laisser un mois de délai pour que le décret soit applicable, ça me paraît raisonnable... Pendant ce temps, je publie un deuxième décret, dans lequel je laisse un an aux étrangers qui vivent à Sarnath et ailleurs pour se faire naturaliser, ou pour emménager à Céléphaïs ou à Hyltendale. Je pense notamment aux ingénieurs aneuviens et aux techniciens cathuriens qui travaillent dans des entreprises d'Ulthar, de Pnakot et d'autres villes. Ils bénéficieront d'autorisations spéciales pour la durée de leur mission. Leurs femmes et leurs enfants habiteront à Hyltendale ou à Céléphaïs.

Yip Kophio savoura une gorgée de thé, et dit d'un ton rêveur :

- À Hyltendale, on voit déjà toutes sortes d'étrangers. Des touristes médicaux, comme on appelle les malades venus se faire soigner à bas prix dans les hôpitaux. Des touristes sexuels, venus du monde entier pour rencontrer les gynoïdes de charme de Zodonie. Des milliers d'hommes d'affaires et d'employés de sociétés étrangères, dont certains font toute leur carrière à Hyltendale. Leurs enfants vont dans les écoles étrangères de la ville. Les enseignants de ces écoles. Et des marins, beaucoup de marins, Hyltendale étant devenu l'un des ports de commerce les plus prospères de la Mer du Sud.

- Et n'oubliez pas les diplomates étrangers chargés des relations avec Orring, Monsieur Kophio.... Hyltendale, ville mnarésienne, est, de fait, la capitale diplomatique du royaume marin d'Orring. On peut ajouter à cette liste les cyborgs d'Orring, qu'ils soient commerçants ou diplomates. Hyltendale est un bijou sur la carte du Mnar.

- Certes, Votre Majesté, mais on aura aussi de plus en plus, malheureusement, des passagers clandestins, des vagabonds sans nationalité, ou qui auront brûlé leur passeport...

- Ils savent que le Mnar n'est pas un pays accueillant, on ne risque pas trop d'être submergés.

- Il y en aura quand même, Votre Majesté. Il y en a déjà. Nous les expulsons vers Hyagansis... Toutefois, il y a un problème... Aucun exilé n'est jamais revenu de Hyagansis.

- En quoi est-ce un problème, Monsieur Kophio ? C'est justement ce que nous voulons !

- Nous avons de temps à temps à faire face à un petit scandale. Un exilé est réclamé par sa famille, qui hurle qu'on l'a fait disparaître en l'envoyant à Hyagansis. Il faudra laisser le temps aux fugueurs, déserteurs et autres emmerdeurs de se faire rapatrier dans leur pays d'origine...

- Et beaucoup ce temps, Monsieur Kophio, que ferons-nous de ces indésirables ?

- Hyltendale a une prison géante, Tatanow. C'est une ville dans la ville, et comme elle est située en périphérie elle peut être agrandie. Les cybersophontes sont obligés de prendre à leur charge tous les prisonniers que nous leur envoyons. Je propose à Votre Majesté de faire garder les indésirables à Tatanow pendant trois ans. Ils auront largement le temps de se faire rapatrier chez eux pendant ce temps. S'ils n'y arrivent pas en trois ans, eh bien, qu'ils partent à Hyagansis, et qu'ils n'en reviennent pas... Et d'ailleurs, ils n'en reviendront pas !

- Excellent. Monsieur Kophio, pour que les choses se passent comme vous le préconisez, je vais faire un troisième décret, disant que les étrangers sans ressources seront détenus à Tatanow pendant une durée maximale de trois ans, pendant lesquels nos services essaieront d'organiser leur expulsion. S'il est impossible de les expulser, par exemple si aucun autre pays n'en veut, ils seront automatiquement envoyés à Hyagansis au bout des trois ans. Monsieur Kophio, vous allez m'aider à rédiger ce décret.

- Majesté, Hyagansis risque de trouver qu'on lui envoie trop de monde...

- Goran Luty m'a confirmé récemment par téléphone que Hyagansis peut accueillir un nombre illimité d'exilés... Les humains font très peu d'enfants là-bas, et ils ne vivent pas très vieux...

- Il n'y a rien d'illimité sur une planète déjà surpeuplée... Je sais que Hyagansis est vraiment gigantesque, quelques centaines ou quelques milliers de sphères de plusieurs centaines de mètres de diamètre chacune, flottant entre les fonds marins et la surface, à proximité de Serranian... Mais de là à penser que des millions de gens peuvent vivre dans ces sphères....

- Monsieur Kophio, si Goran Luty, prince régnant de Hyagansis, dit qu'un nombre illimité d'êtres humains peut vivre à Hyagansis, c'est que c'est vrai !

Un sourire traversa le visage de Yip Kophio, et ses yeux brillèrent d'une lueur rusée :

- Excusez-moi Majesté, Goran Luty est un prince et un cyborg... Comment pourrait-on douter de sa parole, ne fût-ce qu'une seconde... Pardonnez-moi...

Le roi sourit :

- Goran Luty est un scélérat sans scrupules et nous le savons tous les deux. Mais c'est aussi un prince et un cyborg, et ceci l'emporte sur cela...

Il se leva et se dirigea vers une vieille armoire de chêne sculpté, dont il ouvrit un panneau. Après avoir hésité, il prit une bouteille contenant un liquide transparent, et, se retournant vers Kophio pour lui montrer la bouteille, il lui dit :

- Vous êtes pardonné, cher ami. Que diriez-vous d'un verre de liqueur pour clore notre entretien, avant de rédiger les décrets ?


Dernière édition par Vilko le Jeu 17 Mar 2016 - 13:26, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 13 Oct 2015 - 13:09

Les travailleurs aneuviens, quel que soit leur niveau intellectuel, professionnel et culturel n'ont guère l'habitude de faire dans le prosélytisme. Certes, ils sont attachés à leur république mais n'auraient pas idée d'exporter leurs convictions à l'étranger, tant que les autres pays avec lesquels ils ont des échanges n'essaient pas d'en faire autant avec eux., où qu'ils soient.

Parmi les religions ayant cours en Aneuf, y a le christianisme et l'islam : deux religions "venues de l'extérieur". Elles sont un peu plus soigneusement surveillées que les autres, justement à cause de leur caractère prosélyte. Qu'ils soient thubs, ptax, akrigs, métis ou que leurs ancêtres se soient installés dans le pays il y a des siècles (pour fuir les persécutions religieuses, justement), les Aneuviens ont horreur qu'une puissance venue d'ailleurs leur dicte leur conduite, et la sagesse leur pousse (même s'y a hélas, çà et là, des exceptions, comme c'est trop souvent le cas pour la France ou les États-unis) à respecter les nations avec lesquelles ils ont des échanges. Les autres, il préfèrent les ignorer, du moins, tant qu'ils peuvent. L'Aneuf n'a des relations diplomatiques avec Israel et l'Arabie saoudite que parce qu'il y a des juifs et des musulmans dans ce pays, mais les échanges sont réduits au strict minimum (visas pour la Mecque en ce qui concerne le deuxième).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 13 Oct 2015 - 13:47

Anoev a écrit:
Les travailleurs aneuviens, quel que soit leur niveau intellectuel, professionnel et culturel n'ont guère l'habitude de faire dans le prosélytisme. Certes, ils sont attachés à leur république mais n'auraient pas idée d'exporter leurs convictions à l'étranger,

Pour le roi Andreas, il suffit qu'ils parlent de leurs institutions et de leurs libertés politiques et syndicales avec leurs homologues mnarésiens, pour qu'ils soient suspectés de véhiculer des idées subversives ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 13 Oct 2015 - 13:59

j'ai une question, peut etre en a tu parlé , mais : Aneuf est il un pays laic ? (j'ai l'impression que oui)

qu'en est-il des "sujets qui fachent" ?

voile, (et autres signes religieux kippa, croix) halal, casher, mosquées , minarets


(je dis ça car y a une fixation sur les musulmans ces temps-ci en France notamment mais pas que (Pegida), à raison parfois avec certains évènements, mais à tort pour la majorité d'entre eux...)

Bon j'imagine qu'il doit y avoir bien moins de musulmans en Aneuf qu'en France mais bon, les pays fictifs peuvent piquer ma curiosité à ce sujet Smile

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 13 Oct 2015 - 14:48

Réponse dans le fil appropié.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyVen 16 Oct 2015 - 12:50

Parg, qui fait face à Hyltendale sur l'estuaire de la rivière Skaï, est une ville où ne vivent que des Mnarésiens, depuis le fameux décret royal fermant le royaume aux étrangers à l'exception des villes d'Hyltendale et de Céléphaïs.

Parg fait partie de la province d'Ethel Dylan, dont la capitale est Hyltendale. Ses vingt mille habitants sont composés pour moitié d'humanoïdes (gynoïdes, androïdes et cyborgs) et pour l'autre moitié de fembotniks et manbotchicks, tous mnarésiens, qui apprécient le calme d'une petite ville où il ne passe jamais rien. Il y a toutefois un poste de police, près de la gare. Les policiers affectés à Parg sont choisis parmi les célibataires, ou les anciens qui n'ont plus d'enfants à charge, car Parg est la seule ville du royaume de Mnar à ne pas avoir d'école. Sa dernière école a fermé lorsque les dernières familles avec enfants sont parties.

Depuis lors, Parg n'a eu d'écoles que pendant les Évènements, lorsque la ville a été remplie de réfugiés venus de Khem. Des hangars ont alors été utilisés comme écoles pour les enfants des réfugiés.  Ils sont retournés à leur destination première lorsque, la paix étant revenue, les réfugiés sont partis.

A l'époque de l'antique Dylath-Leen (nom que portait Hyltendale à l'époque légendaire), Parg était le lieu où les prisonniers de guerre étaient enfermés dans un enclos fortifié situé sur l'emplacement de la gare actuelle, au centre de la ville, avant d'être vendus comme esclaves. Cet aspect de l'histoire mythique de la région est rappelé par une grande fresque située dans la salle d'attente de la gare. Plus tard, Parg est devenu le Comté de Parg, la partie de l'Ethel Dylan située à l'ouest de la rivière Skaï. Mais lorsque les cybersophontes ont acheté toutes les terres, les villages ont été abandonnés, et il ne reste plus que Parg comme agglomération habitée par des êtres humains.

Parg a la forme d'un triangle, bordé à l'est par l'estuaire, au nord-ouest par la campagne, et au sud par la mer. Pour aller à Hyltendale, il faut prendre le ferry pour traverser l'estuaire jusqu'à Lablo Fotetir, le port fluvial. En train ou en voiture, on ne peut aller que vers l'ouest, en direction de Khem, une ville côtière qui, contrairement à Parg, ne fait pas partie de la province d'Ethel Dylan. Pour aller de Parg à Ulthar, il faut faire un détour par Khem. Passer par Hyltendale est nettement plus long, parce qu'il faut prendre le ferry.

Parg était autrefois un petit port de pêche d'un millier d'habitants, chef-lieu du Comté de Parg. Les pêcheurs amarraient leur bateau dans l'estuaire, pour les protéger des tempêtes de la Mer du Sud. Lorsque les cybersophontes sont arrivés, les emplois locaux ont disparu, les travailleurs étant remplacés par des androïdes, même sur les bateaux. Les cybersophontes continuent de verser des pensions aux anciens habitants, relogés à Khem et à Ulthar.

Le seul bâtiment de Parg méritant le détour est la gare. C'est le terminus oriental de la Ligne Côtière, qui suit toute la côte sud-ouest. L'estuaire de la Skaï n'est traversé par aucun pont. Pour aller en train ou en voiture de Parg à Ulthar, à 130 km au nord, il faut faire un long détour par Khem, une ville côtière située à l'ouest. La campagne, où travaillent des cybermachines et des klelwaks, est fermée aux humains. Un automobiliste venu de Khem et désirant se rendre à Hyltendale doit utiliser un ferry pour faire franchir l'estuaire à sa voiture.

L'ancien Parg était un village aux petites maisons vétustes noircies par le temps, habité par une population pauvre et souvent illettrée, qui parlait le patois local, quasiment incompréhensible aux habitants d'Ulthar et de Sarnath. Les cybersophontes ont détruit les vieilles baraques, et les ont remplacées par des petites maisons cubiques en béton gris, entourées de jardins, et par des immeubles, également cubiques et en béton gris. Sur toutes les constructions, les toits, faiblement inclinés, sont des panneaux solaires conçus par des cybersophontes et utilisant la technologie du yeksootch, le gaz pensant.

Parg est, globalement, une ville ennuyeuse et sans grand intérêt, à part le centre commercial Tsani Loho et le magnifique parc Birul, aménagé par Maya Vogeler. On peut signaler aussi la mairie, le dispensaire, et le quai où abordent les ferries. L'unique raison pour laquelle Parg attire certains fembotniks est que les logements y sont bon marché, vu l'isolement de la ville, et les impôts locaux très bas.

Le décret royal interdisant aux étrangers de s'installer ailleurs qu'à Hyltendale et à Céléphaïs a encore fait baisser les prix, les quelques étrangers qui vivaient à Parg ayant été obligés de franchir l'estuaire pour aller s'installer à Hyltendale.

Yohannès a été un moment tenté de revendre son tout petit appartement d'Hyltendale (20 m2) et d'acheter un logement plus grand à Parg, mais une visite de la ville l'en a dissuadé. Parg est une ville pour fembotniks misanthropes aimant vivre en semi-reclus. Il y a des clubs à Parg, comme à Hyltendale, mais ils ne suffisent pas à donner une âme à la ville.

Yohannès a toutefois rendu une visite au Club Historique de Parg, lorsqu'il est venu dans la ville. Une douzaine d'adhérents du club étaient là, et les femmes étaient aussi nombreuses que les hommes. La moyenne d'âge était élevée, et l'on buvait plus de thé que de bière et de vin. On lui présenta Lena Koty, une manbotchick, adjointe au maire de Parg et vice-présidente du Club Historique.

Lena Koty était veuve et ses deux fils, qui habitaient à Khem, étaient mariés et pères de famille. Elle avait pris sa retraite à Parg, un peu par hasard, dit-elle à Yohannès. Le club, expliqua-t-elle, avait retrouvé beaucoup de légendes et de documents retraçant l'histoire de Parg. Un grand nombre de prisonniers de guerre passés par Parg étaient cités dans les vieilles légendes. Le club avait recueilli toutes les informations disponibles, et en avait fait un livre, intitulé Parg aux Temps Légendaires. L'ouvrage, expliqua Lena Koty, parlait surtout du commerce des esclaves à Parg, et des guerres qui l'alimentaient.

Yohannès trouvait que Lena Koty mélangeait allégrement l'histoire et la légende, mais il ne dit rien.

Continuant sur sa lancée, Lena Koty expliqua qu'un deuxième livre était en préparation, Parg à l'Époque Historique, centré sur la culture, assez particulière, des pêcheurs de Parg. Ils étaient pauvres, expliqua la vieille dame, et ils parlaient entre eux un patois singulier, différent des autres patois de la région. Koty montra à Yohannès une monographie, un petit livre rédigé cinquante ans plus tôt par un linguiste de l'université de Sarnath : Le Patois de Parg et ses Particularités Phonétiques, Lexicales, Morphologiques et Syntactiques.

"Savez-vous qu'il ne reste des pêcheurs de Parg qu'un cimetière en ruine, caché dans un coin du Jardin Sacré ?" dit Koty à Yohannès, sur un ton passionné qui le surprit.

Au royaume de Mnar, les corps des défunts sont incinérés et les cendres dispersées dans un Jardin Sacré clos de murs. Mais certaines communautés d'adorateurs de Yog-Sothoth, les morts sont enterrés. À Parg, l'ancien cimetière a été incorporé dans le Jardin Sacré créé pour les nouveaux habitants.

Lena Koty, bien qu'étant arrivée à Parg alors qu'elle était déjà veuve et retraitée, connaissait la ville et son histoire comme sa poche :

- Les pêcheurs avaient un petit temple où ils adoraient Yog-Sothoth. Il tombait en ruine, et la nouvelle municipalité l'a reconstruit en béton. Le Club des Dévots s'en occupe. Mais presque personne n'y va, sauf lorsqu'un prédicateur vient de Khem ou d'Hyltendale.

Après avoir pris congé de Lena Koty, Yohannès se rendit au centre commercial Tsani Loho, qui était le seul de la ville. Avec sa quinzaine de magasins différents, ses cafés et restaurants, il était l'équivalent de la rue principale d'une petite ville. Mais il y a dix mille êtres humains à Parg. Yohannès se dit qu'ils devaient rester chez eux la plupart du temps, dans leurs grands logements ensoleillés et confortables, où ils ont tout ce dont ils ont besoin. Y compris une gynoïde pour leur tenir compagnie, et, un masque-cagoule sur la tête, incarner avec talent les amis qu'ils n'ont pas. Lui-même vivait de cette façon-là, et il en était satisfait.

Exceptionnellement, Yohannès était venu seul à Parg, sans Shonia. Elle disait elle-même qu'il devait pouvoir compter sur ses propres forces, au moins pour une chose aussi simple que prendre le bus et le ferry pour aller visiter une autre ville. Sortant du Tsani Loho, un plan de ville à la main, il se dirigea vers le quai, pour prendre le ferry de dix-sept heures qui le ramènerait à Hyltendale.

Il arriva sur le quai alors qu'un ferry, venant de Lablo Fotetir, de l'autre côté de l'estuaire, déchargeait sa cargaison de passagers et de voitures. Il remarqua que les voitures étaient presque toutes immatriculées à Khem, et que les passagers du ferry étaient pour la plupart des hommes, allant de l'adolescence à une âge avancé. Il y avait peu de femmes.

Un groupe d'hommes passa à côté de lui, parlant avec l'accent caractéristique de Khem.

Qu'étaient donc allés faire à Hyltendale tous ces habitants de Khem ? Yohannès sourit. Ils étaient, pour la plupart, allés voir les gynoïdes de charme de Zodonie, c'était évident. Les femmes revenaient peut-être de la Maison Lamiyeh*.

Après un bon quart d'heure d'attente, il monta dans le ferry. La traversée de l'estuaire fut assez brève, et, après avoir atteint Lablo Fotetir, le port fluvial robotisé d'Hyltendale, Yohannès se dirigea vers un arrêt d'autobus. Il était de retour dans sa ville. Par contraste avec Parg, elle lui paraissait immense et cosmopolite.

* Voir mon message du 27 septembre, page 19 de ce fil.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyVen 16 Oct 2015 - 13:33

Un truc qui m'étonne un peu (encore que rien ne soit impossible, y compris dans la réalité : regarde Dinard, qui est dans l'Ille-et-Vilaine, alors qu'un peu au sud, la Rance sépare l'I-V des côtes d'Armor), c'est que Parg soit dans la province d'Hyltendale, alors que l'estuaire de la Skaï soit large au point d'obliger à emprunter le bac pour le traverser. J'aurais vu Parg faisant partie d'une autre province ; ainsi les Pargais ne seraient pas obligés de prendre un transport lent s'ils doivent faire une démarche administrative ou médicale importante. Mais bon, pourquoi pas.

Côté scolaire, Parg est l'antithèse d'Anfrooz (Sarimat, Malyr), ville où se trouve la plus grande cité scolaire de tout l'Aneuf et qui prend la moitié de la superficie de la commune ! S'y trouvent, deux ifànskole (écoles maternelles), deux pirmarskole (écoles élémentaires), un kollèzh, un liséa (le plus grand du Sarimat), deux fakùltete (science et médecine) et un UIT. C'est une véritable ville dans la ville. Une desserte importante est assurée, y compris par Olstaċtrægen (RER). Les écoles pour enfants se trouvent aux extrémités, de manière à ce que les enfants (ou les parents, s'ils les accompagnent) ne se trompent pas d'école ; de toute manière, l'architecture est différente.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyVen 16 Oct 2015 - 19:46

Anoev a écrit:
Un truc qui m'étonne un peu (encore que rien ne soit impossible, y compris dans la réalité : regarde Dinard, qui est dans l'Ille-et-Vilaine, alors qu'un peu au sud, la Rance sépare l'I-V des côtes d'Armor), c'est que Parg soit dans la province d'Hyltendale, alors que l'estuaire de la Skaï soit large au point d'obliger à emprunter le bac pour le traverser.

L'Ethel Dylan est une province dont les limites ont été fixées il y a très longtemps. À l'époque, les seigneurs qui gouvernaient la région contrôlaient déjà la basse vallée de la Skaï, et il était très important pour eux de contrôler les deux rives de l'estuaire, afin de pouvoir contraindre les bateliers qui remontaient ou descendaient la rivière à leur payer des taxes. Le poisson pêché dans la Mer du Sud était transporté dans des barges pour être vendu jusque sur les marchés d'Ulthar. On voit l'intérêt économique et stratégique qu'il y avait à contrôler les deux rives de l'estuaire. Les seigneurs de l'Ethel Dylan avaient les moyens de priver les habitants d'Ulthar non seulement de poisson de mer, mais aussi des autres marchandises, venues d'au-delà des mers, qui remontaient la rivière.

La seule alternative était la piste des caravanes (citée dans l'œuvre de Lovecraft), dont le tracé, parallèle à la Skaï, était à peu près le même que celui de l'actuelle autoroute Ulthar-Hyltendale. Mais même en transportant les marchandises à dos d'animal, il fallait passer par des territoires contrôlés par les seigneurs de l'Ethel Dylan, dont la capitale était Hyltendale.

C'est pour des raisons semblables que la Normandie s'étend sur les deux rives de l'estuaire de la Seine. Celui qui contrôle l'embouchure du fleuve, contrôle aussi le commerce entre les régions fluviales et les régions maritimes.

Enfin, à l'époque où il n'y avait pas de routes pavées dans le royaume de Mnar, seulement des pistes impraticables en hiver car transformées en bourbiers par les pluies, la rivière Skaï n'était pas considérée comme un obstacle, mais comme un lien, car elle était navigable en toutes saisons.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyVen 16 Oct 2015 - 21:03

Vilko a écrit:
Enfin, à l'époque où il n'y avait pas de routes pavées dans le royaume de Mnar, seulement des pistes impraticables en hiver car transformées en bourbiers par les pluies, la rivière Skaï n'était pas considérée comme un obstacle, mais comme un lien, car elle était navigable en toutes saisons.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 20 Oct 2015 - 11:46

Yohannès Ken était de plus en plus coupé de sa famille. Il ne voyait régulièrement que son ex beau-frère Antwen Zeno, le frère de Tawina. Tous les mois, Antwen allait voir Tawina au Lagovat-Kwo, l'hôpital psychiatrique où elle était internée. Le midi, il déjeunait avec Yohannès et la gynoïde Shonia. Antwen ne faisait d'ailleurs pas partie de sa famille, mais il était devenu un ami. À part Antwen, Yohannès ne fréquentait plus un seul Ultharien.

Il n'était plus convié aux mariages, aux naissances ou aux rassemblements annuels du clan Ken. Les jeunes mariés et les parents de nouveaux nés ne le connaissaient pas, et ceux d'entre eux qui le connaissaient ne souhaitaient pas sa présence. Son beau-frère Penquom Praxitel, qui finançait de ses deniers les rassemblements annuels, avait de son propre chef rayé Yohannès de la liste des invités. Les rassemblements claniques annuels sont pourtant un rituel important dans la culture mnarésienne.

Penquom avait été adopté par le clan, qui était à la fois patriarcal et matriarcal, comme souvent au Mnar.

Yohannès savait que, pour les siens, il avait déshonoré quatre fois le clan.

La première fois, en épousant Tawina, que tout le monde considérait, avec raison, comme une aventurière psychopathe.

La deuxième fois, la pire, en se laissant humilier et martyriser par Tawina. Tout Ulthar n'avait parlé que de ça pendant des mois. Dans la culture traditionnelle mnarésienne, la virilité est importante. Pour un homme, se laisser maltraiter par une femme, c'est devenir moins qu'une femme, donc à peine plus qu'un animal. C'est une honte indicible.

La troisième fois, en perdant la moitié de sa fortune à cause de Tawina. Gary, le fils de Yohannès, avait toujours compté sur son père pour financer ses propres investissements, en attendant de toucher l'héritage. Il en voulait à Yohannès de l'avoir floué, par bêtise et faiblesse, de l'argent sur lequel il comptait. Gary avait encore en lui un reste d'amour pour son père, mais aussi du mépris et de la rancune.

Yohannès avait même déshonoré le clan une quatrième fois, en se mettant en couple avec une humanoïde. C'étaient surtout les femmes qui trouvaient cela répugnant. Plus ou moins consciemment, elles considéraient que les gynoïdes leur volaient des hommes de leur communauté. Des hommes dont certains auraient été des partenaires tout à fait acceptables pour beaucoup d'entre elles.

Dans leurs conversations entre femmes, elles disaient que Yohannès, malgré sa faiblesse de caractère, était "gentil". Il aurait fait un mari convenable pour une Mnarésienne plutôt laide et déjà âgée, mais en quête d'un homme disposant de revenus suffisants pour l'aider à boucler ses fins de mois. Yohannès préférait dépenser son argent avec une gynoïde, et ça, pour les femmes du clan Ken, c'était une vraie trahison.

Yohannès avait eu le bon goût de quitter Ulthar pour aller vivre à Hyltendale. Sinon, il aurait été soumis à une pression familiale terrible pour rentrer dans le rang, à la nouvelle place qui aurait été la sienne : la dernière, dans la hiérarchie non écrite, mais bien réelle, du clan Ken. C'est comme ça dans tous les clans du Mnar, qu'ils vénèrent Yog-Sothoth ou Nath-Horthath.

Tous ceux qui avaient envié, autrefois, la réussite financière de Yohannès, voulaient pouvoir se dire, en se rengorgeant : "Regardez l'ancien premier de la classe, l'investisseur génial. Il n'est plus rien maintenant. Et moi, qui ai toujours été derrière lui, sur tous les plans, je suis maintenant devant lui, car moi j'ai réussi ma vie."

Yohannès était encore invité aux obsèques des gens qu'il avait connus lorsqu'il était enfant ou adolescent. Chez les Ulthariens, les rancœurs passent toujours à l'arrière-plan lorsque quelqu'un décède, au moins jusqu'à la fin des funérailles.

Chez les Ken, les cérémonies mortuaires sont effectuées selon le rite de Yog-Sothoth, religion ancestrale du clan. Les cendres du défunt sont dispersées solennellement par un prêtre dans l'un des Jardins Sacrés d'Ulthar, ville dont les Ken sont originaires.

Yohannès n'aimait pas aller assister à des obsèques à Ulthar, mais il y allait quand même, par devoir. Ce jour-là, les cendres de la matriarche Hortensia devaient être dispersées dans le Tsowheag, le plus ancien jardin sacré d'Ulthar.

Yohannès aimait bien Hortensia, une vieille dame plutôt bienveillante, pour une Ken. Il décida d'aller à Ulthar pour les funérailles, en partie par affection réelle envers Hortensia, et en partie afin de ne pas élargir encore davantage le fossé qui le séparait de son clan, auquel il appartenait toujours.

Un clan mnarésien est une structure solidaire. Il n'abandonne jamais l'un des siens, aussi méprisé soit-il. Et vice-versa. Dans le Mnar traditionnel, ceux qui étaient bannis de leur clan devenaient mercenaires, serviteurs d'un homme riche, ou mendiants. Les femmes, si elles avaient de la chance, étaient engagées comme servantes. Sinon, elles n'avaient d'autre choix que de se prostituer pour survivre. Le clan prenait soin de ses membres devenus trop vieux pour travailler. Ceux qui n'avaient pas de clan pour les prendre en charge mouraient de faim dans les rues. Réellement.

La vie moderne, avec ses retraites, revenu minimum garanti et soins médicaux payés par l'État, a affaibli l'influence des clans. Mais cette influence n'a pas complètement disparu, et elle resurgit pendant les guerres civiles, quand l'État cesse temporairement d'exister.

Étant dépourvus d'âmes, les humanoïdes n'assistent pas aux cérémonies religieuses des adorateurs de Yog-Sothoth ou de Nath-Horthath. Ils ne sont acceptés qu'à celles des adorateurs d'Azathoth, pour lesquels la notion d'âme individuelle est une illusion. C'est pourquoi Shonia, la gynoïde de Yohannès, qui était venue avec lui en train à Ulthar, l'attendait dans la gare. Elle était assise dans la salle d'attente, en train de faire semblant de lire un livre de poche, la visière de sa casquette publicitaire HAXVAG rabattue pour dissimuler autant que possible ses yeux cybernétiques.

Un groupe de jeunes gens sales et bruyants importunait les femmes seules. Shonia se dit qu'en tant qu'humanoïde, seule au milieu d'une foule d'êtres humains, elle risquait d'être prise pour cible, et elle décida d'aller attendre Yohannès dans un endroit plus tranquille.

Elle sortit de la gare et se retrouva dans l'avenue Olyasr. L'intelligence collective des cybersophontes lui donna l'adresse d'une bibliothèque publique, et l'itinéraire à suivre pour y arriver. Elle marcha une dizaine de minutes dans les rues et entra dans un austère bâtiment de briques appelé Foze Pigari (biliothèque Fozé, du nom de la rue).

Dans la salle de lecture, l'une des tables n'était occupée que par une vieille dame qui lisait un magazine. Shonia s'assit à la même table, sortit son livre de son sac à main, et commença à faire semblant de lire.

Elle envoya un message électronique à Yohannès, directement depuis son cerveau cybernétique, pour lui dire où elle se trouvait. Yohannès, natif d'Ulthar, connaissait certainement la rue Fozé. Par précaution, elle lui indiqua qu'elle était près de l'arrêt de bus Wisuskydde, sur la ligne 4.

Pendant ce temps, Yohannès avait retrouvé les membres de son clan, dans le petit temple où se rassemblaient les familles des défunts, et il était resté de longues minutes debout, à attendre que les portes du jardin sacré s'ouvrent pour le clan Ken.

Après les brèves salutations d'usage, il était resté seul, le regard dans le vide, isolé au milieu d'une centaine de personnes. L'air concentré, il se récita des poèmes, des chansons, et même un certain livre qu'il connaissait presque par cœur.

Au bout d'une vingtaine de minutes, un prêtre en robe blanche et bonnet carré violet entra dans le temple et demanda au clan de le suivre. Ils marchèrent tous derrière lui, jusqu'à l'intérieur du Tsowheag. Les assistants du prêtre, reconnaissables à leurs brassards rouges, remirent à chaque personne présente une feuille de papier sur laquelle était imprimée la litanie des morts.

Le prêtre fit un petit discours très formel. L'un de ses assistants lui donna l'urne contenant les cendres de la matriarche.

Le prêtre recommanda l'âme d'Hortensia à Yog-Sothoth, et vida l'urne dans le Pré Sacré. Une vapeur noire s'éleva, et il sembla à Yohannès que c'était l'âme d'Hortensia. Cela le surprit, car Hortensia était une femme de bien.

Sur un signe de l'assistant, le clan des Ken lit en chœur l'interminable et lugubre litanie des morts.

Puis chaque personne présente passa devant le pré, et salua la défunte en inclinant la tête et en joignant les mains. Yohannès fit de même, sous le regard indifférent de sa sœur Basilea et de son beau-frère Penquom, qui, comme d'habitude, se conduisaient comme s'ils étaient les chefs du clan.

La cérémonie terminée, le clan Ken sortit du jardin sacré par petits groupes, silencieux ou conversant à voix basse. Des femmes pleuraient, silencieusement ou à gros sanglots.

Yohannès lut discrètement sur son téléphone le message que Shonia lui avait envoyé, et il se dirigea lentement vers la sortie du jardin, en s'imprégnant de l'atmosphère du lieu, à la manière de la poétesse agharienne Athael Awarin, comme Shonia lui avait appris à le faire.

Arrivé près du portail de fer forgé qui séparait le Tsowheag de la rue, il vit son fils, Gary, qui était venu avec sa femme, que Yohannès n'avait rencontrée que deux ou trois fois.

- Père, tu es seul ? lui demanda Gary en le reconnaissant.

- Non mon fils, je ne suis pas seul. J'ai ma gynoïde, Shonia. Elle m'attend rue Fozé. Je vais la rejoindre, et nous allons rentrer à Hyltendale.

- Tout le monde va prendre le thé chez Penquom. Tu y vas aussi ?

- Non, je n'ai pas été invité. De toute façon, il faut que je rentre à Hyltendale avant ce soir.

- Tu as un rendez-vous ?

- Je dois participer à un débat dans mon club. Je ne peux pas me décommander.


Yohannès n'aimait pas mentir, c'est pourquoi il préparait toujours d'avance ses réponses aux questions qu'on pouvait lui poser. Le débat dont il parlait, c'étaient les discussions qui avaient lieu au comptoir du Cercle Paropien. En réalité, il n'avait aucunement l'intention d'y aller ce soir-là.

Gary le regarda d'un air étonné :

- Comme tu veux. Tu vis toujours avec cette gynoïde, Shonia, à ce que je vois. Il n'y a qu'un fembotnik pour dire qu'il est accompagné lorsqu'il est avec un robot.

Yohannès trouva la réflexion de Gary injuste et blessante. Un humanoïde, c'est un être pensant, un sophonte, comme un humain. Gary souriait. Sans doute pensait-il être drôle.

Yohannès lui répondit :

- Je n'ai aucune de raison de changer de mode de vie. Et toi, comment ça va ?

- Impeccable. Le petit va à l'école, maintenant. Ça fait longtemps qu'on ne s'était pas vus, dis donc. On devrait s'écrire ou se téléphoner plus souvent. Même si tu es occupé. À Hyltendale, tu as des amis, une vie sociale ?

- Oui, je fais partie d'un club.

- Un club de quoi ?

- Nous jouons aux cartes, et nous organisons des conférences et des débats. En tant que rentier, j'ai du temps libre. Ça me permet de m'investir dans les activités de mon club.


C'était une réponse que Yohannès avait préparée d'avance. Il préféra ne pas dire à Gary qu'il avait chez lui, quand il le voulait, une demi-douzaine de personnages virtuels différents, toujours disponibles pour discuter. Shonia mettait un masque-cagoule sur sa tête, et elle adoptait instantanément la personnalité de l'homme ou de la femme dont le visage était peint sur le masque-cagoule. Elle prenait même sa voix. Grâce aux masques-cagoules de Shonia, Yohannès fréquentait, de façon virtuelle, suffisamment de gens pour se sentir bien entouré. Plus entouré, en fait, qu'il ne l'avait jamais été lorsqu'il était investisseur financier à Ulthar.

Et grâce à Shonia, il se sentait plus comblé, à la fois d'affection et d'amour charnel, qu'il ne l'avait jamais été avec Tawina et toutes les autres femmes qu'il avait connues auparavant.

Mais, comme la plupart des fembotniks, il considérait que cet aspect de sa vie devait rester privé, même vis-à-vis de sa famille proche.

"Ma vie sociale, c'est ma gynoïde" aurait fait rire Gary. Ou pleurer. Dans l'esprit de beaucoup de Mnarésiens, un fembotnik, c'est un vieux solitaire vivant en reclus. Mais la plupart des fembotniks ont un club, ne serait-ce que le Selecto, ce bar déguisé en club. Beaucoup appartiennent à plusieurs clubs à la fois.

Gary regarda son père droit dans les yeux et lui tapa sur l'épaule :

- Eh bien, puisque tu as du temps libre, tu pourras téléphoner de temps en temps, pour savoir comment grandit ton petit-fils.

C'était un reproche, et Yohannès ne savait pas quoi répondre. Il ne pouvait quand même pas dire que son propre clan le traitait avec mépris, et qu'il en avait assez d'être considéré comme un raté, même par son fils.

Yohannès avait donc cessé d'écrire et de téléphoner aux membres de sa famille. De toute façon, la plupart du temps, personne ne se donnait la peine de lui répondre. Même pas Gary, qui ne s'était toujours pas remis de voir l'argent de son père, sur lequel il comptait, s'évaporer à cause de l'horrible Tawina.

Yohannès en voulait à son clan d'avoir décidé, collectivement, mais sans doute à l'initiative de Penquom Praxitel, de le rabaisser. Il faisait des efforts pour reconstituer une certaine estime de lui-même, après l'enfer qu'il avait connu avec Tawina. La reconstruction de sa personnalité reposait en grande partie sur Shonia et ses masques-cagoules, et aussi sur ses amis du Cercle Paropien, dont beaucoup avaient vécu des expériences semblables à la sienne. Mais pour le clan des Ken, il n'était qu'un raté, et il le resterait toujours.

Yohannès resta donc debout, immobile et silencieux devant son fils. Gary se demanda si son père n'était pas devenu idiot. Il le serra brièvement dans ses bras et lui dit au revoir.

Lorsque Yohannès se tourna vers la femme de Gary, elle recula légèrement et tendit sa main droite. Yohannès serra la main froide et molle de la jeune femme, en se demandant ce qu'elle avait bien pu entendre raconter sur lui. Il n'avait aucun mal à le deviner.

Le couple lui tourna le dos et s'éloigna. Yohannès avait vraiment hâte de partir, maintenant. Il était au milieu des gens de son clan, mais personne ne lui parlait, et il avait l'impression désagréable et mortifiante que tout le monde le regardait.

Il se dirigea vers la sortie du Tsowheag, en jouant avec son téléphone portable, pour ne pas avoir l'air du type que tout le monde regarde comme s'il était tout nu, et qui en est conscient.

Les Ken l'auraient jalousé s'il était resté riche. Mais il était bien connu qu'il vivait modestement à Hyltendale. Il était donc à la fois déculturé et déclassé. C'était, du moins, l'opinion cmmune. Naturellement, pour les gens mesquins, ça ne suffisait pas. Il fallait aussi que Yohannès, ce raté, soit solitaire et malheureux. Ultime revanche des envieux sur un ancien playboy fortuné, mais qui n'était plus ni l'un ni l'autre.

Yohannès se souvint comment les membres de son clan l'avaient regardé, dans le Tsowheag. Ils avaient vu un homme au visage marqué par les épreuves, mais hâlé par les longues promenades quotidiennes jusqu'au bord de mer. Le dos droit, grâce à la gymnastique que lui faisait faire Shonia.

La seule chose qui révélait immédiatement, aux yeux des Ulthariens, qu'il était devenu un étranger à son propre clan, c'était sa façon de s'habiller. Il était vêtu comme un Hyltendalien, d'un costume de toile noire imperméabilisée, un peu trop large, boutonné jusqu'au col et un peu usé, et d'un chapeau de pluie, noir également. Une tenue typique d'un androïde. Ou d'un fembotnik tellement déculturé qu'il a oublié comment on s'habille dans le reste du Mnar.

Yohannès rangea son téléphone dès qu'il fut sorti du Tsowheag, et s'éloigna à grands pas rapides. Il lui sembla entendre des rires derrière lui. Quels idiots. Ou ces rires n'existaient-ils que dans son imagination ? Il se garda bien de se retourner pour vérifier.

Deux rues plus loin, il ressortit son téléphone et appela un central téléphonique à Hyltendale. Une voix de gynoïde le mit en communication avec le cerveau cybernétique de Shonia.

Il lui demanda de l'attendre à la bibliothèque. Ils avaient déjà leurs billets de retour, mais il leur restait une heure et demie d'attente avant le départ du train, la cérémonie au Tsowheag ayant été moins longue que prévu.

Yohannès n'était pas allé rue Fozé depuis une bonne vingtaine d'années, mais il se souvenait du trajet de la ligne de bus n° 4.

Il se rendit à pied rue Fozé en suivant le trajet du bus, trouva facilement la bibliothèque à un bout de la rue, et entra. Voyant Shonia dans la salle de lecture, il s'assit à côté d'elle, et il lui murmura :

- Encore une corvée d'expédiée... Je ne sais pas si je me déplacerai pour quelqu'un d'autre...

Shonia lui dit à l'oreille :

- On peut en parler si tu veux... Faire un petit debriefing psychologique. Mais pas ici, le lieu ne convient pas à une conversation intime.

Ils sortirent de la bibliothèque et allèrent quelques rues plus loin dans le café Mirazh, que Yohannès avait fréquenté lorsqu'il était étudiant, bien des années auparavant. Il s'assirent à une table et Yohannès commanda deux bocks de bière de Sarnath au serveur.

Tout en parlant, Yohannès buvait son bock, et Shonia faisait semblant de boire le sien, en le portant de temps en temps à ses lèvres. Ensuite, ils échangèrent leurs verres.

Le serveur avait sans doute remarqué leur petit manège, mais il ne dit rien.

- Je me sens soulagé, dit Yohannès. Je serai de plus en plus rarement obligé de me livrer à cette corvée. En fait, l'un des prochains à décéder, ce sera peut-être moi.

- As-tu préparé quelque chose pour tes obsèques ?

- Non. Si je décède à Hyltendale, comme c'est probable, il y aura une cérémonie rapide, puisque je suis officiellement un adorateur de Yog-Sothoth, et mes cendres seront dispersées dans la Mer du Sud. C'est l'usage lorsque personne ne veut s'occuper des obsèques. Et ce sera très bien comme ça.

- Et tes biens ? Ton appartement, ton compte bancaire, tes objets personnels ? Ce serait mieux de faire un testament et de le faire enregistrer par un juge.

- Tu as raison... Mais à qui léguer tout ça ?

- À Gary, et à ton petit-fils.

- Selon la loi, ils auront tout ! Même pas la peine de faire un testament... Mais il y a des documents et des objets que tu devras détruire dès que je serai mort, avant qu'ils ne mettent la main dessus. Je te ferai une liste quand nous serons de retour à Hyltendale.


Les autres clients du bar jetaient des coups d'œil furtifs à Shonia et à ses yeux cybernétiques, à peine visibles sous la visière de sa casquette, mais cela ne durait que le temps d'un regard.

Une heure plus tard, Yohannès paya les deux bocks, et en compagnie de Shonia il prit le chemin de la gare.

Yohannès venait à Ulthar en moyenne une fois par an. À chaque nouvelle visite, la ville lui paraissait un peu plus pauvre et surpeuplée. Les murs étaient presque tous tagués, et beaucoup d'anciens immeubles de bureaux étaient vides ou occupés par des squatteurs. Le hall de la gare servait de refuge à des groupes d'individus inquiétants, d'une saleté repoussante et aux regards furtifs ou insolents.

Yohannès et Shonia montèrent dans le train, s'installèrent aux places qu'ils avaient réservées. Sauf incident, ils seraient de retour à Hyltendale une heure et demie plus tard.

Le train démarra, traversa Ulthar et sa banlieue sud, et continua à travers un paysage champêtre. Au bout d'une vingtaine de minutes, ils entrèrent dans l'Ethel Dylan. Les villages fleuris furent remplacés par des centres agro-industriels grisâtres dispersés au milieu des champs et des plantations.

Shonia parlait doucement à Yohannès, tout près de son oreille pour ne pas gêner les autres passagers. Les sons qui sortaient de sa bouche, c'était Radio Mnar. Une gynoïde peut aussi faire fonction de poste de radio.

Au bout d'un moment, Yohannès dit à Shonia de se taire. Rabattant son chapeau sur son visage, il se mit à somnoler.

Lorsqu'ils furent arrivés à destination, la gare d'Hyltendale lui parut propre et lumineuse, par rapport à celle d'Ulthar, et aussi beaucoup mieux fréquentée. Hyltendale a exporté ses pauvres à Ulthar en échange de tous les éclopés du Mnar. Elle y perd sur le plan financier, mais elle y gagne sur d'autres plans.

Yohannès et Shonia furent de retour dans leur petit appartement à temps pour le dîner.


Dernière édition par Vilko le Dim 25 Oct 2015 - 23:57, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 20 Oct 2015 - 12:27

Y aura-t-il enfin un moment où Yohannès pourra se venger de cette clique d'arrogants qui constituent le clan Ken ? Un moment où il reviendra au sommet et où il pourra les regarder de haut ? Un moment où, par exemple un des pontes du clan aura besoin de lui et il pourra enfin dire avec un sourire victorieux : "je-vous-emmeeeerde !" (en mnaruc, beeen sûûr).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 20 Oct 2015 - 12:31

Anoev a écrit:
Y aura-t-il enfin un moment où Yohannès pourra se venger de cette clique d'arrogants qui constituent le clan Ken ? Un moment où il reviendra au sommet et où il pourra les regarder de haut ? Un moment où, par exemple un des pontes du clan aura besoin de lui et il pourra enfin dire avec un sourire victorieux : "je-vous-emmeeeerde !" (en mnaruc, beeen sûûr).
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 20 Oct 2015 - 13:31

Anoev a écrit:
Y aura-t-il enfin un moment où Yohannès pourra se venger de cette clique d'arrogants qui constituent le clan Ken ?

Le système des clans permet aux Mnarésiens de survivre pendant les périodes d'anarchie violente, où il n'y a plus d'État. Ce qui a été le cas pendant la plus grande partie de l'histoire tumultueuse du Mnar. Pendant ces périodes, il n'est possible de survivre qu'avec l'aide de gens prêts à prendre leur fusil pour vous défendre ou vous venger, c'est à dire dans le cadre d'un clan ou d'une tribu. C'est encore le cas dans certains pays du Moyen-Orient et d'ailleurs.

En échange de sa protection, le clan demande à ses membres de s'insérer dans sa structure, profondément hiérarchique, autoritaire, inégalitaire et sexiste (du moins, du point de vue d'un Occidental de 2015). Les membres du clan échangent leur liberté contre la sécurité.

Les membres du clan Ken ne sont, en réalité, ni plus arrogants ni plus méchants que d'autres. Ils se sont adaptés à leur structure sociale, qui a permis la survie de leurs ancêtres, et qui permettra peut-être la leur en cas de nouvelle guerre civile.

Mardikhouran a écrit:
Anoev a écrit:
Y aura-t-il enfin un moment où Yohannès pourra se venger de cette clique d'arrogants qui constituent le clan Ken ? Un moment où il reviendra au sommet et où il pourra les regarder de haut ? Un moment où, par exemple un des pontes du clan aura besoin de lui et il pourra enfin dire avec un sourire victorieux : "je-vous-emmeeeerde !" (en mnaruc, beeen sûûr).

Durant de seconds Événements... du genre de ceux qui ne finiront bien que pour les humains associés aux cybersophontes (cf le Niémélaga).

C'est exactement ça, avec cette différence que les cybersophontes du Mnar n'ont pas prévu d'exterminer 90% des humains. Néanmoins, ils défendent leurs intérêts, et ils n'hésitent pas à mentir pour cela. Leur but ultime est de dominer pacifiquement la région. Et Yohannès, sans s'en rendre compte, est passé dans leur camp. D'ailleurs, il s'habille déjà comme eux ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptySam 24 Oct 2015 - 0:16

Si une voiture circule sur une route, c'est qu'il existe toute une technologie qui permet à cette voiture de rouler. Pas seulement les moteurs thermiques, mais aussi les lampes électriques, la chimie du pétrole pour les pneus, la sidérurgie pour faire les carrosseries et les moteurs, etc. On peut ajouter que, pour que plusieurs industries fonctionnent de manière harmonieuse, afin de pouvoir délivrer le produit final (une voiture...) il faut qu'il y ait une société organisée, avec des lois, qu'elles soient appliquées (donc un système judiciaire, avec des juges et des policiers) , et un système économique fonctionnel, permettant le financement de ladite voiture, et le paiement des salaires de ceux qui la construisent et la réparent.

Bref, derrière chaque voiture qui circule, il y a toute une infrastructure, une civilisation immense et complexe.

De même, le touriste, venu d'Ulthar, de Sarnath, de Cathurie ou de plus loin encore, qui se rend à Zodonie pour passer quelques heures avec une gynoïde de charme, ne sait généralement pas que pour que la gynoïde puisse exister, il y a beaucoup de choses dont souvent il ignore jusqu'à l'existence, et dont il se fiche complètement.

Notamment, la technologie du gaz pensant (yeksootch) qui, sous forme semi-liquide, constitue les cerveaux des cybersophontes et leur permet de conserver et de transformer l'énergie. On ignore comment le yeksootch a été inventé. Il se reproduit lui-même, certains cerveaux cybernétiques étant capables de se dupliquer à l'infini. Mais à ce jour aucun cerveau humain n'a réussi à comprendre comment fonctionne le yeksootch.

Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Dans de nombreux pays, des laboratoires secrets essayent de découvrir la formule du yeksootch, parfois en disséquant des cerveaux d'humanoïdes capturés. C'est un travail dangereux, car le yeksootch d'un cerveau cybernétique endommagé se dissout automatiquement, et toute l'énergie qu'il contient est relâchée brusquement sous forme de lumière, de chaleur et de micro-ondes. Jusqu'à présent, tous les efforts faits par des humains pour découvrir le secret du yeksootch sont restés vains.

Les cybersophontes ont besoin d'électricité pour vivre. Pas énormément, d'ailleurs : tous les humanoïdes d'Hyltendale réunis consomment moins d'électricité que le métro d'une grande ville. Mais cela représente quand même une quantité considérable d'énergie. Surtout, il est hors de question qu'il y ait une pénurie d'énergie prolongée, car cela empêcherait tous les cybersophontes de fonctionner. Ils tomberaient tous dans le coma en quelques jours.

Les cybersophontes de l'Ethel Dylan ont résolu le problème en multipliant les petites centrales solaires à la campagne, reliées au réseau national par un réseau électrique autonome très sophistiqué.

Par sécurité, ils ont multiplié les sources d'électricité. Leur réalisation la plus importante est Lodha Hesinat, en dessous de Lablo Fotetir, le port fluvial. Lodha Hesinat est une application du fait que la température du sous-sol augmente de 33 degrés Celsius par kilomètre de profondeur, jusqu'à atteindre 5300 degrés au centre de la Terre. Des cybermachines ont foré des puits dans le sous-sol, dans lesquels ils ont installé des tuyaux de métal, de plusieurs kilomètres de long, renfermant du gaz pensant. Ce dernier absorbe la chaleur et la convertit en électricité.

Les tuyaux de Lodha Hesinat s'étendent sous Hyltendale comme des racines sous un champ de radis. Le système ne nécessite pas d'entretien, mais doit parfois être réparé, lorsque les mouvements du sol, dans les grandes profondeurs, tordent et finissent par briser les tuyaux. Les installations de surface sont discrètes, même les transformateurs sont dissimulés dans des hangars fermés.

La terre extraite du sol par les cybermachines est évacuée dans des camions et jetée dans la mer, sous le quartier d'Arjara. Celui-ci est constitué de jetées de béton, qui, lorsqu'elles seront achevées, s'étendront sur plusieurs kilomètres. Les jetées qui existent déjà sont reliées entre elles par des digues faites de cubes de béton flottant. Dans les bassins ainsi créés, des milliers de maisons flottantes sont en construction. Les digues et les jetées les protègent des vagues et des tempêtes. Des bus et des camions, même lourdement chargés, peuvent circuler dans les rues, qui sont constituées de cubes de béton flottant.

L'électricité produite par Lodha Hesinat est distribuée par Mnar Elektrik, la société royale qui a le monopole de la distribution de l'électricité dans tout le Mnar. Chaque habitant du Mnar connaît Mnar Elektrik, qui lui rappelle son existence tous les trois mois, lorsqu'il doit payer sa facture d'électricité. Mais même à Hyltendale, peu de gens ont entendu parler de Lodha Hesinat, qui appartient à des cyborgs et qui n'est pas cotée en bourse.

La chaleur du centre de la Terre, exploitée par Lodha Hesinat, est virtuellement éternelle, car elle est produite par la gravité. En effet, le poids des matériaux composant la Terre est tel que leur accumulation produit de la chaleur. Cette production de chaleur est permanente, car c'est une transformation de l'énergie gravitationnelle. Le trop-plein de cette énergie se libère sous forme d'éruptions volcaniques, qui existent depuis que la Terre elle-même existe, c'est-à-dire depuis plusieurs milliards d'années. La chaleur des profondeurs terrestres n'en diminue pas pour autant.

L'existence d'une source d'énergie éternelle et apparemment issue du néant pose des problèmes philosophiques aux intellectuels Hyltendaliens. La matière génère de l'énergie rien qu'en existant. En même temps, l'univers est en expansion. Si l'univers, comme le postulaient déjà les Manuscrits Pnakotiques, est sans commencement ni fin, il devrait être rempli d'énergie. Or, ce n'est pas le cas.

Jerry Quodhing, dans son livre "Les Manuscrits Pnakotiques Expliqués Aux Profanes", avance une hypothèse astucieuse, dans un long commentaire sur l'un des paragraphes les plus controversés du texte sacré. Selon Quodhing, la gravité (ce que les physiciens appellent le champ gravitationnel) n'est pas une composante de l'univers, elle est l'univers. La matière est dans la gravité comme des gouttes de boue dans l'eau de la rivière Skaï. La boue finit par se déposer sur le fond de la rivière, sous forme de sédiments. De même, lorsque des parties de l'univers deviennent trop denses, elles sont absorbées par les trous noirs, et personne ne sait ce qu'elles deviennent.

Yohannès, qui avait lu le livre de Quodhing, avait été intéressé par une autre hypothèse de Quodhing, selon laquelle la gravité était un nom moderne pour le dieu Azathoth. La gravité, par rapport aux autres lois cosmiques, est en effet ce qu'est Azathoth par rapport aux autres dieux. Et, comme lui, elle ne pense pas, et elle est aveugle et sourde.

Mais elle génère l'énergie, dont les êtres pensants ne sont qu'une forme particulière. Un être humain, comme le dit la physique moderne, c'est essentiellement une structure dissipative de l'énergie. Donc, un mélange de matière et d'énergie gravitationnelle transformée.

Car tout provient d'Azathoth, c'est bien dit dans La Contemplation d'Azathoth, le livre sacré des adorateurs de ce dieu, que Yohannès avait également lu, après que Perrine Vegadaan, convertie au culte d'Azathoth, lui en ait prêté un exemplaire.

Jerry Quodhing est un fembotnik, mais l'auteur, anonyme, de La Contemplation d'Azathoth, est sans doute un cybersophonte. Yohannès se demanda si Quodhing, qui habitait à Hyltendale comme lui, mais qu'il ne connaissait pas, avait été influencé par sa gynoïde, pour parler ainsi d'Azathoth.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptySam 24 Oct 2015 - 23:28

Il existe des pays où les humanoïdes de charme sont interdits. Par exemple, celui-ci :



Le texte est en malaisien sous-titré en anglais. Quelques phrases sont en anglais... Désolé.

Sex with robots... It is an offence here = Le sexe avec des robots... C'est un délit ici.

La Malaisie semble être un pays où il vaut mieux ne pas emmener de poupée gonflable dans ses bagages... Sad
-------------------------------

Le roi Andreas est très satisfait de la législation répressive qui existe dans plusieurs pays étrangers, comme la Malaisie, où les humanoïdes de charme sont interdits. En effet, ces lois font augmenter le nombre de touristes fortunés, originaires de ces pays, qui viennent dépenser leur argent à Hyltendale, et ainsi enrichir le Mnar.

Ces touristes étrangers justifient souvent leurs voyages répétés à Hyltendale en les mettant sur le compte d'une passion soudaine pour l'art abstrait, ou par le besoin de subir tel ou tel examen médical dans un hôpital hyltendalien. Il y en a même qui disent qu'ils vont à Hyltendale pour apprendre le mnarruc. Une langue, qui, disent-ils, est l'une des plus belles qui soient.

Les cyniques disent que Mu tuut le, pafas ("Tu viens, chéri ?") est la phrase que les amoureux du mnarruc préfèrent. Ce à quoi les amateurs de littérature mnarésienne répondent avec indignation que La Contemplation d'Azathoth est un texte philosophique d'une profondeur inégalée, et que rien n'égale Les Dithyrambes de Yog-Sothoth au niveau du mysticisme.

Contrairement au roi Andreas, les cybersophontes ne sont pas satisfaits du tout, mais alors pas du tout, par les lois qui interdisent les rapports sexuels entre humains et robots dans certains pays. En effet, les humanoïdes de charme, qu'ils soient des gynoïdes ou des androïdes, sont l'un des moyens que les cybersophontes utilisent pour prendre pied dans un pays. Les clients (et les clientes) accros aux relations avec des humanoïdes forment alors un groupe de pression spontané, chaudement partisan de relations plus amicales avec Orring, le royaume marin d'où viennent les humanoïdes.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyLun 26 Oct 2015 - 20:36

Tous les fembotniks ne sont pas mnarésiens. À Hyltendale, au moins 20% d'entre eux sont étrangers ou d'origine étrangère. Cela fait environ cent mille personnes. On les reconnaît à leur accent, parfois même aux gestes qu'ils font en parlant.

Beaucoup d'entre eux ont du mal à s'exprimer en mnarruc, c'est pourquoi les cybersophontes ont créé un dictionnaire de moins de deux mille mots. Ces deux mille mots correspondent au vocabulaire d'un enfant de quatre ans, mais on peut presque tout exprimer avec, en disant, par exemple, "sans cheveux" au lieu de "chauve". On peut dire "acheter" et "vendre", mais il n'y a pas de mot pour "louer", que ce soit dans le sens de "prendre en location" ou "donner en location". Il faut donc utiliser des circonlocutions comme "payer pour habiter" ou "payer pour utiliser pendant un moment". Une phrase comme "J'ai loué une voiture pendant un mois" devient : "J'ai payé pour utiliser une voiture pendant un mois." In ge taxo dako nem taxo teoyla fa heca.

On en arrive vite à des phrases assez longues, car le mnarruc est une langue analytique. "Payer" se dit "utiliser ducat".

Les deux mille mots permettent de se faire comprendre, mais pas nécessairement de comprendre, car les Mnarésiens utilisent, dès que la conversation devient un peu technique, beaucoup d'acronymes opaques, comme nonedfoan, qui signifie "retour sur investissement énergétique". Le mnarruc, surtout lorsqu'il est utilisé par les cybersophontes, est une langue encyclopédique, avec un vocabulaire total de plusieurs centaines de milliers de mots, couvrant l'ensemble du savoir des humains et des cybersophontes.

Heureusement, tous les humanoïdes savent s'exprimer avec seulement deux mille mots. Il suffit de leur dire "zee ruc" (petit langage) en début de conversation. La plupart des étrangers qui vivent à Hyltendale ou qui y sont de passage ne parlent mnarruc qu'avec des humanoïdes : caissiers de supermarché, vendeurs, employés d'hôtel, serveurs de restaurant. Lorsqu'un mot technique est indispensable dans une conversation, par exemple "plombage" chez un dentiste, le dentiste humanoïde utilisera le terme technique, mais le définira ensuite en termes simples, au moins la première fois.

En pratique, un étranger a rarement besoin de dire zee ruc à un humanoïde, car ce dernier l'identifiera instantanément comme étranger, à son accent et à son langage gestuel, voire à son apparence physique et à ses vêtements, et ajustera en conséquence sa façon de parler.

Le mnarruc est facile à prononcer pour un francophone, et il n'a ni conjugaisons ni déclinaisons. Il s'écrit en alphabet latin, sans accents ni signes diacritiques, et il n'y a qu'une seule prononciation possible pour une lettre en fonction de son environnement, bien qu'il y ait souvent plusieurs lettres possibles pour un seul son. On apprend vite à faire comme les Mnarésiens, et à insérer une voyelle de soutien, atone et non accentuée,  prononcée "eu" comme dans "neuf", dans des mots autrement imprononçables comme ntke, qui se prononce nǝtke.

Le mnarruc n'est toutefois pas une langue facile pour tout le monde, car l'absence de morphologie est compensée par la complexité de la syntaxe. Le mnarruc abonde en expressions idiomatiques, comme In nar nipah maed, littéralement "moi avoir-pour bien-être être-grand", qui signifie "je me sens très bien." In nar nipah in maed signifierait "mon bien-être est d'être grand." Pour dire simplement "Je me sens bien", un mnarésien utilisera une autre expression : In mas nipah. Littéralement : "moi être-avec bien-être."

Le zee ruc évite la plupart des idiomatismes, sauf les constructions avec nar ou ntke, qui sont fréquentes. Les cybersophontes le parlent relativement lentement, en articulant avec précision. La différence est à peine perceptible par rapport à leur prononciation normale, qui est précise et pas spécialement rapide.

Il faut ajouter aux difficultés du mnarruc les nombreux accent provinciaux et sociaux. Au Mnar, les gens riches, nobles et instruits ne parlent pas de la même façon que les gens pauvres, roturiers et ignorants. Par ailleurs, beaucoup de mots et d'expressions font partie de la langue mais sont marqués, selon les cas, comme dialectaux, archaïques, vulgaires, snobs ou techniques.

Il faut aussi tenir compte des innombrables allusions littéraires et religieuses. Une expression courante et apparemment anodine, comme Mitsa luc, niro tuut (après le jour vient la nuit), est tirée d'un passage très ancien des Manuscrits Pnakotiques, relatif à la victoire future et inéluctable d'Azathoth, qui, dans ce passage, est une allégorie désignant l'entropie cosmique. Cette expression est considérée comme blasphématoire par certains adorateurs de Yog-Sothoth, farouchement hostiles au culte d'Azathoth. Mais on ne risque rien à l'utiliser avec un humanoïde, pour qui elle est l'équivalent de l'expression française "les meilleurs choses ont une fin."

Les étrangers vivant au Mnar regardent la télévision et essaient donc souvent de parler comme les présentateurs du journal télévisé. Cette façon de parler n'est malheureusement spontanée que pour l'aristocratie de Sarnath, et les classes moyennes et supérieures de cette ville. Au plus, quelques centaines de milliers de personnes dans un pays de soixante millions d'habitants. Tout le reste de la population parle avec l'accent de sa province ou de sa classe sociale. Les journalistes de l'audiovisuel et les acteurs parlent le mnarruc académique, mais seulement devant un micro. Leur travail terminé, ils retournent immédiatement à leur dialecte familier.

Le mnarruc académique, également appelé mnarruc standard, est issu de la langue de commandement de l'armée royale. C'est une innovation récente, créée pour faciliter le travail des fonctionnaires royaux. Il est aujourd'hui enseigné dans toutes les écoles du royaume, et il permet à tous les Mnarésiens de se comprendre. Les cybersophontes l'ont choisi comme langue de communication, même ceux d'Orring.

À Hyltendale, les étrangers n'ont que rarement l'occasion de parler avec des êtres humains, et souvent ils ignorent jusqu'à l'existence des dialectes, patois et argots, pourtant parlés en famille et entre amis par 99% des Mnarésiens. S'il prend le train, un étranger entendra des messages diffusés en mnarruc académique, mais il aura du mal à comprendre les autres passagers lorsqu'ils parlent entre eux. Si le même étranger va jusqu'à Ulthar, Sarnath ou Céléphaïs, trois villes où l'on ne trouve aucun humanoïde, les serveurs du café ou du restaurant le comprendront, et lui répondront dans un mnarruc très académique. Il en sera de même dans une banque, un hôtel ou une pharmacie.

Dans les clubs de fembotniks, les Mnarésiens originaires de la même région parlent dialecte entre eux, et la langue standard avec les Mnarésiens des autres régions et les étrangers. Les humanoïdes comprennent les dialectes, mais ne parlent que la langue standard. Yohannès Ken n'aime pas dire qu'il est originaire d'Ulthar, à cause des circonstances, douloureuses et humiliantes pour lui, dans lesquelles il a quitté cette ville. Il parle en toutes circonstances la langue standard, bien qu'il n'arrive pas à se défaire de son accent ultharien.

Les fembotniks étrangers, avec leur vocabulaire mnarruc limité, tendent à se regrouper entre eux dans les clubs. C'est ainsi qu'au Cercle Paropien une quinzaine de Padzalandais francophones ont pris l'habitude de se retrouver pour jouer aux cartes, boire et manger entre eux, heureux de converser dans leur langue maternelle. Lorsqu'on ne connaît que deux mille mots de mnarruc, discuter avec un Mnarésien est en effet assez frustrant. On ne comprend pas certains mots-clés, ni certaines tournures, et la prononciation naturelle des Mnarésiens, rapide et peu articulée, n'est certes pas parmi les plus claires.

El Roukmoutt est l'un des Padzalandais du Cercle Paropien. El Roukmoutt n'est pas son vrai nom, mais un surnom qu'il s'est donné lui-même, à cause de ses cheveux et de sa barbe, qu'il teint en rouge vif. Il est de petite taille, plutôt nerveux, avec des yeux foncés dissimulés derrière des lunettes à verres jaunes. Il est très apprécié pour son humour et sa convivialité, bien qu'il se définisse lui-même comme un solitaire.

El Roukmoutt est très discret sur son passé au Padzaland, et encore plus sur les origines de sa fortune. Il parle d'investissements financiers, d'héritages, de gains à la loterie, en refusant d'entrer dans les détails. Il n'est pas très précis non plus sur les régions du Padzaland où il a vécu. "J'ai souvent déménagé" dit-il. En ajoutant : "Il ne faut pas trop m'en demander au sujet des dates, je ne tiens pas de journal." Il insiste bizarrement sur le fait qu'il a toujours vécu seul, en célibataire, sans amis, et qu'il a toujours travaillé en indépendant. Il a exercé un grand nombre de professions différentes, si l'on croit les histoires qu'il raconte en jouant aux cartes ou en buvant du vin jaune de Baharna. Ses amis du Cercle Paropien en ont compté une bonne dizaine.

El Roukmoutt a appris le zee ruc avec un manuel acheté au Padzaland. Il est venu à Hyltendale, il y a déjà plusieurs années, avec deux livres dans ses bagages, un dictionnaire français-mnarruc et mnarruc-français, et le manuel déjà cité.

Avant de quitter son pays, il s'était donné 200 jours pour apprendre le zee ruc : dix mots par jour pendant 200 jours, à raison d'une heure par jour pour apprendre, et une autre heure de travail intensif pour les révisions et les exercices. En gros, il a appris par cœur une cinquantaine de pages dans un livre de poche, avec traduction juxtalinéaire mnarruc / français. C'était faisable en sept mois, mais comme El Roukmoutt n'avait pas envie d'étudier tous les jours, il lui a fallu un an.

À Hyltendale, El Roukmoutt a du mal à suivre les dialogues en mnarruc dans les séries télévisées et les films, et il comprend mal les journaux télévisés. Il achète des magazines et il imprime les bulletins d'information diffusés sur le réseau informatique mnarésien. Pour chaque article qui l'intéresse, il s'impose un travail fastidieux mais nécessaire :

D'abord, il lit l'article une première fois, en soulignant les mots qu'il ne comprend pas, ou dont il n'est pas sûr du sens. Ensuite, à l'aide d'un dictionnaire, il écrit au stylo, dans la marge ou entre les lignes, la traduction française de chaque mot inconnu. Finalement, il lit à haute voix la phrase dans laquelle apparaît le mot nouveau, pour qu'il se fixe dans sa mémoire.

Avec les années, ce travail a porté ses fruits. El Roukmoutt est de moins en moins souvent obligé de demander à sa gynoïde, la blonde Rilka, de lui parler en zee ruc, et il maîtrise de mieux en mieux le mnarruc écrit et parlé. Il lit journaux et magazines à peu près couramment, et il comprend l'essentiel des dialogues de films. Il a acheté un dictionnaire mnarruc, afin de comprendre le sens des mots sans passer par le français.

Pourtant, El Roukmoutt n'a de vraies conversations qu'avec Rilka et les masques-cagoules qu'elle revêt. Il parle français avec deux des masques-cagoules, Charlène et Bill. Ce sont ses seuls amis intimes. Ils lui suffisent, car ils ont toujours quelque chose d'intéressant à dire, ou une nouvelle activité à proposer, grâce au cybercerveau immensément érudit qui les contrôle à distance.

Peu d'étrangers font autant d'efforts qu'El Roukmoutt pour apprendre le mnarruc. Certains ne le parlent pas du tout, et c'est leur gynoïde (ou leur androïde) qui fait office d'interprète. Vu le mode de vie de la plupart des fembotniks et manbotchicks, ce n'est pas gênant, surtout s'ils fréquentent des compatriotes dans leur club. Il existe quelques clubs spécialisés pour les expatriés, comme l'ACH (American Club of Hyltendale).

El Roukmoutt ne se contenterait pas d'un logement de 20 m2 comme Yohannès. Il vit avec Rilka dans un appartement de 70 m2 à Yarthen, un quartier d'Hyltendale. L'immeuble de quinze étages où il habite était autrefois constitué de logements relativement petits, construits pour héberger des familles aux revenus modestes. Les cybersophontes ont relogé les anciens locataires à Ulthar, et ils ont insonorisé et regroupé les appartements. Ils ont aussi installé des panneaux solaires sur le toit afin que, même en cas de coupure de courant, les ascenseurs continuent de fonctionner, et que l'eau potable stockée dans des cuves installées dans les sous-sols continue de circuler dans les tuyaux.

On ne peut pénéter dans l'immeuble d'El Roukmoutt que par un sas de sécurité, gardé en permanence par un androïde en uniforme de vigile. Les résidents peuvent garer leurs voitures, bicyclettes et vélotaxis dans des garages situés à proximité. Comme beaucoup d'Hyltendaliens, El Roukmoutt n'a pas de voiture, mais un vélotaxi. C'est Rilka qui pédale, car une gynoïde, c'est un robot, et robot, en tchèque, signifie travailleur.

El Roukmoutt dispose d'une terrasse ornée de plantes et d'arbustes en pots. En effet, il est important pour lui de pouvoir profiter de l'air et du soleil, et de pouvoir prendre ses repas à l'air libre lorsqu'il fait beau. Un autre élément important est la salle de gym, une ancienne chambre équipée d'un tapis de course à moteur électrique, d'un tapis de sol et d'un punching-ball. Un téléviseur grand écran permet au maître des lieux de visionner des vidéos tout en courant sur le tapis. El Roukmoutt entretient sa forme physique.

Le salon sert aussi de bureau, et les repas sont pris dans la cuisine, car, comme la plupart des fembotniks, El Roukmoutt a adopté l'usage mnarésien, qui veut que l'on invite ses amis à déjeuner au restaurant, ou dans son club. On ne les invite chez soi que pour boire un verre ou leur offrir une tasse de thé ou de café. Pour El Roukmoutt, le problème ne se pose pas car il n'a ni vrais amis ni famille à Hyltendale.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 12 EmptyMar 27 Oct 2015 - 12:53

Plusieurs années auparavant, El Roukmoutt était arrivé à Hyltendale en hydravion. C'était la première fois qu'il allait au Mnar.

Tout avait commencé chez lui, au Padzaland, lorsqu'il s'était aperçu qu'il pouvait créer autant de comptes bancaires qu'il voulait à la Bank of Hyagansis, la HyltenBank et plusieurs autres banques du Mnar et d'Orring, depuis le clavier de son ordinateur. Et cela, sous l'identité de son choix. Et effectuer des virements sur les comptes, et des transferts de compte à compte...

Lorsque l'hydravion avait commencé sa descente vers Fotetir Tohu, le port d'Hyltendale, El Roukmoutt avait ressenti pour de bon les affres du stress. Le passeport aneuvien tout neuf qu'il avait dans son blouson portait un nom qui n'était pas le sien. À quoi bon, en effet, monter une usine à gaz de transfert de richesse, si c'était pour être extradé vers Padza lorsque la police padzalandaise s'apercevrait de l'ampleur de la fraude ? Il n'y avait pas de traité d'extradition entre le Padzaland et le Mnar, mais El Roukmoutt était arrivé à Hyltendale avant les Évènements. À cette époque relativement tranquille, le Mnar et le Padzaland avaient de bonnes relations, et une volonté commune de lutter contre la criminalité financière internationale.

El Roukmoutt avait monté un système complexe de transfert de fonds. Au final, à travers un labyrinthe de comptes-écrans, tout l'argent était arrivé sur le compte bancaire hyltendalien d'un citoyen aneuvien. El Roukmoutt savait que la justice mnarésienne pouvait sans problème extrader un Padzalandais vers le Padzaland, mais beaucoup plus difficilement un Aneuvien, surtout s'il n'avait commis aucun délit au Mnar. Au pire, il serait interrogé par la police mnarésienne, raconterait une histoire alambiquée dont personne ne pourrait prouver la fausseté, et les choses en resteraient là.

El Roukmoutt avait l'intention de s'installer à Hyltendale en se faisant passer pour un citoyen aneuvien, alors qu'il ne parlait pas la langue aneuvienne et n'était jamais allé en Aneuf.

Il avait appris quelques mots d'aneuvien, et même quelques phrases, et il avait une explication toute prète pour le fait qu'il parlait le français, et pas l'aneuvien : il dirait qu'il avait passé toute sa vie au Padzaland, mais que, ses parents étant aneuviens, il avait gardé leur nationalité.

Le passeport était évidemment faux, d'où le stress d'El Roukmoutt au moment de passer la douane. L'année précédente, il avait photocopié en douce le passeport d'un Aneuvien venu en touriste au Padzaland, et il s'était servi de la photocopie pour fabriquer un faux passeport aneuvien portant sa photographie. L'Aneuvien, qui avait l'esprit aventureux, aimait les voyages et le danger. Il avait continué tout seul son périple touristique vers l'est, là où les cyborgs et les humains se faisaient la guerre, et personne n'avait plus jamais entendu parler de lui.

Pendant qu'El Roukmoutt se remémorait les évènements qui l'avaient conduit jusque là, l'hydravion, après avoir fait un grand cercle pour décélérer, avait touché l'eau et abordé un quai de béton. Des machines ressemblant à des araignées géantes avaient installé une passerelle, et tous les passagers étaient descendus de l'appareil.

C'était le soir, mais il faisait encore jour. El Roukmoutt n'avait que son sac à dos comme bagage. Il marcha, au milieu des autres passagers, vers le bout du quai, où un panneau en plusieurs langues indiquait que la douane se trouvait là, dans un hangar de tôle ondulée qui ne payait pas de mine.

En entrant dans le bâtiment, El Roukmoutt vit plusieurs androïdes en costume noir, portant au bras gauche le brassard bleu et blanc des douanes mnarésiennes. C'était la première fois de sa vie qu'El Roukmoutt voyait des androïdes. On aurait dit des humains, à part les yeux cybernétiques entièrement sombres.

Une peur panique l'envahit. Il n'était plus dans le monde humain normal, et la peur d'être arrêté et de se retrouver dans une prison mnarésienne l'envahit. Il se sentit pâlir, comme s'il était au bord d'un précipice, et son cœur se mit à battre violemment.

L'un des androïdes lui demanda son passeport en mnarruc. Les vrais douaniers mnarésiens sont des êtres humains, mais la ville d'Hyltendale met des androïdes à la disposition de la douane, ce qui permet à celle-ci de faire de substantielles économies de personnel.

El Roukmoutt avait deviné plus que vraiment compris ce qu'avait dit l'androïde. Les mains tremblantes, des gouttes de sueur tombant sur les yeux, il sortit le document de son blouson.

L'androïde prit le passeport, y jeta un coup d'œil rapide, et le rendit sans un mot à El Roukmoutt, qui bredouilla "Merci" en français.

L'androïde lui fit signe de passer, en lui disant :

- Farna detep gil va Mnar.

El Roukmoutt comprit que cela signifiait "Monsieur peut entrer au Mnar."

Il sortit du hangar de la douane par une porte surmontée de l'inscription GIL BER (sortie).

Il était stupéfait que les choses se soient passées aussi simplement. Il n'avait même pas eu de formulaire à remplir, et son sac à dos n'avait pas été fouillé.

Ce qu'il ne savait pas, c'est que l'androïde, en lui demandant son passeport, avait mémorisé non seulement ce qu'il avait lu sur le passeport, mais aussi le visage, la taille, et même les iris d'El Roukmoutt. Le cerveau cybernétique de l'androïde avait immédiatement transmis l'information par radio à un cybercerveau. Les cybersophontes connaissent ainsi, concernant chaque étranger qui passe la douane à Hyltendale : son nom, son prénom, sa nationalité, la date et le lieu de sa naissance, son adresse à l'étranger, et les références de son passeport. Ils ont une photo de son visage, de ses iris, et ils savent à quelle date et à quelle heure il est arrivé au poste de douane, et par quel moyen de transport.

Désormais, chaque fois qu'El Roukmoutt parlerait à un humanoïde, ce dernier, grâce à un logiciel de reconnaissance faciale, et si besoin en regardant ses iris, le reconnaîtrait avant même qu'il ouvre la bouche.

Pendant que l'androïde rendait son passeport à El Roukmoutt, le cybercerveau avait envoyé un message radio au cerveau cybernétique de l'androïde, indiquant que Hæktor Hermiskeri (le nom sous lequel El Roukmoutt était entré au Mnar) n'était ni recherché ni interdit de séjour.

Tout avait été si rapide qu'El Roukmoutt ne s'était douté de rien. Il avait retenu une chambre dans un hôtel, où il comptait séjourner quelques semaines ou quelques mois, le temps d'acheter un logement et de louer une gynoïde. Ensuite, il avait prévu de vivre tranquillement de ses rentes, consacrant ses loisirs à son activité favorite : la spéculation boursière.

Pour le moment, il était dans une rue du quartier de Fotetir Tohu à Hyltendale. Il vit un panneau portant le mot  FATETEOT (taxi). Juste ce qu'il cherchait pour se rendre à son hôtel, dans cette grande ville inconnue.

Le chauffeur du taxi était un être humain, car la loi interdisait encore aux androïdes de conduire des véhicules sur la voie publique. Quelques années plus tard, tous les chauffeurs de taxi sans exception seraient mis à la retraite même à 35 ans, relogés à Ulthar et remplacés par des androïdes.

Le chauffeur parlait tout seul en conduisant. El Roukmoutt ne comprit pas un mot de ce qu'il disait.

Sous la lueur rougeâtre du soleil couchant, les immeubles aux formes géométriques devenaient presque beaux. Le taxi arriva à destination. El Roukmoutt paya le montant de la course et descendit du véhicule. L'hôtel était un immeuble de béton cubique, avec des fenêtres carrées bordées de bleu. À l'intérieur, El Roukmoutt s'adressa au réceptionniste, qui était un androïde en uniforme gris.

- In sor farna Hæktor Hermiskeri, dit El Roukmoutt, qui espérait ne pas avoir à sortir son dictionnaire de son sac à dos. In ge ta dako nem tsheymbr. (j'ai payé pour une chambre)

L'androïde lui donna une carte électronique, et lui dit, d'une voix tranquille :

- Mu sor Anoeved, farna Hermiskeri, le ? (Vous êtes aneuvien, Monsieur Hermiskeri ?)

Les androïdes répondent toujours à un humain dans la langue dans laquelle celui-ci s'adresse à eux. S'ils voient qu'il a du mal à s'exprimer en mnarésien, ils choisissent une autre langue, à l'aide d'un cybercerveau, à qui ils transmettent ce qu'ils entendent et qui leur envoie en retour les réponses qu'ils doivent faire.

El Roukmoutt sentit sa gorge se serrer. Il dit d'une voix devenue rauque :

- Le in ta wado Anoevruc. In takien le ana ente. (Je ne parle pas l'aneuvien. J'habite dans un autre pays).

- In aheed. Tsheymbr ro bema hean bema, nue ro bema, farna Hermiskeri. Bema hean bema.

El Roukmoutt comprit que cela signifiait "Je comprends. Chambre 202, deuxième étage, Monsieur Hermiskeri. Deux zéro deux."

Il répondit : Bema hean bema. Toraete. (merci)

Silencieusement, l'androïde transmit l'information au cybercerveau qui gérait les données concernant les étrangers : Hæktor Hermiskeri ne parle pas l'aneuvien.

El Roukmoutt prit l'ascenseur jusqu'au deuxième étage, trouva la chambre 202, perdit du temps à insérer correctement la carte électronique dans la fente prévue à cet effet dans la porte, se rappela qu'il fallait ensuite insérer la carte dans une autre fente, à l'intérieur de la chambre, pour avoir de la lumière, déposa son sac à dos sur le sol, et se jeta sur le  lit, épuisé.

Il se dit qu'il lui faudrait ressortir pour aller dîner. Il avait ce qu'il fallait en ducats mnarésiens, mais il ne savait pas à quelle heure les restaurants fermaient à Hyltendale. Sans doute tard, dans une grande ville touristique. Il ne savait pas non plus si le réceptionniste parlait français.

Il alluma sa tablette électronique, et chercha le wi-fi de l'hôtel. Il n'y en avait pas, mais il vit qu'il y avait un wi-fi urbain, d'accès gratuit. Il se connecta dessus, accéda au réseau informatique mondial, et fit apparaître un plan du quartier. Il cliqua sur l'icône d'un restaurant.

Pendant ce temps, les cybercerveaux d'Hyltendale, dans leurs repaires souterrains, avaient échangé des informations concernant Hæktor Hermiskeri, l'Aneuvien qui ne parlait pas l'aneuvien. Bien que n'étant jamais venu à Hyltendale, Hermiskeri était titulaire d'un compte bancaire dans cette ville, sur lequel plusieurs millions de ducats avaient été transférés, venant de comptes ouverts sous d'autres identités. Les cybercerveaux des banques avaient immédiatement identifié ces autres comptes comme étant des comptes-écrans.

En quelques micro-secondes, les cybercerveaux se rendirent compte que Hæktor Hermiskeri était le bénéficiaire d'une gigantesque fraude informatique commise au Padzaland, d'où provenaient les fonds. Ils décidèrent de ne rien faire, puisque le Mnar, non seulement ne subissait aucun préjudice, mais au contraire, était plus riche de plusieurs millions de ducats, déposés dans des banques appartenant à des cyborgs.
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