Messages : 6728 Date d'inscription : 28/02/2010 Localisation : France - Nord
Sujet: Re: Désinences indo-européennes Dim 13 Aoû 2023 - 17:44
J'ai lu qqpart une théorie sur le fait qu'il n'y avait pas un seul IE mais plusieurs, et que le degré d'abstraction des locuteurs était resté faible.
Pour le 1er cas (plusieurs IE), ça pourrait expliquer pourquoi il y a 36 racines pour un même concept, car les racines venaient de "dialectes" différents. Un peu comme si dans 1000 ans, les langues filles du français dériveront leur mot "maison" à partir de diverses racines comme "masure", "case", "demeure", "crèche" (du verbe crécher) etc. On me répondra qu'il s'agit de niveaux de langage, mais c'est juste pour donner une idée.
Pour le second cas (abstraction), ça expliquerait pourquoi certains verbes fluctuent en fonction de la conjugaison, un peu comme notre verbe "aller" (je vais, nous allons, j'irai, soit 3 racines). Il semble pour que certains locuteurs, le verbe achevé n'a pas à être proche du verbe inachevé, car il s'agit de 2 concepts différents, bien qu'un peu voisins.
L'auteur disait que les grammairiens grecs (de l'Antiquité) ont tenté de rationnaliser qqch qui ne l'était pas au départ. Bref, de mettre de l'ordre dans le bordel, à l'image des racines à 3 consonnes des langues sémitiques, et de l'arabe en particulier. Oui, l'arabe est une langue très riche, ils ont 50 mots pour désigner le lion, ce qui est follement utile dans la vie quotidienne :^)
Ce "défaut" d'abstraction et aussi un certain côté pratique de la chose ont fait que les noms d'animaux d'élevage ont récupéré 36 appellations en fonction du sexe, de l'âge etc.
Pour résumer, au début, c'était le magma (pas le groupe de rock), et doucement, de cette mare de boue sont sorties diverses briques +/- élaborées. Et que la reconstruction d'un seul et unique PIE est mal engagée.
Certains linguistes s'amusent à dire qu'à partir du français, de l'italien, de l'espagnol (et autres), on n'arrive pas tjrs à reconstituer tout le latin classique de Cicéron.
Olivier Simon Modérateur
Messages : 5565 Date d'inscription : 20/02/2009 Localisation : Lorraine
Sujet: Re: Désinences indo-européennes Dim 13 Aoû 2023 - 17:49
Perdu, on peut très bien reconstruire un seul PIE :
Je connais ta prose pour l'avoir imprimée et lu 36 fois, afin de bien tout comprendre.
Mais côté racines, es-tu certain que ce soit bien le cas ? Mais côté flexions, es-tu certain qu'il n'y avait pas des exceptions qui confirment la règle ?
Car après le PIE, dans les langues anciennes connues, la déclinaison et la conjugaison sont bourrées de chausse-trappes, parfois sans logique apparente. Il serait qd mm étrange que le PIE soit d'équerre, puis que ses langues-filles se soient envoyées dans le chemin de la dissonance. Je trouve aussi étrange qu'il n'y ait qu'un seul PIE, alors que des dialectes surgissent très vite de contrée en contrée, voire même de village en village, le tout en une sorte de dégradé.
Olivier Simon Modérateur
Messages : 5565 Date d'inscription : 20/02/2009 Localisation : Lorraine
Sujet: Re: Désinences indo-européennes Dim 13 Aoû 2023 - 19:46
C'est difficile de faire une réponse synthétique et c'est vrai que de toute façon, on obtient en reconstruisant un PIE (presque) parfait.
Tout d'abord, ce qui est bien avec les changements phonétiques et les catégories, c'est qu'elles sont assez vastes pour absorber un bon millénaire. Certainement pour les changements phonétiques qui sont (souvent) réguliers et, sur une autre échelle, regarde les orthographes étymologiques du français et de l'anglais qu'on utilise toujours mais qui représentent la prononciation.... d'il y a 500 ans.
Pour le verbe, j'ai moi-même reconstruit l'histoire de l'aspect verbal PIE qui a varié au cours de son histoire (un millénaire). En germanique, tu as encore les statifs avec ablaut (va pas loin de chez toi chez les Flamands pour les entendre) mais ce n'est que rarement le cas pour les langues qui ont quitté plus tard le tronc commun. En revanche, ces dernières ont parfois usé allègrement de l'aoriste sigmatique pour leur passé. Donc si les désinences du statif sont souvent passées aux oubliettes, ce n'est pas le cas des désinences de la conjugaison perfectif-imperfectif que l'on peut encore reconnaître dans les langues modernes qui se conjuguent. Non seulement en sambahsa, mais aussi en français grâce à son orthographe conservatrice : -s, -t, -mes, -nt (voire -tH1 que certains reconstruisent -te(s)) : 4 sur 6, pas mal ?
Sur les déclinaisons, la régularité et la prédictibilité (cette dernière reconstruite par moi) des déclinaisons athématiques s'est forcément heurtée au temps qui passe et a donné lieu à des formes irrégulières tandis que le thématique (dont l'accentuation n'est pas prédictible en PIE) est devenu la norme. J'ai montré que, hors nominatif-accusatif-vocatif, les désinences sont d'anciennes postpositions. Et comme moins un "cas" est utilisé, plus il aura de chances d'être oublié ou modifié, on a toujours pas mal d'unité sur les formes basiques mais ça se complique ailleurs pour les langues qui ont gardé beaucoup de cas.
Le phénomène principal de changement est à mon avis, phonétique. La belle harmonie du PIE s'est brisée quand certains sons (les laryngales, les aspirées) ont été perdu et forcément, pour éviter les homophones, on a eu recours à de nouveaux mots et la régularité de certains systèmes s'est évanouie. (c'est pourquoi d'ailleurs le "Modern Indo-European" est en fait plus complexe grammaticalement que le PIE que je reconstruis)
Donc, il n'y a rien de bizarre entre le PIE et les langues classiques, pas plus qu'entre le latin et le français.
Vilko aime ce message
PatrikGC
Messages : 6728 Date d'inscription : 28/02/2010 Localisation : France - Nord
Rien de bizarre, sauf que le courant est passé différemment : il y a eu complication entre le PIE et ses langues-filles, alors qu'il y a eu simplification entre le latin et ses descendants.
Olivier Simon Modérateur
Messages : 5565 Date d'inscription : 20/02/2009 Localisation : Lorraine
Simplification relative : OK pour les déclinaisons disparues, sauf les pronoms qui en plus suivent une syntaxe spécifique.
Quant à la conjugaison, ce n'est franchement pas sûr. Toutes les langues romanes modernes ont pas mal de verbes irréguliers, avec des conjugaisons très baroques, alors qu'en latin, à part quelques verbes basiques très irréguliers, il suffit d'apprendre les formes de bases pour tout conjuguer. Et des langues comme l'espagnol et encore plus le portugais ont ajouté de nouveaux temps !
Anoev Modérateur
Messages : 37585 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
Sujet: Re: Désinences indo-européennes Jeu 25 Avr 2024 - 9:13
PatrikGC a écrit:
Pour le 1er cas (plusieurs IE), ça pourrait expliquer pourquoi il y a 36 racines pour un même concept, car les racines venaient de "dialectes" différents. Un peu comme si dans 1000 ans, les langues filles du français dériveront leur mot "maison" à partir de diverses racines comme "masure", "case", "demeure", "crèche" (du verbe crécher) etc. On me répondra qu'il s'agit de niveaux de langage, mais c'est juste pour donner une idée.
Pour "crécher", j'viens d'avoir un semblant d'idée. Ça pourrait éventuellement vouloir dire "manger à un endroit fixe", vu qu'à l'origine, une crèche, c'était une grume creuse dans laquelle on entreposait de la nourriture pour des bovins*. Dans ladite crèche, Josef et Màri y calèrent bien confortablement leur fils, alias Jésus. Comme les bovins ne sont pas des carnivores, les parents en question n'avaient aucune crainte à avoir. C'est uniquement en rapport avec Jésus bébé qu'on utilisa le nom pour une institution où on confie ses bébés avant d'aller au travail, l'"assiette à bovins" n'est plus de la partie.
Mais en fait non. D'après ce que j'en ai vu là, le verbe serait plus en rapport au gîte qu'au couvert. Adieu veaux, vaches...
*Chez moi, j'me suis donné dans l'à-postériori à domphes ! Pour la mangeoire, j'ai adopté krip, pompé à l'allemand Krippe, et celle-là, c'est uniquement la mangeoire pour les bovins. Adaptée à Jésus, j'y ai imbriqué ɴàtyvet (Nativité), pris de nàtyv (naissance), ce qui donna ɴàtrip. Par contre, le troisième terme n'a plus rien à voir, même s'il est aussi à-postériori, puisque c'est baboos, une maison (hoos) pour bébés (pœr baabduse).
_________________
Pœr æse qua stane:
Pour ceux qui restent.
Velonzio Noeudefée Référent Actualités
Messages : 8428 Date d'inscription : 14/02/2015 Localisation : Rhône-Alpes
Sujet: Re: Désinences indo-européennes Jeu 25 Avr 2024 - 19:57
De plus au vu de l'expansion des indo-européens, ne pourrait-on pas supposer qu'ils se soient alliés avec des substrats locaux et que les langues que nous parlons sont certes descendantes du PIE mais dont à l'époque pour une partie de nos ancêtres ce n'était pas leur langue maternelle, mais une langue lingua franca comme le fut le latin et l'est aujourd'hui l'anglais.
Du coup prononciation différente, certains mots d'autres origines conservés, et une appropriation approximative et imparfaite des règles du PIE. PIE, qui, qui plus est, devait aussi connaitre des petites variantes selon les uns et les autres.
Imaginons que certains groupes de francophones essaiment et que dans quelques millénaire leur français ait donné lieu à une langue fille, sommes-nous sûr qu'un groupe du sud-ouest de la France métropolitaine, un groupe marseillais, un groupe chti-belge, un québécois et un suisse donnerait la même langue comme descendante, je ne pense pas.
Le cas peut facilement s'imaginer avec l'anglais où si pendant une très longue période les communications internationales étaient interrompues, n'aurait-on pas des descendantes de l'anglais assez différente comme un indien, un australien, un, voire plusieurs nord-américain, un écossais, un londonien, etc.
Niluusu kivanu ki-so∂em-korondo-s-uvi gu koyoodnißju. (dudyi) / Midevim iſeet dotſe iJebiriotoẏot éß umowonêyû. (∂atyit) Je rêve que les humains deviennent les jardiniers de la vie dans le système solaire.
Olivier Simon Modérateur
Messages : 5565 Date d'inscription : 20/02/2009 Localisation : Lorraine
Sujet: Re: Désinences indo-européennes Jeu 25 Avr 2024 - 20:11
Les correspondances grammaticales sont fortes entre les langues anciennes. Les principales désinences du présent ont été conservées presque partout, et une très grande partie de la conjugaison, de la déclinaison, la dérivation.
En fait, le grand changement semble porter presque partout sur la phonétique indo-européenne, qui n'a été conservée intégralement nulle part. Et ces déformations ont obscurci la flexion athématique, qui est devenue le plus souvent une irrégularité, laissant la part belle aux formations thématiques, où seule la terminaison change.