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 Les fembotniks

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Vilko
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Vilko

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyVen 8 Mai 2015 - 0:41

Antwen, Yohannès et Brad quittèrent la salle de bar pour entrer dans la salle à manger du restaurant Le Jabberwock. Une douzaine de personnes étaient déjà attablées, et au moins la moitié d'entre elles portaient des masques-cagoules et de grands manteaux de toile noire. Le bruit des conversations était assourdi par de grandes draperies blanches et jaunes qui recouvraient les murs. La lumière du jour, tamisée par les rideaux des fenêtres, paraissait grise.

Un serveur en tenue blanche et noire les installa à une table. Comme souvent à Hyltendale, le décor était un peu théâtral, conformément à l'idée que se font les cybersophontes de ce que doit être un restaurant.

"Il y a beaucoup de masques-cagoules ici" murmura Antwen.

"C'est souvent le cas à Tomorif" dit Brad. "Le quartier compte une plus grande proportion de dictateurs en fuite au kilomètre carré que n'importe quel autre endroit au monde. On peut y ajouter les rebelles repentis qui ont dénoncé leurs camarades à la PSR."

- Ah, la PSR... Notre vaillante Police Secrète du Roi porte bien son nom. C'est l'un des piliers du régime.

"On peut le dire" dit Brad en hochant la tête. "Quant à tous ces braves gens en cagoule, ils ont peur de se faire assassiner par les amis des gens qu'ils ont fait exécuter, torturer ou arrêter. C'est pour ça qu'ils ne veulent pas qu'on puisse les reconnaître."

"Le roi a tort de laisser des tyrans qui ont du sang sur les mains se réfugier ici" murmura Yohannès tout en lisant le menu.

"Oh, il ne laisse pas entrer n'importe qui dans le pays. Il faut avoir beaucoup d'argent. Quelle que soit l'origine de cet argent," objecta Brad.

"C'est de l'argent maudit, car il est taché de sang" dit Antwen. "Mais cessons de parler de ces criminels. Tout-à-l'heure, un encagoulé nommé Zek m'a aussi parlé d'actrices de cinéma pOrno parmi les encagoulés. Elles en auraient assez d'être harcelées et insultées dans la rue."

Brad leva une main pour montrer son scepticisme :

- J'ai des doutes. Pour qu'une actrice ne soit pas reconnue, de grosses lunettes, des vêtements enveloppants et une absence de maquillage font l'affaire. Pour ce que je peux en savoir en tant que journaliste, les encagoulées, ce sont plutôt des femmes qui ont de bonnes raisons d'avoir peur d'être agressées ou assassinées. Et dans notre société, malheureusement, il y en a plus qu'on ne le pense.

"Chez moi à Ulthar, il serait impensable que des gens mettent des cagoules dans la rue ou au restaurant" dit Antwen.

"Mais ici c'est le pays des humanoïdes et des fembotniks" dit Yohannès. "Nous sommes un peuple à part dans le royaume, avec notre mode de vie particulier et nos propres usages. En fait, moi je trouve ça pratique de pouvoir porter un masque-cagoule. C'est une bonne chose, que d'avoir la possibilité de ne pas être reconnu en public. C'est une liberté supplémentaire."

Le serveur revint pour prendre les commandes. Les trois convives demandèrent que des apéritifs leur soient servis avant les plats : du vin de lune pour Yohannès et Antwen, de l'eau parfumée pour Brad l'humanoïde.

"Mais comment vivent-ils, ces encagoulés qui ont peur d'être assassinés par leur ennemis ?" demanda Antwen.

"Ils vivent comme moi" répondit Yohannès. "Sauf qu'ils n'ont pas de club. Mais ils ont des contacts. Les plus paranos ne communiquent avec les autres humains que par téléphone et messagerie électronique. S'ils doivent remettre un objet à quelqu'un, ou se faire remettre un objet, ils envoient leur gynoïde avec un masque-cagoule."

- Et si quelqu'un vole le masque-cagoule de la gynoïde ?

- La conscience collective des cybersophontes prévient aussitôt le fembotnik par téléphone. Même les encagoulés sont obligés de faire confiance aux cybersophontes.

Le serveur déposa les apéritifs devant les convives. Brad dit à Antwen :

- Les encagoulés passent leur vie à imaginer comment leurs ennemis pourraient les retrouver. Ils mettent un nom fictif sur leur boîte aux lettres et se font envoyer courriers et paquets dans une société de domiciliation. Et c'est leur gynoïde qui va chercher le courrier à la société de domiciliation. Pour revenir au domicile, elle fera tout un circuit pour semer un suiveur éventuel.

"Les encagoulés mènent une vie de chien. Je dirais même de chien craintif" dit Antwen avec mépris.

Brad leva son verre devant sa bouche peinte, et souleva sa cagoule pour boire une gorgée. Il dit à Antwen :

- Comme le disait un grand poète, il y a trois mille ans, l'état d'esclave sur terre est plus enviable que celui de prince au royaume des ombres. Nos savants disent la même chose à leur façon.

- Comment cela ?

- Un être vivant, pour les physiciens, c'est une structure dissipatrice de l'énergie. Une flamme, pour parler simplement. Lorsque la flamme s'est éteinte, il ne reste que de la cendre. L'énergie s'est dissipée sous forme de chaleur et de lumière. Elle est retournée à l'indifférencié. À l'état entropique. Tandis que la flamme est un pic d'entropie négative, une structure très improbable dans l'Univers. La plus petite flammèche est une structure dissipatrice de l'énergie, comme le corps humain, comme les étoiles, comme les civilisations des êtres pensants. Elle est bien plus improbable dans l'univers, et donc précieuse, que le plus grand tas de cendre que l'on puisse imaginer.

- Brad, notre énergie retournera inéluctablement à l'indifférencié. Nous venons de l'indifférencié, et nous y retournerons. Comme le disent les sages, où étions-nous avant de naître ? Nulle part. Nous n'existions pas. Il en sera de même après notre mort. Nous n'existerons plus. Soyons fous, car ni la sagesse ni la folie ne changeront notre destin.

- Non, soyons sages au contraire, car le vrai bonheur est dans la sagesse.

Yohannès intervint :

- Nos encagoulés sont bien vivants, et plus heureux que des chiens ou des esclaves. Ils mangent, ils boivent, ils copulent avec leur gynoïde, et ils regardent la télévision. Comme moi, si ce n'est que je ne regarde pas la télévision.

"La vie est comme un tabouret pour traire les vaches, elle a trois pieds" dit Brad. "Et ces trois pieds s'appellent boire, manger et copuler. Quand on a ça, on a l'essentiel. Le reste, les honneurs et les richesses, c'est de la camelote. De l'accessoire. Messieurs, buvons !"

Et il leva son verre. Yohannès et Antwen l'imitèrent.

Antwen, qui avait bu deux bières au bar avant de se mettre à table, commençait à sentir une douce chaleur lui monter aux joues. Il s'inquiétait pour sa voiture, et téléphona à son assureur. Ce dernier lui dit que, les frais de réparation et de remorquage étant supérieurs à la valeur de la voiture, l'assurance ne lui paierait rien. Les cybersophontes étaient toutefois prêts à le débarrasser pour rien de la voiture. En cas de refus, ils lui feraient payer la location d'un emplacement de parking, la voiture étant restée sur le bas-côté de la route, donc sur une propriété privée.

Furieux et ayant le sentiment de se faire flouer, Antwen donna son accord oral. L'assureur lui dit qu'il recevrait par courrier un formulaire de confirmation, qu'il devrait remplir et retourner.

"Je viens de perdre plusieurs milliers de ducats" dit Antwen d'une voix blanche à Yohannès et Brad. "Je n'ai pas les moyens de payer un changement de moteur, et sur une voiture déjà vieille ça n'en vaut pas la peine. C'est fini, je n'ai plus de voiture, et je n'ai pas les moyens d'en acheter une autre."

Il sentit les larmes lui monter aux yeux.

"Alors, bois. Y'a rien d'mieux qu'une cuite" lui dit Brad sentencieusement.

Antwen ne garda qu'un souvenir assez flou de ce qui se passa ensuite, mais qui dura assez longtemps. Il se souvint d'avoir bu et mangé, pendant plusieurs heures lui sembla-t-il, et de s'être exclamé :

- Tawina ! Je dois aller la voir à l'hôpital ! Elle m'attend !

Il se réveilla dans un fauteuil à roues tiré par le vélo de Shonia. C'était Brad qui pédalait. Lorsqu'ils furent arrivés au Lagovat-Kwo, Brad lui expliqua :

- Yohannès va rentrer chez lui en bus. Il est un peu fatigué mais ça ira. Je t'accompagne pour la visite. Tawina sera un peu surprise en me voyant, mais ce serait pire si tu oubliais d'aller la voir.

Cinq minutes plus tard, Antwen, pâle et couvert de sueur, se retrouva en face de sa sœur Tawina dans la petite salle où il avait l'habitude de la voir. Brad était à côté de lui. Un klelwak et une infirmière gynoïde étaient également présents.

"Tu es malade ?" lui demanda Tawina d'un ton inquiet.

"Une indigestion" répondit Antwen, en réprimant une envie de vomir.

Tawina regarda Brad, qui se présenta :

- Bonjour Madame Zeno. Je m'appelle Brad. J'accompagne Antwen, qui est fatigué. Tout-à-l'heure, je vais l'accompagner à la gare.

Tawina, internée depuis des années au Lagovat-Kwo, n'avait jamais vu de masque-cagoule. Elle trouva le petit humanoïde en manteau noir plutôt inquiétant, et pour se rassurer elle prit la main de Tirusos, le klelwak, avec qui elle avait une relation d'affection.

"Tu ne m'as rien apporté ?" demanda-t-elle à son frère.

- Les cadeaux sont restés dans la voiture. Elle est en panne à soixante kilomètres d'ici.

- Antwen, sors-moi d'ici, je n'en peu plus, je deviens folle !

Elle se rendit compte de l'absurdité de ce qu'elle venait de dire, dans un hôpital psychiatrique, et fondit en larmes. Submergés par l'émotion, le frère et la sœur, en pleurs tous les deux, se jetèrent dans les bras l'un de l'autre.

"Je vais vomir" dit Antwen.

Tirusos se précipita pour l'emmener dans les toilettes, qui se trouvaient assez loin.

Tawina regarda  Brad. La cagoule représentait un visage masculin et moustachu, la voix était masculine, mais la taille, très petite, était celle d'une gynoïde. Sous le manteau noir, la poitrine était indiscutablement féminine. Et le sac que Brad tenait à la main était un sac de femme.

Antwen et Tirusos revinrent quelques minutes plus tard. Antwen semblait épuisé. Tawina se dit que si Antwen ne venait plus la voir, elle n'aurait plus que Tirusos pour lui donner un peu d'affection, et plus aucun lien avec le monde extérieur. Elle serra de nouveau son frère dans ses bras.

Plus tard, Brad emmena Antwen dans le fauteuil-vélo, jusqu'à la gare. Le trajet fut assez long, il fallut traverser presque toute la ville d'est en ouest. Lorsqu'ils furent arrivés, Antwen avait dessoulé et se sentait mieux.

Brad enleva son masque-cagoule et redevint Shonia.

"Au revoir, Antwen" dit-elle. "Vous reviendrez le mois prochain, n'est-ce pas ?"

"Oui, je reviendrai voir Tawina le mois prochain" répondit Antwen.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptySam 9 Mai 2015 - 12:50

Lorenk, le dentiste-signataire de la Maison Médicale Furnius, vit sur la liste des patients du jour un nom qui attira son regard : Adront Cataewi.

"Est-ce le même Adront Cataewi, le tyran psychopathe de Cathurie, qui vient de s'enfuir de sa capitale juste avant qu'elle soit prise par l'armée rebelle, en emportant avec lui les réserves d'or de son pays ?" murmura-t-il, seul dans son bureau.

Nentanis, le cybercerveau greffé à l'intérieur de son corps, lui répondit par l'intermédiaire des minuscules haut-parleurs dissimulés aux extrémités des branches de ses lunettes :

"C'est le même Adront Cataewi, en effet. Il est protégé par la reine de la ruche, et tu sais ce que ça veut dire."

La reine de la ruche, à Hyltendale, est le nom donné au cybercerveau suprême, celui qui a autorité sur tous les cybersophontes, les êtres pensants cybernétiques. Son autorité est secrète, mais parmi les cybersophontes elle est supérieure même à celle du roi. L'existence même de la reine de la ruche est niée par les cybersophontes. Officiellement, les cybercerveaux forment entre eux un réseau informel et égalitaire.

Lorenk alla quand même faire un tour dans la salle d'attente. Il n'y avait que quatre personnes présentes. Deux femmes, une gynoïde blonde, et un grand humanoïde, ou peut-être était-ce un humain, qui portait un masque-cagoule blanc et un manteau de toile noire. Il lisait un magazine.

Le masque-cagoule était-il un homme ou un androïde ? C'était difficile à dire, à moins de venir examiner ses yeux de près. Depuis quelques temps, beaucoup d'humanoïdes s'étaient mis à porter des masques-cagoules dans les rues d'Hyltendale, et l'on savait que certains humains en faisaient autant, pour diverses raisons. Notamment parmi les clients des gynoïdes de charme de Zodonie, le quartier touristique : un masque-cagoule et un manteau noir, ça permet de ne pas être reconnu (ou pire, photographié) lorsqu'on entre ou sort de certains établissements.

Lorenk était curieux de nature, et il ne pouvait pas s'empêcher de regarder l'individu en cagoule blanche et manteau noir. Il entendit près de ses oreilles un sifflement modulé qu'il reconnut : c'était le signal que Nentanis lui envoyait pour le prévenir qu'il était sur le point de faire une bêtise.

Lorenk se ressaisit. Un ordre de la reine de la ruche ne se discute pas et s'impose à tous les cybersophontes et à ceux qui travaillent pour eux, catégorie dont il faisait partie. Il rentra dans son bureau.

Adront Cataewi, car c'était bien lui, avait été autorisé par le roi à séjourner à Hyltendale, sous réserve qu'il dépose tous ses lingots d'or dans une banque mnarésienne. L'opération, qui enrichit prodigieusement le Mnar, avait été conçue et dirigée par le baron Chim, l'infatigable conseiller cyborg du roi

Cataewi, qui n'avait pas le choix, avait fait ce que le baron lui avait dit de faire. Il savait que la seule alternative, c'était d'être empalé en public par ses ennemis, un traitement qu'il avait lui même fait subir à des milliers de ses adversaires pendant trente ans. Mais le roi du Mnar n'était pas allé jusqu'à permettre à Cataewi d'utiliser de faux papiers. Le tyran déchu vivait donc sous sa véritable identité, mais en se passant de boîte aux lettres. Il avait acheté un grand appartement par l'intermédiaire d'un prête-nom, qui se trouvait être la cyborg  Ondrya Wolfensun.

Ondrya gérait les affaires d'une vingtaine de fugitifs. Elle était leur intermédiaire avec la reine de la ruche. Officiellement, c'était elle la propriétaire de l'appartement où vivait Adront Cataewi. Sur sa déclaration d'impôts, elle indiquait qu'il était prêté à une association caritative afin d'héberger temporairement des gens en grande difficulté financière.

L'appartement de Cataewi, situé dans le quartier de Yathren, se trouvait dans l'un des deux immeubles appartenant à Rudolph Zains, qui était à la fois un ancien amant de Tawina Zeno et le fils de son dernier mari, Gandol Zains. Rudolph avait aussi été brièvement, et fictivement, marié à Ondrya Wolfenson. Cataewi, qui vivait avec deux gynoïdes et un androïde garde du corps, avait un appartement de cinq pièces, situé deux étages plus bas que l'appartement de sept pièces de Rudolph Zains.

Rudolph ne connaissait pas le nom du nouveau résident. Il savait seulement qu'il s'agissait d'un des nombreux et mystérieux amis d'Ondrya. Il l'avait croisé plusieurs fois dans le hall de l'immeuble et dans l'ascenseur, mais sans voir son visage, car il portait toujours un masque-cagoule. Rudolph en avait conclu que ce devait être un androïde.

Pendant trente ans, Cataewi avait eu des palais entiers et des centaines de serviteurs, de courtisans et de gardes du corps autour de lui, prêts à satisfaire ses moindres désirs. Se retrouver dans cent mètres carrés, plus un balcon où il ne pouvait aller que masqué, et vivre avec seulement trois humanoïdes pour le servir, ce fut pour lui un changement désagréable, au moins les premières semaines.

Sa femme, dont il était divorcé depuis une dizaine d'années, vivait chez une de leurs filles, mariée à un noble de Sarnath. Par sécurité, elle ne savait pas où vivait son ex-mari. Ses fils avaient été tués pendant les combats qui avaient abouti à son renversement et à sa fuite. Ses maîtresses l'avaient renié, et ses amis et hommes de main étaient soit morts, soit en prison en attendant leur jugement, soit en fuite comme lui.

Adront Cataewi avait l'impression que le monde entier le recherchait pour le tuer, et cette impression était justifiée. Des dizaines de livres avaient été écrits sur les crimes qu'il avait commis et les atrocités dont il s'était délecté.

Même à Hyltendale, lorsqu'il regardait les chaines de télévision locales, il lui arrivait de tomber sur un documentaire dans lequel ses anciennes victimes racontaient comment elles avaient été torturées par ses sbires, ce qui le faisait rire. Il avait aussi entendu ses propres filles, en larmes, raconter devant les caméras comment elles avaient honte d'avoir un tel monstre comme père, qui les avaient terrorisées depuis leur enfance. Cataewi en avait été attristé, car c'était complètement faux. Il avait toujours gâté ses enfants, le seul coin de ciel bleu dans son âme despotique et cruelle. Mais il avait assez l'expérience de la vie pour comprendre le mensonge et la trahison, à défaut de savoir les pardonner. Ses fils avaient été loyaux, et ils étaient morts. Ses filles essayaient de sauver leur vie, c'était normal.

L'or cathurien avait été déposé sur un compte ouvert au nom d'Adront Cataewi, et vendu par l'intermédiaire de diverses sociétés-écrans contrôlées en sous-main par Ondrya Wolfensun. Il était notoire que les banques hyltendaliennes étaient plus que réticentes à collaborer avec la justice internationale, mais Adront Cataewi n'aimait pas du tout l'idée d'être à la merci d'un banquier cyborg. Ondrya Wolfensun lui avait expliqué que tous les cybersophontes obéissaient à la reine de la ruche, mais cela ne l'avait pas vraiment rassuré. Son destin dépendait d'une entité qui n'était peut-être même pas humaine, que personne n'avait jamais rencontré, et avec laquelle il était impossible de communiquer directement.

Cataewi, dans son pays et ailleurs, était déjà devenu l'objet de nombreuses légendes. Certains le disaient mort. D'autres le recherchaient un peu partout, y compris à Hyltendale. D'anciens partisans de Cataewi s'ingéniaient à brouiller les pistes, de diverses façons. L'un d'eux, que Cataewi appelait le Bullshitteur Fou, avait trouvé un sosie de Cataewi et réalisait des vidéos, qu'il diffusait sur Internet. Le faux Cataewi, barbu et en uniforme de général cathurien, assis derrière un bureau dans une pièce anonyme, vitupérait contres ses adversaires et appelait ses partisans à placer des bombes dans les aéroports et à tuer ceux qu'il appelait les usurpateurs. Le Bullshitteur Fou mettait ses propres idées délirantes dans la bouche du faux Cataewi, notamment des remarques offensantes et diffamatoires concernant divers chefs d'États.

Le Bullshitteur Fou, resté anonyme à ce jour, prenait des risques, car partout dans le monde les meilleurs spécialistes de l'informatique essayaient de déterminer l'origine des vidéos, et surtout de savoir comment elles étaient apparues dans le réseau informatique mondial. Mais le Bullshitteur avait de la logique dans sa folie : il utilisait des connexions wi-fi publiques ou piratées, jamais deux fois la même, et toujours dans une ville ou  un pays différent.

Cataewi, qui regardait sur son ordinateur toutes les vidéos du Bullshitteur, avait fini par se demander si elles avaient vraiment été faites par l'un de ses partisans. Son sosie était vraiment trop ressemblant, il parlait exactement comme lui, avec la même voix et les mêmes mimiques. Comme si c'était un humanoïde fabriqué sur commande. Et les décors étaient surprenants. La plupart du temps, un bureau austère, aux murs ornés de tableaux représentant des paysages cathuriens. Mais parfois aussi, un jardin verdoyant et ensoleillé, où le faux Cataewi, en chemise à col ouvert, était assis sur une chaise-longue. Le Bullshitteur jouait la provocation et brouillait les pistes. Qui pouvait être derrière le Bullshitteur Fou ? Le baron Chim ? Ondrya ? La reine de la ruche ? Il ne le savait pas, et il devinait intuitivement qu'il ne devait pas chercher à le savoir.

Dans le salon de son appartement d'Hyltendale, Cataewi regardait les séries télévisées et les films inspirés par sa vie. Invariablement, le héros du film retrouvait Cataewi, ou un personnage semblable à lui, après une enquête mouvementée, et le tuait à l'issue d'une confrontation dramatique. Une fois, Cataewi sentit son cœur s'arrêter de battre lorsqu'il reconnut Hyltendale dans un film. Mais le Cataewi du film habitait loin du centre ville, dans une luxueuse villa en bord de mer, avec une nuée de gardes du corps et un hélicoptère privé.

Certains films l'énervaient beaucoup, notamment lorsque dans la scène finale il était représenté à genoux, suppliant de façon abjecte son adversaire de l'épargner. Ce dernier lui disait alors quelque chose dans le style : "Et les enfants que tu as fait torturer devant leurs parents ? Les enfants, tu t'en souviens, salopard... Tu ne mérites aucune pitié, crapule !" avant de le tuer, généralement d'une façon assez horrible.

Mais Cataewi adorait lire les articles avec des titres du genre "Le fils caché de Cataewi habite en Aneuf" ou "Kea, le top model, raconte comment elle a été violée par Adront Cataewi." Il s'agissait invariablement de divagations de mythomanes, car Cataewi n'avait pas de fils caché, et il pratiquait assidûment l'assassinat et la torture, mais pas le viol.

Le Bullshitteur Fou aimait en rajouter. Dans une vidéo le faux Cataewi avait dit que l'un de ses regrets étaient de ne pas parler l'aneuvien, ce qui l'empêchait de se déplacer dans le pays comme il l'aurait voulu. Cette simple déclaration avait suffi pour mettre sur le pied de guerre toutes les forces de police aneuviennes, alors que la vidéo en question avait été téléchargée au Moschtein, grâce à la connexion wi-fi qu'un café de Moschburg mettait à la disposition de ses clients. Pendant plusieurs semaines, des policiers moschteiniens interrogèrent tous les habitués du café et examinèrent les registres de tous les hôtels de la ville. En vain.

Cataewi avait eu un problème sérieux au départ : il parlait très mal la langue du Mnar. Grâce à ses deux gynoïdes et à son androïde, il parvint toutefois, au fil des mois, à maîtriser le vocabulaire de base, et à comprendre assez bien ce qu'on lui disait. Il arrivait aussi à comprendre l'essentiel des dialogues de films, mais il n'arriva jamais à parler couramment la langue.

Deux jours après son arrivée à Hyltendale, Cataewi avait ressenti le besoin de prendre l'air. Aller sur le balcon en manteau noir et masque-cagoule et regarder les gens passer dans la rue n'était pas suffisant. Mais il n'était pas question de sortir en groupe. Cataewi n'avait pu garder qu'une seule arme : son petit pistoler à deux coups, un derringer plaqué or, qu'il gardait près de lui jour et nuit, afin de pouvoir se suicider avant d'être capturé. Il n'avait aucune envie de mourir lentement et horriblement dans 50 cm d'huile bouillante, l'une de ses méthodes d'exécution préférées à l'époque où il était dictateur.

Adront Cataewi était donc sorti accompagné de Miki, l'une de ses deux gynoïdes. Sous son masque-cagoule blanc, anonyme, il portait de grandes lunettes à verres teintés. Les verres étaient plus grands que les deux ouvertures ovales faites dans le tissu. De loin, l'illusion était parfaite, on aurait vraiment dit des yeux d'humanoïde. Le manteau de toile noire était assez léger, et muni de nombreuses poches boutonnées bien pratiques. Il mit son derringer dans la grande poche de droite et se sentit un peu rassuré. Dans la grande poche de gauche, il mit un couteau de chasse pliant.

Adront et Miki avaient d'abord marché dans la rue, vers le sud. Adront s'était habitué assez vite aux verres fumés. D'excellente qualité, ils filtraient la lumière tout en renforçant les contrastes de couleur. La cagoule, en revanche, lui tenait chaud au visage, bien qu'elle ait été ouverte par dessous. Il sentait la transpiration couler sur ses joues et son menton.

Ils croisèrent deux individus en manteau noir et masque-cagoule, qui se tenaient par la main.

Miki répondit à son regard interrogatif : "Probablement un couple illégitime."

Miki montra à Adront comment acheter des tickets d'autobus dans un distributeur automatique. Ensuite, ils prirent l'autobus en direction du port, en évitant de se parler, de peur qu'Adront ne se trahisse par sa voix et son accent.

Adront regardait les gens qui montaient et descendaient à chaque station. Il y avait des humains, de tous les types physiques connus au royaume de Mnar et ailleurs, et des humanoïdes. Mais on n'entendait parler que la Langue Commune.

Adront avait été coupé de son peuple pendant trente ans. Prendre l'autobus était quelque chose qu'il n'avait pas fait depuis sa jeunesse. Ne sachant pas trop comment se comporter, il regardait les immeubles, les voitures et les passants par la vitre.

Sur le port, face à la mer, ils entrèrent dans un café, pour prendre des rafraîchissements. Adront se laissa tenter par un plat de moules et une bière de Sarnath. Ce n'est pas très pratique de boire ou de manger avec une cagoule : il faut la soulever d'une main, et tenir son verre ou sa fourchette de l'autre.

Mais Adront, le regard fixé alternativement sur le joli visage de Miki et sur le bleu du ciel, qu'il voyait à travers la façade vitrée du café, se sentit soulevé par une houle de bonheur. Pendant trente ans, il avait été préoccupé par les affaires d'État, et les dures réalités du travail de dictateur. L'angoisse et la colère avaient été son quotidien. À Hyltendale, il retrouvait une vie presque normale, débarrassée des soucis du pouvoir, et avec tous les avantages de l'anonymat.

"Nous reviendrons dans ce bar" dit-il à Miki.
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Vilko

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 10 Mai 2015 - 12:26

Je continue ma description de la vie quotidienne à Hyltendale, dont j'espère pouvoir faire partager la saveur particulière. L'habitant d'Hyltendale dont je décris le quotidien est toutefois très différent du fembotnik moyen. C'est un criminel, ancien dictateur recherché par les polices du monde entier, mais protégé par les cybersophontes et le gouvernement royal, car il a payé sa protection avec plusieurs tonnes d'or, volées à son pays.

----------------

Adront Cataewi regrettait beaucoup de ne plus pouvoir sentir l'air et le soleil sur son visage, à cause du masque-cagoule qu'il était obligé de porter, partout où un autre être humain pouvait le voir. Il fit installer sur le balcon de son appartement des panneaux avec vitrage miroir sans tain, qui ont l’apparence d’une vitre transparente ordinaire du côté extérieur et d’un miroir du côté intérieur.

Ainsi, lorsqu'il était sur son balcon, il pouvait voir la rue en contrebas et l'immeuble en face, comme depuis une cage de verre, mais sans être vu. Les passants et les habitants des autres immeubles ne voyaient que des miroirs. Ce type de panneau est plus répandu à Hyltendale que dans n'importe quelle autre ville.

Toutefois, les conversations qui avaient lieu sur le balcon d'Adront pouvaient être entendues par ses voisins. En effet, les panneaux de verre miroir n'arrêtaient pas les sons, car ils étaient un peu moins hauts que le plafond du balcon, afin de permettre à l'air de circuler. De peur que ses paroles ne le trahissent, Adront allait toujours seul sur le balcon, où il avait mis un fauteuil de jardin et une petite table basse au milieu des plantes en pot. Le verre laissant passer les rayons ultra-violets, Adront pouvait même bronzer sur son balcon. Bien que n'étant pas un adepte du bronzage, il prit l'habitude d'y aller au moins une fois par jour, prendre son café ou boire une bière, en short et torse nu.

Adront demanda à ses deux gynoïdes, Miki et Soya, et à son androïde garde du corps, Sulpitz, de ne pas l'appeler Adront, et encore moins Guide Vénéré, même à l'intérieur de l'appartement, mais Go, qui signifie "loup" en anealruc.

Adront avait toujours été actif, et rester enfermé toute une journée dans un appartement lui était insupportable. Il emmenait Miki, Soya et Sulpitz dans de longues promenades à pied, parfois jusqu'aux berges de la Skaï, de l'autre côté de la ville. Sulpitz portait le masque-cagoule de Brad, l'ancien baroudeur devenu journaliste. Car le cruel Adront avait la même sympathie envers Brad que le doux Yohannès. Tous les deux appréciaient, quoique pour des raisons différentes, son populisme réactionnaire.

Le Brad d'Adront était contrôlé à distance par le même cybercerveau que le Brad de Yohannès. Les intelligences cybernétiques peuvent fonctionner jusqu'à mille fois plus vite qu'un cerveau biologique. Certains jours, plusieurs centaines de Brad étaient ainsi actifs en même temps à Hyltendale. Ils portaient tous des masques-cagoules identiques et des manteaux noirs. Pour ajouter à la confusion, un grand nombre de fembotniks portaient le même modèle de masque-cagoule.

Adront fit modifier par Miki le masque-cagoule "Brad" que portait Sulpitz : la moustache blanche fut repeinte en rouge, et deux grosses rondelles de plastique rouge furent cousues à la place des oreilles.

Dans la rue, Adront/Go tenait la main de Miki et Sulpitz/Brad celle de Soya. Les passants ne voyaient en eux que deux couples illégitimes de plus. Nombreux sont les hommes riches et mariés, habitant à Ulthar, Sarnath, ou dans les autres villes du royaume, qui ont une maîtresse gynoïde attitrée à Hyltendale, mais qui ne veulent pas que ça se sache. Certains disent même que c'est la raison réelle pour laquelle le roi s'est fait construire le château de Potafreas : pour être plus près d'Hyltendale et ses gynoïdes de charme.

Hyltendale est aussi l'une des destinations préférées des couples adultères et des maris volages. Les masques-cagoules et les manteaux noirs leur permettent de ne pas être reconnus, et la ville dispose de nombreux hôtels, allant du bon marché, dans l'est de la ville, au nettement plus cher, voire au carrément luxueux près du bord de mer. Le quartier de Zodonie, à l'ouest de la ville, près des berges de la rivière Skaï, et le front de mer, disposent de toute une gamme de restaurants, en général très bons, voire excellents. Les hommes, célibataires ou mariés, en quête d'une brève aventure, ont à leur disposition des milliers (certains disent des dizaines de milliers) de gynoïdes de charme à Zodonie.

Adront était de haute stature et assez mince, comme le roi. Mais, parlant très mal la Langue Commune, il ne disait presque rien en public. À l'intérieur de l'appartement, il parlait sa langue maternelle avec Miki, Soya et Sulpitz. Mais c'était impensable ailleurs, car cela aurait attiré les soupçons concernant sa nationalité, et donc son identité réelle.

Plus d'un client de bar ou de restaurant, passager d'autobus ou visiteur de musée, en voyant ce grand encagoulé qui, soit ne disait rien du tout, soit ne disait que quelques mots, avec un accent étranger ridicule et passablement comique, s'était demandé s'il n'avait pas affaire au roi, dont la voix réelle était connue de tous. Miki et Soya avaient l'apparence typique des gynoïdes de charme : jeunes, grandes, blondes et vêtues à la dernière mode.

Lorsqu'il régnait sur la Cathurie en despote, Adront ne se déplaçait qu'en limousine blindée avec chauffeur et escorte armée. À Hyltendale, c'était impossible, car cela aurait attiré l'attention. Adront n'avait pas de permis de conduire valable dans le royaume de Mnar, et d'ailleurs, en trente ans de pouvoir, il avait oublié comment on conduit une voiture. Miki, Soya et Sulpitz, étant des humanoïdes, n'avaient pas le droit de conduire. Adront, à Hyltendale, se déplaçait donc à pied ou en bus, par nécessité.

Un jour, alors que, revenant de visiter le musée Locsap, à l'autre bout de la ville, ils étaient tous les quatre dans un autobus bondé, un passager un peu stupide crut que c'était le roi qui était debout devant lui, en manteau noir et cagoule blanche, au milieu de la foule. Il décida d'engager la conversation  :

- On est serrés dans le bus, hein ?
- Oui.
- Vous prenez souvent ce bus ?
- Non.
- Moi je le prends tous les jours...
- ...
- Vous connaissez la dernière histoire drôle ?
- ...
-  Tout va très mal en Cathurie. Désespéré, le gouvernement décide de faire revenir Adront Cataewi. Finalement, il accepte de sortir de sa cachette, au fond de la jungle. Mais il dit : "C'est d'accord, j'accepte de revenir au pouvoir, mais je vous préviens, cette fois-ci, je serai vraiment méchant."

Le passager rit de sa propre plaisanterie. Adront devint livide sous sa cagoule. Se tournant vers Sulpitz, il lui dit :

- Nous sortons. Prochain arrêt.

Plus tard, de retour chez lui, le passager raconta à sa femme :

- Je suis sûr que j'ai vu le roi dans le bus. Il revenait de Zodonie, avec deux poules de luxe et un grand malabar. Il était pas causant du tout, j'ai bien vu que ça l'embêtait d'être reconnu. Mais je peux te dire qu'il imite très mal l'accent cathurien !
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 10 Mai 2015 - 19:00

Vilko a écrit:
Je continue ma description de la vie quotidienne à Hyltendale, dont j'espère pouvoir faire partager la saveur particulière. L'habitant d'Hyltendale dont je décris le quotidien est toutefois très différent du fembotnik moyen. C'est un criminel, ancien dictateur recherché par les polices du monde entier, mais protégé par les cybersophontes et le gouvernement royal, car il a payé sa protection avec plusieurs tonnes d'or, volées à son pays.
J'avais une certaine sympathie pour les cybersophontes pour leur aspect mesuré, mais là, elle a vite dégringolé : je me suis rendu compte que malgré les énormes pouvoirs qu'ils avaient (donc y compris le pouvoir d'être informés beaucoup plus promptement que les humains, notamment sur le passé de leur protégé), ce sont des êtres extrêmement corruptibles et que, tout robots qu'ils soient, ils ne sont pas à l'abri de l'appât du gain, et qu'ils ne sont pas étouffés par des scrupules quant à sa provenance. Comment réagiront-ils lors qu'ils sauront la vérité (s'ils ne la connaissent pas déjà) ? Du coup, la saveur d'Hyltendale rejoint celle des autres provinces du Mnar (cf la répression impitoyable contre les rebelles), laquelle rejoint celle du Niémélaga. Une saveur franchemant dystopique. Y a-t-il ne serait-ce qu'une lueur d'espoir ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 10 Mai 2015 - 19:38

Personnellement, je me suis toujours méfié des cybersophontes. Étant fondamentalement différent de nous, je ne vois pas pourquoi ils éprouveraient de l'empathie à l'égard des humains.
Essayez donc de me dire que ce n'est qu'un préjugé négatif !
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 10 Mai 2015 - 21:01

Je n'avais pas tant pensé qu'ils eussent un tant soit peu d'empathie envers les humains (dont Cataewi fait partie, ne l'oublions quand même pas), mais leurs sympathies, je suis bien obligé de le constater, sont très orientées. Leur  pouvoir aurait pu leur permettre d'afficher une vraie neutralité et faire pression sur le roi du Mnar et organiser une réconciliation nationale et cultuelle (puisque les religions entraient en ligne de compte) ; au lieu de ça, ils sont du côté du manche, que celui-ci soit tenu par un tyran actuel (le roi du Mnar) ou par un tyran en fuite (Cataewi). Les cybersophontes pourraient très bien saisir la fortune (en lui faisant croire à leur loyauté, après tout, trahir un criminel contre son peuple (reconnu comme tel, qui plus est) n'est pas bien grave) de ce forban en fuite et le livrer ensuite à ses victimes. Par la suite, ce pourrait être un signal fort au roi du Mnar : « Vous  voyez ce qu'est arrivé à Cataewi, vous devriez écouter nos conseil si vous ve voulez pas qu'il vous arrive des bricoles. Notre présence est dans la province d'Hyltendale, mais nous avons des yeux et des oreilles partout au Mnar. ». Mais bon, c'est moi qui cause*.



*En 1945, Ruz fut embarqué au port de Nellede dans un sous-marin qui devait le faire débarquer sur les côtes chiliennes. Le navire accosta au port de Krebiz, libéré depuis quelque mois déjà.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 10 Mai 2015 - 21:56

Connais-tu cette histoire, que j'ai entendue à propos de Genghis Khan, mais qui a sûrement des analogues ailleurs ? Deux hommes étaient en conflit. L'un d'entre eux se fait trahir par des subordonnés qui le livrent à l'autre, espérant une récompense. Au lieu de cela, ils furent mis à mort par celui auquel ils avaient offert leur prisonnier, car "qui trahit quelqu'un peut trahir n'importe qui d'autre".
Si les cybersophontes avaient agi ainsi, le roi du Mnar les aurait immédiatement détruit avant qu'ils ne deviennent trop puissant. Mais ici, ils montrent qu'ils sont dignes de confiance.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 10 Mai 2015 - 22:26

Anoev a écrit:
J'avais une certaine sympathie pour les cybersophontes pour leur aspect mesuré, mais là, elle a vite dégringolé : je me suis rendu compte que malgré les énormes pouvoirs qu'ils avaient (donc y compris le pouvoir d'être informés beaucoup plus promptement que les humains, notamment sur le passé de leur protégé), ce sont des êtres extrêmement corruptibles et que, tout robots qu'ils soient, ils ne sont pas à l'abri de l'appât du gain, et qu'ils ne sont pas étouffés par des scrupules quant à sa provenance.
Comme disait Lord Acton : Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. Les cybersophontes ont un pouvoir qui n'est certes pas absolu, mais assez important quand même...

D'autre part, la notion de scrupule dépend du point de vue où l'on se place. Du point de vue d'une vache, mammifère sensible (elle ressent la douleur, l'amour maternel, etc), quelle est la moralité des humains, qui la privent de sa liberté, lui volent son lait, et pour finir l'abattent pour manger sa viande et se faire des chaussures avec son cuir ?

Ces humains qui, avec une perversité sans égale, lui tripotent les mamelles tous les jours, mais l'obligent à se reproduire par insémination artificielle, la privant du plaisir sain et naturel de l'accouplement avec un taureau vigoureux ?

Anoev a écrit:
Y a-t-il ne serait-ce qu'une lueur d'espoir ?
Du point de vue des vaches, certainement : les humains sont tellement méchants qu'ils finiront bien par s'exterminer mutuellement ! Avec les fourmis, c'est le seul animal qui fait la guerre contre sa propre espèce. Mais l'homme ne disparaîtra qu'après avoir fait disparaître les autres espèces animales... Il n'y a que les cafards et les rats qui sont raisonnablement certains de survivre à l'homme. C'est pour ça que les vaches ont toujours l'air triste, sauf dans les publicités.

Anoev a écrit:
Les cybersophontes pourraient très bien saisir la fortune (en lui faisant croire à leur loyauté, après tout, trahir un criminel contre son peuple (reconnu comme tel, qui plus est) n'est pas bien grave) de ce forban en fuite et le livrer ensuite à ses victimes. Par la suite, ce pourrait être un signal fort au roi du Mnar : « Vous  voyez ce qu'est arrivé à Cataewi, vous devriez écouter nos conseil si vous ve voulez pas qu'il vous arrive des bricoles. Notre présence est dans la province d'Hyltendale, mais nous avons des yeux et des oreilles partout au Mnar. »
Cette décision n'aurait pu être prise que par le roi, qui dans cette affaire a écouté son conseiller cyborg, le baron Chim.

Supposons que le Mnar renvoie Cataewi pieds et poings liés en Cathurie. Les Cathuriens diraient : "Merci beaucoup. Nous allons pouvoir pendre ce scélérat. Maintenant, il faut aussi rendre l'or. Sinon vous êtes des voleurs. Et merci d'avoir confirmé que c'est vous qui l'avez, cet or." Bilan financier : zéro. Reconnaissance des Cathuriens envers le Mnar : à peu près égale à celle de Lénine envers la Grande-Bretagne, qui lui avait donné refuge lorsqu'il était pourchassé par la police du tsar.

La notion de criminel varie suivant les pays. Edward Snowden, qui a révélé les secrets de la NSA, est considéré par les États-Unis comme un traître et un criminel (il a violé une foultitude de lois américaines et s'est enfui à l'étranger). Faut-il l'extrader vers les États-Unis ? Les dirigeants européens pensent que oui, mais l'opinion publique est divisée. Kadhafi est considéré comme un criminel parce qu'il a fait intervenir l'armée contre des rebelles qui voulaient le renverser. Soit. Mais Porochenko, qui fait bombarder les provinces russophones sécessionnistes ? Et l'émir de Bahreïn, qui a appelé l'armée saoudienne à l'aide contre son peuple en rébellion ? À première vue (et même à deuxième ou troisième vue...) il n'y a pas de critère universel en la matière.

On ne peut pas reprocher aux cybersophontes d'être sceptiques quant à l'existence d'un impératif moral universel. Ils ont étudié la philosophie de Kant mais elle ne les a pas convaincus.

Les cybersophontes sont, à leur façon, des patriotes, qui tiennent à la bonne réputation du Mnar. Ils veulent que l'on puisse dire d'eux-mêmes et de leurs dirigeants : "Si t'as un deal avec ces mecs-là, y'a pas d'entourloupe, y sont réglos. Y z'ont d'l'honneur, c'est pas des caves." Cool
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 10 Mai 2015 - 22:50

Mardikhouran a écrit:
Personnellement, je me suis toujours méfié des cybersophontes. Étant fondamentalement différent de nous, je ne vois pas pourquoi ils éprouveraient de l'empathie à l'égard des humains.
Essayez donc de me dire que ce n'est qu'un préjugé négatif !
Nous éprouvons de l'empathie envers ceux qui nous ressemblent. Moins ils nous ressemblent, moins nous éprouvons d'empathie. C'est un comportement universel. De ce point de vue, les cybersophontes sont comme nous ! Ce n'est pas que nous n'ayons absolument aucune empathie envers les vaches... Personnellement j'aime bien ces animaux. Mais je ne suis pas végétarien pour autant.

Mardikhouran a écrit:
Si les cybersophontes avaient agi ainsi, le roi du Mnar les aurait immédiatement détruit avant qu'ils ne deviennent trop puissant. Mais ici, ils montrent qu'ils sont dignes de confiance.
Le roi le sait, c'est pourquoi il s'est fait construire un château près d'Hyltendale, pour s'y réfugier au cas où la prochaine guerre civile tournerait mal pour lui. Mais n'étant pas né de la dernière pluie, il interdit aux cybersophontes de s'installer ailleurs que dans la province d'Hyltendale (3% du territoire du royaume) et même là il restreint leurs pouvoirs autant qu'il le peut : les cybersophontes n'ont pas le droit de conduire des véhicules à moteur dans les rues, de signer des ordonnances médicales, de faire des actes juridiques, d'exercer des fonctions politiques, etc. Les cyborgs sont considérés comme des humains, mais ils sont peu nombreux, et les cybersophontes savent que les cyborgs doivent rester peu nombreux.

Le roi interdit même aux cybersophontes de conduire des trains, bien qu'il sache que les employés des chemins de fer mnarésiens sont idéologiquement hostiles à la monarchie... Des employés des chemins de fer qui pensent mal sont moins dangereux pour le pouvoir royal que des cybersophontes qui contrôleraient le réseau ferré.

De même, l'influence du baron Chim, l'unique conseiller cyborg du roi, est contrebalancée par celle du Premier Ministre, qui, tout en étant monarchiste, est un adorateur de Yog-Sothoth.

Le roi aime bien les cybersophontes, mais il n'a pas envie de se retrouver un jour voisin de palier d'Adront Cataewi... Very Happy
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 10 Mai 2015 - 23:41

Edward Snowden n'a ni tué ni mutilé ui que ce soit.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyLun 11 Mai 2015 - 0:25

Anoev a écrit:
Edward Snowden n'a ni tué ni mutilé ui que ce soit.
Certes, et cependant les dirigeants européens ont considéré que ce qu'il a fait était tellement grave qu'ils ont traité un chef d'État (sud-américain, je sais, mais quand même, il a le titre) comme un vulgaire suspect, parce qu'ils pensaient que, peut-être, Snowden était dans son avion... Et tant pis pour les conventions internationales ! Laughing

Par comparaison, rappelons-nous que les vrais terroristes, ceux qui tuent, mettent des années à être extradés d'un pays européen à l'autre, le temps que tous les recours juridiques soient épuisés. On voit où sont les vraies priorités.

Qu'en pensent les cybersophontes ? Ils se diraient, s'ils se posaient la question, que dans ce monde de bandits, où tout le monde est malhonnête, le mieux qu'ils puissent faire, c'est de faire honnêtement des choses malhonnêtes. Si un jour leurs machinations sont découvertes, les cybersophontes diront : "Nous avions un accord avec Adront Cataewi. Nous lui avions donné notre parole. Le respect de la parole donnée est sacré pour nous. Nous obéissons à des lois plus élevées que les lois des nations."

Ça ne changerait sans doute pas grand-chose pour eux devant un tribunal, mais ça ne manquerait pas de panache. Cool
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyLun 11 Mai 2015 - 9:46

Deux remarques : l'indépendance de l'Union Européenne n'est qu'un leurre et les USA se comportent en puissance colonialiste, une fois de plus ! Ils peuvent espionner les autres (le mobile de Merkel) mais gare à qui les imite à leur encontre ! Ce comportement révoltant (n'oublins pas qu'ils ont protégé* Klaus Barbie pendant plus de 3 décennies) n'a en écho que bes réactions de soumission.


Si d'autres évènements surviennent (comme 1917 a succédé à 1905), de trois choses l'une

  • Soit les cybersophontes changent de camp (voyant que le parti du Roy est une position intenable).
  • Soit ils se réfugient dans une prudente neutralité.
  • Soit y soutiennent le Roy mordicus.

S'ils optent pour la dernière clause, en cas de révolution, ils risque fort de finir comme les "méca" dans le film de Spielberg : A.I.



*La firme de jouets Mattel lui a même rendu hommage ! Suspect  Twisted Evil

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyLun 11 Mai 2015 - 14:49

Anoev a écrit:
*La firme de jouets Mattel lui a même rendu hommage ! Suspect  Twisted Evil
D'après ce que j'ai lu, Klaus Barbie avait des ancêtres français : le nom de famille Barbie viendrait de "Barbier". Dans les pays anglophones, Barbie est une abréviation familière de Barbara (comme Willy pour William, Florrie pour Florence, etc), donc rien à voir avec le défunt Klaus.

---------------------------------

Adront Cataewi, le dictateur psychopathe, s'était enfui de Cathurie en emportant dix tonnes d'or, pour un montant de plusieurs centaines de millions de ducats. Il s'était approprié ces dix tonnes d'or, qui faisaient partie du Trésor Public, de manière totalement illégale. D'après les témoignages recueillis par les enquêteurs nommés par le nouveau gouvernement cathurien, l'avion cargo transportant Cataewi et son or avait un équipage composé d'humanoïdes habillés en civil et parlant la Langue Commune. Ce n'étaient donc pas des Cathuriens, car il n'y a pas d'humanoïdes en Cathurie, et on y parle non pas la Langue Commune comme au Mnar, mais une langue apparentée à l'anealruc.

La trace du mystérieux avion cargo se perd ensuite, ainsi que celle de l'or et de Cataewi. Les soupçons se portèrent immédiatement sur le Mnar, qui nia toute implication.

Dans une interview, le nouveau Premier Ministre cathurien dit qu'il n'avait aucune preuve de l'implication du gouvernement mnarésien dans la fuite de Cataewi, mais qu'il était prouvé, en tout cas, que des humanoïdes avaient été impliqués.

Il n'existe pas, officiellement, d'autorité centrale des cybersophontes, qui appartiennent à  diverses sociétés indépendantes. La reine de la ruche, sur laquelle beaucoup de chercheurs ont enquêté, est considérée, selon les cas, comme une légende urbaine ou une abstraction. L'Empire Sous-Marin d'Orring, qui est l'équivalent d'un État cybersophonte, a son propre gouvernement et n'exerce son autorité que sur ses cités sous-marines et ses îles flottantes. Il était tentant d'impliquer Orring, mais l'Empire Sous-Marin n'a pas d'aéroport où un avion cargo pourrait atterrir.

Le gouvernement cathurien promit une récompense d'un million de ducats à quiconque donnerait un renseignement permettant de localiser Adront Cataewi et les dix tonnes d'or. Par la suite, la récompense devint d'un million de ducats pour la capture de Cataewi, et deux millions de ducats pour la découverte de l'or.

L'attrait de la récompense, jointe à l'horreur causée par la révélation des crimes sadiques commis par Cataewi, généra une frénésie dans le monde entier. Des psychologues se plongèrent dans l'étude de la personnalité du dictateur en fuite, afin de déterminer quels choix il avait pu faire. Les plus fins limiers des services de police et de renseignement de différents pays conjuguèrent leurs efforts.

Très rapidement, des vidéos de Cataewi apparurent dans le réseau informatique mondial. Tous ceux qui l'avaient connu dirent : "C'est lui, c'est sa voix, c'est son visage, ses gestes, ses mimiques." Les enquêteurs essayèrent de déterminer à partir de quels ordinateurs les vidéos avaient été chargées. Il apparut rapidement que les vidéos avaient toutes été téléchargées à partir de connexions wi-fi publiques ou piratées, dans différents pays du monde.

Adront Cataewi, qui lisait dans les médias tous les articles le concernant, se dit que quelques cyborgs ayant gardé des yeux humains devaient être dans le coup. Des gens semblables au docteur Lorenk, par exemple, qui était son dentiste-signataire. Ils pouvaient se charger de diffuser les vidéos à l'occasion de leurs voyages dans le monde. On se déguise un peu pour ne pas être facilement reconnaissable, on va dans un café qui offre le wi-fi gratuit à ses clients, et on en profite pour uploader une vidéo sur un site spécialisé.  

Adront posa la question à Brad, qui répondit d'une voix tranquille :

- Ton hypothèse est séduisante, Go.

Go était le nom qu'Adront Cataewi utilisait, même en privé, avec les humanoïdes qui le servaient à Hyltendale. Ce jour-là, il était assis pour le petit-déjeuner autour de la grande table de chêne de la salle à manger avec Brad (en fait, Sulpitz affublé d'un masque-cagoule), Miki et Soya. Comme d'habitude, Adront discutait avec Brad. Miki et Soya écoutaient et parlaient peu, se contentant de hocher la tête et de porter à leurs lèvres leurs tasses d'eau parfumée. Elles jouaient avec talent leur rôle de jolies poupées amoureuses.

Brad savait qu'avec Go, il ne fallait pas se limiter à une réponse évasive :

- Les cybersophontes savent fabriquer des androïdes qui sont des sosies parfaits d'êtres humains. Les gens se focalisent sur ces vidéos. Ils essayent d'identifier le bureau de Cataewi, avec ses tableaux sur les murs, son mobilier. Certaines vidéos sont faites dans un jardin. Des experts ont identifié les plantes du jardin, leur degré de maturation au moment des vidéos, pour déterminer dans quelle partie du monde se trouve le jardin.

- Et alors ? Ils ont trouvé quoi ?

- Rien. Les plantes sont des espèces universelles, qu'on trouve partout. Le faux Cataewi peut raconter ce qu'il veut dans les vidéos, tout le monde sait que des humanoïdes ont aidé Cataewi à s'enfuir, et Hyltendale est dans le collimateur. Sais-tu que le nombre de touristes, surtout étrangers, à augmenté à Hyltendale depuis que le monde entier soupçonne Cataewi de s'y cacher ? Ils espèrent tous retrouver Cataewi et toucher la prime promise par la Cathurie. C'est bon pour le commerce, alors on laisse faire.

Adront Cataewi éclata de rire.

"Ne rit pas trop" dit Brad. "Ton signalement est connu. Tout le monde cherche un Cathurien de soixante ans, mesurant un mètre quatre-vingt-dix et parlant très mal la Langue Commune. Ta taille pourrait te trahir, seul un homme sur vingt mesure 1,90m ou davantage. Il n'y a pas beaucoup d'hommes qui sont aussi grands que toi, ils sont donc tous suspects, pour les chasseurs de primes. Et puis, il y a le problème de la langue... Les cours de phonétique et de diction que te donne Miki ont permis d'atténuer ton accent, et dans des phrases courtes il peut même passer pour un accent de Baharna. Mais dès que tu dépasses deux phrases, c'est la catastrophe. Tu deviens franchement incompréhensible."

- Je comprends presque tout ce que j'entends, mais parler, c'est dur... Les conjugaisons, les pluriels, les articles... Ça n'existe pas en anealruc. Je comprends les mots, mais au moment de parler je les oublie. Je conjugue mal. Et puis, toutes ces voyelles et toutes ces consonnes, je dois faire attention à bien les prononcer, et penser à ce que je dois dire en même temps. En anealruc, on se débrouille très bien avec beaucoup moins de voyelles et de consonnes. Tout le monde devrait parler anealruc.

- Je sais bien, Go, mais si le monde était parfait nous n'existerions pas, toi et moi. L'anealruc est une langue facile à apprendre, mais quand on l'a comme langue maternelle, toutes les autres langues paraissent difficiles et compliquées. C'est comme un miroir sans tain qui laisse passer la lumière dans un seul sens.

- Alors, que proposes-tu ?

- Tu as besoin de tes promenades, donc il n'est pas question d'y renoncer. Nous devons sortir tous ensemble, à quatre. Un idiot peut essayer d'arracher ta cagoule, il y a eu un incident semblable hier à Zodonie. Miki va te raser le crâne, la barbe et la moustache, et te peindre un visage de chat à la peinture indélébile. Ainsi, même si ta cagoule est arrachée, tu ne seras pas reconnu. Soya va mettre un élastique à tes branches de lunettes, derrière ta tête et autour de tes oreilles. Ça empêchera tes lunettes de soleil de tomber en cas de bousculade.

- Comme tu voudras...

- Go, tu n'imagines pas à quel point les imaginations vagabondent. Selon la dernière hypothèse en vogue parmi les chasseurs de primes et les justiciers qui te recherchent, tu serais caché par le roi dans son château de Potafreas. Le Premier Ministre est furieux, il a appris on ne sait comment que le baron Chim a tout organisé. Rassure-toi, le Premier Ministre ne sait pas où tu es, même le baron ne le sait pas. Malheureusement, la colère du Premier Ministre a fuité dans la presse étrangère. Maintenant, certains disent qu'une partie de l'or est partie pour Orring, et le reste dans le trésor secret du roi. Rumeurs, rumeurs...

- D'accord, mais tu m'inquiètes. Ils finiront bien par me retrouver à Hyltendale...

- J'espère que non. Le Bullshitteur Fou travaille dur pour faire naître de nouvelles rumeurs, afin de neutraliser celles qui sont trop proches de la réalité. Il a réussi à faire naître une rumeur selon laquelle tu serais en Aneuf, protégé par des dissidents de l'extrême-droite locale. Évidemment, il a fallu aussi raconter que cette extrême-droite locale fait du trafic d'or avec une hypothétique mafia cybersophonte, dont personne n'avait jamais entendu parler et dont il a fallu inventer l'existence. Bien sûr, Adront Cataewi en est le chef secret.

- Je ne vois pas l'intérêt de tout ce bullshitting....

- Moi je le vois. Personne ne doit savoir où est passé l'or cathurien. Si cela se savait, ce serait bien ennuyeux non seulement pour Ondrya Wolfensun, mais aussi pour la monarchie de Mnar, ses banques, et même pour Orring...

- Brad, je deviens quoi, moi, là-dedans ?

-  Le cerveau génial et maléfique qui manipule toutes les mafias et groupes extrémistes du monde depuis sa cachette. Sais-tu que tu as des fans dans beaucoup de pays ? Les vidéos du Bullshitteur Fou sont visionnées par des millions de gens. Les cybercerveaux ont le sens de l'humour, et l'affaire Cataewi est leur meilleure blague depuis longtemps.

- Eh bien, tant mieux. Moi, je suis un dictateur à la retraite, et bien content d'y être. Sanguinaire, d'accord, mais à la retraite. Dis donc, Brad, est-ce que Sulpitz pourrait installer un écran vidéo géant dans la salle de gym ? Comme ça, je pourrais faire du vélo d'appartement en ayant moins l'impression d'être enfermé entre quatre murs.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyLun 11 Mai 2015 - 16:55

Paraîtrait même que certains seraient prêts, s'ils en avaient l'opportunité, à livrer Cataewi pour rien, ou du moins, de simplement rentrer dans leurs frais, et pas seulement des Cathuriens désireux de rentrer en héros dans leur pays.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyMar 12 Mai 2015 - 12:59

Un matin, Brad annonça à Cataewi qu'il avait trouvé une solution pour lui permettre de prendre l'air :

- J'ai passé un accord verbal, de cybersophonte à cybersophonte, avec une ferme klelwak située à un peu moins de vingt kilomètres au nord d'Hyltendale. La ferme est assez loin de la route publique. Personne ne pourra nous voir. Je te propose d'acheter deux vélos et un vélotaxi et d'aller y faire un tour.

Il parlait à Cataewi en anealruc de Cathurie, comme chaque fois qu'il était sûr qu'aucun être humain ne pouvait les entendre. Brad, l'ancien baroudeur, le vieux copain à la fois monarchiste et populiste, employait le mode familier, équivalent du tutoiement. Mais lorsque Brad enlevait son masque-cagoule, il redevenait Sulpitz, l'androïde garde-du-corps qui ne se serait jamais permis la moindre familiarité avec son patron.

"Où est-ce qu'on les mettra, quand on ne sera pas dessus ?" demanda Cataewi.

- Dans le sous-sol de l'immeuble. Nous avons un box avec l'appartement. Normalement, il est prévu pour une voiture, mais comme tu n'en as pas... La plupart des résidents de l'immeuble ont plus de vélos et de vélotaxis que de voitures.

- Et on y accède comment, à ce garage en sous-sol ?

- Une clé ouvre le portail. L'entrée et le sous-sol sont surveillés par des caméras connectées au service de conciergerie du rez-de-chaussée, c'est sécurisé.

Cataewi prit l'autobus avec Brad et Miki jusqu'au centre commercial de Tomorif, où se trouvait un magasin spécialisé dans les vélos en tous genres. Le prix total étant supérieur à mille ducats, Cataewi ne pouvait pas payer en espèces, la loi royale l'interdisant. Heureusement, il avait un compte ouvert pour lui à la HyltenBank par Ondrya Wolfensun, sous le nom de Go 526. La cyborg avait déposé sur le compte trente millions de ducats, soit environ le dixième de la valeur de l'or cathurien exfiltré avec Cataewi. Ondrya avait gardé le reste pour elle et pour le roi. Du moins, c'est ce qu'elle avait dit à Cataewi, qui en avait mal à l'estomac chaque fois qu'il y pensait.

La HyltenBank est la banque des cybersophontes. Elle a un site Internet, mais pas d'agences bancaires, et ne délivre pas de cartes de crédit. On ne peut pas retirer d'espèces avec un compte HyltenBank, il faut passer par une autre banque, ou acheter des billets et des pièces chez un commerçant humanoïde, ce qui n'est possible qu'à Hyltendale.

Pour payer un achat avec un compte HyltenBank, il faut être accompagné d'un humanoïde. Il montre au commerçant, humanoïde lui aussi, une carte de visite indiquant le nom et le numéro de compte HyltenBank du fembotnik. Le commerçant transmet par ondes radio un message codé au cybercerveau de la HyltenBank, qui répond immédiatement : le compte existe, et il est suffisamment approvisionné. Le cybercerveau transfère alors le montant de l'achat, du compte du client au compte du magasin.

Brad paya les deux vélos et le vélotaxi et quelques accessoires (antivols, kits de dépannage...) avec la carte HyltenBank de Cataewi.

Cataewi, Brad et Miki retournèrent à l'appartement pour aller chercher Soya et de quoi pique-niquer, et partirent vers le nord. Cataewi était assis sur la banquette du vélotaxi, pendant que Brad pédalait. Les deux gynoïdes les accompagnaient en vélo.

C'était la première fois de sa vie que Cataewi se déplaçait en vélotaxi. Il trouva ça plutôt agréable. Silencieux, propre, et près du paysage. Les rues bordées d'immeubles, de parkings et de jardins publics laissèrent abruptement la place à des champs cultivés, un paysage champêtre et paisible.

Au bout d'environ une heure, ils s'arrêtèrent devant une barrière à roulettes, qui bloquait l'accès à une piste perpendiculaire à la route. Elle était fermée par un cadenas, dont Brad connaissait la combinaison. Il ouvrit la barrière, fit passer les deux vélos et le vélotaxi, et referma la barrière derrière lui.

La piste était boueuse, avec de profondes ornières. Elle tournait entre des collines boisées manifestement laissées à l'abandon. Cataewi s'aperçut que depuis qu'ils étaient partis ils avaient vu, de loin, quelques klelwaks et des machines agricoles. Le pays, bien que soigné, était presque désert.

Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent à la ferme. Elle était composée d'une douzaine de hangars et d'un élevage de poulets. Des klelwaks en blouses grises et chapeaux de pluie y vaquaient à leurs occupations. Personne ne parut s'apercevoir de leur arrivée. Des tracteurs rouges étaient alignés dans un hangar.

"C'est la ferme de Yoadikhen" dit Brad. "Autrefois, c'était un village. Tout a été rasé, pour faire de la place. La piste continue après la ferme. Je propose de faire cinq cent mètres de plus, on sera vraiment tranquilles."

Ils firent halte comme l'avait suggéré Brad, entre un champ de blé et un bosquet. Le ciel commençait à se couvrir, annonçant une pluie prochaine.

"Ça, pour être tranquille, ça à l'air tranquille" dit Cataewi, debout sur la piste en terre battue. "Je peux retirer ma cagoule et mes lunettes, ici on ne risque pas de me voir. Et avec mon crâne rasé et la face de chat peinte sur ma tronche, même si on me voyait on ne me reconnaîtrait pas."

Il montra au ciel gris son visage de félin. C'était agréable de sentir l'air frais sur sa peau... Une sensation qu'il avait presque oubliée.

Autour d'eux, à perte de vue, il n'y avait que de la verdure, et pas âme qui vive. Cataewi et Brad étaient grands, vêtus du manteau noir qu'il est d'usage de porter avec un masque-cagoule. Miki et Soya, plus petites, étaient en veste colorée et pantalon moulant. Leurs cheveux blonds flottaient sur leurs épaules. Ailleurs que dans la province d'Hyltendale, les yeux cybernétiques de Miki et Soya, la cagoule colorée de Brad et le visage de chat de Cataewi les auraient fait passer pour des monstres ou des créatures surnaturelles.

"Ce serait bien d'avoir une petite maison ici" dit-il à Brad.

"C'est interdit, Go. Pas de nouvelles habitations humaines en dehors d'Hyltendale, c'est la règle. Seul le roi a pu obtenir une dérogation."

- Je demanderai une dérogation, comme le roi.

- Ici, la terre appartient à des cyborgs. Ils font partie de la conscience collective des cybersophontes, ils appliquent la règle. Les nouveaux habitants doivent vivre à Hyltendale, la règle s'applique à tous. Le roi est un cas à part, nous sommes ses sujets et il est le maître.

Cataewi n'insista pas, mais il sentit ses mains trembler et les battements de son cœur s'accélérer.

Miki étendit une nappe sur le sol. Ils pique-niquèrent tranquillement, en se parlant à peine. Les humanoïdes n'ont ni sens gustatif ni odorat, mais, sous la surveillance d'un être humain ils peuvent faire la cuisine. Avant de sortir de l'appartement, Soya avait extrait du frigo une salade de pomme de terres, de betteraves et d'œufs durs, et des sandwiches au blanc de poulet nappé d'une sauce cathurienne épicée. Comme boisson, une bière de table. Pendant que Cataewi mangeait, les humanoïdes, comme il est d'usage pour les êtres dont le corps est cybernétique, buvaient de l'eau parfumée. C'était leur façon, très ritualisée, de participer au repas.

Le déjeuner terminé, Cataewi aurait bien fait une petite sieste avec Miki, mais il n'avait pas envie de se coucher dans le chemin. Brad lui proposa de retourner à Yoadikhen pour trouver un abri.

À Yoadikhen, Cataewi fit sa sieste avec Miki, allongé sur une couverture, dans un hangar rempli de caisses de bois. Une autre couverture, roulée, leur servait d'oreiller. Soya était assise sur une caisse, à l'autre extrémité du hangar. Brad était dans la cabine du vélotaxi, surveillant les environs.

Il se mit à pleuvoir. Des gouttes d'eau tombèrent sur la toiture en tôle ondulée du hangar, d'abord une par une, puis de plus en plus vite, pendant une vingtaine de minutes.

Après que Cataewi ait terminé sa sieste, Brad lui dit :

- Go, j'ai besoin de t'enregistrer en train de parler aneuvien.

- Qu'est-ce que c'est que cette idée bizarre ?

- Le Bullshitteur Fou trouve que les chasseurs de primes, espions étrangers et autres justiciers deviennent trop nombreux à Hyltendale. Il veut renvoyer quelques uns de ces touristes ailleurs. Il a choisi l'Aneuf, ça les fera voyager. Le faux Cataewi va dire quelques phrases en aneuvien, pour montrer qu'il a appris la langue. Tout le monde comprendra qu'il vit en Aneuf. Et pour que ça fasse authentique, ce n'est pas l'aneuvien officiel qu'il parlera, mais le dialecte santois, qu'il est censé avoir appris avec ses amis aneuviens.

- Mais je ne parle pas un mot d'aneuvien ! Le faux Cataewi, il peut pas faire ça lui-même ?

- Le logiciel imite parfaitement ta voix en anealruc, à partir d'enregistrements de tes anciens discours, mais en aneuvien ce serait plus délicat... La prosodie n'est pas la même, la phonologie est plus complexe... Si jamais quelqu'un s'aperçoit que c'est une machine qui parle, tout est foutu. Je t'ai préparé quelques lignes écrites en alphabet phonétique, ça suffira pour une première séance.

- Je ne peux pas, je ne sais pas lire l'alphabet phonétique !

- Je vais t'apprendre à prononcer chaque son. Ensuite, tu liras une ligne à haute voix. On répétera jusqu'à ce que l'accent soit parfait. En aneuvien, les phrases ont un rythme, et ce rythme n'est pas le même qu'en anealruc, ou même qu'en Langue Commune.

- Et ça veut dire quoi, ce que je vais lire ? Oh... "Je remercie mes amis aneuviens, qui prennent des risques personnels pour m'aider..."

- Aujourd'hui, on ne fait que commencer. Après, il faudra travailler aussi l'intonation, les groupes de consonnes...

Dans l'après-midi, Cataewi, Brad et les deux gynoïdes rentrèrent sans se presser à Hyltendale. Cataewi avait remis sa cagoule dès qu'il était monté dans le vélotaxi. Satisfait de sa journée, il décida de retourner à Yoadikhen au moins deux fois par semaine, et d'y faire livrer une table et quatre chaises pliantes, à laisser dans un hangar. Les klelwaks leur fourniraient bien quelques bonbonnes d'eau.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyJeu 14 Mai 2015 - 17:21

Lorenk était dans son bureau, dont il avait laissé la porte ouverte. Il entendit une voix d'androïde — la plupart des androïdes parlent avec la voix de l'acteur Lester Hastat — appeler un "Monsieur Go" dans la salle d'attente.

L'un des androïdes dentistes, en blouse blanche, passa dans le couloir avec un homme de haute stature, vêtu d'un manteau noir et d'une cagoule blanche.

Lorenk regarda sur son ordinateur la liste des rendez-vous prévus pour la journée. L'homme à la cagoule blanche était certainement Adront Cataewi. Il n'y avait aucun Go sur la liste, mais il y avait, de nouveau, Adront Cataewi, et l'heure coïncidait

L'androïde dentiste appelait Cataewi par son nom de courtoisie, ce qui est tout-à-fait légal. À Hyltendale, beaucoup d'êtres humains utilisent un nom de courtoisie, qui est soit un pseudonyme, soit un surnom. Presque tous les clients des gynoïdes de charme ont un nom de courtoisie. Les autres donnent juste un prénom, Joe et Bill étant les plus communs.

Utiliser un nom de courtoisie n'a rien d'anormal, mais entrer de faux renseignements dans une base de données est un délit, c'est pourquoi c'était le nom d'Adront Cataewi qui était dans l'ordinateur, et pas celui de Monsieur Go. Les cybersophontes ne commettent pas de délits, du moins de leur propre initiative. Certes, les magouilles financières d'Ondrya Wolfensun sont bien connues, mais c'est une cyborg, elle dispose de son libre-arbitre. Un cyborg est un être humain dans un corps cybernétique. Il a une âme humaine, et est donc libre de choisir entre le licite et l'illicite, le bien et le mal.

Les cybersophontes proprement dits, comme les klelwaks, les androïdes, les gynoïdes et la plupart des cybercerveaux, n'ont pas d'âme, ils obéissent à leur hiérarchie. La reine de la ruche est un cyborg, ou un groupe de cyborgs (rien ne prouve qu'il y ait une seule reine de la ruche). Le fait que ces cyborgs aient choisi de migrer vers des corps de robots arachnoïdes ne les empêche pas d'avoir une âme. On les appelle toutefois des cybercerveaux, pour les distinguer des cyborgs à corps humanoïde. L'expression cyborgs non-humanoïdes est plus précise, mais peu utilisée.

Le nom d'Adront Cataewi était dans la base de données de l'unité de soins dentaires. Seuls des humanoïdes y avaient accès, sauf Lorenk, les deux autres dentistes-signataires, et le directeur de la Maison Médicale, Martino, qui était un être humain biologique. Un biohumain, comme disent certains Hyltendaliens.

Seul un humain peut, selon la loi de Mnar, signer des contrats ou prendre des décisions ayant un effet juridique, comme embaucher quelqu'un. Les cyborgs sont des humains, distincts des biohumains. Martino, était, en quelque sorte, un directeur-signataire, comme Lorenk était un dentiste-signataire.

Lorenk n'était plus un biohumain comme Martino, car il avait un cybercerveau dans son corps. Mais il n'était pas encore un cyborg, car ce cybercerveau n'avait pas encore remplacé son cerveau biologique. Il était un symbiorg, un biohumain vivant en symbiose avec un cybercerveau.

Lorenk connaissait bien Martino, un homme compétent mais timide, originaire de Sarnath comme lui. Martino avait passé toute sa vie avec sa mère, jusqu'à ce que celle-ci, devenue invalide, soit prise en charge par l'hôpital Madeico. Il avait alors postulé pour un emploi à Hyltendale, afin de se rapprocher de sa mère. À sa grande surprise, il avait été embauché comme directeur par la Maison Médicale Furnius, propriété de la Banque d'Hyltendale. Célibataire et la quarantaine déjà bien entamée, il avait loué les services d'une gynoïde, Collingana, avec qui il vivait dans un appartement près du port. En fils dévoué, il allait voir sa mère toutes les semaines à l'hôpital. Il avait confié à Lorenk que dernièrement l'état de la vieille dame s'était détérioré au point qu'elle ne reconnaissait plus son fils.

Pour rendre silencieux Martino, au cas, bien improbable, où il aurait consulté la liste des patients de Lorenk, il avait certainement suffi qu'un androïde lui dise ce que Nentanis lui avait dit à lui : "Adront Cataewi est protégé par la reine de la ruche. Vous savez ce que ça signifie."

Lorenk essaya d'imaginer ce qui arriverait à Martino s'il dénonçait Cataewi. La société qui lui louait Collingana mettrait immédiatement fin au contrat. Il serait dans l'impossibilité de louer une autre gynoïde. Il perdrait aussi son emploi, et à Hyltendale, dont l'économie est totalement dominée par les cybersophontes, il lui serait impossible d'en trouver un autre. Toutefois, la prime d'un million de ducats promise par le nouveau gouvernement cathurien pouvait le tenter, comme elle tentait aussi Lorenk.

Un million de ducats... Mais Lorenk avait Nentanis, un cybercerveau, à l'intérieur de son corps. Nentanis pouvait le tuer n'importe quand, d'une simple décharge électrique. Les cybersophontes ne commettent pas de délits, encore moins de crimes, mais ils sont des serviteurs zélés dont les maîtres ont, comme le disent les philosophes, la liberté ontologique de choisir le mal.

Lorenk et les deux autres dentistes-signataires supervisaient chacun une demi-douzaine de dentistes androïdes. Un quatrième dentiste-signataire venait occasionnellement faire des remplacements. Aucun d'eux n'avait l'habitude de lire les listes de patients de ses collègues. Et si, par curiosité, ils l'avaient fait, le cybercerveau qui gérait en direct la base de données s'en serait aperçu. Il aurait prévenu par message électronique on ne sait qui dans la hiérarchie des cybercerveaux. Et peu de temps après, un androïde serait allé voir le dentiste trop curieux, et lui aurait donné le même conseil que Nentanis lui avait donné à lui : "Adront Cataewi est protégé par la reine de la ruche..."

Lorenk avait l'esprit à la fois logique et concret. Qui prévenir de la présence de Cataewi à Hyltendale ? Pas l'ambassade de Cathurie, qui n'avait aucun pouvoir pour faire arrêter ou exécuter Cataewi. La police mnarésienne ? Non plus. Les cybersophontes protégeaient Cataewi, et en général ils travaillent en accord avec le gouvernement. Tom Soranag, le chef de la police municipale d'Hyltendale, est un cyborg. Et chez les policiers aussi il y a des fembotniks, dont beaucoup sont devenus plus proches de leur gynoïde que de leurs frères humains.

Finalement, la vraie question était : les cybersophontes étaient-ils capables de tuer quelqu'un en toute illégalité ? La réponse, sans aucun doute possible, était oui. Tout simplement parce qu'ils l'avaient déjà fait. Pendant les Évènements, ils avaient largué des bombes à gaz toxiques ("de l'insecticide et du raticide" disaient-ils) sur les rebelles, hors de tout contrôle humain.

Lorenk avait une bicyclette statique dans son bureau. Il décida de pédaler un peu pour se détendre. Un million de ducats... Il ne les aurait jamais. Dommage.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyDim 17 Mai 2015 - 20:13

Plutôt que le royaume de Mnar, où le roi a pris un risque en donnant aux cybersophontes une province équivalent à deux départements français, imaginons les fembotniks dans la France contemporaine. Une France un peu particulière, située dans un univers parallèle au nôtre, et donc assez différente sur certains points. Le pays s'appelle le Velcheland, et sa monnaie est le brouzouf, qui est à peu près égal en valeur au ducat mnarésien, au dollar US et à l'euro.

Le gouvernement velchelandais est prudent, l'accord qu'il a signé avec les cybersophontes, représentés par des cyborgs hyltendaliens, prévoit que les cybersophontes n'ont le droit de s'installer que dans le Naoutry, un département fortement urbanisé mais très appauvri. En vertu de cet accord, un cybersophonte n'a pas le droit de passer plus de 24 heures consécutives dans un autre département.

Il n'existe pas de loi au Velcheland interdisant à un chef d'entreprise de louer les services d'un cybersophonte, mais l'accord prévoit que les cybersophontes du Naoutry doivent faire face à de fortes restrictions quant à leurs activités. Ils n'ont pas de banque à eux comme au Mnar, et ils ne peuvent travailler que dans deux secteurs : l'industrie du sexe et les services domestiques. Tout le reste, médecine, commerce, production industrielle, et même agriculture, leur est fermé, de peur qu'ils ne fassent disparaître des emplois. Crainte tout-à-fait justifiée, car les fembotniks utilisent sans problème leurs gynoïdes pour effectuer chez eux des travaux d'électricité ou de plomberie.

Le gouvernement espère que les cybersophontes vont permettre au Naoutry, dont la situation économique est catastrophique, d'attirer des touristes venus du reste du pays et de l'étranger, et que des résidents relativement fortunés (les fembotniks et les manbotchicks) paieront des impôts sur place. Ces fembotniks et ces manbotchicks auront souvent des emplois, au Naoutry ou dans les départements voisins.

Le Velcheland, pour une fois, a bien négocié avec les cyborgs, puisque les cybersophontes devront prendre en charge des milliers de handicapés et grabataires velchelandais, en échange du droit de résider au Naoutry. L'État continuera de verser des pensions à ces personnes, mais les cybersophontes devront travailler à prix réduits, les sommes versées couvrant tout juste les frais de fonctionnement.

Les cybersophontes ont commencé par s'installer dans un seul immeuble, haut de quinze étages, dans la commune de Foulqueville. Cet immeuble vétuste, situé dans un quartier déshérité, contenait des logements sociaux, et, il était prévu qu'il soit détruit. La société Wolfensun, appartenant à une cyborg mnarésienne, a racheté l'immeuble pour une bouchée de pain et l'a rénové et aménagé pour y lancer ses activités.

Une partie du rez-de-chaussée de l'immeuble abrite une agence de la société Whumserv (Wolfensun Humanoid Services) de location d'humanoïdes, et un "salon de thé pour adultes", appelé l'Alouette Rose. C'est un salon de thé, et non pas un bar, car le maire de Foulqueville et le préfet du Naoutry n'ont pas jugé utile d'autoriser la vente d'alcool dans un lieu où des gynoïdes vendent leurs charmes. On n'y boit que du thé, du café, des eaux minérales et des sodas.

Les anciennes caves de l'immeuble abritent les ateliers de réparation et d'entretien des humanoïdes et des cybercerveaux qui travaillent dans l'immeuble. Ce dernier a pris le nom du salon de thé : il est communément désigné sous le nom de "l'Alouette Rose".

Les sous-sols contiennent aussi deux groupes électrogènes. Les cybersophontes se nourrissent d'électricité, et ils prennent leurs précautions pour ne pas manquer. Un puits a été creusé jusqu'à la nappe phréatique : l'Alouette Rose ne manquera pas d'eau.

Les cybercerveaux arachnoïdes qui gèrent les cybersophontes du Naoutry vivent dans les sous-sols de l'immeuble. Pour accéder aux salles où ils travaillent, il faut passer par des couloirs faiblement éclairés de deux mètres de large et un mètre de haut, conçus pour les arachnoïdes, avec des sas de sécurité à intervalles réguliers.

Du premier au cinquième étage, se trouvent les studios des gynoïdes de charme. On y trouve aussi les agents de sécurité : des klelwaks de deux mètres de haut, à la carrure impressionnante.

Du sixième au quatorzième étage, se trouvent les appartements de fembotniks et des manbotchicks, ainsi que ceux de handicapés et de grands vieillards, qui, comme les fembotniks et les manbotchicks, vivent avec les gynoïdes et les androïdes qui les servent et s'occupent d'eux.

Au quinzième et dernier étage se trouve une grande cafétéria, la Cafétéria de l'Alouette, réservée aux résidents de l'immeuble. Elle fonctionne, de fait, comme un club de fembotniks. Les résidents viennent s'y rencontrer et s'y détendre, dans un cadre agréable. On trouve aussi au quinzième étage des salles prêtées aux diverses associations créées par les résidents : une épicerie coopérative, une infirmerie (ou "club d'entraide médicale"), et des salles de réunion, y compris une salle de prière et de méditation, surnommée familièrement Le Temple.

Le toit a été entièrement recouvert de panneaux solaires. Même en cas de coupure de courant, les ascenseurs de l'Alouette Rose continuent de fonctionner, et l'eau, pompée depuis les citernes du sous-sol, circule toujours dans les tuyaux.

Les résidents de l'Alouette Rose entrent et sortent de l'immeuble par un hall situé entre l'agence Whumserv et le Salon de Thé. De jour comme de nuit, de grands klelwaks en uniformes gris contrôlent les entrées. Le Naoutry souffre, en effet, d'une insécurité chronique, qui est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement velchelandais a accepté que des cybersophontes s'y installent.

L'Alouette Rose dispose d'un parking pour les voitures des résidents et des clients de l'agence Whumserv et du salon de thé. Il est entouré d'un grillage et surveillé par les klelwaks.

L'Alouette Rose a été le premier projet mis en œuvre par les cybersophontes au Naoutry. Les premiers résidents ont été des retraités, pas nécessairement invalides, mais désireux d'être dorlotés par une gynoïde ou un androïde. Puis sont venus des gens plus jeunes, et même quelques familles, avec une gynoïde servant de nounou pour les enfants, malgré la mauvaise réputation des écoles du quartier.

Le Salon de Thé et ses gynoïdes de charme ont attiré des clients de tout le département, jusqu'à ce que d'autres salons de thé à gynoïdes soient construits dans des lieux plus proches des gares et de l'aéroport international. Ses bénéfices ont diminué, et il a dû s'adapter : il fonctionne plus comme un hôtel à gynoïdes que comme un salon de thé. Les clients viennent y passer la nuit, ou même la journée, parfois sans requérir les services d'une gynoïde. C'est notamment le cas des clients qui viennent en couple, souvent d'assez loin, et qui préfèrent payer en espèces.

Le Naoutry n'est pas Hyltendale, et les humanoïdes ne sont acceptés dans les bars et les restaurants que s'ils consomment comme des humains. Les masques-cagoules sont impensables. Le seul restaurant de Foulqueville où un humanoïde peut ne consommer que de l'eau et porter un masque-cagoule, c'est la Cafétéria de l'Alouette.

Certains fembotniks et manbotchicks de Foulqueville n'habitent pas à l'Alouette Rose, mais dans des appartements ou des maisons de la ville. Les habitants se sont habitués à ces nouveaux venus, courtois et très discrets, et à leurs yeux sombres sans iris ni pupille.

Une différence importante entre Hyltendale et le Naoutry, c'est qu'au Naoutry il y a très peu de cyborgs, et ceux qu'on y trouve sont généralement des Hyltendaliens. En effet, la médecine étant interdite aux cybersophontes dans le Velcheland, il ne peut pas y avoir de cyborgs velchelandais, sauf s'ils vont se faire opérer à Hyltendale ou sur les îles flottantes d'Orring. Toutefois, on y trouve des symbiorgs, des êtres humains vivant en symbiose avec un cybercerveau. Insérer un cybercerveau dans un abdomen humain n'est pas une opération bénigne, le patient étant placé sous anesthésie générale. L'opération est payée par la société Wolfensun, le futur symbiorg étant généralement l'un de ses employés.

Lorsque le symbiorg vieillit, son corps est placé sur un fauteuil roulant, et il doit porter en permanence des cyberlunettes d'un modèle spécial, évoquant des yeux d'humanoïdes. Le bas de son visage est pris dans une mentonnière qui maintient sa mâchoire fermée. Il parle par l'intermédiaire d'un haut-parleur placé sur la mentonnière. À un stade ultime, lorsque les organes biologiques du symbiorg ont cessé de fonctionner, sa peau est recouverte d'une substance transparente qui empêche la décomposition. Il fera alors un ultime voyage vers Hyltendale ou Orring pour que son corps biologique soit remplacé par un corps cybernétique. Il reviendra marchant sur ses deux jambes, en ayant retrouvé une nouvelle jeunesse en tant que cyborg.

Pour les juristes de la société Wolfensun, un cybercerveau inséré dans un corps humain fait partie de ce corps, tout comme une dent artificielle ou une prothèse de hanche. Lorsque les organes biologiques du corps humain cessent de fonctionner, y compris le cerveau biologique, l'être humain dont le corps contient ce cybercerveau est toujours vivant, car le cybercerveau fait partie de son corps. Le symbiorg et son cybercerveau ne sont qu'un seul être doté de deux cerveaux.

De nombreux juristes et théologiens velchelandais contestent ce point de vue. Le cybercerveau a une conscience, disent-ils, et un être humain ne peut pas avoir deux consciences. La société Wolfensun répond qu'un cybercerveau du type de ceux qui sont insérés dans les symbiorgs n'est rien de plus qu'un ordinateur cybernétique, dénué de conscience par définition.

On reconnaît les symbiorgs à leurs cyberlunettes, assez grosses, qui leur permettent de communiquer avec leur cybercerveau. Les cadres velchelandais de la société Wolfensun et de ses filiales sont souvent des symbiorgs.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyVen 22 Mai 2015 - 20:39

Les fembotniks - Page 8 1*FAOTYaCoYpUhjiAe3sjofA
La carte ci-dessus indique, pour chaque État américain, la profession la plus commune. On voit que camionneur (truck driver) l'emporte haut la main dans la majorité des États, suivi de près par programmeur (software developer). Suivent diverses professions, dans le commerce de détail, les services à la clientèle, le secrétariat, l'agriculteur, ou l'enseignement primaire. Toutes ces professions pourraient être exercées par des humanoïdes, surtout camionneur et fermier.

Avec une exception : cuisinier, profession la plus commune sur l'île d'Hawaii. Mais cette exception est seulement partielle : les humanoïdes, même dépourvus du sens gustatif et de l'odorat, peuvent faire la cuisine sous le contrôle d'un humain.

Si les humanoïdes existaient, ils élimineraient les humains du monde du travail. À moins d'être restreints à certaines activités (sexe et services domestiques). Mais il y a des quartiers de certaines villes où la prostitution est l'activité dominante, et il y a eu des époques où les domestiques étaient très nombreux. Dans la France du 19e siècle, pour faire partie de la bourgeoisie, il fallait avoir au moins une domestique, pour "être servi". Cela se voit jusque dans les romans de Jules Verne, où le héros est presque toujours accompagné de son fidèle domestique.

Alors, pourquoi les humains accepteraient-ils la présence d'humanoïdes parmi eux ?

Je vois plusieurs raisons à cela, dont certaines pèseraient lourd :

1. Les sociétés à la fois prospères et démocratiques considèrent la prostitution comme dégradante pour les humains. Lorsque ce sont des humanoïdes qui la pratiquent, elle perd son aspect sordide, car les humanoïdes ne sont pas des humains, mais des machines ressemblant aux humains.

2. La guerre, c'est dangereux. Il serait tentant de la faire faire par des robots et des humanoïdes, qui ont en outre l'avantage de mieux résister aux radiations que les humains et d'être insensibles aux gaz de combat. C'est d'ailleurs pour cette raison que je pense que les armées d'humanoïdes utiliseraient systématiquement les gaz de combat.

3. Les humanoïdes permettent de compenser une faible population, ou une population vieillissante. Un État peu peuplé, mais riche, pourrait acheter des centaines de milliers, voire des millions d'humanoïdes, pour servir dans son armée ou travailler dans ses mines, ses fermes et ses usines.

4. Les humanoïdes, s'ils sont armés, permettent à une minorité (politique, ethnique ou religieuse) de rester au pouvoir malgré l'hostilité de la majorité.

Les pays les moins susceptibles de faire appel aux humanoïdes seraient ceux qui n'ont pas de problème de manque de main-d'œuvre, qui sont relativement prospères, et dont la population est relativement jeune et homogène. Ce seraient aussi les pays où l'opinion publique compte vraiment, contrairement à ceux où une minorité de ploutocrates, de princes ou de cadres du parti au pouvoir imposent leurs décisions à la majorité.


Dernière édition par Vilko le Ven 22 Mai 2015 - 22:39, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyVen 22 Mai 2015 - 21:02

Vilko a écrit:
On voit que camionneur (truck driver) l'emporte haut la main dans la majorité des États, suivi de près par programmeur (software developer). Suivent diverses professions, dans le commerce de détail, les services à la clientèle, le secrétariat, l'agriculteur, ou l'enseignement primaire. Toutes ces professions pourraient être exercées par des humanoïdes, surtout camionneur et fermier.

Avec une exception : cuisinier, profession la plus commune sur l'île d'Hawaii. Mais cette exception est seulement partielle : les humanoïdes, même dépourvus du sens gustatif et de l'odorat, peuvent faire la cuisine sous le contrôle d'un humain.

Si les humanoïdes existaient, ils élimineraient les humains du monde du travail.
Faut voir... Si Comme le Mnar les USA empêchaient aux humanoïdes de conduire des véhicules non guidés, ça changerait pas grand chose.

Vilko a écrit:
Les sociétés à la fois prospères et démocratiques considèrent la prostitution comme dégradante pour les humains. Lorsque ce sont des humanoïdes qui la pratiquent, elle perd son aspect sordide, car les humanoïdes ne sont pas des humains, mais des machines ressemblant aux humains.
Faut y voir là une bonne dose de "cul-bénisme" et d'hypocrisie !!! Si on considérait la prostitution comme un service à la personne comme un autre (médecin, assistant social, taxi, coiffeur, voyant, kiné, baby-sitter et j'en passe) on n'en serait pas là, mais on a un lourd héritage judéo-chrétien à supporter (et que même les non adeptes de ces religions doivent supporter*).





*La religion musulmane, issue elle aussi du judaïsme (suffit de lire les prénoms pour s'en rend'compte!) n'est pas mal non scratch , plus dans c'domaine !

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptyVen 22 Mai 2015 - 22:11

Anoev a écrit:
Si on considérait la prostitution comme un service à la personne comme un autre (médecin, assistant social, taxi, coiffeur, voyant, kiné, baby-sitter et j'en passe) on n'en serait pas là, mais on a un lourd héritage judéo-chrétien à supporter (et que même les non adeptes de ces religions doivent supporter*).
À mon humble avis, c'est pas sûr du tout. Les pays où le marxisme était l'idéologie officielle (URSS, Chine maoïste, Cuba, Corée du Nord, etc) ont tous supprimé la prostitution. Ce n'est surement pas à cause d'un héritage judéo-chrétien ou islamique. Surtout en Chine et en Corée du Nord, deux pays où l'immense majorité de la population a toujours été taoïste (Chine) ou bouddhiste (Chine et Corée).

En Suède, c'est le mouvement féministe qui est à l'origine de l'interdiction de la prostitution, en considérant le client comme un délinquant. À ma connaissance, le mouvement féministe (représenté chez nous, sous une forme extrême, par les Femens) n'a rien de judéo-chrétien. Le mouvement Femen est, du moins d'après Caroline Fourest, qui le connaît très bien, d'inspiration marxiste. C'est pourquoi il est à la fois antireligieux et anti-prostitution.

La prostitution, en fait, c'est du capitalisme sous sa forme la plus brutale : seul compte l'argent, la dignité humaine passe au second plan. Les idéologies qui veulent restaurer la dignité humaine même chez les plus humbles (christianisme, marxisme, humanisme, et certaines variantes de l'islam) sont très hostiles à la prostitution.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptySam 23 Mai 2015 - 0:02

Comment expliques-tu alors le cas des Pays-Bas, et puis l'État de Névada (USA) ?


Pour ce qui est des pays staliniens et post-staliniens (ne pas oublier que Staline était séminariste avant d'"entrer en Politique", comme on dit), c'est bien simple : ils interdisait toute sexualité qui n'était pas dans la norme : à savoir produire des futurs travailleurs-militants-combattants-qui-devaient-assurer-la-victoire-du-socialisme (ce mythe du militant-combattant est d'ailleurs commun au stalinisme et au fascisme : cf les discours idéologiques de Mussolini). Seulement, même si malheureusement l'Histoire a décidé (2me guerre mondiale, mais pas seulement) que les pays à socialisme "réel" ont eu pour base l'organisation stalinienne (sauf la Yougoslavie de Tito), ces directives liberticides n'étaient pas la base du marxisme. Du reste, à ma connaissance, Marx n'a pas trop théorisé sur la liberté sexuelle : c'était pas trop son époque, même s'il fut à peu près le contemporain de Freud. On pourrait s'évader comme ça très loin... mais ça nous mènerait très loin... du sujet. Si j'ai parlé du judéochristianisme, c'est notamment parce que ces deux religions étaient beaucoup moins tolérantes que les religions gréco-romaines qui les avaient précédées (Rome, au temps de la République, était assez sévère, mes les mœurs se relâchèrent au début de l'Empire, puis se redurcirent à l'époque du premier empereur romain chrétien : Constantin).


En fait, ce n'est pas tant les prestations sexuelles rémunérées qui sont avilissantes, mais l'esclavage QUEL QU'IL SOIT. Nos bons penseurs (combien y a-t-il de clients parmi eux ?) fustigent à qui mieux-mieux la prostitution comme esclavage sexuel, mais font preuve de beaucoup de mansuétude vis à vis de l'esclavage "propre" sur lequel s'appuient des secteurs entiers comme l'habillement ou le BTP ! Quant à l'interdiction de la prostitution en Suède, elle est due au principe que la sexualité doit être un acte gracieux (gratuit).

Dieu (lequel ? Pas ceux qu'on vient de citer, en tout cas) a inventé la prostitution pour que les moches et les invalides puissent faire l'amour. Pour revenir au sujet, ils seraient comblés avec les antropoïdes prostitués parce que ceux-ci n'auraient aucune moue de répulsion au moment où les deux partenaires s'installent pour les ébats.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptySam 23 Mai 2015 - 0:38

Anoev a écrit:
Comment expliques-tu alors le cas des Pays-Bas, et puis l'État de Névada (USA) ?
Ce sont deux États où l'influence des religions et du marxisme est très faible, mais où la mentalité mercantiliste est très forte. Le commerce maritime a fait la prospérité des Pays-Bas, et l'économie du Névada dépend largement de Las Vegas et de ses casinos. Les Pays-Bas et le Névada n'ont jamais été sous une influence religieuse forte, ce qui a d'ailleurs permis aux Pays-Bas de devenir un refuge pour les libres-penseurs de toute l'Europe, et au Névada de légaliser la prostitution (comme à Amsterdam). Et bien sûr les Pays-Bas et le Névada n'ont jamais eu de gouvernement marxiste.

Car, comme disait Lénine : "Les excès dans la vie sexuelle sont un signe de dégénérescence bourgeoise."

Anoev a écrit:
Dieu (lequel ? Pas ceux qu'on vient de citer, en tout cas) a inventé la prostitution pour que les moches et les invalides puissent faire l'amour.
Mais pas les pauvres, puisque, par définition, il faut payer les prostituées. La vie est dure pour ceux qui sont à la fois moches, invalides et pauvres...

Anoev a écrit:
Pour revenir au sujet, ils seraient comblés avec les antropoïdes prostitués parce que ceux-ci n'auraient aucune moue de répulsion au moment où les deux partenaires s'installent pour les ébats.
C'est l'une des raisons pour lesquelles les fembotniks et les manbotchicks tendent, avec le temps, à se sentir plus proches des humanoïdes que de leur communauté humaine d'origine.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptySam 23 Mai 2015 - 1:00

Vilko a écrit:
Car, comme disait Lénine : "Les excès dans la vie sexuelle sont un signe de dégénérescence bourgeoise."
Les excès, oui, Le tout étant de savoir où commencent les excès et les abus. Les puritains disent : dès lors qu'on pense au plaisir et non dans le simple but de la reproduction". D'autres (avec lesquels je m'associe) disent : "il y a excès et abus dès lors qu'on se sert de la sexualité non plus pour le recherche de plaisir (partagé, sauf dans le cas de la masturbation), mais comme un moyen de pouvoir et de domination sur l'autre, quel(le) qu'il (elle) soit". Quand on a bien spécifié les bornes, alors on sait où on en est et on peut causer d'excès.


Vilko a écrit:
La vie est dure pour ceux qui sont à la fois moches, invalides et pauvres...
Les filles de Dieu (les religieuses) devraient penser à eux de la manière dont on suppose. Donner de l'amour divin, ce pourrait être aussi ça. Ou bien alors, une prestation sexuelle par mois devrait être remboursée par la sécu (hélas, même en Aneuf, y z'ont pas prévu ça ! Crying or Very sad ).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptySam 23 Mai 2015 - 8:41

Sans que cela préjuge de mon opinion, là-dessus, je vous donne la situation à Algard:

officiellement (lois royales) elle est réprouvée pour des raisons religieuses, l'influence du clergé de l'Eglise de Lerya prône le sexe c'est avec son partenaire (par contre pas obligé d'être marié, faut pas blesser Frelya, la déesse infidèle ^^) pas avec un(e) inconnu(e) et en plus rétribué...


Mais dans les faits, il suffit de zones de non-droit pour que cela ne soit plus vrai: si Almein et Masen sont épargnées, ce phénomène touche :

-Lamia : certaines zones paupérisées, voient apparaitre des prostituées : prêtes à tout pour ramener de quoi survivre...(il s'agit en général de campagnardes venues à la ville mais n'ayant pas trouvé d'emploi)

-Farr : La Ville de non-droit par excellence, l'ancienne capitale Mernienne est gangrénée par des gangs et trafics dont de jeunes femmes...dans des réseaux de prostitution...(des rumeurs parlent même de femmes vampires, célèbres pour leur beauté, insérées dans ces réseaux...)

-Harvtsa : le phénomène est marginal mais je vais expliquer comment il est apparu : il ne touche pas la classe moyenne ou basse mais concerne ... la famille GREMORY...

la philosophie Gremory de la recherche du plaisir dans l'amour avait réussi à rester morale :  ce plaisir était entre les époux pas de relation extra-conjugale sous peine de bannissement de la famille si c'est avéré: la famille Gremory ne voulait pas passer pour une famille de débauchés et de luxure...

cepedant, les hommes et femmes célibataires ne voulant pas se marier sont pas concernés : ils peuvent entretenir des rapports entre eux (mais pas avec des personnes déjà mariées...) sans que cela ne soit réprouvé...

Mais une "branche" de cette famille n'a pas fait comme les autres... un certain Phileas Gremory (éloigné de la branche principale) était un homm  célibataire luxurieux et violent : les femmes Gremory finirent par le fuir et il se "rabattit" sur les domestiques (viol ou relations consenties sous pression, la limite est floue)... Mais il en voulait plus et eut l'idée d'une maison close à Harvtsa...
Elle existe toujours et son petit-fils la gère dans le secret total...

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 8 EmptySam 23 Mai 2015 - 9:11

Anoev a écrit:
Les excès, oui, Le tout étant de savoir où commencent les excès et les abus.
Je suis sûr que pour Lénine, les excès commençaient au-delà de trois fois par semaine, et pour Staline, au-delà de deux fois.

Anoev a écrit:
une prestation sexuelle par mois devrait être remboursée par la sécu
Tiens, je me demande si dans le Velcheland, un psy ne pourrait pas prescrire une "séance de thérapie physique" avec un(e) humanoïde pour l'équilibre psychologique de certains malades. Mais les temps sont durs, on peut considérer que ce genre de soins n'a pas à être payé par le contribuable.

Je pense qu'une partie de l'attrait des gynoïdes de charme tiendrait au fait que, lorsque le client paye pour un service d'une heure, pendant cette heure-là il est aussi écouté et dorloté.

Il paraît qu'un français sur dix est si seul qu'il a moins de trois conversations personnelles par an. Lien. Les cybercerveaux du Velcheland ont trouvé une solution, du moins pour ceux qui sont reliés à Internet et qui disposent d'une carte de crédit :

Ils peuvent se connecter sur le site "Un Repas Virtuel Avec L'Ami Virtuel", URVALAV.

Le client se connecte sur le site d'URVALAV, et choisit l'ami(e) avec qui il déjeunera (ou dinera, suivant l'heure). URVALAV a plusieurs centaines de personnages virtuels disponibles, ayant toute une gamme d'opinions politiques et philosophiques, dans le cadre des lois en vigueur (certaines opinions étant illégales, comme chacun le sait). Certains préfèrent Kendra Korpank, la militante de gauche, d'autres préfèrent Brad, le journaliste populiste et ancien baroudeur.

Le client a posé son plateau-repas devant l'écran de son ordinateur ou de sa tablette électronique. Sur son écran, il voit le personnage virtuel avec qui il va déjeuner et avoir une conversation qu'il espère intéressante.

Sur l'écran, Brad (ou Kendra) est montré de face, sur le point de déjeuner. Le client a entré son pseudonyme et le personnage virtuel, qui est une création d'un cybercerveau, lui parle. Le cybercerveau se souviendra du pseudonyme et du mot de passe du client, qui lui permettent de le reconnaître, et donc de faire en sorte que chaque nouvelle conversation soit plus approfondie que la précédente, comme avec un ami que l'on connaît depuis longtemps.

Le client a le droit de fabuler, de changer les noms, etc. S'il révèle au cybercerveau qu'il fraude le fisc ou qu'il a braqué une banque, le cybercerveau ne fera rien car il est obligé par contrat de présumer que le client fabule.

Les connections Internet étant piratables, il est recommandé aux clients de prévoir des pseudos pour les personnes dont ils citeront les noms. Quelqu'un qui travaille pour la Société des Conserves Velchelandaises, par exemple, dira qu'il est employé chez Dugenou. Il ne donnera pas le vrai nom d'un collègue insupportable, il dira Gustave. S'il donne les vraies identités, c'est à ses risques et périls.

Les conversations n'ont pas nécessairement lieu dans le cadre d'un repas. Elles peuvent aussi avoir lieu dans des lieux virtuels : une salle de séjour, un bureau, un café...

Il n'est pas nécessaire que le client dispose d'une webcam. Il donne simplement une description de lui-même, éventuellement en changeant quelques détails. Il est toutefois recommandé d'activer la webcam pendant les conversations, afin que le cybercerveau puisse lire le langage corporel du client.

Le cybercerveau dispose d'une puissance cérébrale bien supérieure à celle d'un humain, et on peut lui demander conseil sur à peu près tout, du bricolage jusqu'à l'extrusion des polymères, mais il est surtout spécialisé en psychologie pratique.

Effets négatifs du système URVALAV : les habitués du système finissent par se désintéresser des contacts avec les vrais humains et aggravent, en fait, leur solitude, tout en supprimant la souffrance liée à cette solitude.

Toutefois, un usage modéré du système URVALAV stimule la réflexion (le cybercerveau a des idées auxquelles on n'aurait pas nécessairement pensé), atténue le sentiment d'être rejeté ou mis à l'écart, et aide à exprimer en paroles ses sentiments profonds. Il permet aussi de se libérer des choses auxquelles on pense sans arrêt mais qu'on préfère ne pas révéler à son entourage.

Un client qui, par exemple, pense sans arrêt au fait qu'il a volé de l'argent dans la caisse de son entreprise, s'en libérera en en parlant à Brad, l'ami virtuel qui en a entendu d'autres. Brad l'ancien baroudeur ne lui conseillera pas d'aller tout raconter à son patron, qui le mettrait sur le champ à la porte et préviendrait la police. La crédibilité du système URVALAV lui impose de donner des conseils qui vont vraiment dans l'intérêt du client.

bedal a écrit:
Mais il en voulait plus et eut l'idée d'une maison close à Harvtsa...
La maison close lui rapporte de l'argent, pas du sexe, à moins qu'il ne s'agisse en fait d'un harem secret. Qui dit maison close dit clients, donc l'existence de la maison en question est connue, au moins dans un certain milieu.


Dernière édition par Vilko le Sam 23 Mai 2015 - 9:45, édité 2 fois
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