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 Les fembotniks

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Anoev
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMar 27 Oct 2015 - 13:59

Que se passerait-il si un mandat d'arrêt international était lancé depuis le Padzaland, avec la photo d'Hæktor Hermiskeri. Ce mandat d'arrêt aboutirait forcément (entre autres) à la police fédérale aneuvienne qui ferait des recherches et qui interviouverait la famille d'Hæktor au Malyr (mettons Lenov). Laquelle, en toute bonne foi, dirait : «Ed neràpdak faara Pażalaṅdes aṅviċ jàretev; devèr, næq neviċ». Ce mandat d'arrêt atterrirait sans doute au Mnar, avec la photo du vrai Hermiskeri. Là, je suppose que les cybersophontes se rendraient compte que les photos d'identité ne concordant pas, ils réagiraient quelque peu.



*Notre fils est parti au Padzaland l'année dernière ; depuis, aucune nouvelle.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMar 27 Oct 2015 - 21:15

Les parents d'Hæktor Hermiskeri, domiciliés à Lenov, dans la province du Malyr, en Aneuf, ont signalé la disparition de leur fils au Padzaland. Les policiers aneuviens ont envoyé une demande de recherche à leurs homologues padzalandais, qui ont fait des recherches dans leurs banques de données électroniques, et se sont aperçus qu'Hermiskeri leur avait déjà été signalé deux fois.

Une première fois, lorsqu'il s'était rendu au Naoutry, un pays situé à l'est du Padzaland. Il était passé par Wilkenna, une ville padzalandaise proche de la frontière, et avait essayé d'entrer au Naoutry. La police locale l'en avait empêché, et lui avait dit que le Naoutry était un pays dangereux, car les drones et les soldats androïdes des cyborgs y font parfois des incursions, utilisant des bombes à gaz mortel VX pour terrifier la population et la chasser vers l'ouest. "Je veux voir de près ce qui se passe là-bas. C'est mon devoir de filmer et de témoigner" aurait répondu Hermiskeri, décrit comme un "idéaliste". Quelques jours plus tard, sa logeuse avait signalé sa disparition au poste de police, craignant qu'il n'ait franchi illégalement la frontière pendant la nuit. Les policiers de Wilkenna avaient alors signalé sa disparition à leur hiérarchie.

Une deuxième fois, quelques mois plus tard, à Agaréath, un port de mer à l'autre bout du Padzaland, lorsqu'il a pris un hydravion pour se rendre au Mnar. Les policiers du port, chargés de veiller à ce qu'aucun terroriste ne monte dans les avions, avaient trouvé suspect que le nommé Hermiskeri, officiellement de nationalité aneuvienne, ne parle pas l'aneuvien et ne sache quasiment rien concernant l'Aneuf. Le soi-disant Hermiskeri disait qu'il était arrivé très jeune au Padzaland avec ses parents, et qu'il n'était ensuite allé qu'une seule fois en Aneuf, pour obtenir un passeport aneuvien. N'ayant rien trouvé de suspect dans ses bagages et dans ses vêtements, les policiers avaient laissé le soi-disant Hermiskeri prendre l'hydravion. Mais ils avaient envoyé, à tout hasard, une photocopie de son passeport, et un rapport relatant l'incident, à la section anti-terroriste.

La photo figurant sur le passeport du Hæktor Hermiskeri qui avait pris l'hydravion pour Hyltendale n'avait rien à voir avec celle du véritable Hæktor Hermiskeri.

Toutefois, El Roukmoutt avait pris soin de coller sur le faux passeport une photo prise après qu'il ait teint ses cheveux en rouge vif. Il s'était laissé pousser la barbe, également teinte en rouge vif, et il avait utilisé une encre spéciale pour modifier légèrement la forme de ses yeux sur la photo. Ainsi, aucun logiciel de reconnaissance faciale ne pourrait faire le lien avec sa véritable identité.

La police padzalandaise envoya une demande d'enquête à la police mnarésienne, qui chargea le commissariat de police d'Hyltendale d'enquêter. Il ne leur fallut que quelques minutes de recherche sur leurs ordinateurs pour retrouver Hæktor Hermiskeri, domicilié dans un appartement de Yarthen, à Hyltendale, où il vivait avec une gynoïde de charme.

Les policiers mnarésiens étaient sur le point d'aller arrêter le faux Hæktor Hermiskeri, plus connu sous son surnom d'El Roukmoutt, quand éclata la guerre civile, officiellement appelée "les Évènements". Le roi Andreas fit réprimer sauvagement la révolte. En une seule année, il y eut au moins cent mille morts, et deux millions de Mnarésiens prirent la route de l'exil. Le roi Andreas se retrouva diplomatiquement isolé, traité comme un paria par la plupart des autres chefs d'État, et son royaume fut l'objet de dures sanctions économiques.

La coopération policière entre le Mnar et des pays plus respectueux des droits de l'homme, comme le Padzaland et l'Aneuf, fut interrompue. Le roi Andreas décida qu'elle ne reprendrait que lorsque le Padzaland et l'Aneuf cesseraient officiellement de le considérer comme un criminel passible des tribunaux internationaux. Cela risquait de prendre beaucoup de temps...

Les policiers d'Hyltendale firent néanmoins leur travail. Après la fin des Évènements, ils convoquèrent El Roukmoutt, qui avait été auparavant prévenu par Rilka, sa gynoïde, de ce qui l'attendait.

Les policiers l'interrogèrent en présence d'un interprète androïde, prêt à l'aider s'il avait des difficultés à s'exprimer en mnarruc. Mais ce ne fut pas le cas. En moins de deux ans, il était devenu capable de parler couramment le mnarruc, malgré des lacunes dans son vocabulaire et une syntaxe parfois approximative.

Devant les policiers, il reconnut avoir utilisé un faux passeport, et se déclara prêt à subir le châtiment que la Justice lui infligerait. Il avait rencontré juste une fois le vrai Hæktor Hermiskeri, à Padza, et en avait profité pour photocopier son passeport pendant qu'il avait le dos tourné.

L'un des policiers lui demanda :

- Pourquoi avez-vous utilisé un faux passeport ?

- J'avais des dettes. J'ai voulu disparaître, refaire une nouvelle vie, échapper à mes créanciers.

- Et votre fortune actuelle ?

- Le résultat de mon travail. Je suis spéculateur boursier. À ce sujet, n'oubliez pas que mes revenus n'entrent pas dans le cadre de votre enquête. Vous n'avez pas le droit d'enquêter de votre propre initiative sur mes revenus. Il vous fait une autorisation d'un magistrat.

- Allons, El Roukmoutt, vous savez bien que tous les magistrats d'Hyltendale sont des fembotniks... Nous ne l'aurons jamais, cette autorisation. Leurs gynoïdes leur transmettent les consignes de la reine de la ruche.

- C'est du complotisme.

- C'est ça, oui... À part ça, votre vrai nom, c'est quoi ?

- Elias Faust.

- Vous êtes padzalandais ?

- Non, je suis né au Naoutry.

- Ben voyons... Toutes les archives du Naoutry ont été détruites pendant la guerre contre les cyborgs.

- Je n'y suis pour rien. Vous me reprochez de faire partie d'un peuple victime d'atrocités ? Vous me reprochez d'être une victime ? Comme si ça ne suffisait pas que j'aie perdu toute ma famille à la guerre ? Mais quel genre d'homme êtes-vous, Monsieur le policier ?

- Calmez-vous, El Roukmoutt...

Les policiers auraient bien aimé envoyer une photo d'El Roukmoutt à leurs collègues padzalandais, ainsi que ses empreintes digitales. Ils auraient aussi aimé savoir si un nommé Elias Faust avait réellement vécu au Padzaland. Mais ils ne le pouvaient pas, tant que la collaboration policière entre le Mnar et le Padzaland était interrompue pour cause de sanctions internationales.

El Roukmoutt passa en jugement à Hyltendale pour usurpation d'identité, entrée sur le territoire national mnarésien sous une identité usurpée, usage d'un faux passeport, et ouverture d'un compte bancaire sous une identité usurpée. Le tribunal le condamna à quatre ans de prison, une année par délit. Mais, parce qu'il menait une vie honorable à Hyltendale, qu'il avait reconnu les faits sans chercher à minimiser sa responsabilité, et qu'il n'avait jamais été condamné au Mnar, il lui accorda le sursis. El Roukmoutt ressortit donc libre du tribunal.

El Roukmoutt avait eu chaud. Les gens qui étaient condamnés à trois ans de prison à Tatanow, la prison géante d'Hyltendale, étaient envoyés à Hyagansis au bout des trois ans, si personne ne s'intéressait à eux. Or, El Roukmoutt n'avait ni amis ni famille. Rilka et ses masques-cagoules ne comptaient pas.

Le problème de son compte bancaire aurait pu être tout aussi grave. La banque serait obligée de le bloquer lorsqu'elle apprendrait officiellement qu'il avait été ouvert sous une fausse identité. Heureusement, Rilka, informée par un cybercerveau, avait prévenu El Roukmoutt de ce qui allait arriver. Il s'était donc dépêché de créer, dans la même banque, un nouveau compte sous le nom d'Elias Faust. Ensuite, il avait retiré du compte Hermiskeri les millions de ducats qui s'y trouvaient, pour les déposer sur le compte Faust. Il échappa ainsi à la ruine.

Les parents du véritable Hæktor Hermiskeri apprirent, après plusieurs années, que leur fils était probablement mort au Naoutry. Son corps ne fut jamais retrouvé. Ils apprirent aussi qu'un nommé Elias Faust avait usurpé l'identité de leur fils et avait été condamné pour cela à Hyltendale, où il vivait actuellement. Aucun lien n'avait été trouvé entre les deux affaires.

La bienveillance des cybercerveaux envers El Roukmoutt n'a rien de surprenant. Les fembotniks sont une communauté qui vit en symbiose avec les cybersophontes. Grâce à leur vote, des cyborgs et des symbiorgs siègent aux postes clés d'Hyltendale et de l'Ethel Dylan. Les gynoïdes vivent vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec les fembotniks, elles les connaissent mieux qu'ils ne se connaissent eux-mêmes. El Roukmoutt a certainement fait une bonne impression au cybercerveau qui contrôle sa gynoïde.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMar 27 Oct 2015 - 22:04

Tant que le corps d'Hæktor Hermiskeri n'a pas été trouvé, il est considéré comme disparu. Il peut être effectivement mort de faim dans une province hostile, mais il a pu être enlevé par un groupement révolutionnaire armé. Le plus étrange étant que ceux-ci n'eussent pas demandé de rançon. Ont-il exécuté leur otage en représailles de je ne sais trop quelle opération-commando gouvernementale ? Ce ne serait pas prudent, jusqu'à preuve du contraire, leur ennemi, c'est le gouvernement padzalandais, pas le peuple aneuvien. Ou bien alors ledit otage a été atteint du syndrome de Stockholm et a choisi de rester avec ceux qui le détenait, mais alors il était coincé quand même : il ne pouvait pas donner des nouvelles à ses proches de peur que le gouvernement de Padza le localisât.

Pour l'instant, il y a deux histoires en une :

Celle d'Hæktor Hermiskeri dont on ne sait rien, y compris qu'on ne sait pas s'il refera surface un jour (même si on n'est pas certain de son décès, ses chances de survie sont, jusqu'à plus ample informé, plutôt maigrichonnes).

Celle d'Elias Faust, alias el Roukmoutt, escroc de haut vol, vivant à Hyltendale avec une imitation de passeport aneuvien, et n'ayant pas mais alors pas du tout envie de revenir au Padzaland.

Le lien entre nos deux protagonistes, c'est le fameux passeport de l'un dont une copie fut utilisée par l'autre pour se mettre à l'abri dans un pays dont le gouvernement est devenu un paria international. Or, on a deux pays, le Mnar et le Naoutry, dont l'actualité a été plutôt sanglante (les déclarations d'Elias faust firent état de massacres au Naoutry, justement à l'endroit où l'impétueux (euphémisme) Hæktor se fut rendu).

Un rebondissement à l'histoire (mais c'est toi qui vois) serait la réapparition d'Æktor Hermiskeri (un peu comme Martin Guerre).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMar 27 Oct 2015 - 22:58

Vilko a écrit:
un nouveau compte sous le nom d'Elias Faust
J'espère qu'il va garder ce nom-là à l'avenir, parce que je ne peux m'empêcher de rire à chaque fois que je lis El Roukmoutt Laughing
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMer 28 Oct 2015 - 10:38

Ah... au fait, Si les Aneuviens n'ont aucune explication probante quant au sort d'Hæktor Hermiskeri au Naoutry et s'ils soupçonnent les cyborgs, il n'y a aucune chance pour qu'un seul de ceux-ci ne mette les pieds à Haverstad*.




*Les Aneuviens sont au courant de la conscience collective cybernétique de ces "personnes".

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMer 28 Oct 2015 - 12:52

Anoev a écrit:
Ah... au fait, Si les Aneuviens n'ont aucune explication probante quant au sort d'Hæktor Hermiskeri au Naoutry et s'ils soupçonnent les cyborgs, il n'y a aucune chance pour qu'un seul de ceux-ci ne mette les pieds à Haverstad*.

Les cyborgs qui opèrent dans ce qui sera le Niémélaga sont organisés en groupes supposés rivaux, mais qui ne se combattent jamais et nouent des alliances provisoires contre les humains, et parfois avec certains groupes humains contre d'autres groupes humains.

En somme : "Les cyborgs qui tuent des civils au Naoutry n'ont rien à voir avec nous."

Toutefois, tous ces groupes de cyborgs se sont miraculeusement coalisés en un seul, sous le commandement du général Pupong, à la fin de la guerre, plusieurs dizaines d'années plus tard. Les groupes cyborgs criminels ayant eu, selon l'histoire officielle niémélagane, leurs chefs tués au combat ou exécutés sur ordre de Pupong.

Les cybersophontes prennent très au sérieux l'adage populaire, "ne pas mettre tous ses œufs dans un même panier."

Les cyborgs ne sont allés à Haverstad qu'après la fondation du Niémélaga, alors que la guerre était terminée. Hækter Hermiskeri a disparu au Naoutry plusieurs dizaines d'années plus tôt, vers le début de la Longue Guerre.

Au départ, la Milice était un petit groupe d'humains ayant choisi le camp des cyborgs pour diverses raisons, dont l'une était la promesse (qui a été tenue) de pouvoir choisir des concubines parmi les femmes capturées. Par la suite, la Milice est devenue une institution au Niémélaga, et l'esclavage féminin (qui n'avait jamais été légalisé) a disparu vers la fin de la guerre. Un certain nombre de Dibadiens sont des descendants de ces mercenaires humains et de leurs captives. On en trouve surtout parmi les miliciens, qui ont tendance à vivre entre eux et à encourager leurs enfants à se marier entre eux.

La culture populaire dibadienne a transformé les premiers miliciens, au départ simples mercenaires aux motivations troubles, en des sortes de surhommes, à la fois guerriers d'élite et amants infatigables. Suivant l'opinion de chacun, ce sont soit des héros, soit des incarnations du mal absolu. Voire les deux à la fois.

Anoev a écrit:
*Les Aneuviens sont au courant de la conscience collective cybernétique de ces "personnes".

Les cybersophontes maintiennent qu'il y a non pas une, mais un grand nombre de consciences collectives cybernétiques. Ça ne veut pas dire que c'est vrai.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMer 28 Oct 2015 - 13:34

Les Aneuviens n'ont pas envie que ce qui s'est passé au Naoutry se répète à Lakùr sous d'autres oripeaux. L'Histoire n'est souvent qu'un recommencement. Ce n'est peut-être pas par hasard que le roi du Mnar a confiné les cybersophontes dans la province d'Ethel Dylan, tout comme la nouvelle "Mels à Haverstad" les confine à Haverstad (la deuxième ville de Lakùr, quand même, et capitale de sa région*).




*L'archipel de Lakùr (province fédérée) comporte trois régions :
  • le Sùd (cap. Laklas)
  • le Nob (cap. Haverstad)
  • l'Æst (cap. Lakorn).
    Lakib (la plus grande ville du Sùd ~50 kHab), qui est la capitale provinciale, n'est la capitale d'aucune région°.



°Sources d'inspiration en Espagne où

  • En région Galice, il y a trois provinces : celle de Pontevedra, celle de A Coruña et celle de Ourense, mais la capitale régionale est Santiago.
  • En Extremadure, il y a deux provinces : celle de Caceres et celle de Badajoz, mais la capitale régionale est Merida.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMer 28 Oct 2015 - 16:45

Le lendemain du procès, El Roukmoutt, l'ex Hæktor Hermiskeri, devenu Elias Faust, se rendit au Cercle Paropien. Il se demandait s'il n'allait pas se faire éjecter ignominieusement, et il se sentait donc un peu tendu. Un peu seulement, car à Hyltendale, un fembotnik ne se retrouve jamais dans la situation où il ne peut plus fréquenter que des humanoïdes. Pour les cas désespérés, les parias, les pestiférés, il y a toujours le Selecto, et autres bistrots de bas étage déguisés en clubs.

Elias Faust se voyait déjà, comme d'autres parias, mélancoliquement accoudé au comptoir du Selecto, buvant une bière bon marché en échangeant des banalités avec des ivrognes stupides. Ce serait son seul contact régulier avec d'autres êtres humains biologiques. Sa vie sociale se limiterait à la blonde gynoïde Rilka, et les deux personnages francophones qu'elle incarnait, lorsqu'elle mettait les masques-cagoules les représentant : Charlène et Bill. Elle incarnait aussi d'autres personnages, bien sûr, mais les vraies conversations, c'était toujours avec Rilka, Charlène ou Bill.

Il lui resterait le jogging, qu'il pratiquait assidûment, et la spéculation boursière, activité dans laquelle il était un expert, et à laquelle il se livrait depuis son ordinateur.

Mais dans les clubs d'Hyltendale, on ne peut se faire exclure que par un vote du bureau exécutif, sur demande d'un autre membre. Au Cercle Paropien, personne ne demanda l'exclusion d'Elias Faust, alias Hæktor Hermiskeri, dit El Roukmoutt. Il prit simplement une nouvelle carte au nom d'Elias Faust, pour remplacer l'ancienne, qui était au nom de Hæktor Hermiskeri.

Son appartement avait été acheté sous le nom d'Hæktor Hermiskeri. Avant le jugement, il le vendit à un intermédiaire, à qui il le racheta le même jour sous le nom d'Elias Faust. L'intermédiaire, un cyborg, l'avait contacté de lui-même, à la demande d'un cybercerveau.

Elias Faust n'avait pas de document d'identité à son nom, ni même de nationalité, le Naoutry ayant sombré dans le chaos. Quant à acquérir la nationalité mnarésienne, c'était totalement exclu pour quelqu'un qui avait déjà été condamné. À Hyltendale, n'avoir ni nationalité ni document d'identité n'est pas un problème, du moment que les cybersophontes vous connaissent. Mais il est impossible de quitter la ville, et si vous perdez vos revenus, vous êtes expulsé vers Hyagansis, d'où personne n'est jamais revenu.

Parmi les milliards d'êtres humains qui peuplent la Terre, combien donneraient tout pour mener la vie d'Elias Faust ? Une mauvaise journée, pour Elias Faust, c'était une journée comme celle qu'il avait vécu le jour du procès.

Il s'était réveillé bien avant l'heure habituelle, dévoré d'anxiété, et il avait fallu à Rilka beaucoup de caresses et de paroles apaisantes pour le rassurer.

Il avait avalé son petit-déjeuner rapidement, l'esprit ailleurs. C'était pourtant du thé de Baharna, l'un des meilleurs qui soit.

Ensuite, la douche, dans sa salle de bain ultra-moderne, après s'être enduit le corps de savon liquide parfumé au citron. Un luxe pour au moins 90% des humains.

Après être sorti de chez lui avec Rilka, il avait passé sa matinée au tribunal, à écouter les réquisitions du procureur, qui avait demandé quatre ans de prison, et s'était montré dubitatif quand à un éventuel sursis.

Il avait ensuite été appelé à la barre, et tout avoué. Le passeport d'un touriste photocopié à l'insu de ce dernier. Le faux passeport fait pour de l'argent par une relation de boîte de nuit, dont il ne connaissait que le surnom. Et cette idée folle à laquelle il avait cédé, d'échapper à ses créanciers en partant à l'étranger sous une nouvelle identité.

Son avocat avait plaidé sa cause, demandant le sursis pour son client, "un homme foncièrement honnête, égaré par le désespoir causé par l'endettement", et dont la volonté d'assimilation à la société mnarésienne était évidente, car il en avait appris la langue en peu de temps et en respectait les usages. L'avocat avait insisté sur le fait que le Mnar n'avait subi aucun préjudice du fait des délits commis par son client. Des délits sans victime, et qui n'avaient rien coûté au contribuable mnarésien. Tandis que l'incarcération de son client, si par malheur elle devait avoir lieu, aurait un coût financier.

Le midi, il avait déjeuné dans un restaurant avec Rilka. Truite d'élevage de l'Ethel Dylan, avec sauce à la menthe fraîche et vin jaune de Baharna. Café de Kadiphonek, adouci avec un nuage de lait et un peu de sucre. D'habitude, il évitait l'alcool, mais ce jour-là n'était pas un jour ordinaire.

Rilka lui avait parlé de philosophie, de Barzaï le Sage et de son disciple Atal, qui avaient habité à Ulthar aux temps légendaires. Vers la fin du repas, tout en sirotant une boisson à la cannelle, elle avait cité les sages de la Grèce et de la Rome antiques, notamment Épictète et Boèce, qui étaient passés par des épreuves pires que les siennes, et qui les avaient surmontées.

L'après-midi, nouvelle audience, vite expédiée par les magistrats. Le tribunal annonça qu'il rendrait sa décision le mois suivant. Elias et Rilka rentrèrent chez eux à pied. La longue marche dans les rues familières ne suffisant pas à le détendre, il essaya, une fois revenu dans l'appartement, de faire du tapis de course. Il arrêta au bout d'une minute. Il n'avait pas le moral, et la peur de passer quatre années en prison lui ôtait toute son énergie.

Il s'allongea sur son lit, en serrant Rilka dans ses bras. Des idées noires lui traversaient l'esprit. La prison, la brutalité des co-détenus caractériels, la nourriture infecte, les cafards courant sur le sol de la cellule... Quatre ans de cette vie abrutissante ! Il en sortirait complètement détruit physiquement, intellectuellement et psychiquement. Avant le procès, il avait transféré son argent sur un compte ouvert sous l'identité d'Elias Faust. Sinon, en sortant de prison, ce serait la pauvreté absolue. Et donc, en tant qu'étranger, l'expulsion vers Hyagansis. Autant dire, la mort.

Il essayait désespérement de positiver, imaginant sa vie quatre ans plus tard, lorsque, sortant de prison, il louerait une autre gynoïde, et retrouverait son appartement.

Rilka était allongée contre lui, présence muette mais fidèle.

Il avait dû s'endormir, car plusieurs heures plus tard il se réveilla. Il faisait nuit. Il se leva, alla boire un verre de lait chaud dans la cuisine, puis revint dans la chambre. Il essaya en vain de se rendormir. De guerre lasse, il décida d'écouter de la musique sur sa chaîne haute-fidélité, et il passa ainsi la nuit dans une demi-torpeur.

C'était la plus mauvaise journée qu'il avait vécue depuis qu'il habitait à Hyltendale. Mais pour des milliards d'êtres humains, simplement manger à sa faim et dormir dans un taudis, c'est déjà une bonne journée. Ils auraient envié sa mauvaise journée.

En entrant dans le bar du Cercle Paropien, il avait toutefois la gorge un peu serrée. Comment serait-il accueilli ?

Il se dirigea vers les tables où se réunissaient les Padzalandais. Cinq d'entre eux étaient là, et ils le regardèrent lorsqu'il approcha.

"Salut les mecs" dit-il d'une voix plus basse que d'habitude.

"Salut El Roukmoutt... Pardon, Elias !" dirent-ils tous ensemble, en éclatant de rire. "Raconte-nous ce qui t'est arrivé !"

Il leur raconta toute l'affaire. À la fin, l'un d'eux lui dit :

- Maintenant, on peut t'appeler Elias ?

- OK, va pour Elias.

Il s'était imaginé que ses compagnons du Cercle Paropien porteraient sur lui un jugement sévère. On n'aime pas beaucoup les délinquants, chez les fembotniks. Mais, à sa grande surprise, ce ne fut pas le cas. Ses relations avec les autres Padzalandais du Cercle avaient toujours été superficielles. Il venait de leur donner une bonne occasion de bavarder et de rire un bon coup. Ses mésaventures le rendaient ridicule, mais pas odieux.

Les Padzalandais d'HYltendale n'auraient certes pas voulu de lui comme beau-frère ou comme gendre, mais en tant que simple connaissance dans un club, il avait soudainement acquis un attrait un peu sulfureux :

"Tu vois le mec là-bas, celui qui boit son café tout seul au comptoir ? C'est Elias Faust. Il est arrivé à Hyltendale avec un faux passeport, en venant du Padzaland. Il a laissé une montagne de dettes, là-bas. Apparemment ça ne lui a pas suffi, parce que maintenant il fait des placements boursiers. Si t'as un coup boursier un peu tordu à faire, tu peux t'adresser à lui."

Les ragots ont tendance à grandir comme s'ils avaient une vie propre. "Il a laissé une montagne de dettes en quittant le Padzaland" devint en quelques jours :

"Au Padzaland, il a ruiné des centaines de gens qui lui avaient confié leurs économies. C'est pour ça qu'il a dû quitter le pays en catastrophe."

Puis : "Tous les gens qu'il avait ruinés se sont rassemblés devant chez lui, avec des bidons d'essence, des cordes et des couteaux, pour brûler sa maison et lui faire la peau. Il a sauté par la fenêtre de derrière et s'est enfui jusqu'à Hyltendale, avec un passeport qu'il avait volé à un touriste."

Parfois, la dernière phrase devenait : "... qu'il avait volé à un touriste dans une partouze."

Les Padzalandais du Cercle Paropien se racontaient entre eux avec gourmandise la vie mouvementée d'Elias Faust. Ensuite, quand ils le voyaient arriver, ils lui demandaient de s'assoir avec eux, pas peu fiers d'avoir parmi eux quelqu'un qui avait fait la une de la presse locale, ne serait-ce qu'une journée.

Cette publicité, dont il se serait bien passé, avait eu un effet imprévu sur Elias Faust, que beaucoup de gens appelaient encore El Roukmoutt : les journaux avaient décrit sa barbe et ses cheveux rouge vif. Il était sans doute le seul homme à Hyltendale à se teindre ainsi. Il envoya Rilka acheter de la teinture noire au supermarché, et dorénavant il se teignit la barbe et les cheveux en noir de jais. C'était le seul moyen d'éviter d'être reconnu dans la rue et au restaurant.

Pendant quelques semaines, il espaça ses visites au Cercle Paropien. Les conversations n'avaient aucun intérêt, et pour voir de près de vrais êtres humains, n'importe quel bistrot de quartier faisait l'affaire. Il ne cessa toutefois pas complètement d'y aller, pour se prouver à lui-même qu'il était plus fort que les ragots. Il fut d'ailleurs toujours accueilli courtoisement, par tous les membres du Cercle.

Discuter avec un humanoïde, ce n'est jamais tout à fait la même chose que discuter avec un être humain biologique. Il y manque la notion de réalité, les réactions imprévisibles qu'aucun cybercerveau ne peut imiter. Les fembotniks qui ne parlent qu'avec leur gynoïdes et les masques-cagoules de celle-ci, finissent tous par se ressembler. Ils s'habillent de façon démodée, parlent comme à la télévision, et ils évitent les humains comme on évite dans la rue les gros chiens qu'on ne connaît pas.

Pour éviter de devenir une caricature de fembotnik, Elias Faust voulait rester capable de négocier un business deal avec des humains. C'était important pour lui. C'est en forgeant qu'on devient forgeron, dit-on. Il continua ses boursicotages, et les négociations en direct, d'être humain à être humain, dans les salons des hôtels du centre-ville. Mais sa réputation l'empêcha à tout jamais de faire des affaires avec les grands investisseurs et les deux célébrissimes femmes d'affaires d'Hyltendale, Ondrya Wolfensun et Zimara Nadoïro. Plus personne de sérieux ne voulait s'associer avec lui.

Il dut retourner au tribunal pour que les juges lui fassent connaître leur décision. Lorsqu'il apprit qu'il bénéficiait du sursis, il faillit en pleurer de joie.

Les tribulations qu'Elias avait vécues eurent sur lui un effet dont il ne se rendit pas compte immédiatement. Pendant plusieurs mois, il avait pensé en mnarruc.

L'interrogatoire de police, les discussions pendant les audiences au tribunal, tout avait eu lieu en mnarruc, et chaque mot avait compté pour lui. Rilka ne lui parlait qu'en mnarruc, et chaque mot tendre, chaque phrase de réconfort, restait gravé dans son esprit. Sauf avec Charlène et Bill, il n'avait plus envie de parler avec des francophones. Le mnarruc était devenu la langue qu'il parlait au quotidien. Certes, il ne se débarrasserait jamais complètement de son accent, et son vocabulaire ne serait jamais aussi étendu que celui d'un Mnarésien cultivé, mais cela faisait déjà longtemps qu'il se sentait chez lui à Hyltendale, même sans dictionnaire.

Lorsqu'il retournait au Cercle Paropien, c'était souvent pour discuter en mnarruc, devant une tasse de thé ou de café, avec Yohannès Ken, un homme qui avait souffert, mais qui ne parlait jamais de ce qui l'avait fait souffrir. Yohannès s'emblait n'attacher aucune importance au passé d'Elias. De plus, il avait été investisseur financier à Ulthar, autrefois. Il savait que dans les affaires et dans la vie, rien n'est jamais tout blanc ou tout noir.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 29 Oct 2015 - 13:33

Le lendemain de son arrivée à Hyltendale, Elias (qui utilisait le faux passeport au nom d'Hæktor Hermiskeli comme document d'identité) décida d'aller à Zodonie, pour vérifier si s'installer à Hyltendale avec une gynoïde était vraiment une bonne idée. Il n'avait jamais rencontré de gynoïde auparavant, et il espérait ne pas être déçu.

Il avait téléchargé un plan des bus d'Hyltendale sur sa tablette électronique, et il se familiarisa vite avec le réseau des transports en commun hyltendaliens, uniquement constitué de lignes de bus, mais d'une densité et d'une fréquence exceptionnelles.

Il n'y a pas d'heures de pointe à Hyltendale, parce qu'à part les humanoïdes, très peu de gens travaillent. Les humanoïdes ne prennent pas le bus pour aller travailler, ils sont généralement logés sur place, dans des dortoirs où ils se rechargent en électricité.

Elias ignorait encore tout ça, et par la fenêtre du bus il regardait les immeubles de béton gris, les parkings et les parcs. Par rapport aux citadins du Padzaland qu'il connaissait, les Hyltendaliens lui paraissaient d'un âge moyen élevé, et souvent accompagnés d'humanoïdes. Les jeunes et les enfants étaient rares.

Les humanoïdes — des androïdes et des gynoïdes — accompagnaient les humains. Ils paraissaient nettement plus jeunes que les humains, plus beaux, et vêtus avec plus de goût, d'originalité et de couleurs vives. Surtout les gynoïdes, dont certaines semblaient sorties de bandes dessinées pour adolescents. Chez les androïdes, toutefois, il remarqua une préférence pour les costumes de toile noire boutonnés jusqu'au cou.

Beaucoup d'Hyltendaliens humains étaient invalides ou handicapés, et très âgés. Ils étaient accompagnés de gynoïdes en blouses grises, qui les aidaient à se déplacer. Elles leur montraient de la main les parcs et certains immeubles, en les décrivant d'une phrase.

La plupart des humanoïdes portaient un badge indiquant leur prénom et, en plus petit, leur matricule. C'était logique, car ils se ressemblaient tous, comme si toute une population se partageait quatre ou cinq visages différents.

Il se mit à pleuvoir. Elias vit, à travers la vitre du bus, les humanoïdes qui marchaient sur le trottoir sortir tous en même temps, de leur veste ou, pour les gynoïdes, de leur sac à main, des chapeaux de pluie en forme de cloches aplaties. Ils les déplièrent et les enfoncèrent sur leur tête.

Elias avait lu dans un magazine, avant de partir du Padzaland, que les yeux cybernétiques des androïdes n'ont pas de paupières, et leur surface perçoit les vibrations sonores. Ils doivent éviter le contact des gouttes de pluie sur leurs optiques, chaque goutte tombant sur une optique leur faisant l'effet sonore d'une explosion. D'où les chapeaux et les casquettes à visières des humanoïdes.

Sous la pluie, Hyltendale était ennuyeuse et morne. Une ville de retraités et d'invalides, et leurs serviteurs humanoïdes, à une échelle gigantesque.

Le bus arriva à Zodonie. La foule, sur le trottoir, était plus compacte, plus variée aussi. Des humains parlaient des langues qui n'étaient pas le mnarruc. Il se dirigea vers un "hôtel à gynoïdes", entra dans le hall, qui était aménagé en bar. Il remarqua, assises à des tables, des gynoïdes dont les tenues provocantes ne laissaient aucun doute quant à leur activité. Elles le regardaient en souriant.

Il se dirigea vers l'un d'elles, presque au hasard. Vu le badge qu'elle portait, elle s'appelait Allontaé. Après une brève discussion, et le paiement d'avance de la "location" auprès du serveur androïde, il se retrouva avec elle dans l'une des chambres.

Il redescendit dans le hall bien avant la fin de la location, censée durer une heure. Comme il disait souvent en parlant des femmes, "Elles n'ont pas fini de me satisfaire qu'elles m'emmerdent déjà."

Il avait toutefois trouvé l'expérience satisfaisante, et même au-dessus de ce à quoi il s'était attendu. Il alluma sa tablette électronique pour chercher une agence de location de gynoïdes proche de son hôtel.

Le soir-même, la gynoïde nommée Rilka s'installait dans sa chambre. La plupart du temps, Elias n'avait pas besoin d'elle, et Rilka restait allongée sur le lit, immobile et silencieuse, rechargeant ses batteries au moyen d'un câble électrique dont elle avait inséré une extrémité dans sa bouche. Cela convenait tout à fait à Elias. Rilka prenait vraiment peu de place, et tous ses bagages tenaient dans une petite valise à roulettes. Les humanoïdes ne transpirent pas, et n'ont donc pas besoin de changer souvent de vêtements.

Elias et Rilka vécurent deux mois à l'hôtel, le temps qu'Elias achète un appartement et qu'ils s'y installent tous les deux.

Pendant les deux semaines qu'il passa à visiter des appartements dans divers quartiers d'Hyltendale, Elias s'aperçut qu'il n'avait pas besoin d'interprète dans les agences immobilières. Tous les humanoïdes étant capables de parler le français si on le leur demandait. Mais il y avait toujours une demi-seconde ou une seconde d'attente entre chaque phrase, le temps que le cybercerveau lointain qui servait d'interprète traduise le message radio que lui avait envoyé l'humanoïde, et y réponde sous forme de fichier sonore.

Lorsque les humanoïdes parlent, leur bouche s'ouvre et se ferme automatiquement à chaque syllabe. Mais comme les sons proviennent en réalité d'un petit haut-parleur, on a l'impression d'être face à un poisson dont la bouche s'ouvre et se ferme en cadence. La mâchoire et les joues ne bougent pas.

Fervent adepte du jogging, Elias partait courir un jour sur deux, en général vers le sud-est, en direction du district de Playara, dont le nom signifie "les plages" en mnarruc. Même lorsqu'il fait beau, les plages d'Hyltendale sont loin d'être bondées. On y voit des humains d'âge mûr, amateurs de natation et de bronzette, presque toujours accompagnés de leurs humanoïdes, et, comme partout à Hyltendale, des invalides et des vieillards cacochymes que des gynoïdes emmènent en promenade. Parfois, un jeune couple avec un ou plusieurs enfants. Les rares touristes sont, le plus souvent, des joggeurs comme Elias.

Elias continuait son jogging vers l'est, entre la plage et les villas du bord de mer. Quand il était en forme, il allait jusqu'aux limites de la ville, là où commence la Côte d'Ethel. La côte diffère peu de Playara, si ce n'est par le fait que les villas sont plus espacées et les plages presque toujours désertes et envahies d'algues pourrissantes. Certaines villas sont vastes, somptueuses, et gardées par des androïdes en costume noir. Elias se disait toujours qu'il avait été trop timide. Il aurait pu acheter l'une de ces villas de rêve, mais il avait préféré s'assurer un revenu confortable qui, en principe, durerait jusqu'à la fin de ses jours.

Par endroits, sur la Côte d'Ethel, on peut voir des champs cultivés, où travaillent des cybermachines. Une route à quatre voies, encombrée de camions, suit le littoral. Elle va jusqu'à Céléphaïs (les Mnarésiens prononcent "Kélépaïss") à 500 km de là. La Côte d'Ethel proprement dite, qui fait partie de l'Ethel Dylan, ne fait que 80 km de long, ce qui est déjà considérable.

Elias ne s'ennuyait pas, entre la recherche d'un appartement et ses efforts pour apprendre le mnarruc. Elias, qui prétendait être un Aneuvien nommé Hæktor Hermiskeri, préférait ne pas attirer l'attention sur son ignorance presque totale de la langue aneuvienne. Par ailleurs, son objectif était de devenir mnarésien, et pour cela il fallait parler la langue.

Au bout de quelques semaines, il se rendit compte qu'il n'avait pas parlé à un être humain biologique depuis son départ du Padzaland, et il le dit à Rilka. Elle l'emmena au Cercle Paropien, où il rencontra des Padzalandais francophones avec lesquels ils sympathisa.

Dès les premiers jours de leur relation, Rilka lui avait parlé des masques-cagoules. Elias en choisit deux parmi ceux qui étaient en vente dans la boutique de l'hôtel. Un masque-cagoule féminin, qu'il appela Charlène, et un masculin, qu'il appela Bill. Il expliqua en détail à Rilka comment jouer les rôles respectifs de Charlène et de Bill.

La presse padzalandaise que lisait Elias traitait le roi Andreas de "tyran sanguinaire" et le Mnar de "régime policier oppressif et cruel", mais les seuls policiers que vit Elias la première année de son séjour à Hyltendale, avant les Évènements, étaient des androïdes de la police municipale faisant la circulation à des carrefours. Le jour de son arrivée, son passage à la douane avait été rapide et sans formalité.

C'est pourquoi Elias fut totalement surpris pendant les Évènements, lorsque Hyltendale se retrouva du jour au lendemain encombrée de réfugiés et pratiquement coupée du reste du royaume. Pour la première fois, il vit des humanoïdes à peau verte et tête de grenouille — des klelwaks — armés et patrouillant les rues. Il n'était plus question d'aller faire du jogging sur la Côte d'Ethel, et des klelwaks gardaient les plages. Des massacres, des combats et des pénuries terribles avaient lieu presque partout dans le pays, mais les habitants d'Hyltendale n'en virent rien par eux-mêmes, sauf sur leurs postes de télévision.

Au niveau de la vie quotidienne dans l'Ethel Dylan, la conséquence la plus visible des Évènements fut l'instauration du rationnement sur les produits de première nécessité. Seuls les humanoïdes pouvaient acheter des produits rationnés, sous le contrôle invisible de la reine de la ruche, et les distribuer ensuite aux humains qu'ils servaient.

Au bout d'un an, ce fut le retour progressif à la normale, avec l'abandon du rationnement et le départ des réfugiés. Ce fut aussi, pour Elias, une convocation au commissariat de police, dont l'un des effets fut que quelque temps plus tard il adopta pour de bon le nom d'Elias Faust, et se teignit désormais les cheveux et la barbe en noir, et non plus en rouge.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 29 Oct 2015 - 18:42

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 29 Oct 2015 - 18:59

Pomme de Terre a écrit:
Si mes souvenirs sont bons tu n'avais pas dit quelque part dans le fil consacré que le Niéméléga était le seul endroit où il y avait des cyborgs ? Si ce n'est pas moi qui affabule: changement d'idée, ou les cybersophontes du Mnar et d'Orring disparaissent entre temps ? Et si c'est moi, pardon Very Happy
En fait, je crois que Vilko est tombé "amoureux" des cybersophont au point dans faire émigrer une poignée dans un autre idéomonde. Il y a une distorsion entre le temps fictif et le temps réel, puisque le Niémélaga est dans un temps du futur relativement lointain si on le compare avec celui du Mnar.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 29 Oct 2015 - 19:35

Pomme de Terre a écrit:
Si mes souvenirs sont bons tu n'avais pas dit quelque part dans le fil consacré que le Niéméléga était le seul endroit où il y avait des cyborgs ? Si ce n'est pas moi qui affabule: changement d'idée, ou les cybersophontes du Mnar et d'Orring disparaissent entre temps ? Et si c'est moi, pardon Very Happy

Disons qu'il s'agit d'un cas de rencontre de mondes parallèles ! Le Mnar et le Niémélaga sont très éloignés dans l'espace, étant situés sur des continents différents, et surtout ils sont autonomes, bien que de même origine.

À l'époque d'Hyltendale et de ses habitants (Yohannès Ken, Elias Faust, etc) le Niémélaga n'existe pas encore. Mais la Longue Guerre qui va lui donner naissance plusieurs décennies plus tard a déjà commencé. Pour l'instant, elle ne touche que le Naoutry et d'autres petits pays lointains.

Le Niémélaga est, pour les cyborgs, une tentative de création d'un État sur un continent. Le succès sera mitigé : à l'époque de Vincent, le Niémélaga aura survécu, mais il sera devenu un protectorat du Padzaland. Il est difficile d'affronter les humains sur leur terrain, là où ils sont les plus forts...

Orring, et ses extensions de fait (Hyagansis et Hyltendale) sont le résultat d'une autre politique, plus subtile. L'expansion se fait dans l'élément marin, où les humains ne peuvent pas vivre. Il n'y a donc pas d'affrontement direct avec les humains, comme au Niémélaga, mais développement complémentaire pacifique.

Dans les deux expériences, une grande ville sert d'interface entre les cybersophontes et les humains : Dibadi dans un cas, Hyltendale dans l'autre. Hyltendale sert en effet de capitale diplomatique au royaume d'Orring, bien qu'étant située dans le royaume de Mnar. C'est un peu comme si les ambassades étrangères auprès du gouvernement belge étaient situées à Londres.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyVen 30 Oct 2015 - 13:37

Elias Faust n'avait pas envie de rester apatride et sans passeport. Il lui fallait un pays, n'importe lequel, dans lequel il puisse vivre même s'il devenait pauvre. Car si par malheur il perdait sa fortune, il devrait quitter Hyltendale. Et s'il n'avait pas de pays d'accueil, il serait expulsé vers Hyagansis, une ville sous-marine, et il n'en ressortirait jamais.

Après avoir longuement réfléchi, il décida de tenter quelque chose. Le village où il prétendait être né, Oucaltay, dans la partie francophone du Naoutry, avait été totalement détruit par les robots des cyborgs. Les archives locales avaient brûlé. Personne ne pourrait jamais prouver qu'aucun Elias Faust n'y était né.

Toutefois, le Naoutry, même dévasté par des hordes de robots et d'humanoïdes, existait toujours. Les nouvelles étaient même plutôt bonnes, il avait suffi d'une menace d'intervention de la part du Padzaland pour que les hordes de cybersophontes abandonnent sans combattre la zone envahie.

Un homme politique padzalandais s'était exclamé : "À ce rythme-là, il leur faudra cinquante ans pour conquérir le Naoutry !" Paroles prophétiques, mais qui sur le moment passèrent inaperçues.

Le Naoutry n'avait pas de représentation diplomatique à Hyltendale, où ses affaires étaient gérées par l'ambassade padzalandaise. Un seul naoutrien y travaillait, un jeune homme de vingt-cinq ans qui portait le titre pompeux de consul du Naoutry pour Orring et Hyagansis.

Dans le bureau exigu du consul, Elias raconta son histoire :

- Je suis naoutrien. J'ai passé la plus grande partie de ma vie au Padzaland, où j'ai grandi. J'avais des dettes là-bas, alors je suis venu en clandestin à Hyltendale.

Le consul l'interrompit :

- Il n'y a ni clandestins ni résidents légaux à Hyltendale, Monsieur Faust. seulement des étrangers qui ont de l'argent et d'autres qui n'en ont pas. Ceux qui n'en ont pas sont considérés comme des parasites et expulsés. Le fait d'avoir des enfants nés sur place ne change strictement rien à l'affaire. Les Mnarésiens ont fait de la pauvreté un délit, ils appellent ça du parasitisme.

- Mon problème n'est pas là, Monsieur le Consul. J'ai de l'argent. Mais je suis venu à Hyltendale sans passeport. Il m'en faut un pour repartir.

- Vous voulez repartir du Mnar ? Ce beau pays ?

- Dans l 'avenir, peut-être. Je suis venu me faire faire un passeport.

- Et vous n'avez aucun document ? Aucun extrait d'acte de naissance, livret de famille, livret militaire, vous voyez ce que je veux dire...

- Absolument aucun. Je ne suis surement pas le seul réfugié de guerre à être dans cette situation...

- Oh, que non... Mais en général ils ne vont pas jusqu'à Hyltendale, ils s'arrêtent avant. Au Padzaland, par exemple. Et puis, à votre âge vous devriez avoir un livret militaire. Ça prouverait qu'au moins vous vous êtes battu pour votre patrie...

- Monsieur le Consul, si je ne peux pas avoir de passeport, je risque d'être expulsé vers Hyagansis. Ce serait pire que le bagne. Je ne veux pas vivre coupé du monde dans une ville sous-marine jusqu'à la fin de mes jours.

C'était faux, mais ça pouvait devenir vrai, si Elias perdait sa fortune mal acquise. Le consul eut l'air de réfléchir. Il finit par dire :

- Je ne peux pas laisser un compatriote dans une situation aussi périlleuse. Mais ma sympathie va plutôt vers nos anciens soldats, pas envers ceux qui n'ont jamais tiré un seul coup de feu pour leur pays. C'est pourquoi, avant que je prenne ma décision, parlez-moi d'Oucaltay, Monsieur Faust. Vous y êtes né, dites-vous. Alors, décrivez-moi le village, dites-moi où votre famille habitait, qui vous avez connu... Racontez-moi tout.

- Nous en sommes partis quand j'avais six ans. Mais j'ai encore quelques souvenirs. Nous habitions une vieille maison dans la rue Allard, près du vieux lavoir... Ma mère m'emmenait à pied à l'école maternelle...

Avant de venir, Elias avait réfléchi aux questions qui pouvaient lui être posées, et il avait fait une répétition avec Rilka. Une sacrée bonne idée qu'il avait eue...

À la fin de leur entretien, le consul se laissa aller à faire une confidence personnelle :

- Les cybersophontes ont mis le Naoutry à feu et à sang, et nous, nous vivons ici parmi d'autres cybersophontes. Je sais qu'ils n'ont rien en commun, ceux d'ici et ceux de là-bas. Ni la langue, ni l'idéologie. Et ils se détestent mutuellement... Mais j'espère quand même ne pas rester trop longtemps affecté à ce poste...

Elias se dit qu'il était tombé sur un idiot fini. Mais deux semaines plus tard il obtint un passeport naoutrien tout neuf et entièrement légal. Le consul avait finalement cru en l'histoire d'Elias.

La nationalité naoutrienne ne donnait pas droit à grand-chose, la plupart des nations du monde considérant les Naoutriens au mieux comme des paresseux, au pire comme des voleurs. Mais pour Elias, cela n'avait aucune importance : si ses affaires tournaient mal, il valait mieux, de son point de vue, être expulsé vers le Naoutry que vers Hyagansis.

Rilka lui avait dit que même si les cyborgs envahissaient de nouveau le Naoutry, il s'en sortirait en joignant la Milice, une troupe armée constituée d'être humains passés du côté des cyborgs. Un investisseur financier expérimenté comme lui serait une recrue précieuse.

"Non merci, je préfère rester à Hyltendale avec toi et vivre de mes rentes" lui avait-il répondu.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyDim 1 Nov 2015 - 10:17

Lorsqu'elle mettait sur sa tête le masque-cagoule de Bill, l'ami francophone d'Elias, Rilka changeait de voix. Sa douce voix féminine devenait une puissante voix d'homme. Pour dissimuler sa silhouette, elle portait une grande blouse de toile noire, à longues manches, sans col, très ample et qui lui descendait jusqu'aux mollets.

Elias apprit que ce type de vêtement, commun aux gynoïdes et aux androïdes, est le plus souvent de couleur noire, mais aussi bleu, gris ou brun, voire même vert ou jaune. Il existe en différents matériaux, le plus commun étant un tissu semi-synthétique, solide et imperméable. C'est le vêtement par défaut des humanoïdes, quels qu'ils soient. Parfois les manches sont un peu plus courtes, et la blouse descend jusqu'aux genoux plutôt que jusqu'aux mollets. Certaines blouses ont de grandes poches latérales et une poche de poitrine, d'autres non.

Les humanoïdes qui travaillent dans les usines, les ateliers et les exploitations agricoles portent la blouse, comme protection contre les taches et les éraflures. Les pieds sont protégés par des sabots de matière plastique ou des chaussons. À l'extérieur des bâtiments, les humanoïdes portent un chapeau ou une casquette, pour protéger leurs optiques de la pluie. Les humanoïdes sont insensibles au froid comme à la chaleur ; la blouse sert de protection, mais c'est surtout une convention sociale. Les humanoïdes dits "domestiques", comme Rilka, portent la blouse comme complément d'un masque-cagoule.

Un badge indiquant le nom et le matricule de l'humanoïde est souvent fixé à hauteur de la poitrine. Le badge est le seul élément qui permet de distinguer les humanoïdes entre eux, leurs visages étant souvent identiques. Des logos d'entreprises ou des symboles divers peuvent être cousus dessus. Les humanoïdes ne jettent jamais leur blouse, qui, après quelques années, est pleine de taches qu'aucun lavage ne peut enlever, de raccommodages et de rapiéçages.

Les gynoïdes de charme, comme Rilka, ne portent pas de badge, mais un collier avec plaque ou médaille. Rilka a son nom et son matricule gravés sur une discrète plaque de métal qu'elle porte autour du cou.

Lorsqu'on a une gynoïde chez soi, on n'a besoin ni d'électricien ni de plombier, car elle peut faire ce travail sans problème, le cybercerveau qui la contrôle ayant les connaissances nécessaires. Lorsque Rilka a besoin de changer un robinet, elle va louer le matériel nécessaire dans une quincaillerie, et ensuite elle met des gants et sa blouse noire pour travailler.

Elias avait remarqué dans les rues d'Hyltendale des humanoïdes en blouse noire et masque-cagoule. Il en avait aussi vu au Cercle Paropien. Lui-même était allé plusieurs fois au restaurant avec Rilka ainsi accoutrée, lorsqu'elle jouait le rôle de Bill.

Il s'était demandé si, parmi les humanoïdes encagoulés qu'il voyait de temps en temps, certains n'étaient pas des humains déguisés. À travers les trous de la cagoule, leurs yeux lui avaient paru ressembler davantage à des verres teintés qu'à des optiques de cybersophontes.

La presse padzalandaise, qu'Elias lisait toujours, parlait de temps en temps d'Adront Cataewi, l'ancien dictateur de Cathurie, dont la tête était mise à prix sur tous les continents. Elias se dit que, si l'homme le plus recherché du monde se trouvait à Hyltendale, comme le prétendaient certaines rumeurs, peut-être se cachait-il sous un masque-cagoule lorsqu'il sortait de chez  lui.

La proportion d'individus en longue blouse noire et masque-cagoule augmente fortement lorsqu'on approche de Zodonie. Il est bien connu que certains touristes mnarésiens et étrangers, notamment des politiciens et autres personnalités, se déguisent en humanoïdes dans leur chambre d'hôtel, avant de ressortir et d'aller satisfaire quelques fantasmes inavouables dans les hôtels de passe de Zodonie. Il serait catastrophique pour eux d'être reconnus en entrant ou en sortant de ce genre d'établissement. D'où l'intérêt des grandes blouses, des lunettes noires et des masques-cagoules.

Chaque hôtel d'Hyltendale dispose d'une boutique où l'on vend des souvenirs, mais aussi des blouses noires, des masques-cagoules, et des lunettes de soleil. Quelques jours après son arrivée à Hyltendale, Elias avait acheté pour Rilka deux masques-cagoules dans la boutique de son hôtel.

Parmi les souvenirs que l'on peut ramener d'Hyltendale, il y a les bouteilles de Vin de Lune (le vin rouge local), les rubis (pendant les temps légendaires, Dylath-Leen, qui a précédé Hyltendale, était un centre du commerce des rubis), les maquettes d'anciennes galères (autre allusion aux temps légendaires), les masques-cagoules et les grandes blouses noires (qui peuvent servir de robes de chambre), les reproductions de tableaux abstraits des peintres Ditlikh Ebalyë et Phëlang, et les figurines représentant des humanoïdes.

Un touriste qui parlait le mnarruc avec un fort accent étranger, rencontré dans un bar de Zodonie, avait expliqué à Elias, après plusieurs verre de Vin de Lune, que chez lui il utilisait sa grande blouse noire comme robe de chambre, pour que sa femme ne s'étonne pas qu'il la mette dans sa valise lorsqu'il partait en voyage d'affaires. Une fois arrivé à Hyltendale, il achetait un masque-cagoule, le plus simple et le moins cher qui soit, un simple sac de toile avec deux trous pour les yeux et une fente pour la bouche, et il s'en débarrassait à la fin de son séjour.

Elias avait éclaté de rire. Le touriste avait paru vexé : "Vous ne me connaissez pas, mais dans mon pays je suis une célébrité. Je ne vous dirai pas dans quel domaine. Sachez seulement que je dois faire attention à mon image. De plus, ma femme est beaucoup plus riche que moi. Si elle demandait le divorce, je serais ruiné. En même temps, j'ai des pulsions que je ne peux satisfaire qu'à Zodonie, parce que dans mon pays on est facilement considéré comme un pervers, et la loi est dure envers les déviants. Vous comprendrez que je suis obligé de prendre quelques précautions."

Bien sûr, la plupart des touristes entrent et sortent des hôtels à gynoïdes le visage découvert et sans se gêner, même si on remarque une forte proportion d'hommes portant de grosses lunettes noires et des blousons ou manteaux à capuche.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMer 4 Nov 2015 - 10:59

Le roi Andreas commença sa journée en recevant dans son bureau l'ambassadeur de Cathurie. L'ambassadeur était l'un des chefs des rebelles qui avaient renversé Adront Cataewi, le tyran sanguinaire, qui s'était enfui au Mnar.

La présence de Cataewi au Mnar avait fini par être connue, même si son refuge n'avait pas été découvert. Les nouveaux dirigeants de la Cathurie réclamaient avec insistance l'extradition de Cataewi, que le roi Andreas avait déjà refusée plusieurs fois.

Le roi avait préféré ne pas recevoir l'ambassadeur seul, mais en la présence du baron Chim, son conseiller cyborg.

L'ambassadeur n'y alla pas par quatre chemins. Après les formules de politesse habituelles, marmonnées sans conviction, il dit au roi :

- Majesté, la souveraineté n'est pas une valeur absolue. Elle donne des droits, mais elle implique aussi des devoirs. Le Mnar perdra certains de ces droits, s'il ne remplit pas ses devoirs vis-à-vis des autres États. L'un de ces devoirs est de faire en sorte que le Mnar ne soit pas un refuge pour les criminels en fuite. Je veux parler, bien sûr, de ce tyran sanguinaire, Adront Cataewi.

Le roi soupira :

- Tous les rois sont considérés comme des tyrans par  leurs ennemis. Adront Cataewi a toujours soutenu le Mnar quand celui-ci était en difficulté. Nous nous sommes rendus des services mutuels, lorsque nous avions tous les deux eu à faire face aux fanatiques de Yog-Sothoth. C'est la première raison pour laquelle Adront Cataewi a été autorisé à se réfugier au Mnar. La deuxième découle de la première. J'ai la réputation d'être un homme impitoyable, mais dont la parole est aussi droite et solide que son épée. Si je trahissais Adront Cataewi, je perdrais mon honneur, ce qui pour moi serait pire que la mort.

Il y eut un moment de silence, puis l'ambassadeur prit la parole :

- Donc, c'est non ? Vous refusez de nous livrer Cataewi ?

- C'est exactement comme vous le dites, Excellence.

L'ambassadeur regarda le roi d'un air presque menaçant :

- Votre Majesté se doute bien que son attitude peu coopérative aura un prix. La Cathurie appuiera de tout son poids pour que les sanctions internationales prises contre le Mnar ne soient pas levées, mais au contraire renforcées.

Le roi lui répondit d'une voix froide, qui chez lui était le signe d'une colère rentrée :

- Les menaces ne me font pas peur. Au revoir, Excellence.

L'ambassadeur sortit du bureau sans rien dire, ce qui était une grossièreté dont seul un rebelle cathurien était capable.

Un garde posté dans le couloir referma la porte derrière l'ambassadeur.

Le roi se tourna vers le baron :

- Baron Chim, vous avez entendu ce qu'il a dit ? Pour qui me prend-il ? Je suis loyal, même envers quelqu'un comme Adront Cataewi. Mais je vais avoir besoin de l'aide de tous les cybersophontes, et du soutien du royaume d'Orring... Sinon, les sanctions vont ruiner le Mnar. Et si le Mnar est ruiné, la guerre civile recommencera...

- Majesté, en tant que cyborg, je suis au courant de ce qui se dit parmi les cybersophontes. Vous aurez ce soutien.

Le cerveau cybernétique du baron Chim avait enregistré la scène. Le soir-même, la reine de la ruche, le cybercerveau arachnoïde Argumthar, chef suprême des cybersophontes du Mnar, la visionnerait.

Le roi avait l'air soucieux :

- Baron, je n'en peux plus avec ces sanctions. Le soutien d'Orring sera-t-il suffisant ?

- Majesté, les fonds marins sont l'équivalent d'une autre planète, à la fois en tant qu'environnement et en étendue. Les êtres humains biologiques ne peuvent pas y vivre. Mais les cybermachines et les cybercerveaux le peuvent. Ils ont bâti des cités au fond de la mer, et des îles artificielles...

- Je sais tout cela, baron. Je suis allé, une fois, à Serranian, la capitale flottante d'Orring. Une cité magnifique flottant sur les eaux...

- Majesté, le royaume d'Orring est comme un iceberg. Les neuf dixièmes sont sous l'eau. Pour une île flottante comme Serranian, vous avez une dizaine de cités sous-marines. Orring s'étend sur toute la Mer du Sud. Sa surface est celle d'un continent. Au niveau de la production industrielle, c'est l'équivalent d'un très grand royaume comme le Padzaland.

- Et au niveau militaire ?

- Les robots sous-marins d'Orring sont assez nombreux, et assez perfectionnés pour couler toutes les flottes civiles et militaires des pays riverains de la Mer du Sud. Et Votre Majesté sait que 90% du commerce international se fait par la voie maritime... Orring a les moyens de mettre à genoux les économies du quart de la planète. C'est remarquable, pour un royaume qui n'a ni aviation militaire ni armée de terre.

- Mais a-t-il des armes de destruction massive ?

- Orring peut fabriquer des gaz de combat en quantité industrielle, et des drones pour larguer des bombes à gaz. Connaissant la prudence du roi d'Orring, je pense qu'ils ont ce qu'il faut.

- Sans doute assez pour tuer tous les habitants des pays riverains de la Mer du Sud, n'est-ce pas, baron ?

- Votre Majesté, je ne connais pas les chiffres exacts. Mais disons que votre supposition est de l'ordre du probable. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles Orring n'a ni aviation ni armée de terre. Lorsqu'on a les moyens d'exterminer ses voisins, et que ceux-ci le savent, on n'a pas besoin de les effrayer au-delà du raisonnable en montrant qu'on pourrait les envahir ensuite. Orring est un royaume ostensiblement pacifiste. Mais pas désarmé.

- Je comprends bien, baron. Tout le monde sait qu'Orring a les moyens d'éliminer les humains comme on élimine des cafards avec un vaporisateur d'insecticide. Mais tout le monde sait aussi qu'Orring ne s'intéresse qu'au monde maritime.

- Et il en est très bien ainsi, Votre Majesté. Deux mondes se côtoient. Le monde de la terre ferme, domaine des humains, et le monde marin, domaine des cybersophontes. Le monde marin est comme une autre planète, dont les humains ne possèderaient que les bords. Ils peuvent aller sur les plages et tremper leurs orteils dans l'eau de mer, et ils peuvent glisser sur la surface du monde marin dans leurs bateaux. Ils peuvent même y lancer leurs filets pour capturer les poissons. Mais les profondeurs insondables leur sont inaccessibles. Les anciennes légendes y situaient les villes sous-marines de R'lyeh et Yha-nathlei, le domaine du Grand Cthulhu. De nos jours, ces lieux font partie du royaume marin d'Orring.

Le baron devint soudain songeur. Il dit d'une voix rêveuse :

- Je sais depuis longtemps qu'Orring est un royaume plus vaste et plus riche que tous les royaumes humains qui bordent la Mer du Sud, pris tous ensemble... Comme vous le dites, baron, nous pouvons tremper nos pieds dans la Mer du Sud, et même la traverser en bateau... Mais les villes sous-marines d'Orring nous sont aussi inaccessibles que la lune. La réciproque n'est pas vraie... Orring, par exemple, nous a envoyé des cybersophontes, et nous leur avons permis de s'installer dans l'Ethel Dylan.

Le baron se hâta de dire :

- Pour le profit mutuel du Mnar et d'Orring, Votre Majesté ! Avec le soutien économique d'Orring, le Mnar pourra ignorer les sanctions internationales.

- Espérons-le, baron, espérons-le... Je vais aller passer deux jours à Potafreas, sans la reine. Mais je n'irai pas à Hyltendale. La vision de tous ces grabataires promenés dans les rues par des humanoïdes me déprime... Savez-vous qu'un écrivain français avait prévu quelque chose de semblable, il y a très longtemps. J'ai copié la citation...

Le roi sortit d'un tiroir de son bureau un carnet relié de velours noir. Il l'ouvrit et se mit à lire à haute voix :

« La Civilisation Mécanique finira par promener autour de la Terre, dans un fauteuil roulant, une Humanité gâteuse et baveuse, retombée en enfance et torchée par les Robots. »

Le visage du baron se fendit d'un large sourire :

- Majesté, ce Bernanos, qui je crois est mort depuis plusieurs générations, était un visionnaire ! Ceci étant, heureusement que nous avons Hyltendale pour prendre en charge les vieux séniles, et des gynoïdes toutes dévouées pour leur torcher les fesses... Sinon, qui le ferait ? Des êtres humains, faillibles comme tous les humains, et qui parfois maltraitent les vieillards dont ils doivent s'occuper. Au contraire, un humanoïde est fiable et toujours d'humeur égale. Un humain, pas toujours. Et en plus, l'humanoïde coûte moins cher.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 5 Nov 2015 - 13:22

Dès son arrivée à Hyltendale, Elias Faust s'était familiarisé avec le réseau d'autobus, particulièrement dense. À Hyltendale, on n'attend jamais un bus plus de dix minutes, sauf entre minuit et cinq heures du matin (où il faut plutôt compter sur une demi-heure), et on a toujours un arrêt de bus à moins de deux cent mètres de sa destination, quelle qu'elle soit.

À Hyltendale, on n'a jamais besoin de se déplacer de plus de dix kilomètres. Et encore, il faudrait avoir besoin d'aller des quais de Fotetir Tohu, au sud-ouest, jusqu'à la prison géante de Tatanow, au nord-est. La plupart des fembotniks pratiquent la marche à pied, et prennent l'autobus pour les trajets de plus de deux kilomètres.

Pour faire leurs courses, les Hyltendaliens utilisent des vélotaxis. En général, c'est une gynoïde qui pédale, pendant qu'un fembotnik est assis sur la banquette, à l'arrière.

Peu d'Hyltendaliens sont propriétaire de voitures, sauf les résidents de la Côte d'Ethel, qui fait 80 km de long et qui n'est pas desservie par les transports en commun. Seuls les vraiment riches peuvent se permettre d'habiter sur la Côte d'Ethel. Yip Kophio, le directeur de la Police Secrète du Roi (PSR), y a une villa, où il pense s'installer lorsqu'il prendra sa retraite, dans cinq ans.

Bien qu'il y ait relativement peu de voitures par rapport aux autobus, aux fourgonnettes, aux camions et aux vélotaxis, il y a beaucoup de parkings à Hyltendale. Suivant leur habitude, les cybersophontes les ont décorés à leur façon. À intervalles réguliers, des piliers servent de repères visuels. La plupart d'entre eux sont des colonnes de béton armé, d'un mètre de diamètre et de cinq mètres de haut, sur lesquelles sont fixées des statues dont la hauteur moyenne est d'environ  deux mètres. Ces statues sont presque toujours en métal peint, et beaucoup d'entre elles représentent des héros mythiques cités dans les Manuscrits Pnakotiques, notamment Barzaï le Sage et son disciple Atal. Mais on voit aussi des monstres verdâtres, aux corps informes recouverts de tentacules et d'yeux stylisés, et des Maigres Bêtes de la Nuit, sortes de gargouilles sans visage aux ailes de chauve-souris.

Le cyborg Thanag Sas, qui a conçu la décoration des parkings municipaux, dit que même si les Hyltendlaliens ne regardent plus les statues qui sont sur les piliers, ils les voient quand même.  Cela contribue à maintenir dans leur esprit une certaine familiarité inconsciente avec les Manuscrits Pnakotiques, dont l'enseignement fait partie des programmes scolaires dans tout le royaume de Mnar, à la fois comme initiation aux formes anciennes de la langue et comme aperçu de la littérature des Temps Légendaires.

Pour Elias Faust, qui en bon Padzalandais (même s'il se prétend naoutrien) n'a jamais lu les Manuscrits Pnakotiques, même en traduction, les statues sur les piliers sont d'une laideur impressionnante. Si les statues de personnages de légende ont un certain charme à ses yeux, il n'en est pas de même des monstres en forme de pieuvres mutantes ou de chauves-souris anthropomorphes, mais il a fini par s'y habituer.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 5 Nov 2015 - 15:43

C'est sur, des statues des déîtés lovecraftiennes dans la rue, ça doit être assez traumatisant, la première fois qu'on les voit, et ça doit maintenir l'esprit des croyants dans une mentalité bien particulière...
D'ailleurs, dans quels aspects de leur mentalité ou de leur vie quotidienne (de leur culture, quoi) considères-tu que cette religion conditionne les hyltendaiens ?
Dans quelle langue ont été rédigés les manuscrits pnakotiques ? et par qui ? un cybersophonte ou ont-ils "repris" des manuscrits déjà existants ?
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 5 Nov 2015 - 19:30

Der industrielle Mensch a écrit:
D'ailleurs, dans quels aspects de leur mentalité ou de leur viequotidienne (de leur culture, quoi) considères-tu que cette religion conditionne les hyltendaiens ?

Les Mnarésiens en général (et donc les Hyltendaliens) adhèrent à plusieurs religions plus ou moins antagonistes :

1. Les adorateurs de Yog-Sothoth. Ils sont majoritaires, et un certain nombre d'entre eux sont partisans d'une théocratie. Ce sont eux qui ont fourni l'encadrement des rebelles lors des Évènements (une guerre civile qui a duré un an, et dont la cause était surtout sociale et économique).

Toutefois, ceux parmi les adorateurs de Yog-Sothoth qui font partie des classes moyennes et supérieures sont, pour la plupart, partisans du pouvoir en place, relativement laïc.

2. Les adorateurs de Nath-Horthath. Ils sont minoritaires, mais ils détiennent la richesse et le pouvoir. Le roi et les nobles sont des adorateurs de Nath-Horthath.

3. Les adorateurs d'Azathoth. Ce sont surtout des cybersophontes. Leur religion est discrète et limitée à Hyltendale. En pratique, il s'agit d'une forme de panthéisme, voire d'athéisme (le dieu Azathoth est idiot, aveugle et sourd...) habillé dans un langage polythéiste. Un peu comme si on donnait des noms de dieux gréco-romains aux lois de la physique...

D'autres religions, très minoritaires, existent, notamment des adorateurs de Tsathoggua dans la province nordique de Leng.

La religion est très importante au Mnar, non pas que les gens soient plus croyants qu'ailleurs, mais chaque religion est une communauté dont il est difficile de sortir, sous peine d'être exclu de son clan, d'être renié par sa famille et de perdre ses amis, ce qui est particulièrement gênant dans un pays où l'État moderne est une création relativement récente. Au Mnar, on se marie presque toujours dans sa communauté ethno-religieuse, on fait de préférence ses courses dans les magasins tenus par des gens de sa communauté, etc.

On est également tenu de favoriser les gens de sa communauté si on dispose d'un peu d'influence. Par exemple si on est responsable des embauches dans une mairie ou une entreprise. Il va de soi que renier sa religion, alors qu'on doit son emploi au fait que l'on adhère à la même religion que le maire ou le chef du personnel, est tout simplement impensable.

Si un Mnarésien se déclare ouvertement athée et/ou homosexuel, c'est qu'il est hyltendalien... Ailleurs, ce serait très difficile à vivre.

Der industrielle Mensch a écrit:
Dans quelle langue ont été rédigés les manuscrits pnakotiques ? et par qui ? un cybersophonte ou ont-ils "repris" des manuscrits déjà existants ?

Les Manuscrits Pnakotiques ont été découverts dans la ville de Pnakot, d'où leur nom. C'est un recueil de légendes datant des Temps Légendaires. Ils étaient originellement écrits dans un système d'idéogrammes mélangé de signes syllabiques, mais ont été traduits en mnarruc moderne par des linguistes mnarésiens, sauf certaines parties très anciennes qui n'ont pas pu être entièrement déchiffrées. La langue originelle était un ensemble de dialectes plus ou moins apparentés au mnarruc.

Les Manuscrits Pnakotiques jouent au Mnar le même rôle que la mythologie grecque dans la culture européenne. Sigmund Freud, par exemple, a utilisé la légende d'Œdipe pour illustrer ce que les psychiatres appellent encore aujourd'hui le complexe d'Œdipe. La Fontaine, deux siècles avant Freud, a utilisé la mythologie grecque dans certaines de ses fables. Les intellectuels mnarésiens en font autant avec les Manuscrits Pnakotiques. Les monstres à tentacules qui ornent les parkings d'Hyltendale sont l'équivalent des nymphes et des faunes qui décorent le château de Versailles.

Les auteurs des Manuscrits Pnakotiques sont inconnus, ces textes remontant à des temps très anciens. Il n'est pas impossible qu'ils soient, au moins en partie, une supercherie, destinée à donner une culture spécifique au Mnar. En effet, aucun vestige archéologique n'a jamais été découvert au Mnar... De l'antique Dylath-Leen, ville de basalte bâtie sur l'emplacement actuel d'Hyltendale, il ne reste que des rochers de basalte non taillés, qui ne portent aucune trace de travail humain. Il en est de même à Ulthar, Sarnath, Céléphaïs, et les autres villes du royaume... Il n'y a que les Manuscrits Pnakotiques, qui donnent, en arrière-plan des légendes, les grandes lignes de ce que fut l'histoire de la région pendant un ou deux millénaires.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyVen 6 Nov 2015 - 0:09

Lucomède, l'un des membres padzalandais du Cercle Paropien, avait dit à Elias depuis quelques temps déjà qu'il allait être obligé de quitter Hyltendale, faute de ressources. Un jour, il lui demanda de venir au Cercle à neuf heures précises le lendemain matin, et de l'attendre au bar. Elias accepta.

Au jour et à l'heure dites, Nicomède lui dit qu'il quittait Hyltendale le jour-même, et qu'il voulait lui dire adieu. Elias, interloqué, voulut en savoir davantage, mais Lucomède semblait soucieux et embarrassé :

- Je ne sais pas si j'arriverai à me réhabituer à la vie au Padzaland. Je vivais bien ici, quand j'avais de l'argent...

- Comment ça se fait que tu n'en as plus ?

- J'étais un rentier. Tous les mois, je touchais des dividendes. C'était la belle vie. J'avais investi presque tout mon argent dans des sociétés padzalandaises. Mais comme tu le sais, la Bourse de Padza s'est effondrée. Les entreprises dont je possédais des parts on fait faillite les unes après les autres, en peu de temps. Mes revenus ont fondu des neuf dixièmes en quelques semaines. Je n'ai jamais cotisé pour une retraite, car j'ai boursicoté toute ma vie. Donc, je n'aurai même pas droit à une pension... Je suis dans la merde jusqu'au cou.

- Alors, que vas-tu faire ? Tu ne peux pas rester à Hyltendale sans avoir de quoi vivre. En tant qu'étranger, pour toi c'est l'exil garanti vers Hyagansis !

- Je retourne à Padza. Je n'ai pas le choix. J'ai vendu à perte l'appartement que j'avais acheté ici. J'ai donné les clés ce matin au nouveau propriétaire. Quand je serai rentré au Padzaland, je vais acheter une petite ferme dans un trou perdu. Je mangerai les légumes de mon jardin, et j'élèverai des poules et des lapins. Quelques chèvres, peut-être, si je peux. Avec le prix de la vente de l'appartement, et les quelques sous que me rapportent encore mes actions, ça devrait passer.

- Mais tu ne connais rien au jardinage ! Ni à l'élevage !

- J'ai repris contact avec une vieille copine qui vit seule avec une toute petite pension. Elle panique en ce moment, parce que le gouvernement padzalandais a annoncé que l'année prochaine, les retraites seront encore réduites. Sans jardin, elle n'arrivera même pas à manger à sa faim. Quand je lui ai téléphoné, elle m'a  dit que j'étais un envoyé des dieux. Elle est d'accord pour aller vivre à la campagne avec moi.

- Tant mieux, mais est-ce qu'elle sait s'occuper d'un jardin ?

- Elle m'a dit qu'elle a déjà fait pousser du thym et de la menthe sur un balcon, et qu'elle a acheté un manuel de jardinage dans une brocante. Les livres neufs, c'est trop cher pour elle... On essaiera de survivre à deux... Si notre jardin n'est pas envahi par des réfugiés naoutriens... Je sais que tu es naoutrien, je n'ai rien contre eux, c'est pas de leur faute si les cybersophontes les ont envahis et ont tout détruit chez eux... Et toi, Elias, la crise économique au Padzaland, elle ne t'a pas fait trop de mal ?

- Pas vraiment. J'ai transféré tout mon argent ici en venant, et je l'ai entièrement investi sur place.

- Ah, tu as été bien inspiré...

Elias se garda bien de dire à Lucomède que sa fortune venait du piratage réussi des comptes bancaires de plusieurs dizaines de sociétés padzalandaises, dont il avait ainsi provoqué la faillite. Si Lucomède était ruiné et obligé de retourner au Padzaland, c'était peut-être un peu à cause de lui...

Lucomède avait mis ses affaires dans quatre valises qu'il avait amenées au Cercle Paropien avec l'aide de sa gynoïde, Rhodussa, qui l'attendait devant l'entrée du Cercle.

"Le taxi est arrivé" dit-elle à Lucomède depuis le pas de la porte.

Elias et la gynoïde aidèrent Lucomède à charger les valises dans le coffre du taxi qui allait l'emmener à Fotetir Tohu. C'est là qu'il prendrait l'hydravion, première étape de son long voyage de retour au Padzaland. Le chauffeur de taxi, un androïde en uniforme gris et casquette plate, salua Lucomède et Elias, et reprit sa place au volant de son véhicule.

Lucomède prit Rhodussa dans ses bras et la serra longuement contre lui. Elle lui dit quelques mots, et le repoussa gentiment. Puis elle s'éloigna dans la rue à grands pas rapides, presque en courant, sans dire un mot, ses longs cheveux blonds flottant sur ses épaules.

Lucomède, dont les yeux avaient rougi, dit à Elias :

- Tôt ce matin, elle a enlevé ses affaires de l'appartement, juste avant que le nouveau propriétaire arrive. J'ai mis fin à dater de ce jour au contrat de location la concernant.

Lucomède regardait le taxi, sans arriver à ses décider à monter dans le véhicule. D'habitude, il était plutôt taciturne, mais là il semblait avoir besoin de parler, parler :

- Tu vois Elias, à la place d'une belle gynoïde comme ça, obéissante et douce, je vais être obligé de vivre avec une vieille rombière qui ronfle en dormant, et qui fait peur quand on la voit sans ses vêtements... En plus, probablement, si elle n'a pas changé, colérique et pas trop futée. Quand je compare avec Rhodussa, j'en pleurerais. C'est fini, à partir de maintenant je n'ai plus de vie sexuelle...

Il renifla, et il dit :

- Je n'ai pas l'intention de vivre encore longtemps. Les soins médicaux, là où je vais aller, sont très inférieurs à ce qu'ils sont à Hyltendale. J'ai quelques petits problèmes de santé, rien de bien grave, mais là-bas, je n'aurai pas les moyens de me faire soigner correctement. S'il faut en finir...

- Lucomède, je t'en prie ! Arrête !

Elias avait presque crié.

Lucomède monta dans le taxi presque en titubant. Elias regarda la voiture disparaître au coin de la rue, et rentra mélancoliquement dans la grande salle du Cercle Paropien.

Il s'assit à une table et commanda une bière. Ce n'était pas dans ses habitudes de boire de l'alcool le matin, mais le désespoir de Lucomède l'avait secoué.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyVen 6 Nov 2015 - 10:47

L'entrevue de l'escroc et de sa victime (indirecte) est vraiment palpitant : l'un sait mais ne peut rien dire, l'autre ne sait pas, mais on peut éventuellement imaginer comment il réagirait s'il savait.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyVen 6 Nov 2015 - 18:57

Dans les semaines qui suivirent le départ de Lucomède, trois autres membres padzalandais du Cercle Paropien rentrèrent au pays. D'autres vendirent en catastrophe tout ce qu'ils possédaient encore au Padzaland pour le transférer à la Hyagansis Bank. Mais quatre Padzalandais, nouvellement arrivés à Hyltendale, vinrent s'inscrire au club avec leurs gynoïdes.

Trois des nouveaux arrivants étaient des hommes déjà âgés, héritiers de vieilles fortunes, mais le quatrième était plus jeune. Chef d'entreprise célébré par les médias, il était parti avec un "golden parachute" dont le montant phénoménal avait fait scandale, juste avant que l'étendue de son incompétence soit révélée et se traduise par plusieurs milliers de licenciements.

Comme il le disait lui-même, "Je suis parti avant que mes anciens employés ne mettent le feu à ma maison et ne me pendent par les pieds." Un malheur ne venant jamais seul, sa femme avait demandé le divorce peu de temps auparavant, et obtenu la garde des enfants. Voyant le désastre affectif et professionnel qu'était devenu sa vie, il avait décidé de partir à Hyltendale, ayant gardé un bon souvenir d'anciennes escapades à Zodonie.

"Hyltendale, c'est ma façon à moi de me retirer du monde" dit-il à Elias.

Tout le monde peut ouvrir un compte d'épargne à la Hyagansis Bank. L'intérêt annuel versé par la banque est de 1%. Le capital est bloqué, mais garanti par le Crédit Hyltendalien, une banque mnarésienne qui existait déjà avant la venue des cybersophontes dans l'Ethel Dylan. Pour vivre confortablement en tant que fembotnik ou manbotchick à Hyltendale, il faut avoir un revenu annuel d'au moins 36 000 ducats. Donc, pour un étranger, avoir déposé au moins 3,6 millions de ducats (ou l'équivalent dans une autre monnaie) sur un compte Hyagansis Bank.

Ce n'est bien sûr pas la seule façon, pour un étranger, de pouvoir vivre à Hyltendale. Les autorités locales demandent un revenu de 24 000 ducats par an et par personne. C'est ce que dépense chaque année un Hyltendalien logé dans un petit appartement, sans gynoïde. Cela n'a aucun intérêt, ni pour les étrangers ni pour les Mnarésiens, car avec un revenu comme celui-là, dans le reste du Mnar ou au Padzaland on peut faire vivre toute une famille et acheter une maison. Quelle que soit sa nationalité, s'installer à Hyltendale n'a d'intérêt que si l'on a l'intention de devenir un fembotnik ou une manbotchick.

Trente-six mille ducats par an, le revenu annuel nécessaire pour devenir un fembotnik, c'est deux fois la pension d'un retraité mnarésien moyen. Les rentiers qui gagnent ce montant, voire davantage, ne sont pas rares. Soit parce qu'ils ont eu un revenu important pendant leurs années d'activité, soit parce qu'ils ont un complément de revenus, en général sous la forme de biens immobiliers qu'ils mettent en location.

Parmi les étrangers, on voit de riches veuves et divorcées, des spéculateurs qui choisissent de prendre leur retraite à trente ans après avoir gagné des millions sur un seul coup de Bourse, et des personnages plus mystérieux, comme Elias Faust. Il y a aussi ceux dont on ne connaît que trop bien le passé, comme Adront Cataewi.

Avec l'argent déposé par les étrangers, la Hyagansis Bank achète dans les autres pays du monde, par l'intermédiaire d'hommes d'affaires et de sociétés-écrans, des matières premières, des industries (de préférence dans les secteurs de pointe, pour acquérir la technologie), et, last but not least, la bienveillance des médias et des politiciens.

Les fembotniks et les manbotchicks répugnent souvent à se définir comme des rentiers ou des retraités. Souvent, ils transforment leurs loisirs en professions, et ils se disent poète, artiste, jardinier, philosophe, ou encore chroniqueur sportif. Cette dernière activité correspond souvent à quelqu'un qui tient un blog dans lequel il donne son avis sur les rencontres sportives de l'avant-veille.

Hyltendale est le lieu du factice, du théâtral. La culture nationale repose sur des légendes d'origine douteuse. Le style local de peinture abstraite est une mystification qui dissimule le blanchiment d'argent et la corruption. On vit à Hyltendale avec des créatures qui ressemblent à des femmes, mais qui sont en fait des robots. À la place de vrais amis, on a un robot humanoïde portant un masque-cagoule, et qui joue, avec talent et conviction, le rôle d'un ami. On présente comme une profession ce qui n'est qu'un passe-temps. Parfois, on ment sur son passé et on vit sous un faux nom, comme Elias Faust. L'argent y est souvent d'origine immorale, voire frauduleuse.

Adront Cataewi, l'ancien tyran de la Cathurie, ne pouvait se réfugier qu'à Hyltendale. Recherché par la plupart des services secrets du monde, il se fait maintenant appeler Go, ce qui signifie "loup" en mnarruc, et il vit caché.

Elias et Go se connaissent de vue, car ils habitent dans le même immeuble, dans le district de Yarthen. Mais l'appartement de Go est au moins deux fois plus grand que celui d'Elias, et au lieu de se contenter d'une gynoïde comme Elias, il a deux gynoïdes et un androïde pour le servir. Les deux hommes se disent bonjour lorsqu'ils se croisent, mais ils n'ont jamais eu de vraie conversation.

Pour ne pas être reconnu, Go s'est rasé le crâne et laissé pousser la barbe, qui est devenue longue, et qu'il teint en blanc. Il porte, comme Elias, des lunettes à verres jaunes. Les siennes ont de grosses montures, afin de faire échec aux logiciels de reconnaissance faciale. Dans la rue, il se couvre la tête d'un chapeau noir à larges bords. Pendant longtemps il a porté un masque-cagoule, mais il y a renoncé ensuite.

De peur d'être trahi par son accent cathurien et par sa voix très caractéristique, il a beaucoup travaillé pour parler, en toutes circonstances, exactement comme un Mnarésien cultivé, en ne gardant aucune des intonations et tournures caractéristiques des Cathuriens. Le résultat n'est pas parfait, mais au moins les gens qui l'entendent parler ne devinent plus aussi facilement son pays d'origine.

L'une de ses gynoïdes a suggéré à Go de faire opérer ses cordes vocales dans un hôpital hyltendalien, afin de rendre sa voix plus aiguë. Ce ne serait plus la voix profonde, dure et puissante, du brutal dictateur cathurien Adront Cataewi, mais la voix haut perchée de Go, le discret fembotnik hyltendalien.

Go a hésité, puis refusé. Jusqu'où faut-il aller lorsqu'on est recherché sur toute la Terre ? Sa voix de dictateur, c'est la sienne, et il la gardera, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un chevrotement de vieillard.

Toutefois, Go s'impose, lorsqu'il doit parler à quelqu'un, de murmurer, plutôt que de parler vraiment. Il ne va jamais au restaurant, de peur que sa voix ne soit reconnue par un autre client. Les Cathuriens sont nombreux à Hyltendale. Cela n'empêche d'ailleurs pas Go d'aller tous les jours se promener jusqu'au bord de mer avec Miki, sa gynoïde préférée. Même lorsqu'il pleut. C'est une longue promenade, mais il en a besoin pour ne pas avoir l'impression d'être un prisonnier dans son propre appartement.

Adront Cataewi est très grand et plutôt mince. Go ne peut pas diminuer sa taille, mais il porte toujours un faux ventre lorsqu'il sort de chez lui. Cataewi, incarnation de l'autorité virile, était toujours en uniforme, avec des bottes luisantes, ou en costume bien coupé et chaussures de ville impeccablement cirées. Go porte de vieilles baskets blanches et bleues et un grand manteau noir rapiécé. La grande barbe blanchie à l'eau oxygénée, les grosses lunettes à verres jaunes, et le vieux chapeau, complètent le déguisement.

En guise de vie sociale, Go n'a que ses deux gynoïdes, Miki et Soya, et son androïde, Sulpitz, et leurs masques-cagoules. Son mode de vie d'homme traqué l'empêche d'avoir des amis parmi les êtres humains, et même de s'inscrire à un club.

Tous les jours, Go et Miki jouent le rôle d'un couple de gens ordinaires qui reçoivent leurs amis Sulpitz et Soya. Parfois, ce sont Go et Miki qui sont les invités, parfois ce sont Sulpitz et Soya. On commente l'actualité pendant le repas, ou l'on se raconte des anecdotes et des histoires drôles. Parfois Sulpitz porte le masque-cagoule de Brad, le journaliste baroudeur, qui est l'ami de la moitié des fembotniks, et l'amant d'un nombre non négligeable de manbotchicks.

Ensuite, il y a les jeux, où l'on joue alternativement à l'étudiant et au professeur, au policier et au supect, au vendeur et au client. La plupart des fembotniks jouent à ces jeux. Go aime bien faire des exposés, des mini-conférences, devant Miki, Sulpitz et Soya, et ensuite répondre à leurs questions. Le sujet qu'il connaît le mieux, c'est l'histoire de la Cathurie.

Depuis qu'il vit en exil à Hyltendale, Go est plus détendu, malgré le risque, toujours présent, que des hommes armés frappent un jour à sa porte et le tuent. Mais le risque est minime, et il le sait. Un groupe d'espions n'aurait aucune chance de ressortir vivant d'une ville dont la moitié de la population est constituée d'humanoïdes dotés d'une conscience collective.

Go est plus heureux que ne l'avait été Adront. Ce dernier avait des joies sauvages, comme celle de faire torturer ses ennemis devant lui, et d'achever lui-même leur agonie en leur tirant une balle dans la tête. Mais il vivait perpétuellement dans la peur et dans le stress. Il ne pouvait faire confiance à personne. Prendre les décisions, être un chef d'État respecté et craint, c'était valorisant, mais il en payait le prix. Tous les mois ou presque, sa police secrète déjouait un projet d'attentat contre sa personne. Deux fois, il avait entendu siffler près de sa tête une balle tirée de loin par un sniper. Il en était venu à dormir chaque soir dans un palais différent. Si on pouvait appeler cela dormir.

À Hyltendale, Go fait des choses qu'il n'avait jamais faites auparavant. Cuisiner, par exemple. Il a appris à distinguer les différentes variétés de Vin de Lune, et toutes les épices, dont les cuisines des pays de la Mer du Sud font un grand usage. Miki utilise les connaissances du cybercerveau qui la dirige à distance pour faire des plats dignes des meilleurs restaurants de Sarnath. Comme elle n'a ni odorat ni sens gustatif, Go est à la fois goûteur et aide-cuisinier.

Mais toujours, la vieille anxiété remonte, souvent lorsque Go s'y attend le moins. Il essaie de la surmonter en jouant sa propre mort.

Miki, Soya et Sulpitz jouent le rôle d'agents secrets étrangers qui ont réussi à s'introduire dans l'appartement. Les trois humanoïdes sont vêtus de blouses noires et de masques-cagoules blancs. Armés de pistolets factices, ils se concertent : doivent-ils l'abattre, ou le menotter et essayer de l'exfiltrer du Mnar ?

Go n'a pas d'arme à feu chez lui. Au Mnar, même un dictateur en fuite doit respecter la loi.

Go sait que son destin, à ce moment-là, s'il avait affaire à de vrais agents secrets, ce serait soit la mort sur place, soit la prison en Cathurie. Après la prison, un jugement, filmé et retransmis sur les écrans de télévision du monde entier. Pour finir, une exécution publique, censée instiller la peur chez les autres tyrans. La prison en Cathurie, cela veut dire aussi être à la merci des parents et amis de ceux qu'il a fait torturer et exécuter, des années auparavant. Les cafards dans la nourriture et dans la literie, les coups et les humiliations lors des interrogatoires...

Plutôt mourir tout de suite.

Il saute sur l'un des humanoïdes et essaie de lui arracher son arme. En vain. Ils le maîtrisent à trois, avec une force surprenante, et il se retrouve allongé sur le sol, menotté dans le dos. L'un de ses adversaires lui dit, en lui mettant le pied sur la nuque :

"Quand on en aura fini avec toi, tu vas nous supplier de t'achever, crapule."

Le jeu s'arrête là. Parfois, Go arrive à s'emparer de l'arme d'un des agents secrets, et c'est le carnage. Même lorsqu'il arrive à en tuer un ou deux, il se fait toujours abattre ensuite.

Quand quelqu'un sonne à la porte de l'appartement, c'est toujours Sulpitz qui va ouvrir, après avoir regardé par l'œilleton. Les visiteurs sont filtrés par le concierge, mais on ne sait jamais quelle ruse des espions peuvent inventer. Pendant que Sulpitz parle avec le visiteur, Go s'enferme dans sa chambre, dont il ouvre la fenêtre, prêt à sauter dans le vide.

Mais est-il vraiment prêt à le faire ? La chute ne le tuerait peut-être pas immédiatement. Il n'ose pas imaginer une telle fin de vie.

Il prend le sabre dissimulé sous son lit. Autant mourir en combattant, comme le guerrier qu'il a toujours été.

Lorsqu'il fait des simulations avec ses humanoïdes, il se fait toujours trouer comme une écumoire avant d'avoir pu toucher les agents secrets avec son sabre.

Avant de sortir de chez lui, Go dissimule toujours une dague sous son manteau. Lorsqu'on est Adront Cataewi, il vaut mieux mourir l'arme à la main plutôt que se faire capturer.

Les services secrets cathuriens savent que Cataewi se cache à Hyltendale, mais ils ne savent pas exactement où, ni sous quelle identité. Le sauraient-ils qu'ils hésiteraient à envoyer une équipe pour le dessouder, à cause de l'impossibilité manifeste d'évacuer l'équipe après la liquidation de Cataewi.

Mais les dirigeants cathuriens espèrent pouvoir un jour révéler au monde l'adresse du refuge hyltendalien de Cataewi. S'ils y arrivent, peut-être un idéaliste solitaire va-t-il se sacrifier pour venger les innombrables victimes du tyran, et envoyer Cataewi de vie à trépas... Mais ils savent bien qu'à Hyltendale, c'est peu probable.

Ce qu'ils peuvent faire, c'est continuer de faire pression sur le roi Andreas pour qu'il fasse arrêter Cataewi. Un jour, se disent-ils, il finira par céder...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyMer 11 Nov 2015 - 23:25

Héribert des Rouvres, ancien chef d'entreprise, était surnommé "le golden parachute" au Cercle Paropien, parce qu'il avait quitté le Padzaland avec une prime de départ plusieurs dizaines de millions de ducats. Ce qui avait donné aux milliers de Padzalandais qui avaient perdu leur emploi à cause de lui (et qui, eux, n'avaient eu droit à aucune prime, ni même à aucune indemnité) l'envie violente et irrépressible de le lyncher.

Des Rouvres pensait en avoir fini avec les problèmes en s'installant à Hyltendale, où il avait acheté une petite maison dans la partie sud du district de Roddetaik, à l'ouest de la ville. Il s'y était installé avec Gratiana, la gynoïde qui lui servait à la fois de compagne et de domestique. Il avait choisi une maison proche des plages de Playara, afin de pouvoir se livrer à son sport favori : la planche à voile.

Son épouse avait demandé et obtenu le divorce dans le mois qui avait suivi son départ, ainsi qu'une pension alimentaire d'un montant très élevé pour elle-même et leurs deux enfants. Mais après s'être installé à Hyltendale, Des Rouvres avait décidé de ne plus payer la pension qu'il devait à son épouse, qui avait un emploi. Mais il continuait de payer pour les enfants.

Comme il l'avait dit à Elias Faust, "Elle avait le train de vie d'un PDG lorsqu'elle était femme de PDG. Maintenant elle vit avec son amant, qui est capitaine de parachutistes. Qu'elle vive donc comme une femme de militaire, puisque c'est ce qu'elle a choisi."

L'ex-épouse attaqua son mari devant la justice padzalandaise, le non-paiement volontaire d'une pension alimentaire étant un délit au Padzaland. Les juges le condamnèrent au maximum prévu par la loi : trois ans fermes.

Lorsqu'il apprit qu'il avait été condamné au maximum, Des Rouvres se dit avec amertume que les juges avaient dû être influencés par les articles de presse très hostiles qui avaient été publiés à son sujet dans la presse padzalandaise.

C'est grâce aux sanctions internationales dont le Mnar était l'objet que Des Rouvres échappa à l'extradition. Le roi Andreas avait en effet décidé que toute collaboration judiciaire entre le Padzaland et le Mnar serait suspendue tant que dureraient les sanctions.

Le Mnar, comme la plupart des pays, n'extrade pas ses ressortissants. Mais il faut avoir vécu dix ans sans interruption au Mnar pour pouvoir être naturalisé. Des Rouvres espérait que les sanctions internationales contre le Mnar ne cesseraient que lorsqu'il serait naturalisé. Mais il savait que ce ne serait pas le cas, et il se voyait déjà extradé vers le Padzaland, et incarcéré pour trois ans...

Son humeur s'en ressentait. Il n'arrivait pas à se concentrer sur les leçons de mnarruc que lui donnait Gratiana, et il se sentait fatigué en permanence, au point d'avoir presque totalement abandonné la pratique de la planche la voile.

Un matin, voyant son maître triste et devinant pourquoi, Gratiana lui suggéra de demander la nationalité hyagansienne.

"Mais je n'ai jamais mis les pieds à Hyagansis, et je ne voudrais y aller pour rien au monde" lui répondit-il, effaré.

"Tu n'as pas besoin d'aller à Hyagansis pour devenir un citoyen hyagansien. Il suffit d'aller au consulat de Hyagansis à Hyltendale, et de faire une demande. Tu as un compte à la Hyagansis Bank, et plusieurs dizaines de millions de ducats dessus. C'est le critère principal. Tu ressortiras du consulat avec un passeport hyagansien dans ta poche."

- Et l'intérêt de faire ça, c'est quoi ? Hyagansis n'est reconnu comme État indépendant que par Orring et le Mnar ! C'est un peu léger...

- Héribert chéri, Hyagansis n'extrade personne. Absolument personne. Adront Cataewi, l'ancien dictateur, est devenu citoyen hyagansien, ce n'est pas pour rien.

- Concernant ce criminel psychopathe de Cataewi, les autres États peuvent exercer des pressions sur Hyagansis, comme ils en exercent en ce moment sur le Mnar, non ?

- A priori, non. Hyagansis n'a presque pas de relations avec le monde humain. C'est une principauté de cybersophontes, constituée d'une ville sous-marine, Hyagansis, et d'une île flottante, Ukalté. Des centaines de milliers d'êtres humains vivent à Hyagansis, dans leur grande majorité des Mnarésiens bannis par le roi. Ils cultivent des jardins hydroponiques sous des dômes de béton au fond de la mer, et ils n'en repartiront jamais.

- Hyagansis, ce n'est pas que ça, j'espère ? Il y a aussi la Hyagansis Bank. Les banques peuvent être sanctionnées par les États... Se faire exclure des circuits financiers...

- La Hyagansis Bank n'est représentée qu'à Serranian et Hyltendale. Elle n'a de relations d'affaires qu'avec les banques d'Orring et du Mnar. C'est pour ça que les transferts de fonds entre, disons, une banque padzalandaise, et la Hyagansis Bank, incluent toujours une autre banque. Lorsque l'argent arrive dans cette autre banque, sur un compte-écran, il est échangé contre de l'or, ou un autre matériau précieux, et c'est là que la trace des fonds se perd.

- Je sais bien. J'ai acheté de l'or à Hyltendale avec les millions de ducats de mon parachute doré. Je n'ai d'ailleurs jamais vu cet or, qui est stocké à Serranian. J'ai déposé les certificats sur mon compte Hyagansis Bank, et ni vu ni connu.

- La Hyagansis Bank est en dehors des circuits bancaires internationaux. La police padzalandaise ne risque pas de venir mettre son nez dans tes comptes, Héribert chéri. Mais Hyagansis, ce  n'est pas seulement une pompe à fric, c'est aussi des laboratoires de recherche génétique. Ils font naître des bébés dans des cuves bioniques. C'est là qu'est née Maya Vogeler, l'architecte paysagiste d'Hyltendale. La plupart des cyborgs d'Hyltendale viennent de Hyagansis.

- Gratiana, tu m'as parlé d'une île flottante nommée Ukalté. Elle leur sert à quoi ?

- Tu verras bien, mon chéri, puisque si tu dois te réfugier un jour à Hyagansis, c'est là que tu vivras...

Héribert des Rouvres, accompagné par Gratiana, se rendit au consulat hyagansien à Hyltendale. Un androïde en costume noir lui posa, en français, quelques questions polies.

Sans avoir demandé à Héribert un seul justificatif, ni rempli le moindre formulaire, l'employé mit un passeport vierge dans une imprimante spéciale. L'opération prit moins d'une minute. Ensuite il tendit à Héribert le passeport tout neuf.

"Neet dako" (dix ducats) dit-il d'une voix neutre. "Nosatyueh, Heribert Desrouvres."  (Au revoir, Héribert des Rouvres).

Héribert tendit un billet de dix ducats à l'employé, en se disant qu'il venait de voir en action l'intelligence collective des cybersophontes. Gratiana et la Hyagansis Bank avaient transmis tout ce qu'ils savaient sur lui à un cybercerveau lointain, qui avait pris la décision de l'autoriser à devenir hyagansien. Avant même qu'Héribert ne mette le pied dans le consulat, l'employé androïde savait tout ce qu'il avait besoin de savoir.

En entendant parler l'employé, Héribert se dit qu'il lui faudrait s'habituer à prononcer son nom à la mode hyagansienne, c'est-à-dire en mnarruc : en aspirant le "h", en roulant les "r" et en faisant sonner le "t". Son nom s'écrivait désormais "Heribert Desrouvres" et se prononçait "HÉ-ri-bertt DESS-rô-ou-vress".

Une fois sorti dans la rue, il s'amusa à prononcer à haute voix son nom en mnarruc... Cela le fit rire.

Héribert n'était pas pour autant au bout de ses soucis. En effet, quelques mois plus tard, il reçut une convocation l'invitant à se présenter tribunal d'Hyltendale. Le motif était clair :

Notification de demande d'extradition vous concernant. Vous pouvez vous faire représenter par un avocat.

Les pires craintes d'Héribert se réalisaient : le Padzaland ayant adouci une partie des sanctions qu'il avait prise à l'encontre du Mnar, le roi Andreas avait, de son côté, fait quelques concessions. Comme d'autoriser l'extradition de délinquants padzalandais réfugiés au Mnar.

Héribert choisit d'envoyer un avocat, qui se trouva être une avocate, nommée Narda Glok, pour le représenter au tribunal.

Il se rendit le lendemain de la notification dans le bureau de Narda Glok, toujours accompagné de Gratiana, qui lui servait d'interprète, l'avocate ne parlant que le mnarruc. C'est là qu'il apprit précisément de quoi il s'agissait :

- Monsieur des Rouvres, la justice padzalandaise a demandé votre extradition pour non-paiement de pension alimentaire. Ils veulent aussi vous poursuivre pour action anti-sociale, car parmi les milliers de personnes qui ont perdu leur emploi suite à la faillite de votre société, une centaine se sont suicidés. D'après ce que je sais, le Padzaland est dans une situation économique difficile, et quand on a perdu son travail, on a vite fait de se retrouver à la rue, obligé de chercher sa nourriture dans les poubelles. Certains préfèrent mourir.

- Dites, si des gens ne sont pas foutus de retrouver un job, c'est leur problème, pas le mien... Dans la vie, il y a des hauts et des bas... Moi mon job c'était de gagner le plus d'argent possible, pas de materner des dépressifs !

L'avocate lui lança un regard stupéfait. Elle lui dit d'une voix blanche :

- Comment pouvez-vous être aussi inhumain ?

Héribert ne répondit pas à la question, tant elle lui paraissait inepte.

L'avocate consulta son dossier :

- Vous risquez d'être effectivement extradé, mais pas à cause des suicides, à cause du non-paiement de pension alimentaire. Quoiqu'à mon avis, sans les suicides, les Padzalandais ne se seraient pas donnés la peine de lancer tout ce processus. Je ne vous cache pas que je ne suis pas folle de joie à l'idée de vous défendre, Monsieur des Rouvres. Dans quelques mois vous serez convoqué en personne au tribunal, et il n'est pas impossible que vous en sortiez menottes aux poignets, entre deux policiers.

- Mais vous plaiderez en ma faveur, Maître Glok ? Vous êtes mon avocate, non ?

- Monsieur des Rouvres, il ne tiendrait qu'à moi, vous seriez déjà dans l'hydravion qui vous ramènera au Padzaland. Toutefois, je vous défendrai, parce que c'est mon devoir d'avocate. Mais uniquement pour cette raison.

- Dites donc, je ne suis pas irréprochable, mais je ne suis pas un criminel non plus !

- Je vous accorde que vous n'êtes pas Adront Cataewi, qui finissait ses ennemis à la lampe à souder dans les sous-sols de son palais. Mais vous avez quand même des morts sur la conscience, Monsieur des Rouvres...

Héribert marmonna quelques obscénités en français, que l'avocate mnarésienne ne comprit pas, et que Gratiana ne jugea pas utile de traduire. Il sortit du bureau sans se donner la peine de dire Nosatyueh (au revoir).

Plutôt m'exiler à Ukalté que faire de la prison au Padzaland, se dit Héribert, qui se sentit soudainement déprimé. Lorsqu'il était venu à Hyltendale, il savait ce qu'il faisait. Mais Hyagansis, c'était autre chose. C'était l'inconnu. Pour le rassurer, Gratiana lui fit visionner une sur son ordinateur. En fait, c'était un extrait récent du journal télévisé régional.

Une journaliste interviewait une cyborg aux cheveux brun roux coupés courts, nommée Maya Vogeler, l'architecte-paysagiste la plus célèbre d'Hyltendale. Vêtue d'un tailleur bleu sombre, elle se tenait debout dans un parc fleuri, apparemment à Hyltendale. La journaliste l'interrogeait sur sa vie à Hyagansis, où elle avait grandi dans cette ville constituée de sphères sous-marines.

Pour illustrer les propos de Vogeler, la caméra montrait une salle immense, au plafond en forme de dôme. Les murs étaient ornés de plantes en pot : arbustes, fleurs... Des enfants, habillés de blouses bleues ou roses, étaient en train de jouer avec des balles multicolores, sous la surveillance de gynoïdes vêtues de blouses beiges. La lumière, assez vive, semblait provenir du dôme. Le commentaire indiquait que la scène avait été filmée au fond de la mer, dans l'école maternelle où Maya Vogeler avait été scolarisée.

Le reportage montrait aussi Ukalté, qui est située à une cinquantaine de kilomètres au large d'Hyltendale. Ukalté n'a d'île que le nom. Des milliers de navires, de toutes tailles et de tous modèles, certains d'aspect neuf, d'autres dans un débat de délabrement avancé. Des vieux cargos et des porte-containers voisinaient avec des tankers géants et des paquebots. Ils étaient attachés par des câbles et des chaînes qui les maintenaient ensemble, à égale distance les uns des autres, et les reliaient aux fonds marins, plusieurs centaines de mètres en dessous.  

"Certains de ces navires sont utilisés pour loger les bannis en attendant qu'ils soient envoyés dans les sphères sous-marines. D'autres sont des résidences permanentes, des hôtels ou des ateliers" dit une voix off.

Des robots volants, mi-araignées mi-hélicoptères, déposaient des paquets sur le pont des bateaux. Certains robots étaient de vrais hélicoptères, avec des cabines pour transporter un ou deux passagers. La voix off expliqua que le ravitaillement et les déplacements de personnes se faisaient grâce aux robots volants.

Le gouverneur d'Ukalté, un cyborg dont le bureau était installé dans un ancien paquebot, parla de son travail, et du développement récent de la ville flottante. "Les bannis du Mnar passent de plus en plus souvent par Ukalté, maintenant" dit-il. "Certains y restent plusieurs années, dans des navires aménagés en centres de détention. Mais c'est juste une partie de notre population, beaucoup de nos résidents sont maintenant des fembotniks. Ils voyagent beaucoup. Enfin, la plupart d'entre eux. C'est une population intéressante, polyglotte, dont les dons pour les affaires et les contacts à l'étranger sont précieux pour Hyagansis."

La caméra revint dans le parc hyltendalien. Maya Vogeler parlait de son émerveillement lorsqu'elle avait vu le ciel, le soleil et les nuages pour la première fois, lorsqu'à l'âge de dix-huit ans, elle était allée étudier à l'université de Serranian.

Le reportage se terminait par une présentation du travail d'architecte-paysagiste de Maya Vogeler, conceptrice de tous les parcs publics créés à Hyltendale, et résidente dans cette ville  depuis plusieurs dizaines d'années.

Héribert n'était toujours pas convaincu. Mais la peur de la prison le taraudait. Deux jours plus tard, il prit avec Gratiana l'hydravion Nhiahar, qui fait tous les jours l'aller-retour entre Hyltendale et Ukalté. Il s'agissait d'un simple voyage de reconnaissance, Héribert n'ayant pas encore pris de décision définitive.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 12 Nov 2015 - 0:33

J'ose clairement avouer espérer que la manœuvre de ce de Rouvres échouera, à cause d'un petit grain de sable de dimension nanométrique et qu'il prendre la direction, bien encadré, de l'hydravion qui le conduira au Padzaland sous les huées de membres du cercle paropien. Ce genre d'individus gagnent trop la partie dans le monde réel, ont-ils donc la possibilité de pourrir les mondes parallèles ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 13 EmptyJeu 12 Nov 2015 - 8:51

Anoev a écrit:
J'ose clairement avouer espérer que la manœuvre de ce de Rouvres échouera, à cause d'un petit grain de sable de dimension nanométrique et qu'il prendre la direction, bien encadré, de l'hydravion qui le conduira au Padzaland sous les huées de membres du cercle paropien. Ce genre d'individus gagnent trop la partie dans le monde réel, ont-ils donc la possibilité de pourrir les mondes parallèles ?
Je pressens un avenir... sombre, pour dire le moins, pour Héribert, mais ce ne sera pas au Padzaland. Je pense même que ne pas faire de la prison se révélera une erreur.
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