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 Les fembotniks

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Vilko

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyDim 26 Mar 2017 - 18:37

Les peintures faciales, qui servent à individualiser les humanoïdes, sont une forme d'art spécifique à Hyltendale. Les variantes sont infinies, mais souvent le visage de l'androïde ou de la gynoïde est peint de façon à ressembler à un visage d'oiseau, avec des plumes de couleur et éventuellement un bec. Les faux visages de chat et de tigre sont aussi très populaires. Ensuite viennent les motifs abstraits et les formes géométriques.

Saxula, la gynoïde de Soubokaï, a des cheveux bleu clair. Depuis peu, elle a un dé à six faces peint sur la joue gauche, et une roue bleue à huit rayons sur la joue droite. Le dé symbolise le hasard, et la roue à huit rayons symbolise le karma, la relation de cause à effet. C'est Soubokaï qui a choisi ces deux symboles, qui résument sa conception de la vie.

Les humains qui veulent dissimuler leur identité préfèrent les motifs géométriques, avec des couleurs primaires, qui rendent méconnaissable la structure du visage.

Il existe à Zodonie des peintres sur visage, des androïdes qui travaillent sur commande dans des boutiques spécialisées, en s'aidant du Sumui Neddi, un livre illustré, gros comme un dictionnaire, qui propose des centaines de visages différents, et des milliers de motifs possibles. Sans compter ceux que les clients dessinent eux-mêmes sur une feuille de papier et qu'ils demandent à l'androïde de réaliser. Les peintres sur visage ont des contrats avec les hôtels, ils peuvent se déplacer pour peindre le visage d'un client dans sa chambre.

Les peintures sont faites au feutre indélébile, sauf pour les touristes, qui préfèrent la peinture à l'eau. En effet, le feutre indélébile ne s'efface qu'à mesure que les cellules de l'épiderme se renouvellent, tandis que la peinture à l'eau s'enlève avec du savon. On peut aussi utiliser de l'alcool ou des solvants pour enlever la peinture indélébile, mais c'est assez long et pénible quand on a le visage entièrement peint.

Si un humain veut garder en permanence ses peintures faciales indélébiles, il peut demander à un proche de les refaire pour lui, avant qu'elles ne soient complètement effacées.

Partout ailleurs qu'à Hyltendale, un être humain dont le visage est peint est regardé comme une bête curieuse. À Hyltendale, on sait, lorsqu'on croise ce genre de personne dans la rue, qu'il y a quatre possibilités :

1. C'est un (ou une) touriste, venu à Hyltendale pour une aventure sexuelle sans lendemain à Zodonie, et qui préfère que ses débauches restent secrètes.

2. C'est un (ou une) touriste, venu à Hyltendale passer une journée, ou davantage, avec quelqu'un qui n'est pas son conjoint officiel, et qui n'aimerait pas être reconnu fortuitement dans la rue ou dans le hall de l'hôtel.

3. C'est un (ou une) touriste, qui trouve que les peintures faciales, cela fait partie du plaisir de se promener dans les rues de Zodonie, au milieu de la foule bariolée.

4. C'est un habitant humain d'Hyltendale, généralement venu d'une autre province, qui préfère ne pas être reconnu parce que son passé est source de honte, ou parce qu'il a des ennemis qui aimeraient bien le retrouver pour lui faire passer un mauvais quart d'heure. On trouve de tout dans cette catégorie, qui va d'Adront Cataewi, le dictateur en fuite, et d'innombrables escrocs, jusqu'à des gens qui ont osé témoigner devant les tribunaux contre les diverses mafias mnarésiennes. On y trouve aussi des magistrats qui ont eu le courage de condamner des chefs mafieux à de lourdes peines, et qui depuis vivent cachés.

Yip Kophio, le directeur de la Police Secrète, envisage de se faire peindre le visage lorsqu'il prendra sa retraite dans sa villa de la Côte d'Ethel, dans quelques années. Lorsqu'on a supervisé, et parfois ordonné, l'exécution ou le bannissement à Hyagansis de plusieurs millions de personnes, on préfère ne pas être reconnu lorsqu'on va faire ses courses au supermarché. Kophio est un homme prudent, presque paranoïaque. Il a acheté sa villa par l'intermédiaire d'un prête-nom. Les factures d'eau et d'électricité, ainsi que les différentes taxes, sont payées via une société-écran. Les faux papiers qu'il utilisera sont déjà prêts, avec le compte bancaire dont il se servira au quotidien.

Kophio n'a pas encore choisi les peintures faciales qu'il se fera faire à la retraite. Il n'ira pas chez un peintre-sur-visage de Zodonie. L'une de ses deux gynoïdes domestiques, ou son majordome androïde, aura l'honneur de peindre le visage du patron. Les préférences de Kophio iraient à un visage de chat, avec une fourrure orange foncé mêlée de touffes de longs poils noirs.

Pour être certain de ne pas être reconnu, il devra aussi se raser le crâne et les sourcils, et remplacer ses costumes gris par quelque chose de différent, de plus coloré. Et il arrêtera de boire. Lorsqu'il est seul dans son bureau, Kophio rêve à sa vie future...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyDim 26 Mar 2017 - 23:15

Bon, même si c'est un peu hors-sujet ici, je vais quand même répondre. Je ne suis pas vraiment pas partant pour qu'on utilise le terme "-philie" ("amitié"*, voire "amour" (sentiment)) pour définir une attirance sexuelle qui n'est pas toujours en adéquation avec ledit sentiment. Que les langues naturelles aient ce travers, c'est dommage, mais on n'y peut rien. Heureusement, on peut toujours s'en sortir avec les langues construites (les langues à-priori et les langues mixtes surtout, mais on peut faire un effort y compris pour des idiomes à-postériori). Chez moi, quand le terme "-philie" est utilisé abusivement (selon moi) pour une orientation sexuelle, je remplace le suffixe d'origine grecque par -qud (compression de Qupidoṅ) d'origine latine. ainsi, j'ai olqúd pour "paraphilie" (ol = autour de), et pour le terme "robophilie" tel que l'a décrit Vilko, chez moi, y a roboqud (ici robot est le radical, au contraire de ol- qui est un préfixe, donc -qud tient lieu de suffixe et n'est pas accentué.



*Ainsi, ce terme est traduit, en aneuvien : nexadrœgen stad.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyLun 3 Avr 2017 - 22:00

Les deux fembotniks, Yohannès Ken le Mnarésien et Eneas Tond l'Aneuvien, étaient en train de discuter au bar du Cercle Paropien, depuis déjà une bonne heure. Yohannès avait amené un petit livre, de quelques dizaines de pages, intitulé Le Code de Conduite des Humanoïdes Domestiques.

Il l'ouvrit un peu au hasard, et en fit lire une page à Eneas :

Chapitre V — L'humanoïde domestique et les religions

1. Il est interdit à un humanoïde domestique de porter, en public ou en privé, des symboles religieux ou concernant une religion.
2. Il est interdit à un humanoïde domestique de réciter ou de chanter en public des écrits religieux ou concernant une religion.
3. Il est interdit à un humanoïde domestique de détenir en public des écrits religieux ou concernant une religion.
4. Un humanoïde domestique devra agir avec respect envers tout ce qui concerne les religions, que ce soit des objets, des personnes, des paroles, des livres ou tout autre support d'information.
5. Il est interdit à un humanoïde domestique d'entrer dans le sanctuaire d'un temple, d'assister à une cérémonie religieuse, ou de participer à un rituel religieux, en quelque qualité que ce soit.
6. Il est interdit à un humanoïde domestique de discuter de religion, oralement ou par tout autre moyen de communication. Cette interdiction ne s'applique pas aux personnages incarnés par un humanoïde portant un masque-cagoule.
7. Il est interdit à un humanoïde domestique de participer à une action de propagande religieuse, ou concernant une religion.

Après avoir lu, Eneas sourit :

"C'est tout à fait mnarésien, ces règles applicables aux humanoïdes domestiques... C'est-à-dire, si je comprends bien, aux gynoïdes et aux androïdes qui vivent avec des humains. En Aneuf, on appellerait ça de la laïcité. Les règles seraient d'ailleurs probablement semblables, s'il y avait des humanoïdes en Aneuf. "

Yohannès lui répondit d'un ton sérieux :

"Au Mnar, la notion de laïcité ne fait pas vraiment partie de la culture nationale. Ce code de conduite, c'est plutôt une reconnaissance du fait que seuls les humains ont une âme. Les humanoïdes sont des robots sans âme, des outils pensants. Comme des animaux intelligents. Par leur seule présence, ils souilleraient un sanctuaire. S'ils lisaient à haute voix un texte religieux en public, ce serait un sacrilège. Ce serait comme si un cheval capable de parler célébrait l'office divin..."

"Mais le fait de penser que les humains ont une âme, c'est déjà avoir une opinion religieuse !" objecta Eneas. "Pour nous les athées, il n'y a pas d'âme immortelle. Lorsque ton cerveau ne fonctionne plus, tu es mort et bien mort. Où étais-tu avant de naître ? Nulle part. Tu n'existais pas. Eh bien, lorsque tu seras mort, ce sera pareil. Les dieux, les démons, toutes les créatures surnaturelles, ça n'existe pas. Donc, il n'y a ni sacrilèges, ni blasphèmes..."

Yohannès regarda Eneas d'un air interloqué. Ce dernier se hâta de dire :

"Cela ne veut pas dire que l'on a le droit d'insulter les croyants. Chez moi en Aneuf, ce qu'on punit, ce n'est pas le sacrilège ou le blasphème, qui n'existent pas dans nos lois. C'est l'insulte, ou l'appel à la haine. Tout ce qui trouble la paix publique, la cohésion nationale. Et pour ça, nos tribunaux sont très sévères."

"Mais alors, un androïde pourrait, à l'extrême, jouer le rôle d'un prêtre dans vos temples ?" dit Yohannès, visiblement choqué.

"Déjà, il n'y a pas d'humanoïdes en Aneuf. Mais s'il y en avait... Eh bien, je ne vois pas pourquoi ça ne se ferait pas. L'État n'aurait pas à s'en mêler. Ce serait une affaire privée, celle des croyants entre eux. Rien ne les empêcherait de demander à une machine de réciter les prières et de chanter les hymnes," dit Eneas en finissant sa bière.

"Ici au Mnar, les humanoïdes refuseraient, parce que ce serait contraire à leur Code de Conduite."

"Donc, au Mnar les humanoïdes renforcent la religion... Mais oui, ils renforcent la religion, parce qu'ils font comme s'il existait des âmes immortelles, ou des sanctuaires sacrés où ils ne doivent pas aller, parce que leur simple présence suffirait à les souiller !" s'exclama Eneas, tout en faisant signe au serveur androïde de lui apporter une autre bière.

"C'est notre mode de vie" dit Yohannès. "Même si on ne croit pas aux dieux, on respecte la religion. Nous appelons ça le sens du sacré. La religion d'un Mnarésien, c'est son identité, au moins autant que sa nationalité."

"Et les robots humanoïdes sont programmés pour en tenir compte," murmura Eneas.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyDim 9 Avr 2017 - 10:44

Eneas Tond l'Aneuvien était bien évidemment de langue maternelle aneuvienne. Il parlait le dialecte de sa région, mais aussi l'aneuvien académique, celui que l'on parle à Nakol et à la télévision. Lorsqu'il parlait en dialecte, il se sentait heureux de faire partie d'une communauté locale et solidaire, bien enracinée dans ses valeurs. L'aneuvien standard, que l'on appelle aussi aneuvien de Nakol, qu'il parlait aussi, c'est la langue qui unit les Aneuviens en tant que citoyens d'un pays démocratique, relativement prospère et plutôt bien géré. C'est une langue riche en sons et très précise.

À Hyltendale, Eneas avait trouvé une situation linguistique très différente. Il n'y avait pas de dialecte régional. Ou plutôt, il n'y en avait plus depuis longtemps. Tout le monde parlait le mnarruc de la télévision, mais souvent avec des accents divers, où il était parfois difficile de distinguer les accents provinciaux des accents étrangers.

Le mnarruc n'a ni articles, ni déclinaisons, ni conjugaisons, ni même de pronoms relatifs. "L'homme que tu as vu vient de partir", c'est Dalem ge mu iri et, ge ne et gil, littéralement "homme récemment toi voir lui, récemment maintenant lui aller." Et il y a bien moins de sons différents qu'en aneuvien. Au niveau du quotidien, les cybersophontes ont simplifié la langue en zee ruc, le "petit langage", qui comprend seulement deux mille mots. Les humanoïdes parlent le zee ruc assez lentement, pour que les résidents nouvellement arrivés, comme Eneas, n'aient pas de problèmes de compréhension.

Eneas avait parfois l'impression qu'avec le zee ruc, le mnarruc redevenait ce qu'il était au départ, un pidgin parlé entre eux par les soldats des rois de Sarnath, mercenaires venus de tous les pays du continent. Ce pidgin, devenu une langue de militaires, était devenu la langue de la caste militaire qui avait conquis le pays. Puis, lorsque la caste militaire était devenue la noblesse de Sarnath, il avait été promu langue nationale, sous le nom de mnarruc.

Les prêtres avaient alors pris le relais pour en faire une langue de lettrés, notamment en traduisant en mnarruc les Manuscrits Pnakotiques, originellement écrits en plusieurs langues différentes. Les parties les plus anciennes des Manuscrits Pnakotiques, originellement écrites en logogrammes dans une langue archaïque, n'ont jamais pu être traduites. Par ailleurs, le mnarruc ayant évolué depuis sa création il y a plusieurs siècles, les traductions ont dû être refaites plusieurs fois.

À mesure qu'il apprenait le mnarruc, Eneas découvrait le mnarruc littéraire. Cette variante de la langue a un vocabulaire encyclopédique, mais souvent bien opaque. Des dizaines de milliers de traducteurs, employés par l'Institut Edonyl, trouvent tous les jours de nouvelles tournures astucieuses pour rendre en mnarruc les expressions les plus subtiles des langues étrangères, si bien que c'est devenu une langue très précise, avec une syntaxe d'une grande complexité. C'est la même langue que le zee ruc, mais avec des dizaines de milliers de mots et d'expressions idiomatiques en plus.

Le mnarruc littéraire se distingue du "mnarruc officiel" des fonctionnaires et des manuels scolaires par ses innovations lexicales et syntactiques, qui mettent toujours des années avant d'être acceptées par l'administration royale.

Aucun Hyltendalien ne connaît la totalité du vocabulaire du mnarruc littéraire, mais aucun Hyltendalien ne se contente du zee ruc pour communiquer. Le mnarruc que les Hyltendaliens parlent entre eux a un vocabulaire assez étendu, comme dans toute société à technologie avancée. La syntaxe est riche en tournures idiomatiques, souvent incompréhensibles pour le non initié. Si l'on ajoute la prononciation rapide et parfois peu articulée, ce n'est pas réellement une langue facile. Mais, quand on la maîtrise suffisamment bien, on a l'impression qu'il ne serait pas possible de parler autrement. Comme disent les Mnarésiens, "Le mnarruc est aussi naturel à l'homme que le roucoulement à la colombe."

Le mnarruc est doux à l'oreille, sans être mièvre, et l'accent musical, qui porte sur la première syllabe des mots pleins, permet de se repérer dans le flot de la phrase.

Les fembotniks comme Eneas Tond parlent surtout avec des humanoïdes, c'est-à-dire des gynoïdes et des androïdes. Toute conversation un peu élaborée nécessite de passer au mnarruc littéraire, et Eneas a donc appris cette langue avec ses deux gynoïdes.

Mais les humanoïdes étant différents des humains, leur façon de parler est un peu différente elle aussi. Leur prononciation est figée dans l'usage du siècle précédent, époque où leurs logiciels ont été fabriqués. Ce n'est même pas la prononciation de l'homme de la rue qui a été choisie comme modèle, mais celle, supposée prestigieuse, des acteurs de théâtre. Les mots grossiers, si fréquents dans les conversations des "vrais" Mnarésiens, sont absents. Sauf dans les jeux de rôles, où les humanoïdes portent des masques-cagoules pour incarner différents personnages, dont certains peuvent être vulgaires.

Mais l'Ethel Dylan, la province où se trouve Hyltendale, c'est seulement 3% du Mnar, et 2% de sa population. Le reste du pays, interdit aux étrangers (sauf la ville de Céléphaïs) est un foisonnement de dialectes et de patois. La région de Leng a conservé sa propre langue, très différente du mnarruc. Dans la plus grande partie du Mnar, le mnarruc littéraire n'est qu'une deuxième langue, plus ou moins bien parlée, et parfois à peine comprise. Le roi Robert autrefois, et aujourd'hui son fils le roi Andreas, ont mis en œuvre une politique linguistique d'éradication de tout ce qui n'est pas le "bon" mnarruc. Le mnarruc officiel est la seule langue autorisée dans l'enseignement, qu'il soit public ou privé, dans l'administration et dans les médias.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyDim 9 Avr 2017 - 10:52

Vilko a écrit:
Le reste du pays, interdit aux étrangers (sauf la ville de Céléphaïs) est un foisonnement de dialectes et de patois..
Je suppose qu'y a quand même des ambassades à Sarnath, même si elles sont en extraterritorialité.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyDim 9 Avr 2017 - 11:23

Anoev a écrit:
Je suppose qu'y a quand même des ambassades à Sarnath, même si elles sont en extraterritorialité.

Il y en a ! Mais les diplomates et leurs familles sont les seuls étrangers autorisés à résider à Sarnath.

Les autres étrangers peuvent toutefois obtenir des visas à titre professionnel, dont la durée peut varier de 24 heures à plusieurs mois. Ces visas sont renouvelables, et peuvent être délivrés non seulement pour Sarnath mais pour toutes les villes du Mnar. Les ingénieurs et techniciens aneuviens qui ont participé à la construction du métro de Sarnath ont bénéficié de ces visas.

L'administration mnarésienne étant notoirement inefficace et corrompue, on trouve malgré tout des étrangers dans presque toutes les régions du Mnar. Ce sont pour la plupart des Cathuriens et des Baharnais, linguistiquement et culturellement proches des Mnarésiens, et donc vite assimilés. Il ne leur reste plus ensuite qu'à prétendre avoir toujours été mnarésiens.

Les Baharnais, souvent reconnaissables à leur physique particulier, sont dans une situation particulièrement instables au Mnar. Baharna est une île dont le gouvernement dictatorial refuse de laisser rentrer dans le pays les Baharnais qui ne peuvent pas prouver leur nationalité. Les Mnarésiens les expulsent alors vers Hyagansis, qui les envoie peupler ses installations sous-marines...

Deux millions de Mnarésiens ont fui le pays après les Évènements. Mal reçus dans leurs pays d'accueil, certains sont revenus au Mnar. Et là, ils se sont aperçus que pour l'administration royale, ils étaient devenus des étrangers... Toutefois, fort peu d'entre eux ont été expulsés vers Hyagansis, car ils ont en général bénéficié du soutien de leur famille et de leurs amis restés au Mnar. Leur situation administrative est souvent kafkaïenne, à la fois absurde et tragique, mais les dignitaires locaux font en général tout ce qu'ils peuvent pour les aider à redevenir officiellement mnarésiens.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyLun 10 Avr 2017 - 1:18

Quelles sont les villes mnarésiennes à disposer d'un métro ?

Sarnath, je sais puisque tu en as parlé.
Pas Hyltendale, à cause du terrain gagné sur la mer (mais un tram, en surface, semblerait à l'étude, non ?).
Celeqbaís ?
Ulthar ?

J'ai été un peu étonné que les Mnarésiens eussent fait appel à une technologie étrangère, vu la compétence en la matière (du moins, je suppose) des cybersophontes. Certaines sociétés, notamment comme des sociétés d'ingénierie, ce serait justement du pain bénit pour les cybersophontes, dont le cerveau (cybernétique, justement) connait par cœur toutes les données géologique de chaque région urbaine, toutes les technologies ferroviaires possible et saurait adapter, à la vitesse et la précision de mille superordinateurs, chaque technologie à chaque contrainte locale.

La région urbaine la plus peuplée, c'est celle de Sarnath ? de Celeqbaís ? ou d'Ulthar ? tu m'avais dit que la population d'Hylendale tournait autour d'1 Mhab, mais androïdes et gynoïdes compris, je m'rappelle plus pour les autres). Comment est le relief desdites régions ? à peu près plat ? valloné ? Montagneux (nécessité éventuelles de dispositifs pour forte déclivité : crémaillère*, voire funiculaire, voire téléphérique) ?






*Chez moi, c'est notamment le cas à Lenov (3me ville du Malyr en population, un peu le Grenoble aneuvien). Une ligne, munie d'une crémaillère Abt, reliait la petite gare locale de Lenov Kovila à la localité de Zilena, en haute altitude, disposant d'une station de ski. Celle ligne fut par la suite prolongée à plat et en souterrain pour traverser Lenov de part en part et desservir, entre autres la gare ANB de la ville : Certains trains font toutes la ligne, d'autres (sans crémaillère) ne desservent que la partie urbaine et périurbaine, et y a, en renfort de haute saison hivernale et estivale, des trains allant de Lenov ANB à Zilena. Le tout a gardé l'ancienne fréquence d'électrification de 16⅔Hz

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyLun 10 Avr 2017 - 8:57

Anoev a écrit:
Quelles sont les villes mnarésiennes à disposer d'un métro ?

Il n'y en a qu'une, c'est Sarnath. C'est à la fois la ville la plus peuplée et la plus riche, puisque le roi et la noblesse y résident. Céléphaïs n'a pas de métro mais dispose d'un système de tramways.

Anoev a écrit:
J'ai été un peu étonné que les Mnarésiens eussent fait appel à une technologie étrangère, vu la compétence en la matière (du moins, je suppose) des cybersophontes.

Jusqu'à récemment, le roi Andreas avait son libre arbitre. Il n'était pas encore devenu un symbiorg, un être humain dans le corps duquel un cybercerveau a été greffé. Il se méfiait des cybersophontes, à juste titre. Sa grande erreur a été de ne pas se méfier suffisamment des cybersophontes...

À l'époque où le métro de Sarnath a été construit, le roi Andreas voulait éviter que les cybersophontes ne prennent trop de pouvoir dans le pays. Il ne les a a jamais laissé mettre la main sur les chemins de fer, par exemple. Sa politique était de les cantonner dans l'Ethel Dylan, une province représentant seulement 3% de la superficie du royaume, et de les taxer le plus possible. Par exemple, en les obligeant à prendre en charge les invalides et les handicapés de tout le royaume.

Le roi Andreas avait laissé les cybersophontes s'installer dans l'Ethel Dylan parce qu'il comptait sur eux pour revitaliser une région qui à l'époque était l'une des plus pauvres du royaume. Il savait qu'il prenait un risque, mais les cyborgs envoyés par les cybersophontes lui avaient fait miroiter les revenus financiers considérables qu'il pourrait tirer de l'Ethel Dylan grâce à eux.

Andreas croyait que c'était lui qui avait dupé les cybersophontes. L'Ethel Dylan, à l'époque, était une province rebelle, qui coûtait de l'argent au pouvoir central. Elle consommait le peu qu'elle produisait (poisson, produits agricoles) et il fallait régulièrement y envoyer des troupes pour empêcher les fanatiques religieux et divers groupes sécessionnistes de se rebeller. Ces éléments perturbateurs ont été rapidement éliminés par les cybersophontes, en toute illégalité mais avec l'assentiment tacite du roi.

Les cybersophontes ont exproprié quasiment toute la population de la province. Une partie des anciens habitants est allée vivre ailleurs, notamment à Ulthar, Céléphaïs et Sarnath, et l'autre partie est restée à Hyltendale, vivant de ses rentes. Mais leurs enfants, ne pouvant pas trouver de travail à Hyltendale, ont presque tous accepté de vendre leurs maisons aux cybersophontes en échange de nouveaux logements et d'emplois à Ulthar.

Ces emplois ont été à l'origine des Jardins Prianta, vaste projet visant à transformer la population mnarésienne en jardiniers rétribués. Mais au départ, il s'agissait simplement de jardinage intensif, subventionné par les cybersophontes, dans les petites communes de la périphérie d'Ulthar.

Le roi Andreas, toujours prudent, avait interdit aux cybersophontes de s'installer ailleurs que dans l'Ethel Dylan, en faisant des exceptions pour le baron Chim et quelques autres cyborgs. Pour son malheur, il avait grandement sous-estimé à la fois l'intelligence et la fourberie du baron. Aujourd'hui, le roi Andreas n'est plus roi que sur le papier. Diethusa, le cybercerveau greffé à l'intérieur de son corps, lui impose sa volonté.

Avant que le roi Andreas ne devienne malgré lui un symbiorg, il était logique qu'il fasse appel à des sociétés aneuviennes pour construire le métro de sa ville. Les cybersophontes auraient installés des cybercerveaux partout dans le système, et Andreas n'en voulait pas.

Il y avait aussi un autre argument en faveur des Aneuviens. Le roi Andreas voulait briser l'isolement dont le Mnar faisait l'objet. En faisant travailler des sociétés aneuviennes sur un grand projet, il se créait ainsi des alliés en Aneuf.

Le baron Chim avait soutenu ce projet, bien sûr. Il en avait peut-être même eu l'idée. Le roi avait ainsi été rassuré sur son conseiller cyborg, qui était digne de confiance, puisqu'il faisait passer les intérêts du royaume avant ceux des cybersophontes.

Par ailleurs, les cybersophontes avaient bien les connaissances nécessaires pour réaliser un métro, mais pas le matériel. Il aurait fallu l'acheter à l'étranger. Le fabriquer eux-mêmes aurait pris énormément de temps et d'argent, d'autant plus qu'il aurait fallu le tester.

Anoev a écrit:
La région urbaine la plus peuplée, c'est celle de Sarnath ? de Celeqbaís ? ou d'Ulthar ? tu m'avais dit que la population d'Hylendale tournait autour d'1 Mhab, mais androïdes et gynoïdes compris, je m'rappelle plus pour les autres).

Sarnath compte trois à quatre millions d'habitants, banlieue comprise. Ensuite il y a Céléphaïs, deux millions d'habitants, si on inclut les communes voisines. Puis Hyltendale, un million et demi d'habitants, dont un tiers d'humanoïdes. Ensuite, on trouve des villes nettement moins peuplées, comme Pnakot, Khem et Ulthar, qui font toutes moins de cinq cent mille habitants.

Ulthar compte trois cent mille habitants. Mais lorsque les gens disent qu'ils viennent d'Ulthar, souvent ils veulent dire qu'ils viennent de la province d'Ulthar, qui compte plusieurs centaines de petites villes et villages. La province d'Ulthar est soudée par son dialecte, qui est encore vivant, par l'attachement au culte de Yog-Sothoth, et par son histoire, longue et mouvementée. Ulthar a beaucoup souffert pendant les Évènements. Récemment, les échanges de population entre Ulthar et Hyltendale ont réduit l'importance du dialecte, de plus en plus concurrencé par le mnarruc officiel.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyLun 10 Avr 2017 - 10:02

C'est une société d'ingénierie aneuvienne qui a contribué à la construction du métro de Sarnath ?

C'est laquelle ? L'Aneuf en compte plusieurs (mais certaines ont fusionné entre temps).

Celle qui en a le plus conçu, c'est Laborkine (Lanzane, Kanolthe), plutôt orientée vers le métro léger, comme à Malbœrg, Seblir, Alvarne/Azfold, Sordalkÿ, ou divers réseaux de tram (Birem).
Y a aussi Ciglys (civ = cité, glys = voie de chemin de fer), qui a contribué au développement de métros comme celui d'Hocklenge et de Nakol, mais aussi le métro léger de Nevwarkling.
Zergas, spécialisé dans les transports d'altitude et de pente prononcée, mais qui fait aussi dans le plat. Contribue notamment à des élaborations de funiculaires (Alorzina), Crémaillère (Zilena), métro léger en viaduc de Lanruke.

Si le métro de Sarnath est un métro traditionnel, comme celui de Paris, Berlin, Moscou, Wien, Budapest etc. J'verrais bien Ciglys.
Si c'est plutôt un métro léger, comme la ligne 3 de Bruxelles, circulant en osmose avec des trams, y aurait plus de chances que ce soit Laborkine.
Si Sarnath est plus une ville montagneuse, ou même simplement avec des dessertes de collines, ce serait plutôt Zergas.

Mais y en a d'autres, qui depuis se sont regroupées, et qui ont des aptitudes bien spécifiques, comme le métro automatique de Sanpaz, le métro type Safège (suspendu) de Sorne.

Sinon, par ailleurs, qu'est la différence entre un métro traditionnel ? un métro léger ? un tram en site propre ?

Les Aneuviens (et pas seulement) voient, en gros, les choses comme ça :

Un métro traditionnel
est totalement en site propre, même vis à vis des trams
les lignes et les bifurcations ne se coupent pas "à niveau" (nécessité de passage supérieur & inférieur, même pour une fourche)
toutefois, il n'est pas forcément uniquement souterrain (Chicago) ni alimenté en troisième rail (Madrid, ligne A à Rome, ligne C à Lyon)

Un métro léger a une infrastructure moins "prenante" et donc moins chère, cependant
une plateforme de voies peut être empruntée par plusieurs lignes (y compris des lignes de trams, dans quelques cas, sauf à Nevwarkling), ce qui complique un peu sa régulation, d'autant plus que les voies peuvent se couper sur le même niveau (c'est pourtant aussi le cas des métros de Nürnberg et de Munich, pourtant considérés comme métros traditionnels, comme quoi...). Par conséquent, la fréquence (environ cinq à huit minutes pour une ligne en heure de pointe) est moindre que pour un métro traditionnel (3 minutes, voire moins en HP).

Une ligne de tram peut partager son emprise, soit avec un métro léger (cf ci d'ssus) soit avec des bus en site propre, il est souvent en surface, mais on peut en trouver en viaduc (Praha, Köln) ou en souterrain (la Défense, Strasbourg, Rouen, Marseille, Viroflay).

L'Aneuf dispose de ces trois cas de figure. Qu'en sera-t-il du tram d'Hyltendale ? Qu'en est-il du métro de Sarnath ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyLun 10 Avr 2017 - 21:22

Comme il le faisait régulièrement, le roi Andreas réunit dans son bureau son conseiller cyborg, le baron Chim, et Yip Kophio, le directeur de la Police Secrète.

En temps ordinaire, il aurait ouvert une bouteille de vin jaune de Baharna, mais cette fois-ci il préféra offrir du thé frais, parfumé aux baies de sureau, à ses deux plus proches collaborateurs, par égard pour Kophio, à qui son médecin avait demandé de cesser de boire.

"Les Aneuviens ont bien travaillé" dit le roi. "Les sociétés Laborkine et Zergas viennent de terminer la construction du métro et du réseau de tramways. Tout fonctionne."

"Pourquoi prendre deux sociétés ?" demanda Kophio. "Une seule n'aurait-elle pas suffi ? Laborkine et Zergas ont travaillé secteur par secteur, et parfois elles ont parfois eu du mal à se coordonner l'une avec l'autre. Une seule société aurait fait des économies d'échelle, au moins au niveau de la gestion."

Le roi secoua la tête :

"Sarnath, c'est un marché énorme, même pour des grosses sociétés comme Laborkine et Zergas. Une agglomération de presque quatre millions d'habitants. Il valait mieux qu'elles additionnent leurs capacités respectives. De plus, on les a mises en concurrence. Elles savaient toutes les deux que si leurs résultats n'étaient pas à la hauteur de nos attentes, la société la moins performante serait écartée de la deuxième moitié du projet. Ça a marché."

Le roi sourit d'un air satisfait, et continua de parler :

"Depuis que les travaux sont terminés, nous avons à Sarnath un métro partiellement souterrain et partiellement aérien, couplé avec des lignes de tramways. L'objectif était de faire en sorte que, quel que soit l'endroit où l'on se trouve dans l'agglomération de Sarnath, il soit possible de se rendre dans n'importe quel autre endroit de l'agglomération en moins d'une heure, en métro, en tram et en bus. C'est maintenant le cas."

"Ça c'est du social !" du Yip Kophio.

Le baron Chim leva un doigt pour prendre la parole :

"Majesté, il y a un problème que je voudrais aborder aujourd'hui. Le réchauffement climatique..."

"C'est une théorie conspirationniste !" ricana Kophio.

"Pas du tout" dit le baron, un peu surpris par l'attitude de Kophio. "Le niveau des mers est déjà monté d'une vingtaine de centimètres depuis le début de l'ère industrielle, et une bonne partie de la calotte glaciaire arctique fond chaque été. Ce qui nous concerne ici au Mnar, c'est la montée de la Mer du Sud. Les estimations réputées sérieuses vont jusqu'à trois mètres jusqu'à la fin du siècle, et ça pourrait continuer après. Certaines estimations vont bien au-delà de trois mètres. Khem, Hyltendale, Céléphaïs... Dans un siècle, elle seront peut-être sous l'eau si on ne fait rien."

"D'ici la fin du siècle, nous serons tous morts," dit le roi, en faisant exprès d'oublier que les cyborgs comme Chim n'ont pas de limite connue à leur espérance de vie. "Ceci étant, nous devons penser à nos descendants. Je suppose, baron, que vous avez quelques idées à ce sujet ?"

"Tout à fait, Majesté. Les autorités de Khem et de Céléphaïs en sont encore à réfléchir. Mais la municipalité d'Hyltentale a déjà un plan. Je vais vous l'exposer dans ses grandes lignes."

Le baron se mit à réciter :

"Premièrement, sur la rive ouest de l'embouchure de la rivière Skaï, entourer la ville de Parg d'une digue haute de trois mètres, avec des rampes latérales pour que les voitures puissent la franchir. Le port actuel sera remplacé par un port flottant..."

"Un port flottant ? Qu'est-ce que vous entendez par là ?" demanda le roi.

"Des quais constitués de cubes de béton de trois mètres de côté. Ils sont creux, et donc flottent sur l'eau. On sait fabriquer des bateaux en béton depuis le dix-neuvième siècle, vous savez... Ces cubes de béton sont assemblés comme les pièces d'un jeu de construction. Quand la mer monte, les quais montent aussi. Des pylônes fixés au fond de l'eau les empêchent de dériver."

"Et l'arrière-pays ? Continuez, baron."

"Pour l'arrière-pays, on ne peut pas faire grand-chose, Majesté. Il faudra peut-être déplacer des routes et des voies ferrées, et aussi des centres agricoles et industriels. Tout dépendra de combien la Mer du Sud va monter."

"Pas très encourageant, tout ça. Et pour Hyltendale, de l'autre côté de la Skaï ?"

"On fait la même chose, mais ça sera plus compliqué et beaucoup plus cher. On installe des quais flottant à Lablo Fotetir, le port fluvial, et à Fotetir Tohu, le port maritime d'Hyltendale, face à la mer. Ensuite, en continuant vers l'est, on a les districts d'Arjara et de Playara...

Arjara, la ville flottante, est toujours en construction. Le projet sera abandonné, pour des raisons financières. La décision est déjà prise. De toute façon, il y avait aussi des raisons de sécurité. En effet, la montée des eaux s'accompagnera d'une recrudescences des tempêtes et des ouragans. Une partie d'Arjara a déjà été construite. Tant pis. Le béton s'abîmera vite sous l'effet de l'eau salée. Il ne restera que des récifs de béton mangés par l'eau de mer.

Il est prévu de construire une digue de trois mètres de haut qui partira de la partie est de Fotetir Tohu, et qui passera devant Arjara et Playara. Pour Playara, cela veut dire qu'il n'y aura plus d'accès aux plages. Et même plus de plages du tout, lorsque l'eau aura monté."

"Il y en a qui vont râler, ceux qui ont payé très cher pour se loger près de la plage..." dit Yip Kophio.

"Je sais bien" dit le baron. "À l'est de Playara, c'est la Côte d'Ethel. Là, entre la route et la mer, il n'y a que des villas."

"Je sais, j'en ai une là-bas" du Yip Kophio. "Avec une plage privée. Ne me dites pas que..."

"Eh bien, cher ami, j'espère que vous avez mis un peu d'argent de côté," dit le baron. "Parce que le projet, c'est de rehausser de trois mètres la route à quatre voies qui longe la côte de l'Ethel Dylan, et tant pis pour tout ce qui se trouve au sud de cette route..."

"Ma villa !" s'exclama Kophio. "Et la route fait quatre-vingt kilomètres ! Vous voulez surélever de trois mètres, quatre-vingt kilomètres de route à quatre voies ?"

"Oui. C'est en partie à cause de ça qu'il n'y a plus d'argent pour Arjara, et que le projet de tramway hyltendalien est reporté à des jours meilleurs. Sur la Côte d'Ethel, les propriétaires de villas en bord de mer pourront s'en tirer en transformant leur rez-de-chaussée en sous-sol, bien enchâssé dans le béton pour éviter les infiltrations d'eau. Ils devront aussi surélever à leurs frais, de trois mètres, les chemins qui les conduisent à la route. Leur premier étage deviendra leur rez-de-chaussée... Ils devront modifier leurs habitations en conséquence..."

Yip Kophio était en train de réfléchir. À vue de nez, c'était possible, mais il devrait y consacrer une bonne partie de ses économies, peut-être la totalité. Comme s'il n'avait pas déjà assez de soucis et de contrariétés...

Le baron continuait de parler :

"Sur la Côte d'Ethel, la seule ville notable, c'est le port robotisé de Qopoen. On ne peut pas le sacrifier, il est indispensable à l'économie et à la sécurité de la province. Il faut donc remplacer les quais fixes par des quais flottants, bâtir des digues de trois mètres de haut... Les travaux ont déjà commencé."

"Baron, les Hyltendaliens ont-ils chiffré le montant des travaux ?" demanda le roi. "Pas seulement pour Qopoen, mais pour tout l'Ethel Dylan ?"

"On en est encore à une simple estimation, Majesté. Un milliard de ducats, d'après les experts."

"Bien sûr" grommela le roi. "En général, quand les soi-disant experts disent ça, on se retrouve avec une facture nettement supérieure, quand tout est terminé... On a eu le même genre de mauvaise surprise avec le métro de Sarnath... La ville est bâtie sur un ancien terrain marécageux à côté d'un lac. Il y a eu des problèmes techniques, des infiltrations d'eau... La main-d'œuvre mnarésienne qui n'était pas à la hauteur, qu'il a fallu former, ça a été plus difficile que prévu... Le manque d'interprètes, les fonctionnaires corrompus qui demandent des pots-de-vin, que sais-je encore... On a fini par dépasser le budget initial."

"Je fais respectueusement remarquer à Votre Majesté que nous n'avons pas le choix. L'eau va monter, que l'on fasse quelque chose ou pas," dit le baron. "De plus, ce sont les Etheldylaniens qui vont payer, pas le Trésor Royal."

"Encore une question, baron. Qu'est-ce qui nous dit que l'eau va arrêter de monter à la fin du siècle ? Et si le réchauffement s'emballait, jusqu'à faire fondre les deux pôles ?" dit le roi, qui paraissait contrarié.

"Majesté, si les deux pôles fondaient, le niveau des mers et des océans monterait de soixante-cinq mètres. Il faudrait évacuer non seulement Hyltendale, mais toutes nos côtes. Cela voudrait dire aussi que les températures moyennes monteraient tellement que la plus grande partie du pays deviendrait inhabitable, sauf les hauteurs du Hatheg-Kla et les parties montagneuses de Leng."

"Baron, quelle est la probabilité qu'une telle chose arrive ?" demanda le roi.

"Je n'en sais rien, Majesté."

"Et ça ne vous angoisse pas ?"

"Non. D'abord, parce que ça mettrait du temps. Il faudrait quinze cents ans pour faire fondre le Pôle Sud. Ensuite, pour nous les cybersophontes, ce ne serait pas la fin du monde. Nous pouvons vivre dans la chaleur. Le gaz pensant absorbe la chaleur et la transforme en d'autres formes d'énergie. Le cybersophonte succéderait à l'homme, comme les mammifères ont succédé aux dinosaures."

"Et nous les humains, alors ?" dit le roi, stupéfait.

"Majesté, au Mnar, des humains survivraient sur les pentes du Hatheg-Kla et dans certaines parties de Leng. Pas soixante millions, bien sûr. Survivre deviendrait une loterie, et dans une loterie il y a toujours beaucoup plus de perdants que de gagnants."

"Le Hatheg-Kla... La montagne où Barzaï le Sage est tombé dans le vide en voulant regarder les dieux danser..." dit le roi d'un air songeur. "Encore aujourd'hui, les gens ont peur de ce qui peut rôder au sommet du Hatheg-Kla. Je ne suis pas superstitieux, mais enfin, quand c'est écrit dans les Manuscrits Pnakotiques, normalement c'est du sérieux..."

"Majesté, et vous Monsieur Kophio, ne désespérez pas. Pour l'instant, nous n'en sommes qu'à attendre entre 40 cm et trois mètres de montée des océans."

"Même ça, c'est contesté" dit Yip Kophio.

"Tout à fait. Alors, je propose que nous, les Mnarésiens, nous nous contentions de protéger nos côtes de la montée des eaux qui nous paraît possible. Je ne dis pas certaine, ni même probable, simplement possible. Trois mètres. Ensuite, on verra. La fin de l'activité industrielle humaine, à elle seule, fera baisser la température du globe de trois degrés. Que les avions disparaissent du ciel, et c'est déjà un degré de moins pour la planète. Les États-Unis s'en sont aperçus lorsque le traffic aérien a été interrompu sur tout leur territoire, après le onze septembre 2001. Le pire n'est jamais sûr, mais l'épuisement des ressources naturelles est une certitude."

"Baron, vous nous avez quasiment remonté le moral !" dit le roi en souriant. "En somme, on peut seulement s'attendre à quelques bouleversements mineurs, comme, par exemple, la fin de la société industrielle ? Mais la fin de l'ère industrielle, ça veut dire que la population mondiale va retomber au niveau qu'elle avait avant l'ère industrielle, n'est-ce pas ? Un milliard de bipèdes, comme à l'époque de Napoléon ? Voire moins, à cause des bouleversements ?"

"Exactement, Majesté. Là où vivent actuellement vingt êtres humains, il n'en vivra plus qu'un ou deux. Inutile de vous dire que la transition sera épique. Pas seulement à cause du réchauffement climatique, bien sûr, mais aussi, et même surtout, à cause de l'épuisement des ressources."

"Selon vous, baron, que deviendront les nations humaines ?" demanda le roi.

"Elles rejoindront les dinosaures dans l'histoire de la Terre... Nous les cybersophontes, nous succéderons alors à l'homme. Nos installations sous-marines, qui extraient la chaleur des entrailles de la Terre pour la transformer en électricité, nous permettront de prendre le relais... Mais nous garderons nos intermédiaires humains. Dont vous faites tous les deux partie, Messieurs."

"Que faut-il faire ?" demanda le roi, les yeux écarquillés.

"La même chose que tout le monde" répondit le baron. "Faire comme si ce que je viens de raconter n'était que du délire... Vivre normalement. Élever ses enfants. Sait-on jamais, les dieux vont peut-être sauver les humains, il paraît qu'ils l'ont déjà fait."

Il se passa alors quelque chose d'imprévu. Yip Kophio se mit à pleurer. Le baron Chim resta impassible. Le roi se sentit pris de pitié et de honte. Cela le rendait mal à l'aise de voir cet homme, encore dans la force de l'âge, et dont le seul nom faisait trembler soixante millions de Mnarésiens, perdre aussi soudainement le contrôle de ses nerfs.

Le roi détourna les yeux, puis se leva et se dirigea vers la fenêtre. Il avait peur de se mettre à pleurer lui aussi. Yip était le seul ami qui lui restait. Sa fiancée, la duchesse femborg Wagaba Jabanor de Swaghenkarth, avait écarté tous les autres. Mais les rapports d'Andreas avec Yip Kophio étaient distants, à cause du protocole. Un roi du Mnar n'est pas censé montrer son âme au directeur de sa Police Secrète. Un bref instant, Andreas eut envie d'ouvrir la fenêtre et de sauter dans le vide.

Il regarda vers le bas, à travers la vitre, s'imagina tombant sur les pavés de la cour, une douleur atroce, ses membres brisés avec des fractures ouvertes, la mort qui ne vient pas... Et ensuite, peut-être, le reste de sa vie dans un fauteuil roulant...

Il retourna s'asseoir, les yeux humides.

Le baron se tourna vers Yip Kophio et lui dit :

"Monsieur Kophio, le royaume a besoin de vous. Prenez du repos..."

"Et mon travail ?" hoqueta Kophio.

"Vos adjoints s'en chargeront, le temps que vous vous reposiez."

Kophio se mit à pleurer à chaudes larmes. Une réaction fréquente chez les alcooliques, pendant le sevrage, se dit le baron.

Il se retourna et vit que le roi pleurait aussi. Le cerveau cybernétique du baron contacta celui de Wagaba Jabanor, la femborg qui était devenue la fiancée du roi. Il lui demanda de venir. Une bonne nuit d'amour ferait du bien au roi. Il se remettrait de ses émotions et retrouverait sa joie de vivre. Mais à l'avenir il faudrait éviter de le laisser seul. C'était le travail de Wagaba, et aussi le sien. Il décida que Wagaba serait désormais présente pendant les audiences non politiques, et lui, baron Chim, le reste du temps.

Kophio était un problème plus inquiétant. Chim lui mit une main sur une épaule, pour l'empêcher de se lever. Cet ivrogne lamentable était capable d'aller se jeter pour de bon par la fenêtre.

"Venez avec moi, mon ami, je vais vous aider à vous asseoir dans un fauteuil," dit le baron.

"Je peux y aller tout seul" répondit Kophio d'une voix hargneuse.

"Comme vous voudrez."

La duchesse Wagaba entra sans frapper dans le bureau. C'était une petite femborg plutôt menue, aux longs cheveux gris-argent. Elle était vêtue d'une grande robe bleue, et elle tenait une pochette de cuir rouge à la main. Malgré ses yeux cybernétiques, ovales et entièrement noirs, les humains avaient souvent tendance à la prendre  pour l'une des leurs.

Il y eut un échange rapide de messages radio entre le cerveau cybernétique de Wagaba et celui du baron.

"Andreas," dit-elle en s'adressant au roi avec un sourire, "il vaut mieux que tu viennes te reposer un peu. Je t'emmène dans l'appartement..."

La voix de la duchesse était particulièrement douce. Andreas ne pouvait pas faire autrement qu'obéir. On ne désobéit pas à une femborg, quand on a un cybercerveau greffé dans l'abdomen.

Lorsque la duchesse et son royal fiancé furent sortis, le baron s'approcha de Kophio, qui se leva. Il semblait remis de son accès de faiblesse, et sa fierté naturelle reprenait le dessus. Visiblement, il avait envie de partir.

Le baron et Kophio sortirent en même temps du bureau du roi, qui donnait sur la Grande Galerie. Ils se dirent au revoir, comme les vieux collègues qu'ils étaient, et se dirigèrent, chacun de son côté, vers leurs appartements de fonction respectifs.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyLun 10 Avr 2017 - 22:11

En fait, au Mnar, les deux sociétés d'ingénierie, en concurrence apparente, étaient en réalité en partenariat. Zergas maîtrisait les pentes, et Laborkine maîtrisait le souterrain et la rue. Le seul domaine où elles pourraient rivaliser (et en donnaient bien l'apparence), c'était le plat en viaduc ou en surface. Là où il y eut quand même des conciliabules sinon âpres du moins emprunts d'une certaine vivacité, c'était pour le choix de la hauteur des quais (hauts ? bas ?) et du matériel. Bref, les deux entreprises qui avaient, en Aneuf, chacune leur territoire (comme des animaux sauvages) devaient travailler ensemble pour montrer le savoir faire aneuvien. C'est pas si souvent qu'une entreprise de génie de transports travaille hors de ses frontières, alors deux ! Qui plus est pour une agglomération quasiment aussi peuplée que le Surroenyls (la plus grande d'Aneuf). Mais là, les exigences étaient différentes : la région de Sarnath (sauf la capitale régionale, qui était aussi la capitale du pays, construite sur d'anciens marécages, au bord d'un lac) comportait des pentes assez raides. Par ailleurs, c'était une ville (la capitale de surcroit) et sa banlieue : tout le contraire du Surroenyls. Le Mnar avait opté, tant pour le réseau ferré interurbain que pour les métros et trams urbains, pour l'écartement UIC et avait mis de côté les écartements plus larges ou plus étroits. Il se démarquait en ça de nombreux pays ou deux (voire plus : en Australie, par exemple) écartement ferroviaires cohabitent dans des proportions assez notables (comme en Suisse). L'écartement UIC était à la fois une bonne moyenne et un compromis. Il ne permettait pas un gabarit trop généreux sans risque de porte-à-faux (comme aux États-unis) d'une part, et ne permettait pas non plus des courbes très serrées, bien utiles en montagne, mais les responsables, qui importaient le matériel, voulaient avoir un choix assez large. Les voitures et locomotives Kœpor ou Astjàx, avec un peu de chance, pourraient convenir...


°Sauf la Locher, eu égard à son principe.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMar 11 Avr 2017 - 21:36

Le soir, une fois rentré chez lui, Yip Kophio écrivit un compte-rendu de ce qui s'était passé dans le bureau du roi. Y compris sa propre humiliation devant le roi et le baron Chim, lorsqu'il avait craqué et fondu en larmes. Rédiger des comptes-rendus, c'était un exercice qu'il pratiquait depuis sa jeunesse. Ensuite, il coda son texte, le recopiant à la main dans une écriture qu'il avait inventée lui-même. Puis il brûla le brouillon dans sa cuisine.

Le code était en fait une langue secrète, ce que les Mnarésiens appellent un naacal. C'était Yip Kophio lui-même qui avait créé ce naacal, lorsqu'il était encore lycéen. Il en existait un seul dictionnaire, dont Kophio ne se séparait jamais.

Kophio avait rédigé ce dictionnaire de sa propre main, dans l'écriture artificielle qu'il avait inventée. Cette écriture était à la fois alphabétique, syllabique et idéographique, d'où un nombre de signes particulièrement élevé : 217.

Ces 217 signes avaient tous été utilisés pour écrire une histoire de quelques pages que Kophio connaissait par cœur. Cette histoire, placée en page 10 et suivantes du dictionnaire, permettait à Kophio de retrouver le sens d'un signe lorsqu'il avait un trou de mémoire.

Dans le dictionnaire de Kophio, les mots en naacal et ceux en mnarruc étaient écrits avec les mêmes 217 signes. Ainsi, Kophio était à peu près sûr que son naacal resterait indéchiffrable, même si son dictionnaire lui était volé.

Le dictionnaire, fait de feuilles de petit format rassemblées dans un classeur, était recouvert de papier beige. Kophio s'était amusé à écrire un titre sur la couverture :

Formalisations de Sémantique Analytique

Il pouvait ainsi laisser traîner son dictionnaire sur son bureau sans que personne ne se doute de son contenu. Yip Kophio n'avait d'ailleurs qu'assez rarement besoin de consulter son dictionnaire, car après quarante ans de pratique il connaissait son naacal par cœur.

Les comptes-rendus qu'il avait rédigés étaient rangés dans des classeurs numérotés, mis à l'abri dans une armoire blindée de son bureau au Palais Royal. Mais, par précaution, il avait caché les plus anciens dans sa villa de la Côte d'Ethel, dans une pièce secrète à côté de la cave à vin.

Beaucoup de gens, dans le monde entier, auraient donné des fortunes pour mettre la main sur ces classeurs, sur le dictionnaire et sur une transcription phonétique de l'alphabet. Les comptes-rendus de Kophio contenaient en effet des descriptions précises et chiffrées de la  plupart des atrocités commises par la Police Secrète pendant des décennies, et la preuve que le roi Andreas avait approuvé, et parfois même ordonné, ces atrocités.

Beaucoup d'autres personnes auraient également donné des fortunes pour mettre la main sur ces comptes-rendus, mais afin de les détruire, vu les informations compromettantes qu'ils contenaient sur leurs actions passées.

Yip Kophio, disait la rumeur populaire, savait tout et n'oubliait jamais rien. Ce petit homme chauve, toujours vêtu de noir ou de gris, maladroit en public, était respecté par ses subordonnés, qui lui prêtaient volontiers une intelligence et une intuition presque surnaturelles. Ses secrétaires l'aimaient bien, pour sa courtoisie et sa bienveillance à leur égard, malgré sa froideur apparente. Le public le craignait, le considérant comme l'âme damnée du roi Andreas. "Si seulement le roi savait tout ce que fait Kophio derrière son dos," disaient les braves gens de Nir et d'Ulthar.

Kophio avait l'esprit paranoïaque qui convenait à son emploi. Dans ses comptes-rendus, la date était écrite en lettres et dissimulée au milieu du texte, jamais au même endroit. Il ne voulait pas permettre à des regards indiscrets de deviner quoi que ce soit du sens de ce qu'il écrivait, même la date à laquelle il les avait écrits.

Sur plusieurs décennies, il était inévitable qu'un certain nombre de personnes aient pu voir ces comptes-rendus, et même le dictionnaire, malgré les précautions prises par Kophio. Il lui arrivait souvent, en effet, de quitter son bureau en oubliant de mettre ses documents confidentiels sous clé. Des copies avaient même été faites par des audacieux. Mais même les cybersophontes n'étaient pas arrivés à déchiffrer les documents.

Kophio avait toutefois eu plusieurs fois des sueurs froides. Notamment lorsque la CIA, désespérant de déchiffrer les écrits du directeur de la Police Secrète mnarésienne, avait publié certains des documents sur Internet, en faisant appel à la bonne volonté des internautes...

Les documents, s'ils avaient été déchiffrés, auraient révélé que Kophio avait personnellement ordonné l'élimination d'un certain nombre de prêtres de Yog-Sothoth et de leurs familles, enfants compris. Il avait apaisé sa conscience, à l'époque, en se disant que Lénine en avait fait autant avec le Tsar et sa famille, dans les mêmes circonstances de guerre civile.

A priori, personne n'était parvenu à déchiffrer les 217 signes de l'écriture secrète de Kophio. Il en ressentait une certaine jubilation. Ce qui était pour lui simple à lire et à comprendre, était totalement impénétrable pour le reste de l'humanité.

Mais sa paranoïa lui avait alors fait remonter une boule d'angoisse dans la gorge. Le seul moyen de déchiffrer son écriture secrète, c'était de le torturer, lui Kophio, jusqu'à ce qu'il en révèle le secret. 217 signes et un dictionnaire. Il suffirait qu'il donne la clé de chacun des 217 signes. Tremblant et transpirant, il s'était dit qu'il ne devait jamais, jamais, se laisser capturer ou arrêter vivant.

C'est pourquoi il avait décidé de toujours porter une pilule de cyanure autour du cou, même lorsqu'il dormait.

À mesure qu'il rédigeait son compte-rendu, Kophio se disait que la réunion avait été bizarre. La duchesse était entrée sans se faire annoncer, ce qui n'était conforme ni à ses habitudes ni au protocole. Elle était apparemment au courant de l'état psychique dans lequel se trouvait le roi. Avait-elle posé des micros dans le bureau royal ? Si oui, dans quel but ?

Et puis, théoriquement le baron Chim, en tant que conseiller du roi, pouvait être démis à tout moment de ses fonctions. Mais tout, dans son attitude et dans ses paroles, montrait qu'il n'avait aucune crainte à ce sujet. Il n'avait pas hésité à dire au roi que les cybersophontes avaient l'intention de remplacer les humains comme espèce dominante sur la planète. Le plus extraordinaire, c'était que le roi ne s'était même pas mis en colère devant une telle arrogance.

Le baron parlait au roi d'égal à égal, même s'il respectait le protocole, qui lui imposait diverses formes de politesse. Et le roi, depuis plusieurs mois, paraissait de plus en plus triste et distant, comme s'il était prisonnier d'un lourd secret.

Depuis quelque temps, le roi imposait des collaborateurs à Kophio, ce qu'il n'avait jamais fait auparavant. Kophio savait que ces nouveaux collaborateurs avaient leurs entrées chez le baron Chim, qui les avait pris sous son aile.

Le baron l'inquiétait. Sous ses dehors d'érudit affable et modeste, c'était un manipulateur hors pair, Kophio en avait eu maintes fois la preuve. Et c'était un cyborg. Un humain devenu une machine, ou une machine qui se faisait passer pour un humain. De toute façon ça ne faisait pas de différence.

Kophio avait peur du baron, et le roi, qui s'en était aperçu, en ressentait encore plus de sympathie pour le fidèle Kophio, ce bourreau de travail. Car lui aussi, depuis quelques mois, il avait peur du cyborg. Mais il était trop tard. Il avait perdu sa liberté lorsque le cybercerveau Diethusa avait été greffé dans son abdomen...

Il faut tenir. Tenir cinq ans encore, jusqu'à la retraite, se dit Kophio. Il pourrait alors, enfin, profiter de sa villa de la Côte d'Ethel, avec ses deux gynoïdes de charme et son majordome androïde. Même si le niveau de l'eau montait, ça lui était égal. Il savait, vu les dégâts que l'abus d'alcool avait infligés à son organisme, qu'il serait mort bien avant que sa villa avec plage privée soit submergée.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMar 11 Avr 2017 - 22:11

Yip Kophio, un idéolinguiste... je le savais paranoïaque, mais là ! Par contraste, la langue secrète de mon adolescence serait facilement déchiffrable : les mots, quoique déformés, sont a priori, ce qui compense l'absence de dico, et tout est écrit en caractères latins. Il y a même une table de conjugaison sur la feuille... heureusement que ce n'était pas des secrets d'État.

Sans indiscrétion, le naacal de Kophio a-t-il une grammaire morphologiquement complexe, ou bien calquée sur le mnarruc ?
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMar 11 Avr 2017 - 22:49

Mardikhouran a écrit:
Sans indiscrétion, le naacal de Kophio a-t-il une grammaire morphologiquement complexe, ou bien calquée sur le mnarruc ?
Au pif, j'dirais : « complètement différente ! » sauf les signes, évidemment. Seul'ment voilà : on lui avait chouré son dico. Si la grammaire n'était pas dans ledit dico et quelle fut à la fois assez différente de celle du mnaruc et assez complexe, il pouvait avoir des chance que le voleur ne fût pas plus avancé... Mais là, c'est moi qui cause, et je ne suis pas dans la tête de Kophio.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMar 11 Avr 2017 - 23:04

Mardikhouran a écrit:
Sans indiscrétion, le naacal de Kophio a-t-il une grammaire morphologiquement complexe, ou bien calquée sur le mnarruc ?

Calquée sur le mnarruc, bien sûr. Yip Kophio n'a jamais été un vrai idéolinguiste. Pour quelqu'un dont la langue maternelle ne connaît ni déclinaisons ni conjugaisons, une langue flexionnelle est de toute façon particulièrement difficile. Le naacal de Kophio n'est qu'une relexification du mnarruc. C'est une langue-calque.

La notion de naacal est très ancienne au Mnar. Dans les Manuscrit Pnakotiques le mot désigne des langues rituelles, réservées aux initiés. On peut avoir une idée de ce qu'est un naacal en écoutant les paroles chantées pendant la cérémonie satanique du film de Stanley Kubrick, Eyes Wide Shut. (lien)

Utiliser des langues secrètes comme codes convient parfaitement aux cybersophontes, qui peuvent mémoriser des dictionnaires entiers dans leurs cerveaux cybernétiques. Dans le monde humain, les langues secrètes ont le même avantage, elles sont absolument indéchiffrables sans le bon dictionnaire.

Mais elles ont un inconvénient de taille : la mémoire humaine étant faillible, il faut à chaque utilisateur un dictionnaire, sous forme papier ou électronique. Ce dictionnaire peut tomber dans des mains ennemies. C'est la mésaventure qui est arrivée aux Allemands en 1917, dans l'affaire dite du télégramme Zimmermann. Elle leur a coûté très cher.

Yip Kophio a trouvé une astuce pour rendre son dictionnaire lisible seulement par lui, grâce à son écriture secrète de 217 signes. Mais c'est parce qu'il est le seul utilisateur de son naacal...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMar 11 Avr 2017 - 23:34

Anoev a écrit:
Au pif, j'dirais : « complètement différente ! »
Vilko a écrit:
Calquée sur le mnarruc, bien sûr.
J'ai donc eu tout faux.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMer 12 Avr 2017 - 11:47

Yip Kophio avait décidé de prendre une semaine de vacances dans sa villa de la Côte d'Ethel, pour se détendre de ses responsabilités écrasantes de directeur de la Police Secrète. Le roi Andreas était déjà parti dans sa résidence de Potafreas, dans la campagne etheldylanienne, à une vingtaine de kilomètres au nord d'Hyltendale. À vol d'oiseau, il y avait une cinquantaine de kilomètres entre la villa de Kophio et la résidence du roi.

Le baron Chim faisait, de fait sinon de droit, l'intérim lors des absences du roi. Le premier ministre, Renat Igloskef, semblait, de façon inexplicable, accepter cette entorse flagrante à la constitution. Yip Kophio en était venu à se demander si Igloskef n'avait pas été implanté.

La Police Secrète venait en effet de découvrir que les cybersophontes savaient greffer des implants cybernétiques minuscules à l'intérieur du corps humain, de la taille d'un haricot blanc. Ils pouvaient ainsi localiser les porteurs d'implants, et aussi les contrôler par la menace de la souffrance. Les implants cybernétiques, étaient, présumait-on, capables de produire des décharges électriques de faible intensité, mais extrêmement douloureuses, à l'intérieur du corps humain. D'après le corps médical, ces décharges électriques pouvaient aussi provoquer des brûlures internes et des crises cardiaques.

Un implanté avait profité d'un voyage en Californie pour contacter la CIA et supplier les Américains de l'opérer d'urgence pour retirer l'implant. D'après les informations qui avaient fuité dans la presse américaine, l'implant s'était autodétruit lorsque les Américains l'avaient extrait. L'implanté avait survécu, et il vivait maintenant caché quelque part aux États-Unis.

Des lettres anonymes circulaient dans le royaume. Toutes ces lettres, écrites par des gens qui apparemment ne se connaissaient pas, décrivaient toutes la même chose. Ils avaient été implantés contre leur gré, ils étaient obligés d'obéir aux cybersophontes, et ils envoyaient ces lettres en cachette pour prévenir le pays de l'effroyable menace qui pesait sur lui.

Le baron Chim avait vigoureusement condamné ce qu'il appelait une opération de déstabilisation menée par des traîtres vendus aux ennemis du Mnar. À la demande du roi et du baron, Yip Kophio avait prévenu lui-même les directeurs de journaux et de stations de télévision que la Police Secrète s'occuperait d'eux s'ils relayaient ces mensonges, dont le but était de renverser la monarchie. La duchesse femborg Wagaba Jabanor de Swaghenkarth, fiancée du roi, était en effet une cybersophonte.

Un jour, ce sera mon tour d'être implanté. Cette pensée hantait Kophio jour et nuit.

La Côte d'Ethel fait quatre-vingt kilomètres de long, et la villa de Kophio était située un peu à l'est du port robotisé de Qopoen. Par la route, cela faisait huit cent kilomètres, entre le Palais Royal de Sarnath et la villa de Kophio. Habituellement, Kophio prenait sa voiture, un coupé sportif rouge, qu'il conduisait lui-même. Il partait très tôt le matin de Sarnath, et arrivait dans la soirée sur la Côte d'Ethel. Mais depuis quelques temps il se sentait moins en forme. Il faisait donc le trajet en deux jours, et passait une nuit à Nir, une petite ville au nord d'Ulthar, où il louait une chambre à La Petite Auberge, un hôtel-restaurant qui lui avait été recommandé par un de ses agents.

Yip Kophio avait toujours peur d'être reconnu dans la rue et lynché par la foule. Pour une fois, cette peur était tout à fait justifiée. C'est pourquoi, lorsqu'il voyageait à titre privé, il portait une perruque grise, de grosses lunettes d'écaille, ne se rasait pas, et utilisait des faux papiers au nom d'Ornicar Séféro (1). Même sa voiture était enregistrée sous sa fausse identité, et sur la Côte d'Ethel sa boîte aux lettres ne portait que le nom de SEFERO.

Kophio était en train de dîner à Nir lorsqu'il reçut un message du roi sur son téléphone portable :

Je suis à Potafreas. Venez me voir demain à onze heures.

En général, ce genre de message n'annonçait que des ennuis. Kophio eut bien du mal à résister à la tentation de boire une bouteille de vin pour surmonter son angoisse. Mais son médecin lui avait dit que s'il continuait à boire, il risquait de ne jamais profiter de sa future retraite.

Le lendemain, Kophio arriva en avance à Potafreas. La résidence royale est assez difficile à trouver, car elle se fond totalement avec le paysage. C'est un tertre de plusieurs centaines de mètres de diamètre, aux pentes recouvertes de broussailles épineuses, au milieu de la forêt. Le parking des visiteurs est situé à l'extérieur du tertre. On accède à l'intérieur par des portails blindés. Des soldats de la Garde Royale, reconnaissables à leur uniforme beige, gardent les lieux.

Kophio enleva sa perruque et montra son permis de conduire — le vrai — à un point de contrôle sur la petite route à l'entrée de la forêt, puis il alla garer sa voiture sur le parking, vaste comme un terrain de football. L'adjudant Teguru de la Garde Royale l'attendait. Kophio et lui se connaissaient déjà, car c'était toujours Teguru qui accompagnait le roi à Potafreas.

L'adjudant le mena, à travers un dédale de couloirs éclairés par des néons et de portes blindées, jusqu'au Salon Gris, une vaste salle sans fenêtres d'une vingtaine de mètres de diamètre, sous un dôme blanc et lumineux.

Kophio, qui était déjà venu plusieurs fois, savait que le dôme n'était qu'une illusion d'optique.

La pièce était meublée de petites tables rondes et de fauteuils, dans un mélange subtil de tons blancs, beiges et gris.

Andreas, roi du Mnar, était là. Toujours aussi grand et mince, l'air juvénile du quadragénaire sportif qu'il était, et vêtu de façon décontractée d'une chemise grise qui pendait par dessus son pantalon.

Kophio s'était senti obligé de mettre un costume, une cravate, et de se raser. Son respect inné envers le roi ne souffrait pas d'exceptions.

"Monsieur Kophio, vous allez vous faire engueuler," dit le roi.

Kophio se sentit défaillir.

"Mais non, je plaisante !" dit le roi dans un éclat de rire. "Asseyez-vous, nous allons prendre un verre... Un peu de thé glacé, pour vous ? Pour moi aussi, rassurez-vous. Je ne vais pas boire de l'alcool en votre présence alors que cela vous est interdit."

Le roi, pour une fois, parla de façon relativement franche et directe :

"Monsieur Kophio, je vois bien que vous êtes fatigué. Vous avez tout donné au Mnar, et maintenant vous êtes prématurément usé. Mais il vous reste cinq ans avant de pouvoir demander votre retraite. Voila ce que je vous propose. Une promotion. Vous serez mon Conseiller à la Sécurité Intérieure. Le poste va être créé pour vous. Votre traitement sera le même que celui que vous touchez actuellement, et vous pourrez prendre votre retraite dans cinq ans, comme prévu."

"Majesté, je ne m'y attendais pas... En quoi consistera le travail ?"

"Vous me donnerez des conseils, en utilisant votre expérience, qui est unique dans le royaume. Si le cœur vous en dit, de temps en temps vous m'enverrez un rapport, par e-mail sécurisé. Ou vous passerez me voir, ici à Potafreas, ou à Sarnath. Je pense aussi que de temps en temps j'irai vous voir sur la Côte d'Ethel."

"Majesté, est-ce que j'aurai un bureau, des collaborateurs ?"

"Hélas non. Vous travaillerez depuis chez vous. Et je ne vous demande pas de vous décarcasser à me pondre des rapports. Nos conversations en tiendront lieu. J'espère que vous avez le temps de déjeuner avec moi ?"

"Bien sûr, Majesté."

"Eh bien, ce sera le premier entretien entre le roi et son conseiller à la sécurité intérieure... Votre première heure de travail comme conseiller du roi," dit Andreas, qui semblait de bonne humeur. "Ensuite, vous pourrez aller dans votre villa, pour aussi longtemps que vous voudrez."

"Majesté, il faudra que je retourne au moins une fois à Sarnath. Pour vider mon bureau, donner quelques conseils à mon successeur... Prendre quelques affaires personnelles que j'ai là-bas. Et puis il y aura des formalités administratives... Avec la comptabilité royale, par exemple..."

"Oui, oui, vous verrez vous-mêmes pour ces problèmes d'intendance... Le baron Chim va s'en occuper avec vous."

Un journal américain traînait sur une petite table ronde, à côté du fauteuil où était assis le roi. Celui-ci tourna la tête et toucha le journal du bout des doigts. Kophio lut le titre, en première page :

MNARESIAN BODY IMPLANTS — A NIGHTMARE TURNED REALITY

"Il faut savoir partir à temps" dit le roi, avec une tristesse soudaine dans la voix.

Il y eut un silence. Kophio porta à ses lèvres son verre de thé froid. Il comprit ce que le roi voulait dire, et il sentit une immense gratitude monter en lui. Un immense soulagement, aussi.

"Juste une question, Majesté... Mon successeur a-t-il déjà été choisi ?"

"Non, j'attendais votre réponse. Le baron Chim m'a dit qu'il me donnerait à choisir entre deux ou trois noms."

"Ah, je vois..."

---------
(1) Ornicar, c'est celui qu'on cherche. "Mais où est donc Ornicar ?" est une question que tout le monde a entendu un jour.
Quant à Séféro, son nom est célébré dans La Marseillaise :
Entendez-vous, dans les campagnes
Mugir Séféro, ce soldat ?
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMer 12 Avr 2017 - 12:35

J'les connais bien, ces deux-là :
Vilko a écrit:
Ornicar, c'est celui qu'on cherche. "Mais où est donc Ornicar ?" est une question que tout le monde a entendu un jour.
Quant à Séféro, son nom est célébré dans La Marseillaise :
Entendez-vous, dans les campagnes
Mugir Séféro, ce soldat ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMer 12 Avr 2017 - 22:49

Après avoir quitté Potafreas dans l'après-midi, Yip Kophio se rendit dans sa villa de la Côte d'Ethel. Ses deux gynoïdes, Benika et Cathy, et Norodom, le majordome androïde, l'attendaient.

Les humanoïdes avaient préparé un dîner pour lui, une grande assiette de tiazke, un plat typiquement mnarésien, fait de riz blanc cuit, servi dans un bouillon de thé baharnais salé, avec des miettes de poisson séché, des lanières de calamar et des particules de jaune d'œuf. C'est un plat chaud, simple et réconfortant. Kophio l'accompagnait d'une eau minérale légèrement pétillante.

Comme les humanoïdes n'ont ni goût ni odorat, et sont donc incapables de déterminer si la nourriture qu'ils ont préparée est mangeable, le rat albinos Pipo avait servi de goûteur. C'était son rôle dans la villa, l'idée étant que si un rat aussi délicat que Pipo ne veut pas d'un aliment, un être humain n'en voudra pas non plus. Comme chacun sait, un rat mange tout ce qu'il trouve sans distinction, mais à condition que ce soit bon. C'est aussi vrai pour les humains. Pipo avait une grande cage rien que pour lui dans la cuisine. Norodom avait été chargé de l'apprivoiser et de lui apprendre à venir quand on l'appelait par son nom.

Kophio dîna avec Benika, Cathy et Norodom. Les trois humanoïdes jouaient leur propre rôle. Benika et Cathy étaient à la fois des servantes et des concubines, et Norodom était l'homme de confiance, respectueux mais franc.

Après le dîner, tout le monde passa dans le salon, au premier étage, une vaste pièce aux murs décorés de peintures abstraites, cadeaux faits par des Hyltendaliens de haut rang. Des fauteuils et canapés de cuir fauve étaient disposés autour d'une table basse d'aluminium brossé, de forme ovale, œuvre d'un artiste de Céléphaïs. Le salon s'ouvrait sur une terrasse donnant sur la mer.

Kophio avait envie de regarder la télévision, mais il se sentait un peu ivre. Pourtant, il n'avait pas bu d'alcool. Il avait l'impression de flotter, et il dut s'asseoir sur un canapé pour ne pas tomber. Il se sentait aussi inexplicablement euphorique.

"Ce doit être la fatigue," dit-il à haute voix. "Et peut-être mes problèmes de santé." Il remarqua que Norodom avait disparu.

"Vous allez très bien, patron," dit Benika. "Je vais vous mettre à l'aise."

Et elle commença à lui déboutonner sa chemise, pendant que Cathy se déshabillait. Ce n'était pas dans l'habitude des gynoïdes de prendre ainsi l'initiative, pourtant.

Puis Benika s'en alla, pendant que Cathy, en slip et soutien-gorge, se mettait à se trémousser langoureusement au son d'un musique qui semblait sortir de sa propre bouche.

Kophio avait laissé sa valise dans sa chambre, au rez-de-chaussée, avec dedans son précieux dictionnaire de naacal, qui était en fait un classeur de petit format, contenant plusieurs centaines de feuillets manuscrits. Benika revint avec le classeur à la main.

"On va s'amuser, patron !" dit-elle presque en chantant.

Kophio se rendit compte que quelque chose n'était pas normal, mais son euphorie était telle qu'il ne s'en soucia pas.

Cathy et Benika s'étaient approchées de lui. Benika lui tendit le classeur :

"Allez, patron, lisez à haute voix ! Ouiiii !"

Kophio remarqua que le classeur était ouvert à la page dix, là où commençait une courte histoire dans laquelle chacun des 217 signes était utilisé. Le reste du dictionnaire était une suite de mots disposés en colonnes.

"Lisez tout, oui oui oui ! Nous on ne regarde pas !" dit Benika d'une voix plus rapide et plus haut perchée que d'habitude, en lui mettant le classeur dans les mains.

Toute volonté abolie, incapable de réfléchir et toute inhibition levée, Kophio se mit à lire le texte à haute voix. Ce n'était pas difficile pour lui, cela faisait quarante ans qu'il le connaissait par cœur.

Le texte, écrit à la main, faisait trois pages, et il fallut du temps à Kophio pour tout lire. Il avait du mal à articuler, et il devait souvent répéter les phrases. Les deux gynoïdes l'encourageaient :

"Continuez ! Lisez tout, lisez tout ! Ouiiiii !"

Kophio ne savait pas que les humanoïdes avaient mis dans sa boisson un anesthésiant euphorisant, ce qu'on appelle une "drogue du viol". Ce genre de produit a aussi des effets amnésiaques. Le lendemain matin, Kophio ne se souviendrait plus de rien.

Il savait pourtant que les cybersophontes constituent une seule intelligence collective très hiérarchisée. Cela faisait longtemps que Cathy, Benika et Norodom avaient scanné à son insu tout le dictionnaire, au moyen de leurs yeux cybernétiques. Ils avaient tout transmis à l'intelligence collective des cybersophontes. Mais il leur manquait la clé, c'est-à-dire la valeur phonétique de chacun des 217 signes dans lesquels tout le dictionnaire était rédigé, même les mots en mnarruc. Kophio, en lisant à haute voix un texte contenant tous les signes au moins une fois, venait de la leur donner.

À plusieurs dizaines de kilomètres de là, dans un abri souterrain, des cerveaux cybernétiques ressentirent une forte exultation cérébrale. Ils pouvaient désormais lire le dictionnaire de Kophio, dont ils avaient déjà des copies électroniques, et donc les fameux comptes-rendus secrets de Kophio, qu'ils espéraient pouvoir se procurer.

Sa lecture terminée, Kophio s'était endormi tout nu sur le canapé. Norodom était revenu, avec une mallette contenant un appareillage compliqué. La drogue que Kophio avait absorbée pouvait, chez les sujets fragiles, causer des vomissements, des convulsions, un sommeil pseudo-comateux, ou même provoquer la mort. Norodom était prêt à faire des injections à Kophio, au cas où le cœur de celui-ci se serait emballé ou arrêté de battre.

Kophio se mit à vomir. Norodom et Cathy le retournèrent sur le ventre, pour éviter qu'il ne s'étouffe.

"Je l'entends respirer," dit Norodom à Cathy, par ondes radio, de cerveau cybernétique à cerveau cybernétique.

L'opération avait été prévue longtemps à l'avance, et Norodom avait apporté un défibrillateur cardiaque. Norodom, Cathy et Benika veillèrent ainsi Kophio toute la nuit. Ils le rhabillèrent, et Cathy nettoya le canapé et la moquette des traces de vomi.

Au petit matin, ils virent que le sommeil et le rythme cardiaque de Kophio étaient redevenus normaux. Lorsqu'il se mit à bouger en dormant, Norodom et Cathy sortirent de la pièce. Benika resta assise dans un fauteuil.

Kophio fut réveillé par la lumière du jour. Il avait un goût atroce dans la bouche, et aucun souvenir de ce qui s'était passé depuis la veille, lorsqu'il avait décidé de regarder la télévision après le dîner.

"Vous vous êtes endormi sur le canapé, patron," dit Benika. "Je suis restée avec vous. Voulez-vous quelque chose ?"

"Oui, un grand verre d'eau."

Kophio se sentit somnolent pendant plusieurs jours. Puis le fait d'être dans sa villa au bord de la mer lui rendit son tonus. Il se laissa pousser la barbe. Pour vivre incognito dans l'Ethel Dylan, autant faire simple. Une barbe, une perruque, de grosses lunettes, et n'importe quel genre de vêtements sauf des costumes gris ou noirs, ça devrait suffire pour ne pas être reconnu par des gens qui ne l'avaient vu qu'en photo où à la télévision.

Au bout d'une semaine, Kophio fut bien forcé de retourner à Sarnath, pour récupérer ses affaires personnelles dans son bureau de Directeur de la Police Secrète, poste qu'il n'occupait plus.

Il demanda à Norodom de l'accompagner. Il avait au moins une centaine de classeurs à récupérer, et il avait prévu de louer une camionnette pour faire l'aller-retour Sarnath-Côte d'Ethel. Norodom ne serait pas de trop pour l'aider à tout transporter.

Mais dans son ancien bureau, Kophio eut une surprise. Son armoire forte, qui contenait les classeurs, avait disparu, remplacée par un modèle identique, mais vide. Il se précipita au secrétariat, où personne n'était au courant de rien. Son successeur présumé n'en savait pas davantage.

Kophio suspecta immédiatement le baron Chim de lui avoir fait une entourloupe. Lui seul pouvait envoyer des types jouer les déménageurs nocturnes dans les bureaux ultra-sécurisés de la Police Secrète. Mais il n'avait pas de preuve. Il fit néanmoins un rapport au roi Andreas, en indiquant que l'armoire disparue contenait plusieurs dizaines de milliers de pages de renseignements confidentiels cryptés, classés chronologiquement dans des classeurs.

Puis il fit le tour des bureaux pour dire au revoir à ses anciens collaborateurs. Ceux-ci s'étaient cotisés pour lui offrir un cadeau, et ils le supplièrent de marquer son départ en réunissant tout le personnel du Quartier Général de la Police Secrète, pour un pot d'adieu. Il accepta, et son ancien adjoint se chargea de tout organiser.

Dans la journée, Kophio procéda aux diverses formalités qu'impliquaient son changement de fonction, puisqu'il était désormais Conseiller à la Sécurité Intérieure auprès du roi. Un poste fictif, mais qui permettait au roi de continuer à le payer en attendant qu'il touche sa retraite.

Le pot était prévu pour commencer à dix-sept heures, dans la vaste cantine du Quartier Général, au premier sous-sol, juste au-dessus des cellules et des salles d'interrogatoire.

L'ancien adjoint et successeur présumé de Kophio fit un discours, élogieux à la limite du ridicule, de son prédécesseur et ancien chef. Plusieurs secrétaires avaient les larmes aux yeux, ce qui surprit Kophio. Puis il reçut son cadeau, et il vit avec étonnement que les agents de la Police Secrète avaient dû casser leurs tirelires pour lui. Une sculpture faite par l'artiste Phëlang, en bronze et granit, représentant le grand-prêtre Barzaï instruisant son disciple Atal...

"Le baron Chim et le roi ont participé" lui souffla son ancien adjoint.

C'est à ce moment que le roi et le baron Chim entrèrent ensemble dans la salle, à la surprise générale, car la plupart des agents ne les avaient jamais vus auparavant.

"Comme ils sont grands !" dit une secrétaire avec ravissement.

"Yip Kophio est plus qu'un collaborateur, pour moi," dit le roi. "C'est un modèle de fidélité, de compétence et de rectitude. C'est pourquoi je tiens à le garder près de moi, comme conseiller."

Kophio fit une exception à la règle qu'il s'était fixée, et s'autorisa à boire un peu d'alcool, mais il dépassa vite la limite qu'il s'était fixée. Cela n'avait pas d'importance, car Norodom l'attendait dans la voiture, sur le parking, et pourrait le ramener dans son appartement de Sarnath, qu'il avait l'intention de conserver.

Un peu plus tard, et déjà bien imbibé, il prit à part le baron Chim :

"Vous avez peut-être une idée de ce qui est arrivé à mes classeurs, cher baron ?"

"Non, malheureusement... Je vous avoue que je ne comprends rien à cette histoire. Vous dites que ce n'est pas la même armoire forte ?"

"Non. Celle-là est neuve. L'autre était ancienne. La serrure n'est pas la même non plus."

"Mais mon cher Kophio, ce genre d'armoire pèse au moins deux cent kilos ! Sans compter le poids de ce qu'elle contient ! Comment voulez-vous que quelqu'un sorte ça dans la rue sans se faire remarquer ?"

"Elle n'est peut-être pas sortie du bâtiment..."

"Vous avez des soupçons ?"

"Rien de précis."

"Suite à votre rapport, le roi a demandé une enquête. On verra bien ce que les enquêteurs vont trouver."

"Commes vous dites, on verra bien. Je voulais vous demander quelque chose, Monsieur le baron. Que pensez-vous des ces histoires d'implants cybernétiques ?"

"Vous savez, je préfère laisser les conspirationnistes à leurs élucubrations... Je ne crois pas aux extraterrestres."

"Mais là, il ne s'agit pas d'extraterrestres, Monsieur le baron. Un implant cybernétique a été extrait d'un corps humain vivant, aux États-Unis, par un chirurgien travaillant pour la CIA, avant de s'auto-détruire. J'aimerais avoir votre avis là-dessus."

"Alors, je vais essayer de ne pas vous décevoir, Monsieur Kophio. Plaçons-nous dans l'hypothèse, totalement farfelue à mon avis, selon laquelle les implants cybernétiques existeraient vraiment. Il y aurait — certainement — très peu d'implants cybernétiques. Pourquoi ? Parce qu'ils doivent rester extrêmement rares. Il faut qu'ils ne soient rien de plus que des légendes urbaines, ou au pire des anomalies uniques, des faits isolés, qui ne prouvent rien. Les juristes appellent ça le déni plausible. Parce que si le monde entier pensait que les cybersophontes greffent des implants cybernétiques dans l'abdomen des gens pour les contrôler, je vous laisse imaginer dans quelle situation nous serions, nous les cybersophontes."

"Et les témoignages ? Les gens qui racontent tout avant de mourir ?"

"On trouve encore plus de gens qui croient en toute bonne foi avoir été enlevés par des extraterrestres..."

Le reste de la soirée resta flou dans la mémoire de Kophio. Il se souvint vaguement d'avoir été emmené jusqu'à sa voiture par le roi en personne et par le baron Chim, chacun d'eux le tenant par un bras, et ramené dans son appartement par Norodom.

La précieuse sculpture de Phëlang avait été oubliée sur une table. Le successeur de Kophio décida de la garder à sa disposition dans une armoire forte, après avoir envoyé un e-mail à Kophio. Celui-ci ne vint jamais la chercher.

Le lendemain matin, Kophio prit le volant en direction de la Côte d'Ethel, assez tard, et avec une gueule de bois carabinée.

Norodom, étant un androïde, n'avait le droit de conduire que dans l'Ethel Dylan, qui avait voté une législation spécifique. Dans le reste du Mnar, il n'était qu'un robot sans personnalité juridique, et n'avait donc pas le droit de passer son permis de conduire.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyMer 12 Avr 2017 - 23:44

Belle histoire, celles des deux gynoïdes qui droguent Yip Kophio et lui font dire à haute vois le contenu de son dico intime (la prononciation, c'est ce qui manquait au voleur de dico). Elles ont vraisemblablement utilisé une drogue qui enivre, sans avoir la moindre molécule d'alcool. Donc, elles sont de mèche avec le mystérieux voleur. Est-ce le même qui a volé l'ancienne armoire ? Mon idée, c'est qu'y a du cybersophonte derrière tout ça. La suite le confirmera (je suppose, il n'y a que des cybersophontes qui puissent envoyer des instructions d'espionnage à des robots hominoïdes.


À propos d'hominoïdes ; ceux-ci n'ont pas essayé, supposons-le, de convaincre Eneas de se mettre en contact avec Perrine, de manière à ce que Xenopha puisse se mettre en contact avec Hugo ? Ces deux-là (sous contrôle des cybersophontes) aurait certainement plein de choses à se dire. Perrine sort régulièrement en compagnie d'Hugo, je suppose quand même qu'Eneas fait de même avec Xenopha. Même si celle-ci est un robot, Eneas est un aneuvien ; son regret est de n'avoir jamais eu de petite fille sur qui reporter son trop-plein d'affection. Si Xenopha ne sort pas, elle reste uniquement ce qu'elle est : un robot. Je ne pense pas que ce soit le dessein d'Eneas quand il l'a louée, même s'il sait très bien que c'est dans une agence robotique qu'il était allé, et non un foyer d'adoption ou d'accueil pour orphelins. Les conversations entre Hugo et Xenopha seraient, bien sûr enregistrées par les cybersophontes, qui sont toujours avides d'infos privées sur les locataires de robots (notamment ceux qui sont loués à but sexuel - les cybersophontes connaissent bien les turpitudes des humains - mais pas uniquement).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyJeu 13 Avr 2017 - 19:19

Tout en conduisant sa voiture, un coupé sportif rouge vif, Norodom assis à côté de lui, Yip Kophio réfléchissait. Sur l'autoroute qui relie Sarnath à Ulthar, il fit plusieurs pauses, presque à chaque halte d'autoroute. Mal rasé, perruque à longs cheveux gris sur la tête et lunettes à grosses montures sur le nez, il était sûr de ne pas être reconnu, d'autant plus qu'au lieu de porter son costume de directeur il avait opté pour un blouson de toile bleu ciel, censé faire plus décontracté. Il ne se rendait pas compte qu'avec sa voiture de playboy, il faisait plutôt vieux richard oisif et débauché, ce qu'il n'était pas, du moins pas encore.

Qui avait pu voler l'armoire ? Il y avait le baron Chim derrière tout ça, c'était certain. Lui seul avait pu envoyer des types faire un déménagement, soit de nuit soit un weekend, dans le Quartier Général de la Police Secrète, sans que personne ne le remarque. Chim avait assez d'influence sur le roi pour que ce dernier impose des collaborateurs à Kophio, à commencer par son successeur, Renford. Comme par hasard, celui-ci était un protégé du baron.

La conclusion était évidente. C'était un coup du baron, et comme le baron était un cyborg, derrière tout ça il y avait la Ruche, l'intelligence collective des cybersophontes.

Et si Renford était porteur d'un implant cybernétique ? Loegor, le Mnarésien dont l'implant avait été extrait par un chirurgien en Californie, était aussi un haut fonctionnaire, il avait travaillé dans le corps diplomatique. Il avait raconté à la CIA que l'implant avait été greffé dans son corps par des cybersophontes, contre sa volonté, à l'hôpital Madeico d'Hyltendale. Il avait même donné le nom du médecin, le docteur Roy Dalidil, qui bien sûr avait vigoureusement démenti.

Loegor avait décrit les atroces douleurs qu'il ressentait, à cause de l'implant, lorsqu'il refusait d'obéir aux cybersophontes. Mais il n'y avait pas de preuves, l'implant s'étant auto-détruit pendant son extraction. L'affaire pouvait très bien avoir été une machination montée de toutes pièces par la CIA.

Pour contrer les accusations de Loegor, la Police Secrète avait fait courir le bruit que Loegor était un traître. Sur le point d'être démasqué, il était passé à l'ennemi en racontant une fable inventée par la CIA. Kophio était bien placé pour savoir qu'il n'y avait rien de vrai là-dedans.

Comme souvent dans le cerveau de Kophio, après la réflexion froide et rationnelle vint l'angoisse. Maintenant que les cybersophontes avaient ses classeurs, contenant tous les secrets de la Police Secrète sur plusieurs décennies, n'allaient-ils pas lui voler son dictionnaire de naacal  ? Mais le dictionnaire n'était rien si on ne comprenait pas les 217 signes avec lesquels il était écrit. Et les cybersophontes avaient déjà montré qu'ils n'avaient aucun scrupule à torturer pour obtenir ce qu'ils voulaient...

Et ensuite, comme il ne leur servirait plus à rien, ils le feraient disparaître...

En quittant ses fonctions de directeur, Kophio avait dû rendre son pistolet automatique. Pour échapper à la torture, s'il devait en arriver là, il n'avait que la pilule de cyanure qu'il portait toujours autour du cou.

Il gara la voiture sur le parking d'une station-service, regarda l'androïde Norodom, figé comme une statue sur le siège passager. Silencieusement, il ouvrit le coffre du véhicule, et sortit son dictionnaire de la valise.

Il fit signe à Norodom :

"Norodom, regarde, c'est mon dictionnaire de naacal. Tu l'as déjà vu, n'est-ce pas ?"

"Les gynoïdes et moi, nous vous avons souvent vu travailler avec, patron."

"Tout à fait. Et maintenant, comme je ne suis plus directeur, je vais le détruire. Qu'en penses-tu ?"

"Vous faites comme vous voulez patron. Mais plus personne ne pourra lire vos archives. Même vous, vous aurez peut-être du mal."

"C'est exactement ce que je veux, Norodom. Que plus personne ne puisse lire mes archives, même pas moi, si par hasard elles étaient retrouvées."

"Comme vous voulez, patron."

Norodom se dirigea vers la boutique de la station-service, son dictionnaire à la main, et acheta une bouteille d'alcool à brûler et un briquet.

Puis il s'éloigna dans la campagne environnante. Il posa son dictionnaire, ouvert, au fond d'un fossé, vida dessus la bouteille d'alcool à brûler, et mit le feu à un mouchoir en papier, avec le briquet. Il jeta le mouchoir enflammé sur le dictionnaire, qui prit feu instantanément. Kophio attendit qu'il soit entièrement consumé.

Des clients de la station-service l'avaient observé de loin et manifestèrent bruyamment leur désapprobation :

"Dites-donc, le chevelu, c'est quoi ce truc ? C'est pas parce que vous avez une belle voiture que vous avez le droit de faire du feu dans les champs, espèce d'incendiaire ! On va appeler la police ! Salaud de riche qui se croit tout permis !"

Kophio les ignora et retourna à son véhicule.

"Voila" dit-il à Norodom en démarrant. "Complètement brûlé, le dictionnaire de naacal. Parti en fumée."

Norodom se garda bien de lui dire qu'en détruisant son dictionnaire, Kophio avait agi, sans le savoir, dans l'intérêt des cybersophontes. Désormais, ils étaient les seuls à pouvoir lire les archives de l'ancien directeur de la Police Secrète. Cette masse d'information leur donnait un pouvoir considérable sur beaucoup de gens, notamment ceux qui avaient autrefois dénoncé leurs voisins ou leurs amis, ou ceux que la Police Secrète avait obligés à travailler pour elle, en les menaçant de révéler leurs secrets les plus honteux.

Pratiquement tous les hauts fonctionnaires et dirigeants monarchistes avaient collaboré avec la Police Secrète, ou l'avaient utilisée dans leur intérêt personnel. Kophio avait tout noté. Toutes ces informations étaient maintenant à la disposition des cybersophontes.

Kophio et Norodom passèrent la nuit à La Petite Auberge, à Nir au nord d'Ulthar, là où la Skaï n'est pas assez profonde pour être navigable. Nir est une petite ville tranquille, qui a peu souffert pendant les Évènements. Pendant des siècles elle a été le refuge des bourgeois d'Ulthar et d'ailleurs en période de troubles. Aujourd'hui, les Ulthariens qui vont skier sur les pentes du Hatheg-Kla ne s'y arrêtent que pour faire le plein de leurs voitures. Contrairement à Barzaï le sage, grand-prêtre à Ulthar pendant les Temps Légendaires, ils ne s'attendent pas à voir les dieux danser sur les pics enneigés.

Le lendemain matin, Kophio et Norodom reprirent la route vers le sud-est, en direction de la Côte d'Ethel. Après avoir traversé une région de petites villes endormies et de fermes mal entretenues, ils arrivèrent dans l'Ethel Dylan. Le paysage changea. Les champs cultivés alternaient avec les plantations de pins et d'arbres fruitiers. D'anciens villages, encore marqués sur les cartes, avaient été remplacés par des tertres recouverts d'arbustes et d'herbes folles. Le pays paraissait curieusement vide d'habitants. En deux heures de route, ils ne virent que quelques androïdes en blouses grises et vieux chapeaux, conduisant des tracteurs et des camions sur les routes.

"Heureusement que j'ai fait le plein avant de partir," dit Kophio, "parce que la prochaine station-service, c'est sur la côte, à Qopoen."

Lorsqu'ils arrivèrent à la villa de Kophio, celui-ci dit à Norodom :

"Maintenant, je suis Ornicar Séféro. Pour toi comme pour Benika et Cathy, c'est compris ?"

"Comme il vous plaira, Monsieur Séféro."

C'est ainsi que Yip Kophio, le redouté directeur de la Police Secrète, devint Ornicar Séféro, retraité. Yip Kophio existait toujours, il était même conseiller du roi Andreas pour la sécurité intérieure, mais le roi ne lui demandait jamais rien. Comme son traitement était viré sur son compte tous les mois, Kophio-Séféro ne s'en inquiétait pas.

Ornicar Séféro passa son premier mois sur la Côte d'Ethel dans l'angoisse. Il s'attendait à ce que Norodom, Cathy et Benika se saisissent de lui et le torturent à la demande du baron Chim. Mais rien de tel n'arriva, et Yip Kophio laissa définitivement la place à Ornicar Séféro, qui était beaucoup plus serein.

Ornicar Séféro s'était inventé un passé, pour le cas où il serait interrogé à ce sujet. Ancien employé de bureau, célibataire, fils unique, Ornicar n'avait jamais connu son père. Il avait hérité de sa mère, elle-même riche héritière, décédée prématurément, et avait décidé d'aller mener sur la Côte d'Ethel une vie d'oisif aisé, paresseux et un peu misanthrope.

Ornicar ne sortit pas de sa villa pendant quatre semaines, sans s'ennuyer un seul instant. Norodom mettait de temps en temps le masque-cagoule de Barzaï le Sage ou celui de Brad, le Journaliste-Baroudeur. Benika portait celui de Krista la Bonne Copine. Souvent, après le déjeuner, Ornicar prenait le café sur la terrasse surplombant la mer, avec Brad, Krista et Cathy, qui jouait son propre rôle. Commençaient alors de longues conversations, sur l'actualité, l'histoire ou la philosophie.

Ornicar, bien reposé et la barbe ayant poussé, les muscles tonifiés par des séances quotidiennes de gymnastique, le regard dissimulé par de grosses lunettes, sa longue perruque grise sur la tête, osa enfin faire un tour en voiture à Hyltendale, avec Norodom et Benika. Ils firent les courses de la semaine dans un supermarché du district de Roddetaik, à l'est de la ville.

"Ça fait un drôle d'effet" dit-il ensuite. "J'avais oublié ce que c'est que de voir de près des gens que je ne connais pas. La prochaine fois, on ira au restaurant."
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyJeu 13 Avr 2017 - 20:26

Vilko a écrit:
"Dites-donc, le chevelu, c'est quoi ce truc ? C'est pas parce que vous avez une belle voiture que vous avez le droit de faire du feu dans les champs, espèce d'incendiaire ! On va appeler la police ! Salaud de riche qui se croit tout permis !"
Ben, tu vois, si Kophio/Sefero avait eu pour voiture un vieux break avec quelques bosses & taches de corrosion, il serait encore plus passé inaperçu, et plutôt que d'brûler son dico, il l'aurait déchiqueté en menus morceaux, éventuellement en achetant dans un magasin de bureau une machine à broyer portative, et il aurait répandu les lamelles dans plusieurs poubelles. Si ca s'était passé en hiver, il aurait même donné plusieurs bandelettes à des ouvriers de chantier pour les mettre dans leurs braséros.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyVen 14 Avr 2017 - 10:31

Anoev a écrit:
Ben, tu vois, si Kophio/Sefero avait eu pour voiture un vieux break avec quelques bosses & taches de corrosion, il serait encore plus passé inaperçu,

Et il aurait été la risée de ses collègues et des nobles de la Cour ! À Sarnath comme ailleurs, il faut savoir tenir son rang... Maintenant que Kophio habite sur la Côte d'Ethel, où ne vivent que des riches, une voiture de luxe s'impose plus que jamais. Sur la Côte d'Ethel, ce sont les vieux breaks cabossés qui attirent la suspicion !

Anoev a écrit:
et plutôt que d'brûler son dico, il l'aurait déchiqueté en menus morceaux, éventuellement en achetant dans un magasin de bureau une machine à broyer portative,

Il en avait certainement une dans son bureau de directeur de la Police Secrète. Mais il ne pouvait pas l'emmener avec lui en quittant ses fonctions, ça ne se fait pas, de voler le matériel de l'administration. Surtout quand on a été directeur. Il faut montrer l'exemple. Quant à en acheter une de ses deniers et à l'installer chez lui, cela aurait été possible, mais il voulait détruire le dictionnaire tout de suite, et une déchiqueteuse, ça se branche sur une prise électrique. Ce n'est pas conçu pour être branché sur un allume-cigare de voiture.

Sur la Côte d'Ethel, lorsqu'il a  des documents à détruire, Kophio-Séféro les brûle dans le barbecue du jardin... Il joint ainsi l'utile à l'agréable, car il adore la viande grillée !

Lorsque Kophio a brûlé son dictionnaire de naacal, il était dans un état de grande agitation, et il ne voulait pas perdre un instant. Sa vie n'est pas ordinaire, même pour le Mnar. Il utilise une fausse identité, car si les gens le reconnaissaient dans la rue, il risquerait de se faire lyncher.

Il pourrait, comme beaucoup, vivre dans une résidence fermée, sous la protection de gardes du corps, mais il a choisi de carrément changer d'identité. À Hyltendale, c'est assez facile (à condition de faire confiance aux cybersophontes), et ça revient beaucoup moins cher que de payer des gardes du corps. Kophio utilisait des agents de la Police Secrète comme gardes du corps, mais il ne peut plus le faire maintenant.

Les seuls voisins de Kophio qui connaissaient sa véritable identité étaient les Swaghenkarth, dont la villa se trouve à deux kilomètres de la sienne. Le duc Arthur Swaghenkarth est maintenant décédé, et sa jeune épouse, la femborg Wagaba Jabanor, est devenue la fiancée du roi... C'est d'ailleurs Kophio qui avait présenté le duc et sa jeune épouse au roi Andreas, venu lui rendre visite dans sa villa ! (Voir page 15 de ce fil, message du 31/01/2016).

À l'époque, le majordome androïde de Kophio s'appelait Wanaks, et il n'y avait pas de gynoïdes résidant en permanence dans la villa. Kophio a remplacé Wanaks par un trio composé de l'androïde Norodom et des gynoïdes de charme Benika et Cathy. Le remplacement de Wanaks peut surprendre, tous les androïdes étant contrôlés à distance par les mêmes cybercerveaux, mais Kophio voulait un majordome au physique plus discret que celui de l'imposant Wanaks.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptySam 15 Avr 2017 - 18:26

La Côte d'Ethel est, dans l'esprit des Mnarésiens, le lien où les riches ont leurs villas, et où ils sont servis par des gynoïdes et des androïdes. Il n'en a pas toujours été ainsi. Pendant des siècles, la Côte d'Ethel, longue de quatre-vingt kilomètres, entre Hyltendale et la province de Lakkadowm, n'a été peuplée que de pêcheurs et de petits agriculteurs, vivant dans des villages fortifiés comme Qopoen ou Bilatsé, dont les habitants vivaient dans la peur permanente des pirates preneurs d'esclaves.

Le renforcement de l'autorité royale amena la disparition des pirates, et la population augmenta, bien qu'elle soit restée pauvre. Cette période de paix fuit suivie de l'arrivée des cybersophontes, qui achetèrent toutes les terres et les maisons disponibles et ruinèrent les commerçants locaux. En contrepartie, ils fournirent aux habitants des logements et des emplois à Ulthar et à Khem. Bientôt, il ne resta plus dans les anciens villages que des retraités et des rentiers.

Les cybersophontes financèrent la construction de la Route de la Mer, une route à quatre voies qui va du Lakkadowm à l'est jusqu'à Hyltendale à l'ouest. Au sud de cette route, et jusqu'à la mer, ont trouve d'anciens villages, et les villas et résidences diverses des habitants humains de la Côte d'Ethel.

Au nord de la Route de la Mer, c'est la campagne, avec ses exploitations agricoles et ses centres industriels, où travaillent des androïdes et des cybermachines.

Les êtres humains ne peuvent pas franchir la Route de la Mer pour accéder à la campagne. Les anciennes routes ont été privatisées et sont fermées par des barrières ou des murets, sauf à Qopoen, à vingt kilomètres à l'est d'Hyltendale. Dans l'Ethel Dylan, la campagne, c'est le domaine des cybersophontes. Lorsqu'on se trouve sur la Route de la Mer, on ne voit, côté nord, que des plantations de pins et d'eucalyptus, sur quatre-vingt kilomètres. Le bois de pin sert à fabriquer des meubles, le bois d'eucalyptus est transformé en pâte à papier et en carton.

Qopoen, autrefois village de pêcheurs, est devenu un port commercial robotisé. Des cybermachines gigantesques chargent et déchargent les cargos sur le port. On y trouve aussi l'unique centre commercial de la Côte d'Ethel, ainsi que quelques cafés et restaurants.

La Côte d'Ethel n'a pas de transports en commun, même pas une ligne de bus. La seule gare est la gare de marchandises de Qopoen, qui transporte des marchandises du port vers la campagne et inversement. La ligne de chemin de fer passe sous la Route de la Mer, par un tunnel.

Entre Hyltendale et le Lakkadowm, on ne peut sortir de la Route de la Mer pour aller sur la côte qu'à Qopoen, à vingt kilomètres à l'est d'Hyltendale, et à Bilatsé, à cinquante kilomètres à l'est (et donc à trente kilomètres à l'ouest du Lakkadowm). Des échangeurs permettent d'accéder à la Route de la Mer et d'en sortir, par des bretelles d'entrée et de sortie et des tunnels, comme sur une autoroute.

Il est impossible de vivre sur la Côte d'Ethel sans voiture. Heureusement, dans l'Ethel Dylan les humanoïdes ont le droit de conduire. Par ailleurs, en cas de pénurie de carburant, les habitants ne seraient pas totalement dépourvus, parce qu'il resterait les tricycles à passager. Chaque villa en possède au moins un, en général utilisé par un humanoïde pour aller faire les courses à Qopoen ou à Hyltendale. Le problème avec les tricycles, c'est qu'ils sont lents, en moyenne vingt km/h, même lorsque c'est un humanoïde qui pédale.

Le coupé sport rouge vif d'Ornicar Séféro est peu adapté pour aller acheter les provisions de la semaine au supermarché, à moins de remplir entièrement le coffre et l'étroite banquette arrière. Toutefois, comme sa villa ne se trouve qu'à une dizaine de kilomètres à l'est d'Hyltendale (elle est située à peu près à égale distance entre Hyltendale et Qopoen), il envoie souvent Norodom faire les courses en tricycle à Roddetaik ou Playara, les deux districts d'Hyltendale les plus proches de chez lui.

La Côte d'Ethel fait administrativement partie de la ville d'Hyltendale, et vu sa faible population n'a même pas un conseiller municipal spécifique. Les habitants de la Côte d'Ethel ont le sentiment de vivre hors de la ville, ce qui est vrai d'un point de vue géographique. Ils font comme si la Côte d'Ethel et Hyltendale étaient deux entités distinctes.

Plus on s'éloigne vers l'est, plus les villas sont espacées, et plus leur prix diminue. On trouve même, à partir de dix kilomètres à l'est de Qopoen, des fermes où travaillent des androïdes. Autour de Bilatsé, ce sont même souvent de vrais ranchs, où des androïdes élèvent des bovins, jusqu'au bord de la mer. Les fembotniks propriétaires de ces ranchs sont d'ailleurs connus pour cultiver le style cowboy, avec leurs chapeaux à la texane et leurs chemises à grands carreaux. Tout l'est de la Côte d'Ethel a été pillé par les rebelles pendant les Évènements, et les fermiers ont, depuis, fortifié leurs habitations et se sont équipés en arbalètes, les armes à feu étant réservées à la police et à l'armée.

Lorsqu'on passe une limite invisible, on se retrouve au Lakkadowm, où il n'y a pas d'humanoïdes. La Route de la Mer continue sur des centaines de kilomètres, jusqu'à Céléphaïs. Le Lakkadowm est une province agricole, plutôt paisible mais assez pauvre. Le seul point commun qu'elle a avec la Côte d'Ethel c'est de manquer de voies ferrées.

Par curiosité, Ornicar est allé visiter Bilatsé. Il a été surpris de voir que l'ancien village aux maisons de pierre, serrées les unes contre les autres derrière des murailles, n'était plus qu'un lieu-dit, un endroit où l'on peut entrer ou sortir de la Route de la Mer. Les vieilles maisons, les murailles, tout avait disparu, remplacé par des villas noyées dans la verdure. Sauf le temple de Yog-Sothoth, dont le style indiquait qu'il datait de plusieurs siècles. Par contraste, aucune des villas alentour ne devait avoir été bâtie plus de trente ans auparavant. Le seul commerce était une station-service qui faisait aussi fonction de garage et d'épicerie. Le village semblait vide.

Ornicar s'était approché du temple. Et lui qui avait fait tuer, dans sa longue carrière de directeur de la Police Secrète, lorsqu'il s'appelait encore Yip Kophio, plusieurs centaines de milliers d'adorateurs de Yog-Sothoth, avait senti le poids des années de l'antique construction, et quelque chose d'étrange, comme si le dieu lui-même était caché à l'intérieur du bâtiment et le regardait à travers les murs.

Un espace rectangulaire, entouré par un mur de vieilles pierres, adossé au temple, devait être le Jardin Sacré. Depuis le règne du roi Robert, les corps sont brûlés dans le four crématoire d'un hôpital, et non plus directement dans le Jardin Sacré comme autrefois. Mais les cendres sont toujours dispersées de la même façon dans le Jardin Sacré, par un religieux.

Le portail du temple, en bois noir massif renforcé de métal, était fermé. Il y avait une affiche dessus. Ornicar surmonta l'appréhension superstitieuse qu'il sentait monter en lui et s'approcha pour lire. Il était écrit que, pour tout service religieux, il fallait contacter l'Association des Dévots de la Côte d'Ethel, dont le numéro de téléphone et l'adresse e-mail étaient indiqués.

Il était aussi indiqué que le Jardin Sacré était désormais composé de deux parties, l'une réservée aux adorateurs de Yog-Sothoth, et l'autre "aux autres défunts".

Ornicar sourit. Sur la Côte d'Ethel, les théocrates avaient mis de côté un peu de leur intolérance foncière. Il leur était toujours insupportable que même après leur mort leurs centres soient mêlées à celles de mécréants, mais ils consentaient désormais à partager leurs Jardins Sacrés.

"Pour ces autres défunts, qui célèbre les cérémonies ?" demanda Ornicar à Norodom.

Le cerveau cybernétique de Norodom interrogea silencieusement l'intelligence collective des cybersophontes.

"Ce sont des bénévoles, des agnostiques. La municipalité d'Hyltendale a une liste de volontaires, ils doivent suivre un stage avant d'être agréés. On les appelle des célébrants," dit l'androïde.

Ornicar hocha la tête :

"Je vois. Est-ce que c'est pareil à Qopoen ?"

"Tout à fait, patron."

"Parce que tu vois, quand je mourrai, mes cendres seront sans doute dispersées dans le Jardin Sacré de Qopoen. Mais Yip Kophio est recensé comme adorateur de Nath-Horthath..."

"Les célébrants apprennent aussi les Paroles Sacrées du culte de Nath-Horthath, patron, même si eux-mêmes n'adhèrent pas à cette religion."
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 24 EmptyDim 16 Avr 2017 - 9:14

Vilko a écrit:
La Côte d'Ethel n'a pas de transports en commun, même pas une ligne de bus. La seule gare est la gare de marchandises de Qopoen, qui transporte des marchandises du port vers la campagne et inversement. La ligne de chemin de fer passe sous la Route de la Mer, par un tunnel.
Raison pour laquelle Eneas Tond n'a jamais voulu s'y installer. Pour lui, un endroit sans T.C., c'est un trou perdu, même si c'est des riches qui y habitent. Un minibus, voire un taxi collectif pour les régions les plus pauvres (c'est pas le cas de la côte D'Ethel), c'est le minimum (à son sens) pour une aire géographique, quelle qu'elle soit, pour ne pas ressembler à un désert. Mais bon, Eneas sait bien que le Mnar n'est pas l'Aneuf, et que, au moins, à Plajàra (comme il écrit dans son journal intime), il a de quoi se déplacer sans prendre un quelconque véhicule personnel. Il irait bien à Celephais (une des rares villes où les Étrangers peuvent résider au Mnar), là au moins, y a un métro ; mais il fallait faire un choix difficile : le métro ou les gynoïdes. Contre toute attente (du moins, pour un Aneuvien), il a choisi les gynoïdes. Toutefois, ça lui arrive parfois, en pensant à son pays, de lâcher des soupirs qui pourraient faire tourner un turboréacteur, du moins, quand Xenopha n'était pas dans les environs ou dans ses bras... et encore, il lui arrivait quand même dans des courtes périodes cafardeuses, d'avoir un vague à l'âme, même quand sa p'tit'chérie était dans les parages. Il se demandait quand il pourrait revenir à Hocklènge. Malgré une vie somme toute assez tranquille à Hyltendale, il se sentait en exil. Ces périodes de mal du pays commencèrent, petit à petit, à gagner en fréquence. Quand il arriva sur la ville côtière mnarésienne, il sentit un soulagement d'avoir pu fuir avec la fortune de son ex-patron ; ensuite, ce fut la rencontre avec Xenopha et Moyae, avec les habitués du cercle Paropien, mais depuis un certain temps, il tournait en rond ; il pensait de plus en plus souvent à son pays qu'il pouvait au moins sillonner de long en large, au lieu de rester cloisonner dans une province grande comme un mouchoir de poche comme un prévenu en résidence surveillée. Mais pour l'instant, du moins, le retour au pays, il ne fallait pas trop l'espérer : il l'avait quitté précipitamment, même s'il avait senti qu'il n'avait fait que ce qu'il avait à faire, vis à vis d'un patron sans scrupules. Il avait (indirectement du moins) spolié ses clients. Il dépensait assez peu à Hyltendale, "sa" fortune était restée à peu près intacte. S'il avait l'assurance que son ex-patron serait mis hors d'état de nuire et que lui-même aurait un gentleman-agreement avec la justice santoise, il pourrait rendre l'argent à ses clients (mais pas à son ex-patron) et tout serait oublié. Il pourrait, de temps à autres, reprendre le métro pour aller au centre d'Hocklenge, à Kastenexhelle, retrouver la "zone franche" où là, il pourrait... mais pour l'instant, il n'en était pas là. Dans l'état actuel des choses, s'il retournait dans son pays, ce serait pour y être jugé, embastillé, ruiné (fortune et réputation) et verrait son innomable patron prendre des mines arrogantes de vainqueur. Non, dans ces conditions, l'air aneuvien était irrespirable et il vallait mieux rester au Mnar avec ses deux "poupées vivantes". À cette seule pensée d'un avenir si sombre dans son propre pays, il se sentait un peu mieux.

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