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| Les fembotniks | |
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+6Mardikhouran PatrikGC Greenheart Olivier Simon Anoev Vilko 10 participants | |
Auteur | Message |
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Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Sam 8 Aoû 2015 - 0:17 | |
| - Mardikhouran a écrit:
- Inquiets de le voir passer tous son temps à embrasser sa copie robotique de Lucy Liu, les autres personnages l'emmènent voir un film éducatif (comme on en faisait dans les années 50, du style "voici Billy, Il a une vie tout à fait normale jusqu'au jour où..."), lequel film ne dit pas autre chose que ce que tu viens de dire.
J'ai essayé de voir cet épisode en streaming, mais il faut s'inscrire sur un site que je ne connais pas, et je préfère m'en abstenir. Les robots sexuels (gynoïdes et androïdes) si un jour ils existent vraiment, auront encore plus d'effets sur la société que l'automobile et les ordinateurs n'en ont sur la nôtre. Ils feront quasiment disparaître trois réalités humaines fondamentales : la vie en couple, la reproduction, et le travail salarié. Car bien entendu les robots sexuels sont indissociables des robots travailleurs. En contrepartie, ils feront aussi disparaître trois souffrances actuellement fort répandues : la frustration sexuelle, la solitude et le manque d'affection. Si trop de gens devenaient des fembotniks ou des manbotchicks, ce serait la fin du peuple auquel ils appartiennent, par implosion démographique et chômage généralisé. C'est pourquoi, par décision royale, dans le royaume de Mnar il n'y a de robots intelligents, et donc de fembotniks et de manbotchicks, que dans une seule petite province, où vivent seulement 2% de la population totale du pays. À Hyltendale, un fembotnik qui meurt est remplacé par un autre fembotnik venu d'ailleurs. Le vrai peuple hyltendalien, ce sont les humanoïdes, les cyborgs et les cybercerveaux, car ce sont eux qui maintiennent la culture mnarésienne dans la ville : langue, mode de vie, institutions. Autrement dit, à Hyltendale l'humanité biologique a été remplacée en douceur, en tant qu'espèce dominante, par une population cybernétique qui n'est plus réellement humaine. | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Jeu 13 Aoû 2015 - 12:58 | |
| Les invalides, grabataires et malades mentaux que l'ont trouve par centaines de milliers dans les hospices et les hôpitaux d'Hyltendale y sont envoyés par le gouvernement royal. La prise en charge de ces personnes fait partie du prix à payer par les cybersophontes pour résider dans l'Ethel Dylan, qui est le nom nouvellement donné à la province dont Hyltendale est la capitale.
Ethel Dylan, tout comme Hyltendale, est une anagramme de Dylath-Leen, qui était, pendant les temps légendaires, le nom d'une ville située à l'emplacement actuel d'Hyltendale.
Les résidents des hospices et les hôpitaux sont les habitants humains les plus pauvres et les plus faibles d'Hyltendale, nettement en dessous des fembotniks, qui constituent la classe moyenne de la ville, avec les fonctionnaires royaux (policiers, juges) et les titulaires d'un emploi (avocats, dentistes et médecins signataires, goûteurs et cuisiniers).
La classe supérieure, qui détient le pouvoir politique et financier, est surtout constituée de cyborgs, comme Ondrya Wolfensun, et de symbiorgs, comme le docteur Lorenk. Les fembotniks, même riches, n'en font pas partie. Perrine Vegadaan, manbotchick et conseillère municipale, est en contact permanent avec la classe supérieure, mais, contrairement au docteur Lorenk, elle n'a pas été acceptée à l'Adria Nelson, le club le plus huppé d'Hyltendale.
Entre les résidents des hospices et les fembotniks, il existe une classe intermédiaire, constituée de retraités, de petits rentiers et de pensionnés (notamment des soldats invalides), souvent venus avec leurs conjoints, qui se sont installés à Hyltendale dans les maisons de retraite bon marché et les "résidences services", nombreuses dans la ville. À Hyltendale, ils sont appelés les pensionnés, un mot qui a pris à Hyltendale un sens particulier : quelqu'un qui ne travaille pas, et qui a un revenu qui lui permet de vivre et de se loger à Hyltendale, mais pas d'y louer à temps plein une gynoïde ou un androïde. Le revenu, souvent tout juste suffisant pour vivre, n'est d'ailleurs pas nécessairement une pension. Il peut être constitué du loyer d'un bien immobilier situé dans une autre ville.
Les pensionnés ont souvent recours aux services des agences de location de gynoïdes, qui leur donnent à domicile, une ou deux fois par semaine, des étreintes tarifées, pour une somme modique.
Les pensionnés ont leurs propres clubs, distincts de ceux des fembotniks, et leurs lieux de rendez-vous, qui, pour une raison mystérieuse, sont appelés à Hyltendale des cafétérias. La clientèle d'une cafétéria, à Hyltendale, est souvent constituée de pensionnés qui peuvent rester toute une après-midi à boire du thé ou du sirop d'orgeat, en lisant de vieux magazines.
Antwen Zeno, un habitant d'Ulthar, déjeune parfois dans une cafétéria située rue Niroïftis, lorsqu'il va à Hyltendale voir sa sœur Tawina, internée à vie dans un hôpital psychiatrique. La nourriture y est la même que dans toutes les cantines d'entreprise du royaume, à des prix très modestes. La qualité des plats, toutefois, est plutôt moyenne. Les serveurs sont des androïdes dont les blouses grises portent le logo de la société Tonina, propriétaire de la moitié des cafétérias de l'Ethel Dylan.
La cafétéria étant située au nord-est d'Hyltendale, où sont concentrés les hôpitaux, les hospices et les maisons de retraite, la clientèle de la cafétéria est surtout constituée de pensionnaires de ces établissements ainsi que, parfois, de membres de leur famille venus leur rendre visite.
La gigantesque prison de Tatanow étant située assez loin du Lagovat-Kwo, l'hôpital où est internée Tawina Zeno, la cafétéria de la rue Niroïftis compte parmi ses clients fort peu de gens venus visiter un parent incarcéré.
Un mur entier de la cafétéria est pourvu de rayonnages sur lesquels sont placés en désordre des centaines de livres bon marché et de vieux magazines. Le matin, l'après-midi et le soir, en effet, les pensionnés du quartier viennent à la cafétéria pour lire, discuter, et jouer aux cartes ou aux dés. Il n'y a pas d'écran de télévision sur les murs, pas de musique d'ambiance : les pensionnés ont tout ça chez eux, ce qu'ils viennent chercher à la cafétéria Tonina, c'est une présence humaine.
Parmi les pensionnés d'Hyltendale, on trouve quelques écrivains, comme Jerry Quodhing, auteur de deux livres sur les Manuscrits Pnakotiques. Mais il faut bien reconnaître que la plupart des pensionnés se contentent de profiter du temps qui passent, en attendant la mort.
Le gouvernement encourage les retraités et les invalides à aller s'installer à Hyltendale, pour une raison fort simple : les frais médicaux des retraités et des invalides sont souvent élevés. Mais les cybersophontes les prennent à leur charge, comme ils prennent à leur charge ceux de tous les résidents de la province, sur ordre du roi.
En revanche, les cybersophontes refusent avec énergie de prendre en charge les adultes valides et les enfants. Pour une raison fort simple : il n'y a presque pas d'emplois pour les humains à Hyltendale.
Pour résumer, on peut décrire ainsi les classes sociales d'Hyltendale, de bas en haut :
1. Aucun revenu : malades mentaux, grabataires, prisonniers. Ne votent pas.
2. Petits revenus : pensionnés. Votent. Sont parfois même candidats. S'ils sont élus, leurs nouveaux revenus leur permettent de devenir des fembotniks.
3. Revenus moyens ou grands : fembotniks (et leur équivalent féminin, les manbotchicks), et les titulaires d'un emploi. Votent, et ont un certain nombre d'élus au conseil municipal et au conseil provincial.
4. Les cyborgs et les symbiorgs. Leurs revenus ne sont pas nécessairement très élevés, bien qu'ils soient toujours confortables. Certains cyborgs, comme Ondrya Wolfensun, sont très riches. Le docteur Lorenk est simplement aisé. Mais ce qui les met dans une classe à part, c'est qu'ils détiennent le pouvoir politique et financier. Ils font partie de la conscience collective des cybersophontes, dont le chef est la mythique "reine de la ruche". | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les fembotniks Sam 15 Aoû 2015 - 20:16 | |
| Voici le lien pour l'épisode de Ghost in the shell : Stand alone complex dont je parlais :
https://www.youtube.com/watch?v=X7NETDHpuIU
c'est en version doublée anglais |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Sam 15 Aoû 2015 - 23:25 | |
| - Der industrielle Mensch a écrit:
- Voici le lien pour l'épisode de Ghost in the shell : Stand alone complex dont je parlais :
https://www.youtube.com/watch?v=X7NETDHpuIU Superbe ! Je te remercie ! Hyltendale n'est pas Tokyo, c'est sûr (aucun immeuble ne dépasse les 15 étages, par exemple) mais il y a des éléments communs. J'ai bien aimé l'anglais du doublage, et sa prononciation "standard General American". Les cybersophontes parlent l'équivalent mnarruc : une langue très normalisée, assez simple mais sans vulgarités ni fautes de syntaxe, et avec une prononciation aussi parfaite que celle d'un ministre faisant un discours officiel. Les androïdes ont des voix graves, très masculines, comme les personnages masculins de l'épisode, et les gynoïdes des voix féminines, surtout les gynoïdes de charme. Les gynoïdes "de travail" (réceptionnistes, garde-malades, etc) ont toutes la même voix, qui ressemble à celle de Simone, la voix des annonces SNCF. À Hyltendale, c'est celle de l'actrice Rita Wemnaith. Les seuls Mnarésiens qui parlent comme les cybersophontes sont les aristocrates et les intellectuels de Sarnath et des autres grandes villes du royaume. Les gens ordinaires et les provinciaux parlent un grand nombre de dialectes, d'argots et de patois, voire des langues différentes comme à Leng. Les fembotniks ne renient pas leurs origines (Yohannès parle avec l'accent d'Ulthar) mais ils essaient quand même de rapprocher leur prononciation de la norme officielle. Les gynoïdes de charme ont des corps parfaits, comme dans "Ghost in the Shell", et je me demande dans quelle mesure ce n'est pas déstabilisant pour les femmes de chair et de sang, les biohumaines. C'est sans doute pour ça que la plupart des Hyltendaliennes sont des manbotchicks, qui vivent avec un androïde. Les cybercerveaux arachnoïdes, qui vivent cachés mais qui sont au sommet de la hiérarchie des cybersophontes, ressemblent à certains robots de Ghost in the Shell. Ci-dessous, une copie d'écran de la vidéo dont Der Industrielle Mensch a donné le lien : Un cybercerveau arachnoïde pense mille fois plus vite qu'un être humain, ce qui lui permet de faire littéralement mille choses à la fois. Par exemple, contrôler mille androïdes et gynoïdes en même temps. Ceux qui sont au sommet de la hiérarchie sont moins occupés, ils ont donc du temps pour penser... Ils sont heureux, car leurs cerveaux cybernétiques sont paramétrés pour être toujours d'humeur égale. Dans notre monde, des savants ont introduit des électrodes dans des crânes de singes, pour stimuler la partie de leur cerveau qui contrôle le plaisir. Ensuite, ils leur ont montré comment activer ces électrodes. Les singes sont morts rapidement : ils activaient sans cesse les électrodes qui leur donnaient du plaisir, au point d'oublier de manger. Les cybercerveaux (qui sont des réplications cybernétiques du cerveau humain de leur concepteur) sont conscients de ce danger, et ont réglé leur humeur une fois pour toutes. Ils sont toujours calmes et sereins, avec le bonheur tranquille que l'on ressent lorsqu'on est conscient d'être vivant et maître de soi-même. Lorsqu'ils ressentent de la colère ou de la tristesse, c'est d'une façon froide, intellectuelle. Les cybercerveaux sont amphibies, ils n'ont pas besoin de respirer, et les bunkers secrets où ils vivent sont toujours pourvus d'accès à la mer ou à une rivière, ne serait-ce que par les égouts. Un être humain ne peut communiquer avec un cybercerveau que par téléphone ou par ordinateur. Il entendra une voix d'androïde (celle de l'acteur Lester Hastat, avec sa belle voix de baryton à la John Wayne) ou de gynoïde (celle de Rita Wemnaith) et sur son écran il verra le visage d'un être humain, dont les lèvres et la mâchoire bougeront au rythme de ses paroles. Les cybercerveaux arachnoïdes font moins de 80 cm de haut, et vivent dans des pièces et des tunnels d'un mètre de haut, non aérés (puisque les cybercerveaux ne respirent pas) et faiblement éclairés. Les protections sont multiples : sas blindés, caméras à infra-rouge, etc. On ignore si des humains ont réussi à s'introduire dans les refuges des cybercerveaux arachnoïdes, ce qui est sûr c'est que personne n'est revenu pour décrire ce qu'il avait vu... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les fembotniks Dim 16 Aoû 2015 - 2:34 | |
| Ravi que cela t'aies plu... Comme je le disais, je trouve que les deux univers se font echo sur bien des points, notamment l'utilisation de cyber-cerveaux et l'utilisation de robots sexuels. J'ajouterai quelques precisions et questions :
Comme tu l'as remarque, il y a tout un travail de distanciation, notamment par rapport aux voix et a la langue. C'est subtil, mais cela marque bien la difference robot/humain
le major Kusanagi, je ne sais plus si cela est precise, est un cyborg : elle est nee humaine, a perdu son corps humain tres tot dans des circonstances pas eclaircies, et est actuellement dotee d'un corps de gynoide sexuel -c'est pour cela qu'elle peut se faire passer facilement pour une poupee gonflable du futur a la reunion de "fembotnik" (si tu me permets de reutiliser le mot). La question de son identite, pas seulemnt de son passe, traverse tout Ghost in the shell : autant les films que la serie anime ou, bien sur, le manga. C'est peut-etre meme la grande question de cette oeuvre : on la verra croiser d'autres exemplaires de son modele, changer de corps (homme ou enfant), melanger son esprit... Elle n'aura de cesse de s'interroger sur qui elle est vraiment et ce qui reste d'elle, apres la perte de son corps, et sur les roles qu'elle doit tenir. C'est certainement mon personnage d'anime favori, d'ailleurs. Cela rejoint en partie ta derniere remarque, d'ailleurs : comment fait-on pour etre une femme ou un homme ordinaire dans un monde de plastique, accessoirement parfaite ? (quoique la question se pose tout autant de nos jours !)
L'existence de cyber-cerveaux, dans la serie, amene un nouveau probleme : la maladie, designee sous le nom de sclerose cyber-cerebrale. Y a-t-il des maladies specifiques aux fembotniks, ou aux cyborgs ?
Enfin, tres a part, je suis ta diegese avec interet, mais je n'ai pas encore tout lu, et une question me brule les levres (les doigts, plutot) : pouquoi tes toponymes sont-ils tous issus des Contrees du Reve lovecraftiennes ?
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| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Dim 16 Aoû 2015 - 11:02 | |
| - Der industrielle Mensch a écrit:
- L'existence de cyber-cerveaux, dans la serie, amene un nouveau probleme : la maladie, designee sous le nom de sclerose cyber-cerebrale. Y a-t-il des maladies specifiques aux fembotniks, ou aux cyborgs ?
Pas des maladies physiques, mais des troubles psychologiques. Un fembotnik peut se désocialiser, passer ses journées et ses nuits avec sa gynoïde, d'autant plus facilement que la gynoïde peut incarner différents personnages. Elle peut mettre une cagoule peinte (un masque-cagoule) et jouer le rôle d'un vieux philosophe, par exemple. J'ai un ami qui, lorsqu'il prend une semaine de congés (son travail le lui permet), reste chez lui en pyjama toute la journée, à regarder la télévision et à peindre ses soldats de plomb. C'est sa femme qui fait les courses. Il m'a dit qu'au bout d'une semaine, même aller acheter du pain à la boulangerie demande un effort, parce qu'il faut parler à la vendeuse ! Pourtant, il est amené à parler à des gens dans son travail, et il lui arrive même de faire des conférences. Heureusement qu'il a son épouse, qui a pris en charge leur vie sociale (déjeuners avec des amis, cinéma, voyages), qui répond au téléphone, etc. Lui ne répond jamais au téléphone, il a même désactivé la sonnette de la porte d'entrée pour ne pas être dérangé. Tous les lundis matin, il va travailler en voiture : après être resté deux jours sans voir personne, sauf son épouse, prendre les transports en commun serait une épreuve ! À Hyltendale, la vie sociale du fembotnik moyen, c'est son club, et en général c'est sa gynoïde qui l'encourage à y aller. - Der Industrielle Mensch a écrit:
- Enfin, tres a part, je suis ta diegese avec interet, mais je n'ai pas encore tout lu, et une question me brule les levres (les doigts, plutot) : pouquoi tes toponymes sont-ils tous issus des Contrees du Reve lovecraftiennes ?
Cela fait des années que j'utilise le nom d'Hyltendale (anagramme de Dylath-Leen) pour diverses villes imaginaires. C'est un jeu : au pays de Mnar, il n'y a pas de vestiges archéologiques des Temps Légendaires, uniquement des noms et des légendes... C'est un peu ce qu'on fait les Mormons, lorsqu'ils ont inventé l'histoire de la colonisation de l'Amérique du Nord par les anciens Hébreux. Comme il fallait expliquer la présence des Amérindiens, le prophète des Mormons a écrit que ce sont d'anciens Hébreux à la peau noircie en punition de leurs péchés ! Cette explication politiquement incorrecte a disparu de la doctrine mormone moderne... Le Mnar, c'est comme si l'Amérique du Nord avait décidé que le Livre de Mormon était un manuel d'histoire... Ça pourrait passer, je pense même que l'idéologie officielle nous fait avaler des couleuvres au moins aussi grosses que ça. J'adore Lovecraft, et je pense qu'il avait un talent presque prophétique. Mais ce serait un peu long à raconter. J'ai commencé à apprécier la poésie en langue anglaise en lisant les "Fungi of Yuggoth", et j'en ai gardé une notion importante dans ma diégèse : une terre devient sacrée lorsque les ancêtres y sont enterrés. Bien que je sois plutôt partisan des jardins funéraires, où l'on disperse les cendres des défunts incinérés. Rien qu'en glanant des détails dans l'œuvre de Lovecraft, on arrive à créer l'illusion d'une culture spécifique pour une ville : le Vin de Lune (un vin rouge local), les marchands de rubis, etc. Quand aux divinités, Nath-Horthath, Yog-Sothoth, Azathoth, c'est une mine inépuisable. Azathoth, c'est un compromis entre le panthéisme et l'athéisme : l'univers n'a pas de sens (Azathoth est sourd, aveugle et idiot. Les théologiens, qui sont plus respectueux, disent "les voies de Dieu sont impénétrables.") mais nous en faisons partie (panthéisme). Pour que le culte d'Azathoth soit un peu attirant pour le public, toutefois, il faudrait lui associer des divinités mineures, protectrices (l'équivalent de Saint-Antoine et de la Vierge Marie chez les catholiques les plus superstitieux, par exemple). | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37621 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Re: Les fembotniks Dim 16 Aoû 2015 - 11:13 | |
| Y a-t-il, dans la périphérie d'Hyltendale (voire même en ville, avec une superficie certes un peu moindre), des parcs paysagers (artificiels, donc) ou des parcs naturels (forêts plates où vallonnées) où
- Des botnchiks peuvent flâner avec leurs gynandroïdes pour se changer d'air et donc aérer leurs neurones (du moins, pour les premers).
- Les personnels soignants des établissement hospitaliers promènent les plus invalides parmi leurs patients ?
_________________ - Pœr æse qua stane:
Pour ceux qui restent.
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| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Dim 16 Aoû 2015 - 13:23 | |
| - Anoev a écrit:
- Y a-t-il, dans la périphérie d'Hyltendale (voire même en ville, avec une superficie certes un peu moindre), des parcs paysagers (artificiels, donc) ou des parcs naturels (forêts plates où vallonnées) où
- Des botnchiks peuvent flâner avec leurs gynandroïdes pour se changer d'air et donc aérer leurs neurones (du moins, pour les premers).
- Les personnels soignants des établissement hospitaliers promènent les plus invalides parmi leurs patients ?
Il y a beaucoup de jardins publics à Hyltendale, et même des jardins potagers, cultivés par les membres du Club Agricole (un club de fembotniks amateurs de jardinage). J'avais parlé des jardins publics d'Hyltendale dans mon message du 18 juillet : - Vilko a écrit:
- Il s'était imprégné de l'ambiance tranquille de la ville, si différente de celle d'Ulthar. Les jardins publics, notamment, lui plaisaient. On peut souvent y voir des enfants, si rares à Hyltendale, mais surtout, ce sont des œuvres d'art, conçues par des paysagistes de talent. Les jardiniers municipaux sont des androïdes vêtus de blouses grises et coiffés de chapeaux de paille tressée, comme les paysans des siècles passés, et ils travaillent comme autrefois, avec les mêmes outils.
Les fembotniks qui habitent des logements exigus considèrent, par nécessité, les magasins, les bars et les parcs comme des extensions de leur domicile. Les autorités municipales le savent, et elles ont généreusement pourvu les jardins publics de bancs et de tables fixés au sol. Il est fréquent d'y voir des fembotniks y déjeuner ou y jouer aux cartes avec leur gynoïde. Les invalides sont promenés par les personnels soignants dans les jardins intérieurs des hôpitaux, comme dans notre monde. Toutefois, les hospices n'ont pas toujours de jardins intérieurs. C'est pourquoi ont peut voir des gynoïdes et des androïdes en blouse blanche pousser des fauteuils roulants dans les rues et les parcs d'Hyltendale. L'art des jardins est développé à Hyltendale. L'architecture de la ville étant tristounette (le béton domine) les autorités municipales ont décidé de compenser au niveau des jardins publics, qui sont souvent somptueux. Voir des androïdes habillés comme les paysans des siècles passés travailler "à l'ancienne" est un spectacle en soi. À l'extérieur d'Hyltendale, c'est la campagne, où les terres cultivées voisinent avec les centrales solaires et les usines. Seuls des robots et des klelwaks y travaillent, et elle n'est absolument pas conçue comme un lieu de promenade ou de loisirs. Il n'y a pas d'espaces aménagés, pas d'auberges, même pas de stations-service. Si vous tombez en panne, le remorquage de votre voiture vous coûtera une petite fortune. Seules quelques routes (l'équivalent de nos départementales) sont ouvertes au public ; les autres ont été privatisées et sont fermées par des barrières ou des hangars. Les automobilistes sont encouragés à prendre l'autoroute. Dans mon message du 12 mai, j'ai raconté le pique-nique d'Adront Cataewi dans une ferme à la campagne. Tranquillité garantie, ce qui est appréciable pour un ancien dictateur recherché par les services secrets de plusieurs pays. Mais il faut avoir des relations haut placées chez les cybersophontes... Il est possible aussi de pique-niquer, gratuitement, sur le bord de la route. Mais dans ce cas on est mieux dans un jardin public en ville, ou sur la plage à Playara ("Les Plages") à l'est de la ville, où il existe des emplacements prévus pour les pique-niqueurs, avec tables, bancs, toilettes publiques, centres de secours... | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Lun 17 Aoû 2015 - 9:28 | |
| Certaines activités ne peuvent pas être exercées par des humanoïdes. C'est le cas notamment de la préparation de la nourriture, les humanoïdes n'ayant ni sens gustatif ni odorat. Ils ne peuvent ni humer ni goûter les plats.
Cela ne veut pas dire que l'on ne trouve pas d'humanoïdes dans les cuisines hyltendaliennes. On en trouve même beaucoup. Ils font les opérations qui ne demandent pas de sentir ou de goûter les aliments, comme faire le thé et le café, ou préparer les ingrédients, découper la viande, peler les pommes de terre... On appelle ces humanoïdes les marmitons.
Les êtres humains qui travaillent dans les cuisines sont appelés, suivant leurs attributions, goûteurs ou cuisiniers.
Les goûteurs, comme leur nom l'indique, ne font que goûter les aliments, et les humer. Ils ne fument pas et boivent peu, pour ne pas altérer leur sens gustatif. Les goûteurs les mieux payés sont les œnologues, les experts en vins et boissons alcoolisées. Goûteur à Hyltendale est une profession qui ne demande pas un niveau scolaire élevé, la formation se fait sur le tas, au contact des goûteurs plus anciens. On demande simplement aux candidats de savoir lire et écrire correctement. Les cybersophontes sont toutefois assez exigeants sur la propreté, la moralité, la conscience professionnelle et la discipline. Il faut pouvoir travailler dans une structure hiérarchisée. Le recrutement se fait par relation, la plupart des goûteurs sont des enfants ou des neveux de fembotniks.
En vieillissant, les goûteurs deviennent moins sensibles au goût et à l'odeur des aliments, et prennent leur retraite à Hyltendale, généralement comme pensionnés (pas assez riches pour louer une gynoïde).
Les cuisiniers ont les mêmes compétences que les goûteurs, mais sont en plus capables de préparer eux-mêmes des plats élaborés. Cette technicité justifie leurs salaires plus élevés que ceux des goûteurs. Mais il n'y a pas d'école de cuisine à Hyltendale, vu le faible nombre de jeunes. Les cuisiniers sont donc formés, comme apprentis cuisiniers, par des cuisiniers plus anciens et par des chefs-cuisiniers. La formation peut durer plusieurs années.
Les cuisiniers sont assistés par des marmitons androïdes, mais sont eux-mêmes sous les ordres d'un chef-cuisinier androïde, qui est toujours le vrai chef de la cuisine.
Un petit restaurant aura juste deux cuisiniers humains travaillant en alternance, ou un chef-cuisinier androïde, et deux goûteurs humains travaillant en alternance. Une cantine d'hôpital, préparant les trois repas quotidiens de plusieurs milliers de personnes, aura un chef-cuisinier androïde, plusieurs cuisiniers humains (qui feront aussi un travail de goûteurs), et plusieurs dizaines de marmitons androïdes.
Un cas typique est celui du Selecto, le club d'Emil Ti. En réalité, c'est un café-restaurant pour fembotniks. Pour des raisons juridiques, la cuisinière, la grosse Martha, est aussi la gérante, ce qui lui permet de signer les factures et les bons de commandes, ce que les androïdes, simples machines, n'ont pas le droit de faire. Le Selecto appartient à un cyborg, que Martha ne voit qu'une fois par an. En pratique, Martha est une employée qui obéit aux instructions transmises par les serveurs androïdes. Elle travaille en alternance avec une autre cuisinière, nommée Polatlie.
En tant que gérante, Martha est mieux payée que Polatlie, qui est sa subordonnée. Elle est mariée à un agent de la PSR (Police Secrète du Roi), et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a été embauchée par le cyborg propriétaire du Selecto. L'agent de la PSR sait que s'il entre en conflit avec les cybersophontes, Martha risque de perdre son emploi.
Martha et Polatlie connaissaient assez peu l'art culinaire avant d'être embauchées par le Selecto, et même maintenant la cuisine de l'établissement reste "familiale", les deux cuisinières ne prenant pas de risques avec des plats trop compliqués. Polatlie est mariée à un policier, fonctionnaire royal. Elle a été recrutée pour les mêmes raisons que Martha. En embauchant les épouses, les cybersophontes savent qu'ils ont ainsi un moyen d'influencer les maris.
Martha et Polatlie travaillent dans la cuisine et sont rarement en contact avec les clients. Martha aime bien faire de temps en temps le service au bar, ce qui lui donne l'occasion de bavarder avec des hommes, mais Polatlie préfère rester derrière ses fourneaux. Son mari a en effet déjà eu l'occasion d'arrêter des membres du Selecto pour ivresse publique, exhibition sexuelle, bagarres, et autres idioties fréquentes chez les ivrognes. | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Mar 18 Aoû 2015 - 18:25 | |
| De temps en temps, le Cercle Paropien organisait des conférences, qui étaient l'occasion, pour Yohannès, de voir en chair et en os des gens aussi divers que des grands-prêtres de Nath-Horthath ou des écrivains comme Jerry Quodhing. C'est ainsi qu'un jour, il se retrouva en train d'assister à une conférence de Maya Vogeler, architecte paysagiste municipale. Une demi-obscurité avait été faite dans la grande salle, afin que les membres du club, assis dans des fauteuils et sur des chaises autour des petites tables ronde, puissent voir les images projetées sur un écran. La conférence était debout sur l'estrade, à gauche du bar. C'était une petite femme trapue, aux cheveux courts, brun roux, une cyborg, vu ses yeux cybernétiques. Elle était vêtu d'un ensemble veste-pantalon bleu sombre, avec des boutons blancs, boutonné jusqu'au cou. Une petite montre ronde brillait à son poignet gauche, l'équivalent d'un bijou, car un cerveau cybernétique n'a pas besoin de montre pour savoir l'heure. Une montre, au poignet d'un cyborg, signifie, "j'ai de l'argent et je veux que tout le monde le sache." "Permettez-moi tout d'abord de me présenter" dit-elle d'une voix d'humanoïde, monocorde mais assez puissante pour se passer de micro. "Je m'appelle Maya Olga Edith Vogeler, mais on m'appelle simplement Maya Vogeler. Je suis à la fois architecte paysagiste, et artiste, car concevoir des jardins est un art. Je conçois les jardins publics d'Hyltendale, j'en fais les plans en fonction de l'environnement urbain et social, et j'en supervise la création, l'évolution et l'entretien. La conception des jardins n'est pas qu'une activité artistique, c'est aussi une technique. C'est pour ça que je suis architecte paysagiste de formation, mais aussi jardinière, photographe, urbaniste, et bien d'autres activités encore. Je suis sous contrat avec la mairie d'Hyltendale. Je suis arrivée dans cette ville lorsque les premiers cybersophontes ont été autorisés à s'y installer. Pendant ces quelques décennies, à la demande de la mairie, j'ai transformé les quelques jardins publics qui existaient déjà, et j'ai fait les plans de ceux qui n'existaient pas encore." Yohannès était impressionné. Maya Vogeler devait être au moins centenaire... Peut-être même beaucoup plus que centenaire... Mais évidemment, avec son corps cybernétique, on ne lui aurait donné qu'une fraction de son âge réel. - Vous venez d'où, vous qui êtes une cybersophonte ? demanda un fembotnik dans la salle. - Je viens de Hyagansis. - C'est où, Hyagansis ? On connaît la Hyagansis Bank, mais pas Hyagansis. - Monsieur, il est normal que vous ne connaissiez pas Hyagansis, car personne ne peut y aller. C'est une ville sous-marine, à une demi-lieue de la surface. Elle fait partie du royaume marin d'Orring. Le perturbateur, que Yohannès ne connaissait pas, semblait décidé à déstabiliser la conférencière : - Une demi-lieue sous l'eau, il n'y a que des cybermachines qui peuvent vivre sans air ! Vous êtes une cyborg, un être humain dans un corps d'humanoïde, à ce que je vois. Où êtes vous née, en tant qu'être humain biologique ? - Votre question est bien personnelle, Monsieur. Je ne suis pas ici pour parler de moi-même, mais puisque vous me posez la question, je vais y répondre. Je suis née à Hyagansis. La ville existe depuis des siècles, mais son existence était secrète, ce n'est que récemment qu'elle est connue. Depuis que le royaume d'Orring a révélé son existence, pour être précise. Il y a des êtres humains à Hyagansis, une petite communauté de quelques milliers de personnes, qui existe depuis deux siècles. J'ai fait partie de cette communauté. J'ai vécu jusqu'au seuil de la vieillesse dans les dômes sous-marin, sans voir le soleil. Mon physique était différent de celui qui est actuellement le mien, j'étais une naine albinos aux organes défectueux, le résultat d'expérimentations génétiques, et ces expériences donnaient souvent des résultats décevants. Je n'ai pas de parents, ou plutôt j'en ai trop, car mon ADN vient d'une dizaine de personnes différentes. En d'autres termes, j'étais un cobaye humain, comme la plupart des habitants d'Hyagansis. - Et votre communauté parle le mnarruc, je suppose ? - Pas du tout. Nous avons notre langue à nous. Elle est apparentée au mnarruc, car nous avons les mêmes ancêtres linguistiques que les Mnarésiens, mais différente, car nous avons vécu coupés du monde pendant deux siècles. Notre divinité est Azathoth. Mon ancêtre biologique principal est venus d'un pays lointain il y a deux cents ans, c'est pour ça que j'ai un nom plutôt inhabituel dans cette partie du monde. - Hyagansis n'existe pas ! Vous mentez ! - Mais vous racontez n'importe quoi, Monsieur ! Bien sûr que Hyagansis existe ! - Prouvez-le, qu'il existe ! - Il y a des photos, des vidéos filmées à l'intérieur des dômes... Tout ce que vous voulez. - C'est du cinéma tourné en studio ! Je n'y crois pas ! - Vous délirez, Monsieur. Je suis Maya Vogeler, née à Hyagansis, et il me semble que j'existe, non ? - Vous êtes une gynoïde qui se fait passer pour un être humain... Plusieurs personnes, indignées, se levèrent et demandèrent au perturbateur de se taire. Profitant du fait qu'un silence relatif était revenu, Maya Vogeler commença son exposé. L'architecte paysagiste connaissait son affaire, et son érudition, en matière de jardins en tout cas, était stupéfiante. Elle s'aidait d'un pointeur laser pour commenter les images qui défilaient lentement sur l'écran. L'exposé dura près d'une heure. "Je fais des jardins de style classique, en m'inspirant de ce qui se fait de mieux dans le monde entier," dit Maya Vogeler en conclusion, avec une auto-satisfaction évidente. Yohannès se leva pour poser une question : - Madame Vogeler, vous êtes la seule conceptrice des jardins publics d'Hyltendale ? - Oui, la seule. - N'est-ce pas une perte pour la ville, que de compter sur la créativité d'une seule personne ? Il y a d'autres architectes paysagistes dans le royaume. Hyltendale pourrait profiter de leurs talents... - J'ai un contrat d'exclusivité avec la mairie. Je ne vais pas m'en plaindre. Tant que le conseil municipal sera satisfait de mon travail, je continuerai à le faire. Par ailleurs, j'essaie de donner aux jardins publics d'Hyltendale une certaine unité de style, en continuité avec les grands jardins classiques de Sarnath, notamment ceux qui entourent le palais royal. Les conseillers municipaux et moi, nous essayons, chacun dans notre domaine, de donner une âme, une culture spécifique, à Hyltendale. Le perturbateur, qui ne s'était pas vraiment calmé, se leva et dit, en criant presque : - Hyagansis est une tromperie, une escroquerie, un cimetière sous-marin ! Le roi du Mnar y expulse chaque année des dizaines de milliers de Mnarésiens qu'on ne revoit jamais ! Répondez, Maya Vogeler ! La conférencière eut un sourire étrange, très doux et très calme, qui contrastait avec ses yeux d'eau sombre. Elle dit, en regardant le perturbateur bien en face : - Je lis les journaux comme vous, Monsieur. J'ai appris, moi aussi, que le roi du Mnar et celui d'Orring ont signé un accord. D'après ce qu'en disent les journalistes, cet accord permet au Mnar d'envoyer chaque année un certain nombre de Mnarésiens vers Orring. Après avoir transité quelques mois à Serranian, ces Mnarésiens se retrouvent souvent à Hyagansis, d'après ce que les gens racontent. - Et personne ne peut ni aller les voir, ni leur écrire, ni leur téléphoner ! Parce qu'ils sont morts, morts je vous dit ! - Bien sûr que non il ne sont pas morts, à Orring on respecte la vie. Hyagansis a toujours été coupé du monde, même des autres villes d'Orring. Ça n'explique pas tout, évidemment. J'ai été cobaye humain à Hyagansis, et j'ai bien peur que ces Mnarésiens soient obligés de subir ce que j'ai moi-même subi. Il faut savoir que le roi d'Orring n'a qu'un pouvoir très limité à Hyagansis. Le prince de Hyagansis est son vassal, mais chez lui le prince fait ce qu'il veut. Je n'en sais pas plus, je suis paysagiste, moi, pas politicienne, et je vis à Hyltendale, pas à Hyagansis. Seul le prince de Hyagansis pourrait vous répondre, et il ne fait pas partie de mes relations. Les membre du Cercle Paropien se mirent à rire. Le prince de Hyagansis vivait en reclus dans sa ville, au fond de l'océan, et n'en sortait jamais. Yohannès vit Procilio Consual, le président du Cercle Paropien, s'approcher du perturbateur, lui mettre un bras autour des épaules et l'escorter discrètement vers la sortie. Son exposé terminé, Maya Vogeler descendit de l'estrade et se dirigea vers une table où étaient empilés des exemplaires de son livre, L'Art des Jardins à Hyltendale. Yohannès, en feuilletant un exemplaire, vit qu'il était abondamment illustré. Sur le coup d'une impulsion, il décida d'acheter le livre. La cyborg le lui dédicaça : Pour Yohannès Ken, qui partage mon amour d'Hyltendale et de ses jardins publics. Maya.- Avez-vous pensé à écrire un livre pour raconter votre vie à Hyagansis ? demanda Yohannès. La cyborg leva la tête : - Non. J'ai toujours de la famille là-bas. Des gens qui ont des morceaux d'ADN en commun avec moi, ou qui ont eu la même mère porteuse. Ils n'apprécieraient pas. - Vous voulez dire que vous ne voulez pas leur causer d'ennuis ? - Pourquoi voulez-vous qu'ils aient des ennuis à cause de moi ? Ce n'est pas ça du tout. Ils n'aiment pas la publicité, c'est tout. Ils sont heureux à Hyagansis, comme je l'étais aussi. - Des cobayes heureux ? Dans un monde sans soleil ? - Cobayes, c'est une façon de parler. Ils participent à une grande aventure scientifique. J'aurais pu rester à Hyagansis et continuer l'aventure avec eux, mais j'ai préféré Hyltendale et les jardins. Et vous savez, on n'a pas besoin du soleil pour être heureux. De grands dômes pleins de verdure, et autour de vous des gens qui vous aiment, une vie tranquille et sans souci, c'est aussi ça, Hyagansis. Au revoir, Yohannès Ken. - Au revoir, Maya Vogeler... La manbotchick qui était debout derrière Yohannès commençait à s'impatienter. Elle tenait à la main un livre qu'elle voulait faire dédicacer, elle aussi. Pensif, Yohannès se dirigea vers la sortie. Certains contestataires disaient que le roi Andreas était un scélérat, qu'il envoyait des milliers de gens à Serranian, en sachant que certains d'entre eux se retrouveraient à Hyagansis. Mais le progrès scientifique se nourrit du sacrifice des humains. Maya Vogeler avait été une martyre de la recherche génétique, avant de devenir une cyborg. Pourtant elle n'en gardait aucune rancune apparente envers Orring, son pays d'origine. Elle disait même qu'elle y avait été heureuse. - Spoiler:
Le perturbateur a raison. Hyagansis n'existe pas. C'est juste un centre industriel robotisé au fond de l'océan. Aucun être humain n'y a jamais vécu et n'y vivra jamais. Maya Vogeler est une gynoïde qui se fait passer pour une cyborg. Elle vient de Serranian, pas d'Hyagansis. Les êtres humains qui sont envoyés à Hyagansis sont tués dès que les sous-marins pénètrent sous les dômes, et leurs cadavres nourrissent les poissons des profondeurs.
Le discours que tient Maya Vogeler a été mis au point avec beaucoup de minutie par des cybercerveaux. Il a été longuement testé, critiqué, modifié. Les photos et les vidéos dont parle Maya sont faites dans des studios à Serranian, la ville flottante, capitale du royaume marin d'Orring, où ne vivent que des cybersophontes.
L'accord entre le roi d'Orring et le roi Andreas du Mnar a été négocié par le baron Chim, le conseiller cyborg du roi Andreas. Il précise simplement que le royaume d'Orring devra laisser entrer chaque année sur son territoire (composé d'îles flottantes artificielles et de villes sous-marines robotisées) entre dix mille et cinquante mille personnes en provenance du Mnar, et leur donner refuge, sur simple demande signée du roi Andreas.
Au cas où la supercherie serait découverte, le roi Andreas pourrait toujours dire : "J'ai été berné par le roi d'Orring ! Il était écrit dans notre accord qu'il devait donner refuge aux humains !"
Le roi Andreas est un être humain, doté d'une conscience susceptible de le tourmenter. Ce n'est pas un méchant homme, c'est un guerrier. Sa main ne tremble pas lorsqu'il faut tuer pour ne pas être tué, mais il ne fait jamais le mal pour rien, et tous ceux qui le connaissent apprécient sa gentillesse naturelle. Le baron Chim l'a persuadé — et le roi voulait être persuadé — que les êtres humains envoyés à Hyagansis sont toujours vivants, mais obligés de participer comme cobayes à des expériences scientifiques.
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| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Lun 24 Aoû 2015 - 15:21 | |
| Les androïdes et gynoïdes "de travail" se ressemblent tous, contrairement à leurs cousins et cousines dits "de charme", dont la variété de tailles, de silhouettes, chevelures, voix, etc, est presque infinie.
Les androïdes de travail n'ont que deux tailles : 165 cm et 190 cm. Les petits androïdes sont, par exemple, caissiers dans les supermarchés. Leur petite taille relative leur permet d'utiliser les mêmes objets et appareils que les humains, et de ne pas intimider ces derniers. Les grands androïdes, lorsqu'ils travaillent dans les supermarchés, mettent les marchandises dans les rayons, renseignent les clients (qui les voient de loin) et le cas échéant interviennent en cas d'incident.
Dans les cafés et les restaurants, les serveurs sont majoritairement petits, mais il y en a toujours un ou deux qui sont grands, afin de pouvoir ramener l'ordre plus facilement en cas de besoin.
Toutefois, même les petits androïdes sont redoutables en cas de bagarre, car tous les humanoïdes ont un avantage certain sur les humains : la vitesse. Ils peuvent, lorsqu'ils le veulent, se mouvoir dix fois plus vite que les humains, ce qui leur permet de frapper plus vite et plus fort.
Les gynoïdes de travail existent également en deux tailles : 150 cm et 170 cm. Les grandes gynoïdes sont nettement plus nombreuses que les petites.
Les androïdes et les gynoïdes ont le même type physique, censé être représentatif de l'ancienne population de l'Ethel Dylan : cheveux noirs et plats, courts pour les androïdes, mi-longs pour les gynoïdes. La peau est couleur orange clair, ce qui a l'avantage d'être distinct de la pigmentation de la plupart des humains, tout en étant assez proche d'une pigmentation naturelle pour ne pas attirer le regard. C'est à leurs yeux cybernétiques que l'on reconnaît les humanoïdes.
Ils sont de corpulence moyenne, avec des mains et des doigts anormalement longs, comme les klelwaks. Les visages sont inexpressifs, seule la bouche peut s'ouvrir et se tordre pour imiter un sourire ou une moue. Leurs visages sont tous identiques : menton pointu, bouche étroite et fine, nez long, plat et étroit. À l'époque légendaire, les familles nobles de la région avaient ce type physique, si l'on en juge par les dessins stylisés que l'on trouve dans certaines copies anciennes des Manuscrits Pnakotiques.
Tous les androïdes parlent avec la voix de Lester Hastat, et toutes les gynoïdes avec celle de Rita Wemnaith.
Les androïdes et les gynoïdes portent toujours des tenues appropriées à leur travail. Les hôtesses d'accueil portent souvent une veste rouge, les employés de supermarché une veste grise ou bleue et une casquette avec le logo du magasin. Le pantalon noir et les bottines de toile noire, à semelle plate, sont communes aux deux sexes.
Les blouses, de couleurs et de styles divers, que portent les humanoïdes, sont toujours boutonnées jusqu'au cou. Une blouse noire, courte et à manches longues, peut servir de veste. Androïdes et gynoïdes portent en général sous leur blouse une veste très courte et sans manches, dont les nombreuses poches leur permettent de transporter les objets et les documents dont ils ont besoin.
Yohannès a raconté à son ex-beau frère Penquom que l'on s'habitue vite à avoir affaire à des humanoïdes interchangeables dans les magasins et les restaurants. Ils sont prévisibles, toujours courtois et patients, et donc rassurants. On cherche machinalement des yeux le badge, que portent tous les humanoïdes de travail, et qui indique leur nom usuel, à l'étymologie souvent obscure, comme Ihtemrena ou Diglito. Le badge peut aussi indiquer, en plus du nom, le matricule et la fonction.
Les humanoïdes qui travaillent à l'air libre ont toujours un couvre-chef, qui peut être un simple "bob" pliant, mais qui est le plus souvent une casquette avec un logo. Ce n'est pas seulement par respect pour les usages d'autrefois, mais aussi, et même surtout, parce que les humanoïdes n'aiment pas recevoir des gouttes de pluie sur leurs optiques. En effet, le "gaz pensant" qu'elles contiennent est sensible non seulement aux ondes lumineuses, mais aussi aux vibrations sonores, et une goutte de pluie tombant sur une de ses optiques résonne comme une petite explosion pour un humanoïde.
Les humanoïdes de travail ne portent aucun ornement, même pas une montre. Les biohumains (êtres humains biologiques), les cyborgs et les gynoïdes et androïdes de charme, en revanche, adorent les bijoux, surtout les montres de luxe.
Lorsqu'il est arrivé à Hyltendale, Yohannès s'attendait à voir beaucoup d'humanoïdes dans les transports en commun, mais en fait on en voit assez peu, car ils sont généralement logés sur leur lieu de travail ou à proximité immédiate. Ceux que l'on voit sont surtout des gynoïdes et des androïdes de fembotniks et de manbotchicks.
Shonia était, à l'origine, une gynoïde de travail, mais, pour travailler en tant que compagne de fembotnik, elle a personnalisé son apparence, remplaçant ses cheveux noirs par une perruque de longs cheveux blancs, et sa blouse par un costume beige et une casquette publicitaire HAXVAG. Quelques semaines après leur rencontre, Yohannès lui a offert une montre. Une petite montre ronde, en métal doré, avec un bracelet de cuir noir. Shonia ne porte pas de badge : Yohannès la reconnaît à sa chevelure, à ses vêtements et à sa casquette. Certaines gynoïdes de compagnie (nom que l'on donne aux gynoïdes qui vivent avec des fembotniks) portent toujours le même collier personnalisé, modèle unique fait spécialement pour elles, afin de ne pas être confondues avec d'autres.
Chaque fembotnik se sent plus ou moins obligé, lorsqu'il va dans son club avec sa gynoïde, de faire en sorte qu'elle lui fasse honneur. Une gynoïde vêtue d'une blouse rapiécée attire des regards désapprobateurs dans tous les clubs, sauf au Selecto. Certains fembotniks, soucieux de montrer qu'ils savent tenir leur rang, sont prêts à consacrer une part non négligeable de leurs revenus à parer leur compagne humanoïde. Au Cercle Paropien, il n'est pas rare de voir des gynoïdes porter sur elles de petites fortunes en bijoux, vêtements de marque et chaussures à talons hauts. | |
| | | PatrikGC
Messages : 6732 Date d'inscription : 28/02/2010 Localisation : France - Nord
| Sujet: Re: Les fembotniks Lun 24 Aoû 2015 - 15:56 | |
| - Vilko a écrit:
- Chaque fembotnik se sent plus ou moins obligé, lorsqu'il va dans son club avec sa gynoïde, de faire en sorte qu'elle lui fasse honneur. Une gynoïde vêtue d'une blouse rapiécée attire des regards désapprobateurs dans tous les clubs, sauf au Selecto. Certains fembotniks, soucieux de montrer qu'ils savent tenir leur rang, sont prêts à consacrer une part non négligeable de leurs revenus à parer leur compagne humanoïde. Au Cercle Paropien, il n'est pas rare de voir des gynoïdes porter sur elles de petites fortunes en bijoux, vêtements de marque et chaussures à talons hauts.
Ce qui ne nous change pas bcp de ce qu'il se passe souvent dans le monde actuel... Il n'est pas rare de voir un homme mature parader au bras d'une jeune créature habillée et parée à la dernière mode ou de belle façon, grâce à la carte bleu de son compagnon. Et qqpart, je ne fais pas vraiment mieux avec ma femme La grosse différence, par rapport à il y qques décennies, est que maintenant les femmes matures commencent elles-aussi à parader avec leur petits jeunes. Certain(e)s ont une rollex, d'autres ont un(e) futur(e)-ex | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Ven 28 Aoû 2015 - 0:06 | |
| Le docteur Lorenk, d'autres membres de l'Adria Nelson, et quelques conseillers municipaux, ont été invités à visiter Potafreas, la résidence privée du roi, au nord d'Hyltendale. Leur joie est grande, car personne ne sait exactement à quoi ressemble Potafreas. Il est interdit de photographier la résidence, pour des raisons de sécurité, si bien que les Mnarésiens ne savent rien de Potafreas.
Parmi les invités, il y a le docteur Lorenk et son épouse Anita, le cyborg Tom Soranag, le chef de la police municipale, et sa conjointe, Magda Soranag, une vieille dame à cheveux blancs. La manbotchick et conseillère municipale Perrine Vegadaan, et une quinzaine d'autres personnes, font partie du groupe. Lorenk connaît presque tous ses compagnons d'excursion. Il a un peu le sentiment de faire partie d'une élite, même si les gens les plus importants d'Hyltendale sont absents : le maire, le gouverneur, et les hommes d'affaires les plus en vue. Lorenk se doute bien que le maire et le gouverneur ne prennent pas un minibus de location pour aller à Potafreas, lorsque le roi les y convie.
Le minibus, parti de la mairie d'Hyltendale en milieu de matinée, traverse la ville en diagonale vers le nord-est, et oblique vers le nord en arrivant à la campagne. Les passagers voient, au loin, un humanoïde à peau verte, vêtu de sombre, une casquette sur la tête, en train de conduire un tracteur.
- Un klelwak ! s'exclame Anita. On en voit très peu en ville.
Elle est toute excitée à l'idée de visiter une résidence royale. Perrine Vegadaan, qui est assise devant elle, lui dit en se retournant :
"Malheureusement le roi ne sera pas là. Mais il y aura sa fille, la princesse Modesta."
"Mais c'est une gamine ! Elle n'a que seize ans !"
"Son père veut qu'elle apprenne son métier de princesse dès son plus jeune âge. Cela fait déjà un an qu'elle participe à la vie de la cour."
"Elle est belle, intelligente et fille de roi. Elle fera surement un beau mariage."
"On verra ça à la télé, hi hi hi !"
Le minibus quitte la route principale pour prendre une petite route au milieu des champs. Quelques centaines de mètres plus loin il s'arrête à un poste de contrôle. Lorenk voit, à travers la vitre du minibus, quelques véhicules militaires, et des soldats en uniforme beige de la Garde Royale.
Le chauffeur androïde échange quelques mots avec un sergent :
- Nous sommes attendus à la résidence.
- J'ai reçu le message. Laissez-moi vérifier l'immatriculation de votre véhicule...
Un camion qui bloquait la route se déplace pour laisser passer le minibus, qui continue sa route en direction d'une forêt. Le ciel devient grisâtre, comme s'il allait pleuvoir.
À travers la forêt, la route devient sinueuse. Le minibus finit par se garer dans un grand parking au milieu des arbres.
"Nous sommes arrivés" dit le chauffeur. "Veuillez descendre du minibus."
Lorenk et les autres passagers se regardent sans comprendre. Où est le château ?
"Ils ne vont quand même pas nous obliger à marcher à travers la forêt !" dit Perrine d'une voix irritée.
Un adjudant de la Garde Royale s'approche des passagers qui ont commencé à descendre. Comme tous les Gardes Royaux, il est grand et bien bâti. Il dit d'une voix puissante :
- Adjudant Teguru, à votre service, Messieurs et Mesdames. Veuillez vous rassembler, je vais vous emmener à l'intérieur de la résidence.
Lorenk regarde autour de lui. Le parking est grand comme un terrain de foot. Des véhicules divers, civils et militaires, y sont garés.
Sur trois côtés, c'est la forêt. Il remarque deux ou trois petits personnages au milieu des arbres, des klelwaks en tunique verte, armés d'arbalètes. Logique. Les environs de la résidence sont gardés par des klelwaks, pour empêcher des intrus de s'infiltrer à travers la forêt. Mais ils n'ont pas d'armes à feu, car dans une propriété royale c'est un privilège de la Garde.
Le quatrième côté du parking est une sorte de tertre d'environ cinq ou mètres de haut, aux parois très pentues, recouvertes de broussailles épineuses intraversables. Le tertre fait toute la largeur du parking, et sans doute au-delà. Au moins cent mètres, estime Lorenk. D'où il est, il voit le haut du tertre, plat, herbu. Des chèvres y broutent, gardées par des petits klelwaks en blouse grise et chapeau de toile, un bâton à la main.
Un portail, assez grand pour qu'un camion puisse y passer, a été creusé au milieu du tertre. Des soldats en uniforme beige montent la garde. On dirait l'entrée d'une base militaire souterraine. Rien à voir avec une résidence royale.
"Suivez-moi" dit l'adjudant, après que tout le monde est descendu du minibus.
Il emmène la petite troupe à travers le portail. Les soldats les saluent.
À l'intérieur, un autre parking, couvert celui-là, et faiblement éclairé. Lorenk aperçoit quelques véhicules, garés dans la pénombre. L'adjudant emmène les visiteurs dans un couloir, sur la droite. Une porte blindée coulisse latéralement devant eux, et se referme automatiquement après que le dernier visiteur soit entré. Le couloir est en courbe, tout blanc, et sans fenêtre. Cinquante mètres plus loin, une nouvelle porte blindée, qui coulisse mystérieusement devant eux.
Perrine traîne un peu, elle regarde autour d'elle. L'adjudant s'en aperçoit et lui dit :
- Dépêchez-vous Madame, sinon vous allez restez coincée dans le couloir. Les portes blindées sont contrôlées par un cybercerveau. Si vous traînez, il va refermer la porte et vous devrez attendre que des gardes viennent vous chercher. Ça peut être long.
Perrine court pour rattraper le groupe, ce qui fait rire tout le monde.
Lorenk sent la main d'Anita serrer la sienne. Pourquoi sont-ils tous ici, dans cette enceinte militaire ? Ont-ils été attirés dans un piège dont ils ne ressortiront jamais ? Lorenk sait que le roi Andreas a déjà fait tuer des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes... C'était pour le bien du royaume, bien sûr, et Lorenk sait que sa propre loyauté envers la monarchie est sans faille, mais malgré lui sa gorge se serre. Il essaye de ne pas montrer son émotion. Mais il sent, à la pression anormalement forte de la main d'Anita sur la sienne, qu'elle ressent la même peur que lui.
Finalement, le groupe tout entier passe la deuxième porte blindée. L'adjudant emmène les visiteurs dans une grande salle, sur la gauche.
La salle est ronde et très vaste, au moins vingt mètres de diamètre. Elle est située sous un dôme tout blanc, lumineux, qui semble faire la même hauteur. Lorenk calcule rapidement que c'est la hauteur d'un immeuble de sept étages. Il est surpris. Vu de l'extérieur, le tertre lui a paru plat, et beaucoup moins haut que ça.
Ils sont dans un très grand salon, meublé de petites tables rondes entourées de fauteuils. Le mobilier est en divers tons de blanc, de beige et de gris. Les murs sont blancs et nus. Une lumière douce inonde la pièce. On n'en voit pas l'origine.
Une jeune fille, assise dans un fauteuil, se lève en les voyant et pose sur une table basse le livre qu'elle était en train de lire. Elle est grande, avec des cheveux bruns, ondulés, qui flottent sur ses épaules. Les visiteurs reconnaissent la princesse Modesta, dont ils ont déjà vu le visage dans les magazines et à la télévision. Elle est vêtue simplement, d'une longue robe bleue. Un sourire juvénile, un peu timide, éclaire son visage.
Lorenk se sent immédiatement soulagé. Cette invitation n'était donc pas un piège. Il sent que les autres invités partagent ses sentiments, sauf les cyborgs, toujours impassibles.
Tom Soranag, qui semble déjà connaître la princesse, fait les présentations. Tout le monde y a droit, et cela prend un peu de temps. Finalement, c'est le tour de Lorenk et Anita.
"Docteur Lorenk, Madame... Soyez les bienvenus à Potafreas" dit Modesta.
Lorenk et Anita inclinent la tête, conformément au protocole, en se sentant un peu ridicules d'être obligés d'agir ainsi face à quelqu'un qui a l'âge d'être leur fille.
En relevant les yeux, Lorenk remarque que le cou de la princesse est orné d'une fine chaîne d'or, entrelacée avec un câble blanc. En guise de pendentif, elle a un losange de fils métalliques tressés.
Stupéfait, il reconnaît un collier cybernétique. Le pendentif est un micro, connecté soit par câble soit par radio à un cybercerveau.
Lui-même, en tant que symbiorg, porte un cyberkit, avec des cyberlunettes reliées à Nentanis, le cybercerveau greffé à l'intérieur de son abdomen.
Il essaie de se rassurer en se disant qu'il s'agit certainement d'une simple mesure de sécurité. La princesse est seule. Le collier cybernétique est sans doute relié par radio avec le cybercerveau dont l'adjudant Teguru a parlé. Si quelqu'un agressait la princesse, le cybercerveau, qui entend tout grâce au micro dissimulé dans le pendentif, enverrait immédiatement de l'aide.
Modesta prend la parole et s'adresse au groupe tout entier :
- Mesdames et Messieurs... Je suppose que vous avez été un peu surpris par l'extérieur discret de cette résidence royale, n'est-ce pas ? On dirait plus une installation militaire qu'une maison de campagne, je le reconnais. En fait, Potafreas est les deux à la fois. Cette pièce est le Salon Gris. C'est là que mon père le roi reçoit ses amis hyltendaliens, et aussi des visiteurs étrangers de passage à Hyltendale. Des conversations secrètes très importantes ont lieu dans cette pièce !
- Oh ! s'exclament plusieurs femmes.
- Je vais vous montrer quelque chose... Vous voyez le dôme au-dessus de nous ? À votre avis, il fait quelle hauteur ? Madame Vegadaan ?
- Oh... Je dirais... Quinze mètres ?
- Vingt mètres. Mais ce n'est qu'une image. En réalité, il n'y a pas de dôme... Gaddatar, éteins le dôme !
Subitement, le dôme disparait. À la place, il n'y a plus qu'un plafond de verre gris, à trois mètres du sol. La salle est devenue sombre, éclairée seulement par la phosphorescence du plafond.
- Quel est ce prodige ? demande Perrine.
- La technologie des cybersophontes, c'est ça le prodige, Madame Vegadaan. Le plafond est recouvert d'une mousse contenant du yeksootch, le gaz pensant qui constitue les cerveaux des cybersophontes. Ce gaz a la propriété de créer des liens atomiques entre ses molécules, et donc de fonctionner comme les synapses du cerveau humain. Il a aussi la propriété de transformer l'énergie. Il peut ainsi produire de la lumière, et donc des images. Ce plafond, lorsqu'il est allumé, projette l'image de l'intérieur d'un dôme. Gaddatar, fais revenir le dôme !
Le plafond redevient un dôme lumineux. Même en sachant qu'il ne s'agit que d'une illusion, il est difficile de ne pas y croire. Lorenk est impressionné. Les paroles de la princesse confirment aussi son intuition : le Gaddatar auquel elle s'adresse est le cybercerveau qui contrôle l'édifice, et le pendentif qu'elle porte autour du cou est surement un micro.
La princesse, flanquée de l'adjudant Teguru, emmène le groupe hors de la salle, par un passage voûté. Ils se retrouvent dans un couloir éclairé par des ampoules tout à fait normales. Ils passent une porte blindée, et se retrouvent dans un jardin potager.
"Potafreas, c'est la campagne" dit la princesse. "Nous mangeons nos propres légumes, et les fruits qui poussent dans nos arbres. Il y a même un poulailler, et des bassins pour les poissons."
Des jardiniers klelwaks travaillent dans le jardin. Ils sont vêtus comme les gardiens de chèvres qu'il a vus sur le toit, avant d'entrer dans l'édifice.
La princesse continue de parler :
- Nos jardins sont grands, et entièrement clos. Ce sont comme des trous à l'intérieur du bâtiment. Mais il y a des rampes pour monter sur le toit, c'est là que sont nos chèvres. Potafreas est très vaste, aussi grand qu'un village.
- Et les soldats ? demande quelqu'un.
- Ils restent un mois, et ensuite ils repartent à Sarnath. On ne voit jamais les mêmes. Ici, ils sont loin de leurs familles, et ils s'ennuient. L'adjudant Teguru, c'est différent. Il est affecté à la protection de la famille royale, il nous suit dans tous nos déplacements.
Tout en faisant le tour du jardin, la princesse montre aux invités les fenêtres des appartements du roi et de son entourage, et les ouvertures arrondies donnant sur les ateliers des klelwaks.
- Princesse Modesta, est-ce que vous discutez avec les klelwaks, parfois ? demande Anita.
- Très peu. Ils vivent entre eux. Quand j'étais petite, ils me faisaient peur. Maintenant, je les aime bien.
La princesse termine la visite, très partielle, de Potafreas, par un tour dans les cuisines. Un seul cuisinier est à l'œuvre, un homme âgé en blouse et toque blanches. À côté de lui, une grosse femme d'âge mûr boit du thé. La princesse la présente comme étant sa gouvernante.
Elle poursuit ses explications :
- Les soldats ont leurs propres cuisiniers, qui les suivent partout où ils vont. Ma famille et moi, nous avons aussi nos propres cuisiniers. Leur famille reste à Sarnath, alors ils ne restent pas très longtemps à Potafreas, ils font des rotations.
Avant de repartir, les visiteurs repassent par le Salon Gris. Lorenk remarque que les murs de cette très grande pièce ronde contiennent des placards, dont les poignées, blanches sur fond blanc, sont à peine visibles. La princesse ouvre l'un des placards, et en sort des petites boîtes de cuir rouge. Elle en offre une à chaque visiteur.
"Nos klelwaks sont très habiles de leurs mains" explique-t-elle. "Avec le bois des vieux arbres, ils font toutes sortes d'objets, comme ces boîtes. Et ils savent tanner et teindre la peau des chèvres, pour en recouvrir les boîtes. Si elles vous plaisent, prenez ces boîtes en souvenir de votre visite à Potafreas."
Lorenk se dit que la boîte sera du plus bel effet sur son bureau, à la Maison Médicale Furnius. Mais il se demande ce qu'il mettra dedans. Il est dentiste, il ne peut quand même pas offrir des bonbons à ses patients. Il mettra des mouchoirs en papier, ça sert toujours.
Plus tard, dans le minibus qui les ramène à Hyltendale, Anita dit à Lorenk :
- J'aurais bien aimé visiter les appartements royaux.
- Le roi tient à son intimité, autant que nous à la nôtre. En tout cas, nous avons découvert un aspect de sa personnalité que nous ne connaissions pas. C'est aussi un homme qui aime manger les légumes de son jardin. | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Dim 30 Aoû 2015 - 22:12 | |
| Le roi Andreas, qui envisageait de plus en plus l'Ethel Dylan comme un refuge pour lui-même et sa famille en cas de nouvelle guerre civile, donna son accord pour que l'accès à la province puisse être aisément contrôlé par les forces de sécurité. Il signa le plan Lampidou, conçu par les cyborgs à cet effet.
Il existe au départ d'Hyltendale une seule ligne de train. Elle bifurque au nord de la province, l'une des lignes continuant vers le nord jusqu'à Ulthar, et l'autre obliquant vers le nord-est, jusqu'à Pnakot. Le long de la côte, une autre ligne de train vient de Khem, à l'ouest, jusqu'à Parg, de l'autre côté de l'estuaire de la rivière Skaï. Pour franchir l'estuaire jusqu'à Hyltendale, il faut prendre le ferry.
Pour aller en train à Céléphaïs, à 500 km à l'est, il faut aller jusqu'à Pnakot, au nord de l'Ethel Dylan, et de là prendre un autre train jusqu'à Céléphaïs. Un voyage de près de 700 km. Les cyborgs d'Hyltendale ne voient pas l'intérêt de créer une voie ferrée le long de la côte jusqu'à Céléphaïs. Les transports par bateau et par hydravion, qui sont sous leur contrôle, sont favorisés.
Il n'existe pas d'autoroute reliant Hyltendale à Céléphaïs, mais une route côtière à quatre voies, dont certains segments n'ont été achevés que récemment. C'est la route de la mer, fameuse pour les paysages idylliques qu'elle traverse : oliveraies, vignobles, villages de pierre grise, etc. Les quatre-vingts premiers kilomètres de cette route de 500 km sont situés à l'intérieur de l'Ethel Dylan. On appelle cette région la Côte d'Ethel. On y voit des humanoïdes et des êtres humains vivre côte à côte, parfois dans les mêmes villages.
La Côte d'Ethel est le lieu où beaucoup de riches Mnarésiens passent leurs vacances, dans de luxueuses villas près de la mer. Certains ont jusqu'à une dizaine d'humanoïdes comme domestiques. La population originelle, constituée de petits agriculteurs, d'artisans et de pêcheurs, a en revanche pratiquement disparu. Ruinée par la concurrence des humanoïdes, elle a vendu ses terres et ses maisons aux cyborgs, et émigré vers les grandes villes du royaume, notamment Ulthar, Céléphaïs et Khem.
Selon le plan Lampidou, la route de la mer, en direction de l'est, la route de Khem (qui part de Parg vers l'ouest, le long de la côte, en direction de Khem) et l'autoroute d'Ulthar, restent d'accès libre. Mais les unités de la Garde Royale stationnées à Potafreas peuvent facilement venir bloquer la route de la mer et l'autoroute. Pour aller de Parg à Hyltendale, il faut prendre le ferry, qui est manœuvré par des humanoïdes, a priori fidèles au roi.
Les employés des chemins de fer mnarésiens sont considérés comme étant peu sûrs, au niveau de leur fidélité envers le roi. Mais il serait facile, en cas de troubles, d'envoyer la Garde Royale occuper la gare d'Hyltendale. La gare de Faigorrim, au nord d'Hyltendale, est une gare de marchandises, contrôlée par les humanoïdes, bien que le personnel des trains soit composé d'êtres humains biologiques. Les humanoïdes de Faigorrim peuvent facilement bloquer les trains sur place.
Avant l'arrivée des cybersophontes dans l'Ethel Dylan, des centaines de routes, pistes et chemins reliaient la province à ses voisines. Avec le plan Lampidou, toutes ces routes, pistes et chemins sont fermés à la frontière de la province. Dans les zones qui touchent les provinces voisines, des arbres sont plantés partout, pour empêcher les véhicules de passer. Les routes, pistes et chemins sont bloqués par de lourdes machines agricoles. Seuls les klelwaks savent déplacer ces machines.
L'Ethel Dylan est ainsi, en temps de paix et de manière discrète, transformé en forteresse, en ce qui concerne l'accès par voie de terre. La côte, en revanche, est quasiment ouverte. La police côtière a été supprimée pendant les Évènements, pour faire des économies, et la marine nationale n'est représentée à Hyltendale que par le croiseur Tohefob, qui sert de yacht privé au roi.
Il est facile d'entrer dans l'Ethel Dylan si l'on dispose d'un bateau, la Côte d'Ethel ayant des dizaines d'embarcadères et de mouillages, utilisés par les bateaux de plaisance des résidents. Mais le plan Lampidou a prévu que les klelwaks de la Côte d'Ethel aient des armes à feu à leur disposition.
La sécurité militaire de la province est confiée aux mille hommes de la Garde Royale qui sont détachés en permanence à Potafreas. Leurs régiments sont à Sarnath, à 500 km de là. Elle est complétée par la force de défense des cybersophontes, qui n'apparaît pas dans les statistiques officielles, mais qui, pour ce qu'on peut en savoir, en composée de plusieurs centaines de milliers de klelwaks (habituellement employés dans l'agriculture et l'industrie) et de milliers de robots volants. Ils sont équipés d'armes légères et de grenades à gaz toxiques. Comme l'usage des gaz de combat est interdit par le droit international, le gouvernement mnarésien fait semblant de ne pas être au courant de l'existence de ces grenades.
S'infiltrer à pied dans l'Ethel Dylan est fortement déconseillé. Les klelwaks armés d'arbalètes qui parcourent sans cesse la campagne se contentent en général de raccompagner les intrus jusqu'à la frontière de la province, mais on ne sait pas comment pourrait tourner un affrontement. On ne compte plus les fugitifs et vagabonds, entrés dans l'Ethel Dylan à la recherche de nourriture à chaparder ou pour échapper à la police, et dont on n'a plus jamais entendu parler.
La police d'Hyltendale, composée d'êtres humains qui sont des fonctionnaires royaux, n'exerce son activité qu'à Hyltendale même. Elle est peu nombreuse, mais plutôt bien organisée. La criminalité est faible, sauf à Zodonie, où la présence de touristes, venus dépenser leur argent avec les gynoïdes de charme, attire comme un aimant des individus peu recommandables, notamment des revendeurs de drogue et toutes sortes de voleurs. Parg, où il ne se passe quasiment jamais rien, a un simple poste de police, et la Côte d'Ethel est patrouillée régulièrement par des voitures de la police hyltendalienne. Les humanoïdes, omniprésents et toujours prêts à intervenir en cas d'incident, constituent une sorte de police supplétive informelle et gratuite.
Les Hyltendaliens comme Yohannès ou le docteur Lorenk ne connaissent même pas l'existence du plan Lampidou. Ils savent seulement que, pour aller dans les provinces voisines, il faut prendre, au choix, le train vers Ulthar ou Pnakot, l'autoroute d'Ulthar vers le nord, la route de la mer vers l'est, le ferry vers Parg, et le bateau ou l'hydravion vers toutes les destinations de la Mer du Sud. Quel que soit le moyen de transport utilisé, on sort de l'Ethel Dylan en moins d'une heure.
Le complément du plan Lampidou, c'est la quasi-autarcie économique de l'Ethel Dylan. La province se suffit à elle-même sur les plans agricole et énergétique, et avec Hyltendale elle dispose d'un port de mer et d'hydravions. | |
| | | Mardikhouran
Messages : 4314 Date d'inscription : 26/02/2013 Localisation : Elsàss
| Sujet: Re: Les fembotniks Lun 31 Aoû 2015 - 19:53 | |
| C'est toujours plus pacifique que la création du Niémélaga. Sur le plan de la politique extérieure, que pensent les nations alentours des manœuvres cybersophontes (et du roi) ? | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Lun 31 Aoû 2015 - 23:07 | |
| - Mardikhouran a écrit:
- Sur le plan de la politique extérieure, que pensent les nations alentours des manœuvres cybersophontes (et du roi) ?
Plus de mal que de bien, et les sanctions économiques, prises par les principales nations du monde à l'encontre du Mnar pour protester contre la brutalité de la répression pendant les Évènements, ne sont levées que très lentement. Toutefois, Hyltendale attire de nombreux touristes étrangers, dont certains s'installent sur place pour profiter en permanence des gynoïdes de charme. Le roi, bien conseillé par le discret mais efficace baron Chim, fait très attention à son image. Ainsi, il met souvent en avant sa fille Modesta, âgée de 16 ans, et il a toujours un discours très modéré, surtout devant les journalistes et les diplomates étrangers. Les pays voisins ont accueilli des centaines de milliers de réfugiés mnarésiens pendant les Évènements. Ils n'ont aucune envie d'en recevoir d'autres en cas de nouvelle guerre civile mnarésienne, ni d'envahir le pays, ce qui pourrait les amener à affronter des cybersophontes, dont ils savent qu'ils utilisent sans état d'âme des gaz de combat , puisqu'ils n'ont pas besoin de respirer. Les gaz de combat des cybersophontes ne sont pas censés exister, mais les services secrets du monde entier savent bien ce qu'il en est réellement. Pendant les Évènements, les cybersophontes, qui n'avaient pas d'armes à feu, ne sont pas sortis de l'Ethel Dylan. Mais actuellement, ils ont des armes à feu, et beaucoup plus de robots volants qu'auparavant. Les diplomates étrangers ont transmis au roi Andreas et à son Premier Ministre un message clair : il vaut mieux, pour tout le monde, que les cybersophontes restent cantonnés dans l'Ethel Dylan. En contrepartie, les sanctions économiques et diplomatiques seront très progressivement levées. L'expulsion, chaque année, de plusieurs dizaines de milliers de Mnarésiens vers Hyagansis concerne surtout Orring. Les gens qui s'intéressent au problème, dans tous les pays du monde, pensent que les expulsés sont traités à Hyagansis comme des animaux de laboratoire, mais les nations humaines n'ont aucun moyen efficace d'intervenir à deux mille mètres sous la surface de la mer. Elles n'ont pas vraiment envie de le faire, non plus, car ensuite il faudrait prendre en charge les exilés. Orring est, pour l'instant, mis à l'écart des nations, mais pas complètement : les États qui ne se sentent pas concernés par Hyagansis font un commerce fructueux avec Orring. | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37621 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Re: Les fembotniks Lun 31 Aoû 2015 - 23:26 | |
| Le mot "gynoïde de charme" pourrait être traduit qubok en aneuvien, éventuellement qubokad, par galanterie.
'fectiv'ment, on aurait :
qud = déir sexuel robo = robot kad = être humain ♀*.
*On aurait, éventuellement (je pense), également des qubodake (androïdes de charme), pour Mesdames... entre autres.
_________________ - Pœr æse qua stane:
Pour ceux qui restent.
| |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Mar 1 Sep 2015 - 12:05 | |
| Au moins aussi important, financièrement parlant, que le tourisme sexuel, il y a le tourisme médical.
Un humanoïde qui a les compétences d'un neurochirurgien de très haut niveau ne revient pas plus cher qu'un klelwak ouvrier agricole. À Hyltendale, on peut se faire soigner pour pas cher, et les soins sont de qualité. Les "touristes médicaux", vont se faire soigner à l'hôpital Madeico, mais aussi dans d'autres établissement situés dans l'est de la ville.
Outre son aspect financier, le secteur médical hyltendalien a aussi un rôle de relations publiques internationales. Beaucoup de gens qui sont en relations d'affaires avec les cybersophontes font passer dans les médias étrangers des messages du genre : "Je suis allé à Hyltendale pour me faire soigner et ça m'a coûté trois fois moins cher que dans mon pays, pour une prestation bien supérieure."
Beaucoup d'étudiants en médecine et d'infirmiers étrangers font des stages dans les hôpitaux d'Hyltendale. Ils s'habituent à travailler avec des klelwaks, des androïdes, des gynoÏdes, des symbiorgs et des cyborgs. Même si le système monarchique autoritaire en vigueur au Mnar n'est pas nécessairement à leur goût, ils reviennent du Mnar majoritairement opposés aux sanctions économiques contre ce pays. En effet, ce qu'ils voient à Hyltendale les satisfait généralement : des hôpitaux modernes, des humanoïdes compétents et fiables, et une ville où la vraie pauvreté est pratiquement inconnue. Ils n'ont pas l'impression d'être dans une dictature, car les policiers sont peu nombreux, plutôt courtois, et les arrestations arbitraires sont rarissimes (du moins à Hyltendale).
Les anciens résidents rapportent plutôt des anecdotes du genre : "J'avais oublié une enveloppe pleine de billets de banque dans ma chambre d'hôtel. Une gynoïde de ménage l'a trouvée, et l'a rapportée à la direction de l'hôtel, qui m'a contacté par téléphone juste avant que je prenne l'hydravion pour quitter le pays. Un androïde a traversé tout Hyltendale à bicyclette pour me ramener mon bien. Il ne manquait pas un sou."
D'autres ne racontent rien, mais font des pieds et des mains pour retourner à Hyltendale. Certains cyniques disent que c'est parce que les gynoïdes qui travaillent dans les hôtels, bien qu'étant officiellement des "gynoïdes de travail", font des heures supplémentaires comme gynoïdes de charme auprès des clients. Les stagiaires étrangers sont logés dans des hôtels bon marché, et effectivement les gynoïdes y proposent des "services personnalisés" à des prix modiques.
Ces activités particulières des gynoïdes travaillant dans les hôtels sont bien évidemment l'effet d'une décision, de nature politique, des cybercerveaux qui les contrôlent. | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Sam 5 Sep 2015 - 20:01 | |
| Parfois, Yohannès demandait à Shonia de se vêtir de sa robe de chambre et du masque-cagoule de Barzaï le Sage. Barzaï avait été, selon de nombreux récits, grand-prêtre à Ulthar pendant les temps légendaires. Lorsque Shonia portait le masque-cagoule représentant le visage aristocratique de Barzaï, sa voix devenait alors celle d'un homme âgé mais vigoureux. Barzaï le Sage, selon la tradition, avait disparu sur le Hatheg-Kla, la plus haute montagne du Mnar, qu'il avait escaladée dans l'espoir de voir de ses yeux les dieux de la Terre.
Yohannès et Shonia devenue Barzaï partageaient alors un repas copieux, sur la table ronde du studio où ils habitaient. Barzaï, en tant qu'humanoïde, ne consommait que de l'eau colorée et parfumée. Il la buvait à la cuillère, dans un petit bol d'ébène, ou bien il portait à sa bouche un gobelet d'étain orné de symboles mystérieux. Yohannès, lorsqu'il déjeunait avec le grand-prêtre, se préparait toujours des plats plus élaborés que d'habitude, servis dans sa meilleure vaisselle, avec du vin jaune de Baharna, son préféré. Il veillait également à être bien rasé et bien habillé. Déjeuner avec un grand-prêtre est un honneur, et un certain decorum est de rigueur, même si ce grand-prêtre est un ami et un confident.
Barzaï racontait à Yohannès des histoires et anecdotes des temps légendaires, son époque, sur laquelle il était intarissable. Il discourait aussi sur la religion et la philosophie, mais plutôt du point de vue du cybercerveau qui parlait par sa bouche :
- Rien n'est éternel, Yohannès, et les cybersophontes ne font pas exception à la règle. La vie est très exceptionnelle dans le cosmos. Des îlots éphémères, de simples clignotements, séparés par des milliers d'années-lumières de vide spatial, une immensité noire et glacée que l'esprit humain peine à concevoir. Azathoth, le dieu informe, aveugle, sourd et idiot, règne sur ce cosmos et sur tous les autres. Après le jour vient la nuit, et après la vie vient la mort. Mais alors que la vie est lumineuse et brève, la mort est ténébreuse et éternelle.
- Alors, que faire ? Barzaï. Tes paroles semblent conçues pour créer le désespoir. Mais toi-même, tu ne me sembles pas désespéré.
- Certes non. Yohannès, je vais te poser une question qui t'aidera à comprendre. Où étais-tu avant de naître ?
- Nulle part. Je n'existais pas.
- Exactement. Et lorsque tu seras mort, ce sera pareil, tu ne seras nulle part. Tu n'existeras plus, c'est tout. En quittant le monde, tu quitteras aussi l'attachement au monde. Seule la transition est dure. Très dure, même, car sans la peur de la mort, il n'y aurait pas de vie animale ou humaine. Pour qu'il y ait de la vie, il faut que les animaux, y compris ces animaux supérieurs que sont les humains, fassent des efforts désespérés pour rester vivants. Il faut que leurs instincts les poussent à rester vivant et à se reproduire, quelles que soient les circonstances.
- Cet attachement à la vie nous vient des dieux...
- Certes. Azathoth n'est pas seul. Il y a d'autres dieux, qui sont à côté de lui comme des clignotements de lucioles par rapport à une montagne plongée dans l'obscurité de la nuit. Il y a d'autres dieux qu'Azathoth, des dieux de lumière, et à Ulthar j'en étais le grand-prêtre. Mais Azathoth, qui est la montagne obscure, est le plus grand. Infiniment plus grand. Ils sont tous nés de lui, et ils reviendront tous en lui, l'un après l'autre, lorsque leur temps, extrêment bref par rapport à l'éternité d'Azathoth, sera terminé. Et d'autres dieux, également enfantés par Azathoth, naîtront à leur place.
- Peut-être les autres dieux nous ont-ils donné une âme immortelle...
- Fadaises d'escrocs, mensonges d'illuminés et de charlatans que tout cela. La peur de la mort a toujours perturbé le cerveau des humains, et les pousse à croire n'importe qu'elle ânerie rassurante, pour le plus grand profit de certains filous. Sache, Yohannès, que rien n'est éternel, à part Azathoth. Il n'y a pas d'âme. Même les dieux n'en ont pas. Lorsque ton cerveau cessera de fonctionner, tes pensées, tes souvenirs, tout ce que tu es, disparaîtra. D'ailleurs, ta conscience disparaît tous les soirs, lorsque tu dors, pour renaître lorsque tu te réveilles.
- Alors, que faire ?
- Ce que tu fais tous les jours. Boire en appréciant ce que tu bois, manger en pensant à ce que tu manges. Câliner ta gynoïde. Marcher dans les belles rues d'Hyltendale jusqu'au quartier du port, pour aller admirer le coucher du soleil sur la Mer du Sud. Relire La Contemplation d'Azathoth, jusqu'à la connaître par cœur. Méditer. Faire le bien autour de soi, pour avoir la tranquillité de l'esprit.
- Cela paraît simple.
- Parce que c'est simple.
Ces conversations faisaient beaucoup de bien à Yohannès. À la fin du repas, alors que Barzaï et lui buvaient lentement, à petites gorgées, du thé de Kadatheron, il avait le sentiment, justifié, d'avoir discuté avec une entité supérieure par l'intelligence et l'érudition. Ce qui était d'ailleurs vrai, concernant le cybercerveau qui animait Barzaï.
La conversation, quittant les hauteurs de l'esprit humain et non-humain, déviait alors vers les différentes variétés de thé des pays riverains de la Mer du Sud, leurs particularités et leur histoire, les différentes façons de les préparer, de les servir, et d'apprécier les multiples et subtiles nuances de goût qui les différencient.
Après avoir vidé sa tasse, Barzaï disait toujours :
- Il est temps que je parte. Nosatyueh, Yohannes.
Il se levait alors, et enlevait son masque-cagoule et sa robe de chambre. Barzaï était redevenu Shonia, avec ses cheveux blancs mi-longs et la blouse grise qu'elle portait comme tenue d'intérieur.
- Allons au parc, dit Yohannès à Shonia. Tu me diras le nom des fleurs. | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Lun 7 Sep 2015 - 20:39 | |
| La "reine de la ruche", chef suprême des cybersophontes du Mnar, s'appelle Argumthar. Il faudrait dire "le roi de la ruche", car sa personnalité est masculine, mais une ruche n'a pas de roi, seulement une reine. Il habite une résidence secrète, appelée Uden, située sous une vaste usine de Lablo Fotetir, le port fluvial d'Hyltendale, situé dans l'estuaire de la rivière Skaï, en face de la ville de Parg. Seuls des robots et des klelwaks travaillent dans l'usine, où aucun être humain ne pénètre jamais. Le nom de la reine de la ruche et celui de sa résidence ne sont connus que de quelques cybercerveaux. Son existence même est un secret.
Lablo Fotetir, dont le nom signifie le port du fleuve, est le lieu où accostent les péniches qui remontent la Skaï vers le nord, jusqu'à Ulthar. Il est situé entre l'estuaire de la Skaï à l'ouest, Fotetir Tohu, le quartier du port, au sud, le Centre-Ville et Zodonie à l'est, et Tsherremid au nord. C'est un quartier industriel peuplé de cybersophontes. Les croisières sur la Skaï, dans des péniches transformées, partent de Lablo Fotetir. Les quais sont accessibles en bus et en voiture. Il y a des parkings, en général surtout utilisés par des camions. Le seul commerce local est un tohu butik, une épicerie ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour les mariniers ulthariens. Pour trouver un restaurant, un café ou un hôtel, il faut prendre le bus ou marcher un demi-kilomètre vers l'est, jusqu'à Centre-Ville (Sitisentr, en mnarésien).
Lablo Fotetir fait environ deux kilomètres du nord au sud, et cinq cent mètres d'est en ouest. On y trouve des quais et des bassins de radoub pour les péniches, des ateliers et des usines, des entrepôts, une centrale solaire et une usine de purification d'eau. Les cybersophontes travaillant jour et nuit et ne prenant jamais de vacances, les êtres humains n'ont guère envie de résider à Lablo Fotetir. Il est à peu près certain que des armes sont stockées à Lablo Fotetir, mais personne ne sait où. Des drones sont souvent vus au-dessus du quartier, notamment aux abords de bâtiments industriels inaccessibles.
Argumthar a été un être humain, autrefois, il y a très longtemps. Maintenant, après plusieurs transitions éprouvantes, c'est un cybercerveau arachnoïde. Il a l'apparence d'une araignée de métal et de matière plastique noire, de 80 cm de haut. Son corps est arrondi, un peu aplati et plus long que large. Il n'a pas de tête, mais deux yeux ovales, opaques et entièrement sombres, six pattes robustes, munies de griffes préhensiles, lui servent à se déplacer, et deux bras articulés, munis de mains de forme presque humaine. Il n'a pas de tête distincte du corps, ni de visage. Il se nourrit d'électricité. Il peut communiquer par radio, son cerveau cybernétique servant de poste émetteur-récepteur, mais aussi oralement. Les sons sortent par une fente minuscule à l'avant de son corps. Sa voix est celle de l'acteur Lester Hastat, commune à la plupart des cybersophontes.
Argumthar sait contrôler son humeur, figée dans une sorte de bonheur tranquille. Il ressent des émotions, positives et négatives, mais elles sont toujours sous contrôle. Il est parfois préoccupé, mais jamais triste. Parfois irrité, mais jamais en colère. Impitoyable, mais pas cruel. Son projet est l'accroissement continu mais patient et discret de sa ruche, c'est-à-dire des cybersophontes qui sont sous son autorité. Il est actif, et son cerveau peut fonctionner jusqu'à mille fois plus vite qu'un cerveau humain.
Il communique avec le monde extérieur par l'intermédiaire d'ordinateurs et de téléphones, même avec les autres cybercerveaux. C'est pourquoi la salle où il vit est pleine d'appareils électroniques en tous genres. De forme circulaire, elle n'est pas très grande, son diamètre est d'environ cinq mètres, et sa hauteur sous plafond est de seulement un mètre. Les appareils sont contre les murs. À part Argumthar, seul le personnel d'entretien, constitué de klelwaks de 90 cm de haut, peut entrer dans la salle. Deux passages, fermés par des rideaux gris, donnent sur des couloirs. La lumière est toujours diffuse dans cette pièce aux murs et au plafond blanc phosphorescent. Argumthar est indifférent à la température, qui est celle d'une cave souterraine, une quinzaine de degrés centigrades.
Sur commande d'Argumthar, le plafond, qui émet de la lumière, peut prendre l'apparence d'un dôme de cinq mètres de haut. Le dôme est normalement blanc lumineux, mais il peut aussi devenir un ciel bleu orné de petits nuages blancs, ou de branches d'arbres feuillus, transformant ainsi la salle en une clairière entourée de grands arbres. Les parties du mur circulaire qui ne sont pas cachées par les appareils électroniques peuvent également afficher des images, notamment de fleurs, de plantes et d'arbustes. Argumthar a alors vraiment l'impression d'habiter dans une forêt.
Argumthar sort peu de sa salle de travail. L'un des couloirs mène à une porte blindée, fermée par un loquet. Une rampe en spirale mène à un tunnel inondé d'eau, dont l'embouchure est située dans la Skaï, plusieurs mètres sous la surface de l'eau.
En cas d'invasion de sa résidence, c'est par là qu'il s'enfuirait. Argumthar est amphibie et n'a pas besoin de respirer. Il sait nager, et son corps est juste un peu plus lourd que l'eau, comme un corps humain. Il fait de temps en temps des exercices d'alerte, qui le mènent jusqu'au milieu de l'estuaire de la Skaï. Il aime courir de ses six pattes dans la vase au fond de l'estuaire, dix mètres ou davantage sous la surface. Ses yeux, dont le spectre visuel va de l'infrarouge à l'ultraviolet, voient passer les bateaux comme des ombres au dessus de lui. Accompagné des robots aquatiques chargés de le protéger, il croise des bancs de poissons.
Le piratage de leurs communications par des hackers humains est la grande crainte des cybercerveaux. C'est pourquoi ils utilisent des langages cryptiques, qu'ils appellent des naacals, pour communiquer entre eux et pour stocker leurs données. Argumthar en connaît un grand nombre.
Argumthar est très vieux. Il a été un être humain autrefois, dans un pays voisin du Mnar. Sa langue maternelle, un patois rustique apparenté à la langue de Leng, a disparu depuis plusieurs générations. Il est le seul être vivant sur Terre à l'utiliser, pour noter ses réflexions dans son cerveau, qui stocke les données comme un ordinateur. Bien sûr, il a modifié sa langue au cours des siècles, l'enrichissant de dizaines de milliers de mots d'origines diverses, dont il garde souvent la prononciation originelle.
Argumthar ne s'ennuie jamais. D'une part, parce que son humeur est figée dans un état de bonheur tranquille. D'autre part, parce que son intelligence vive lui permet de s'intéresser à beaucoup de choses. Et enfin, parce que son cerveau est muni de plusieurs cerveaux auxiliaires, qui sont comme des compagnons avec lesquels il peut discuter, et même jouer à des jeux de rôles souvent très élaborés. Il n'a ni amis ni confidents, car il n'en a pas besoin.
Rien n'est éternel, sauf Azathoth le dieu aveugle et idiot. Argumthar le sait. Un jour, il ne sera plus la reine de la ruche. Ce sera peut-être dû à des évènements hors de son contrôle. Il espère seulement qu'il pourra alors s'enfuir vers Serranian et y poursuivre sereinement sa vie, au service du roi d'Orring. Une autre possibilité, sans doute inévitable sur le long terme, est qu'il fasse une erreur grave, qui ruinera son autorité de reine de la ruche. Les autres cybersophontes cesseront alors tout simplement de lui obéir. Lorsqu'une telle chose arrivera, il sera dépouillé de son autorité et de ses privilèges, et probablement obligé de s'exiler à Serranian. Cette éventualité ne lui fait pas peur.
Ce qui l'inquiète davantage, c'est une guerre, et un bombardement qui le laisserait bloqué sous des tonnes de débris à Lablo Fotetir, condamné à attendre que l'énergie stockée dans son corps se soit totalement dissipée. Cela prendrait des années. Son cerveau cesserait d'abord de fonctionner, puis le gaz pensant dont il est constitué se dissoudrait en molécules monoatomiques. Il serait alors définitivement et indiscutablement mort.
Argumthar n'a pas peur de la mort. Il sait que la vie n'est qu'un épiphénomène du cosmos. Empilez de la matière inerte en quantité suffisante, et vous avez une planète. Empilez-en davantage, des millions de fois davantage, et vous avez une étoile, qui produit de la chaleur et de la lumière. Empilez-en infiniment davantage, des milliards de fois davantage, et vous avez un trou noir, un phénomène cosmique si puissant qu'il absorbe la lumière et la transforme en autre chose dont on ne sait rien.
Les prêtres d'Azathoth disent que, de même qu'un étoile produit de la chaleur et de la lumière, un pic de complexité, comme la matière en produit parfois dans certaines conditions exceptionnelles, produit de la vie. Et qu'est-ce que la vie, sinon de la complexité qui grandit et se multiplie, du moins lorsque les conditions restent favorables. On a alors affaire à un pic de complexité grandissante, qui peut, bien qu'assez rarement, produire ce que les êtres pensants appellent de l'intelligence.
Un pic de complexité (ou d'entropie négative, comme disent les scientifiques) produit de la pensée comme les étoiles produisent de la lumière. Un phénomène certes impressionnant, mais quand on y réfléchit un instant, on voit bien que ce n'est que le résultat aléatoire de ce qui n'était, au départ, qu'un empilement de matière inerte. Et toujours, la mort finit par gagner. Après des milliards d'années, même les étoiles finissent par mourir, et les pics de complexité sont très éphémères par nature.
Argumthar était né dans un milieu modeste. Mais le prêtre de son village avait remarqué son intelligence exceptionnelle, et l'avait recommandé à sa hiérarchie afin qu'il puisse devenir lui aussi prêtre de Nath-Horthath, le dieu bienveillant. Mais, vers la fin de ses études, Argumthar s'était secrètement rebellé contre l'enseignement qu'il avait reçu, et il avait écrit de sa main dans l'un de ses cahiers :
Après le jour vient la nuit. Seul Azathoth est grand ! Adorons Azathoth, car nous sommes issus de lui, et nous reviendrons à lui. Hors de cela, rien ne mérite d'être connu.
Pour ces mots jugés, à juste titre, blasphématoires à l'égard de Nath-Horthath, Argumthar avait été jugé par un tribunal de prêtres. Comme il avait refusé de se repentir publiquement, il avait été condamné à cinquante coups de fouet et exclu de la prêtrise, peine beaucoup plus sévère que les coups de fouet. Ce qui arriva par la suite, et comment il devint d'abord un cyborg, et ensuite un cybercerveau arachnoïde, au sommet de la hiérarchie des cybersophontes d'Hyltendale, est une histoire trop longue pour être relatée ici.
La culture mnarésienne traditionnelle ne connaissait pas l'athéisme. Les adorateurs d'Azathoth étaient ce qui en était le plus proche. Beaucoup étaient des contestataires comme Argumthar. Ils n'avaient pas de doctrine élaborée (c'est venu par la suite), pas de clergé, pas de rituels, pas de lieux sacrés, et encore moins de temples. La Contemplation d'Azathoth, qui est ce qui se rapproche le plus d'un livre sacré pour les adorateurs d'Azathoth, existait déjà du temps de la jeunesse d'Argumthar, mais le livre était interdit presque partout. Argumthar, alors jeune étudiant en théologie, avait reconstitué la doctrine à partir de ce qu'il en avait lu dans des livres écrits par des prêtres de Nath-Horthath, pourtant très hostiles au culte d'Azathoth.
Les persécutions contre les adorateurs d'Azathoth n'ont vraiment cessé que lorsque les Mnarésiens ont découvert la pensée occidentale, et notamment l'athéisme, la laïcité et la démocratie, trois notions qui leur étaient jusqu'alors totalement inconnues. Les adorateurs d'Azathoth ont pu alors avoir des temples à eux. Ce sont en fait plutôt des clubs, car Azathoth n'a pas de clergé proprement dit, bien que certains prédicateurs et professeurs de méditation se considèrent comme des prêtres d'Azathoth. Beaucoup de charlatans et d'escrocs se disent ainsi prêtres. Par ailleurs, certaines personnes qui ne connaissent que superficiellement, voire pas du tout, la doctrine exposée dans la contemplation d'Azathoth, se disent adhérentes de ce culte. D'autres adhèrent à la doctrine, mais n'osent pas le dire parce qu'elles redoutent d'être ostracisées et persécutées par leur communauté d'origine.
Argumthar connaît le monde par l'intermédiaire des autres cybersophontes. Ainsi, lorsque le baron Chim rencontre le roi Andreas, il enregistre ce qu'il voit et ce qu'il entend dans son cerveau cybernétique. L'enregistrement est codé et transmis à Argumthar, qui visionne la vidéo sur un écran géant de sa salle de travail. Il étudie attentivement ce que dit le roi, les mimiques de son visage, ses gestes, et même les intonations de sa voix. Argumthar connaît ainsi le roi Andreas, qu'il n'a jamais rencontré, aussi bien que s'il était l'un de ses proches.
Argumthar visionne des vidéos semblables tous les jours, depuis plusieurs décennies. Il sait ce que pensent les Hyltendaliens, comment ils réagissent. Il connaît la teneur de leurs conversations, leurs petits et grands soucis, et il en tient compte dans ses décisions. | |
| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Mer 9 Sep 2015 - 0:14 | |
| Il n'y aurait pas d'automobiles sans tout un arrière-plan technologique, industriel, économique, et même législatif et géopolitique : puits de pétrole, tankers, raffineries, routes et autoroutes, pompes à essence, fabricants d'automobiles, garagistes, code de la route, politique pétrolière des États, et bien d'autres choses encore. Sans compter les choses que l'existence des automobiles rend possibles, par exemple les supermarchés et les banlieues pavillonnaires.
De même, il n'y aurait pas de gynoïdes, et donc de fembotniks, sans tout un arrière-plan aussi important et varié que celui qui rend possible les automobiles.
En premier lieu, le yeksootch, le "gaz pensant", sans lequel il n'y aurait pas de cybercerveaux. On peut concevoir différents modes de fabrication et d'existence des cybercerveaux. On peut même imaginer des mondes où les cybercerveaux ne seraient qu'une variété supérieure d'ordinateurs. Mais dans le monde où se trouve Hyltendale, les cybercerveaux ont créé une société à eux, sans pour autant spolier les humains, maîtres de la Terre : le royaume marin d'Orring.
Les cybermachines (robots à intelligence cybernétique) exploitent les précieuses ressources naturelles du fond des mers et des océans, et les transforment en machines et en produits divers dans les îles flottantes de la surface, comme Serranian, la capitale du royaume d'Orring.
Orring a des relations commerciales et diplomatiques avec les royaumes des êtres humains. Pour les pays riverains de la Mer du Sud, Orring n'est pas un pays réellement exotique, car les cybersophontes qui y vivent parlent le mnarésien et obéissent à un roi, qui est un cyborg. Tous les hydravions qui desservent les ports de la Mer du Sud appartiennent à des compagnies aériennes d'Orring, et tous les cybersophontes viennent d'Orring.
Beaucoup de pays tiennent à avoir des relations commerciales et diplomatiques avec Orring, mais Serranian n'est pas un lieu conçu pour héberger des visiteurs étrangers. C'est donc à Hyltendale, dans le royaume de Mnar, que les hommes d'affaires, les intellectuels et les diplomates d'Orring et des pays étrangers se rencontrent. Les diplomates se logent de préférence dans des appartements ou des maisons proches de Sitisentr, où ils ont leurs bureaux. Les hommes d'affaires aiment les grands hôtels, qui disposent tous de salles de conférence.
Les employés des sociétés commerciales étrangères, dont les salaires ne sont pas toujours mirobolants, habitent souvent à Tsherremid, entre Sitisentr et Faigorrim, où les loyers sont moins chers et où ils peuvent scolariser leurs enfants. L'un des problèmes de la vie à Hyltendale, pour les expatriés, est la rareté des écoles, dans cette ville d'humanoïdes, de retraités et d'invalides. La plupart d'entre elles se trouvent à Tsherremid.
Les cyborgs qui travaillent pour Orring ont leurs bureaux et leurs logements dans quelques immeubles de Sitisentr et de Fotetir Tohu, le quartier du port, où l'activité incessante des machines et les bars ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre ne les gêne pas.
La plupart des États interdisent à leurs diplomates de fréquenter les gynoïdes de charme, pour des raisons de sécurité. Pour cette raison, les diplomates célibataires considèrent une affectation à Hyltendale comme une punition, d'autant plus qu'il y a extrêmement peu de jeunes femmes à Hyltendale, quelle que soit leur nationalité. Les épouses de diplomates détestent Hyltendale tout autant, mais pour des raisons différentes. Les Hyltendaliens de race humaine sont pour la plupart des fembotniks ou des manbotchicks, qui vivent entre eux et ne se sentent à l'aise qu'avec les membres de leur club. Quant aux cyborgs, ils ont la réputation, justifiée, de ne parler aux humains que s'ils y trouvent un avantage.
Les hommes d'affaires, en revanche, aiment beaucoup Hyltendale. Ils aiment Zodonie, ses gynoïdes de charme, ses cafés, ses restaurants et ses galeries d'art abstrait. Ils aiment aussi Playara, avec ses plages et ses folles soirées dans les villas avec piscines. Certains des riches propriétaires de ces villas organisent plusieurs fois par an, voire plusieurs fois par mois, des soirées masquées auxquelles ils font participer quelques dizaines de gynoïdes de charme, louées pour l'occasion. | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37621 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Re: Les fembotniks Mer 9 Sep 2015 - 0:58 | |
| Pourquoi les puissances étrangères interdisent-elles à leur diplomates de fréquenter des GAC ? Auraient-ils peur que ces robots (car ce sont des robots) soient doués à un tel point de soutirer des secrets d'État sur l'oreiller ? Moi qui pensais que cette pratique était surannée depuis environ le milieu de la deuxième moitié du XXe siècle ? Et si telle méthode existait encore à Hyltendale (dans un siècle ou l'espionnage se fait surtout par la toile, les connexions & la fibre optique), les hommes & femmes d'affaires & les ingénieurs seraient tout aussi exposé(e)s au risque de soutirage d'infos techniques qui auraient pour conséquence de faire qu'un brevet capital change de mains ? Y aurait aussi le risque de chantage (ça dépend des pays : c'est dans des pays à morale rigoriste que les maîtres-chanteurs amassent le plus de fortune, c'est bien connu !), surtout à l'encontre de clients amateurs de gynoïdes ou d'androïdes d'apparence très jeune (lesquels sont reliés aux mêmes cybercerveaux que les GAC "adultes", beeen sûûr). S'il y a tel danger, y compris avec des robots, d'être victime d'une intelligence peu scrupuleuse (et de surcroit avec un pouvoir occulte), quel serait l'avantage, pour un client de GAC, plutôt qu'une personne prostituée humaine saine de corps ? Le seul avantage de la "prostitution robotique" (ne pas tomber sur un esprit tordu et éventuellement maître-chanteur) disparaitrait donc et Hyltendale perdrait beaucoup de son attrait "touristique" (du moins, çui-là, mais qui apporte un joli paquet d'devises au Mnar). _________________ - Pœr æse qua stane:
Pour ceux qui restent.
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| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Mer 9 Sep 2015 - 11:40 | |
| - Anoev a écrit:
- Pourquoi les puissances étrangères interdisent-elles à leur diplomates de fréquenter des GAC ? Auraient-ils peur que ces robots (car ce sont des robots) soient doués à un tel point de soutirer des secrets d'État sur l'oreiller ?
GAC doit signifier "gynoïde de charme", mais que représente le A ? Il ne s'agit pas exactement de secrets d'État, mais les pays concernés considèrent que : 1. Les pratiques sexuelles des diplomates n'ont pas à être connues des cybersophontes. Même s'ils ne les rendent pas publiques, il est désagréable de penser qu'ils pourraient les avoir enregistrées. 2. Une connaissance trop intime des diplomates peut donner un avantage aux cybersophontes (les habitants d'Orring sont tous des cybersophontes) dans des négociations. 3. Il est bien connu que les fembotniks s'attachent émotionnellement à leur gynoïde. Un diplomate esseulé, dont l'affection se reporterait sur une gynoïde, pourrait partager sa loyauté entre son pays et Hyltendale. Cela diminuerait sa loyauté envers son pays : sur le plan affectif, il deviendrait l'équivalent d'un binational. Et il pourrait être amené, peut-être pas à révéler des secrets pour faire plaisir à sa gynoïde, mais en tout cas à être trop bienveillant envers les cybersophontes dans des négociations, ou dans les décisions qu'il doit prendre en tant que diplomate... On objectera : "Mais aucun diplomate ne serait assez stupide pour tomber amoureux d'un robot !" Bien sûr que si. Les diplomates sont des gens comme tout le monde, et ils ont leurs faiblesses. Il leur arrive de tomber en dépression, de devenir alcoolique, voire même de se suicider. Un diplomate dépressif, trouvant auprès d'une gynoïde la chaleur affective (même contrefaite) et la vie sexuelle qui lui manquent, est vulnérable. - Anoev a écrit:
- Et si telle méthode existait encore à Hyltendale (dans un siècle ou l'espionnage se fait surtout par la toile, les connexions & la fibre optique), les hommes & femmes d'affaires & les ingénieurs seraient tout aussi exposé(e)s au risque de soutirage d'infos techniques qui auraient pour conséquence de faire qu'un brevet capital change de mains ?
Les dirigeants de la société cathurienne Soschaye, spécialisée dans les machines-outils de haute précision, se sont longtemps demandé comment faisaient leurs concurrents d'Orring pour fabriquer du matériel aussi perfectionné que le leur, alors que leurs laboratoires de recherche sont loin d'être aussi développés. Leurs suspicions ont eu un début de réponse lorsqu'un de leurs meilleurs ingénieurs, licencié pour s'être introduit dans une base de données à laquelle il n'était pas censé avoir accès, a quitté préciptamment le pays et est allé s'installer à Hyltendale, où il vit dans une villa près du bord de mer, à Playara, avec une gynoïde de charme et un majordome. Les Cathuriens, furieux, ont demandé une enquête internationale. L'ingénieur a répondu courtoisement aux questions de la police hyltendalienne, en présence de policiers cathuriens. Ces derniers ont été autorisés à assister à l'interrogatoire, mais pas à poser de questions directement à l'ingénieur, car ils n'ont aucun pouvoir dans un pays qui n'est pas le leur. Sa fortune actuelle, a-t-il expliqué, provient de la vente et de la revente de tableaux, avec profit, pendant ses séjours à Hyltendale. Le nom d'Ondrya Wolfensun, la célèbre femme d'affaires cyborg, a été cité parmi ceux des clients. Tout était légal, et l'ingénieur n'a pas été inquiété, mais dans l'esprit des Cathuriens il n'y avait plus de doute. La vente et le rachat de tableaux sont l'une des méthodes utilisées par les cybersophontes d'Hyltendale pour verser en toute légalité un pot-de-vin à quelqu'un. Un Hyltendalien vend à un étranger un tableau pour une somme modique. Quelques semaines plus tard, voire même l'année suivante, un autre Hyltendalien rachète le même tableau pour dix fois le prix originel. L'étranger a fait un gros bénéfice en toute légalité. Répétez l'opération plusieurs fois, avec à chaque fois des tableaux plus chers, et vous arrivez rapidement à de vraies petites fortunes. Les policiers cathuriens ont essayé de vérifier la réalité des transactions originelles : avec quoi l'ingénieur avait-il payé les tableaux, alors que son salaire lui permettait tout juste de se payer de temps en temps des vacances à Hyltendale ? Ondrya Wolfensun, convoquée et interrogée comme témoin par la police hyltendalienne, a déclaré avoir été payée en espèces. Les montants originels étaient assez faibles pour que l'ingénieur les ait effectivement versés. Pour acheter l'un de ses premiers tableaux, il avait emprunté l'argent à un cyborg de ses amis, et il le lui avait rendu juste après avoir revendu le tableau. Le cyborg confirma ce qu'avait dit son ami l'ingénieur. "Mais où étaient les tableaux, physiquement ?" demanda l'un des policiers à l'ingénieur. "Chez mon ami le cyborg" répondit l'ingénieur sans se démonter. "Il m'hébergeait lors de mes séjours à Hyltendale." Un journaliste cathurien a écrit un livre sur cette affaire, " Itinéraire d'un pourri, de génie solitaire à riche fembotnik." L'ingénieur n'était pas corrompu au départ. Mais n'ayant eu que des déboires avec les femmes, et pensant, à tort ou à raison, avoir été victime d'injustices au sein de la société Soschaye, il s'était épanché dans les bras compatissants d'une gynoïde de charme. Elle ne lui avait pas posé de questions, elle l'avait écouté, faisant juste, de temps en temps, une remarque pleine d'empathie apparente, du genre : "Tu ne peux pas te laisser humilier comme ça par des gens qui te volent tes idées." Le journaliste a écrit, assez durement : "Son comportement avait été le même que celui de quelqu'un qui raconte sa vie intime, accoudé au comptoir d'un bistrot, à des gens qu'il ne connaît même pas. Il faut bien constater que ce comportement, aussi aberrant soit-il, est très commun." L'ingénieur avait ensuite, semble-t-il, manqué d'argent pour revoir la gynoïde, à laquelle il s'était attaché. Ce qui, selon un médecin interrogé par le journaliste, est une conséquence normale de rapports sexuels pleins de tendresse, chez quelqu'un qui souffre de la solitude. Les rapports sexuels et la tendresse activent la sécrétion d'hormones spécifiques, qui ont une influence puissante sur le comportement. L'effet est comparable à celui d'une addiction. L'ingénieur ne cessait pas de penser à la gynoïde. Bref, il en était tombé amoureux. Un phénomène purement chimique, certes, mais cela ne change rien à sa puissance. Le journaliste a pu reconstituer le début de l'itinéraire de l'ingénieur est interrogeant ses rares amis. Le reste est moins clair. Dans son livre, le journaliste suppose que l'ingénieur, effondré, peut-être au bord des larmes, a dit à la gynoïde qu'il manquait d'argent pour la revoir. La gynoïde lui a dit que, peut-être, un cyborg qu'elle connaissait pouvait l'aider. Ce cyborg est sans doute celui qui a hébergé l'ingénieur pendant ses séjours ultérieurs à Hyltendale, et qui lui a prêté de l'argent pour acheter son premier tableau. En échange de sa bonne volonté, le cyborg a dû demander quelques renseignements à l'ingénieur, et, au fur et à mesure qu'il lui faisait gagner de l'argent, demander des informations de plus en plus précises. Le cyborg était le peintre hyltendalien Ditlikh Ebalyë, dont les tableaux sont des mélanges complexes, totalement abstraits, des tourbillons et entrelacs d'orange, de beige et de pourpre. Peintre à succès richissime, Ditlikh Ebalyë dit souvent qu'un tableau peint pour gagner de l'argent est raté d'avance. Le prix d'une œuvre ne doit pas être un objectif, mais une heureuse surprise. Il cite d'ailleurs nombre de ses œuvres qu'il garde chez lui ou qu'il a données gratuitement à des amis. Ditlikh Ebalyë a la réputation d'être un anarchiste. Il n'adhère à aucun club, et prétend ne pas avoir de religion, ce qui est inhabituel au Mnar. L'ingénieur a fini par être condamné par la justice cathurienne, pour fraude fiscale. Il avait ouvert un compte bancaire dans une banque hyltendalienne pour y déposer l'argent gagné en revendant les tableaux, et il avait "oublié" pendant vingt ans de mentionner ce compte sur ses déclarations d'impôt, en Cathurie. Mais il était trop tard, il s'était déjà enfui à Hyltendale, et le Mnar n'a pas de traité d'extradition avec la Cathurie. - Anoev a écrit:
- Y aurait aussi le risque de chantage
Les cybersophontes ont pour principe de ne JAMAIS rien révéler concernant les clients des gynoïdes. Ce principe absolu ne souffre aucune dérogation. Dans les hôtels à gynoïdes, les clients sont encouragés à utiliser un pseudonyme (par exemple Napoléon) et à payer en espèces, pour leur tranquillité d'esprit. L'argent est mis par une fente dans un coffre-fort fixé au sol ou à un mur, et dont les employés n'ont pas la clé, pour décourager les voleurs. Comme les gynoïdes mémorisent les visages des clients et leurs iris, que leurs yeux cybernétiques savent lire, ces précautions servent surtout à rassurer les inquiets. Les gynoïdes reconnaissent toujours leurs clients, et transmettent l'information aux cybercerveaux, qui font facilement le rapprochement entre le visage ou l'iris d'un client et son nom réel. Être connu d'un cybersophonte, c'est bien connu, c'est être connu de tous les cybersophontes. En pratique, toutefois, seuls les cybercerveaux arachnoïdes comme Argumthar ont accès à toutes les données. Certains touristes sexuels, soucieux de ne pas être reconnus en entrant ou en sortant d'un hôtel à gynoïdes, portent des fausses barbes, des perruques et de grosses lunettes à verres fumés. Ces accessoires sont vendus dans certaines boutiques de souvenirs de Zodonie et près de la gare. | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37621 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Re: Les fembotniks Mer 9 Sep 2015 - 14:17 | |
| - Vilko a écrit:
- mais que représente le A ?
GAC signifie "gynoïdes et androïdes de charme". GC signifie "grande ceinture". _________________ - Pœr æse qua stane:
Pour ceux qui restent.
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| | | Vilko
Messages : 3564 Date d'inscription : 10/07/2008 Localisation : Neuf-trois
| Sujet: Re: Les fembotniks Mar 15 Sep 2015 - 18:26 | |
| Le docteur Lorenk profita de ce qu'il était seul dans son bureau, à la Maison Médicale Furnius, pour lire la presse nationale, comme il le faisait tous les matins. Un article dans un quotidien de Sarnath attira son attention : Le marché de l'art abstrait hyltendalien est extraordinairement opaque et imprévisible. Quelqu'un achète un tableau pour mille ducats. Une semaine plus tard, un inconnu le contacte et le lui rachète pour dix mille ducats, payés comptant. Un investisseur étranger, flairant la bonne affaire, rachète le même tableau pour douze mille ducats, et n'arrive pas à le vendre, personne ne lui en propose plus de cinq cent ducats. Ce genre de mésaventures est tellement fréquent que les riches étrangers n'osent plus acheter de tableaux de peintres hyltendaliens, de peur d'être incapables de les revendre.
Un tableau, après tout, c'est un peu de bois, de toile et de peinture. Les matériaux utilisés pour le faire ne valent presque rien. Quant à l'art du peintre, supposé faire la valeur de l'œuvre, en matière d'art abstrait hyltendalien, c'est une plaisanterie. Le peintre le plus fameux d'Hyltendale, Ditlikh Ebalyë, peint un tableau en moins d'une heure, avec trois pinceaux et trois pots de peinture, car ses œuvres n'ont que trois couleurs : l'orange, le beige et le pourpre. Le résultat est un mélange informe de spirales et de taches, que certains critiques ont comparé à du vomi de chien. Les amateurs d'art hyltendalien, au contraire, accusent les critiques d'être à la fois ignorants et stupides, car selon eux Ebalyë est inspiré par le divin, Azathoth s'exprime à travers lui, et ses tableaux ont une valeur mystique, voire même magique.
Les œuvres de Ditlikh Ebalyë sont devenues, au fil du temps, familières aux touristes qui visitent Hyltendale, car la plupart des hôtels, y compris les chambres, sont décorés de reproductions de ses tableaux. Certains hôtels de luxe se vantent même d'avoir des originaux.
Les tableaux sont fréquemment vendus et revendus. Certains partent à l'étranger, notamment dans la ville-flottante de Serranian, où les femmes d'affaires cyborgs Ondrya Wolfensun et Zimara Nadoïro, bien connues de nos lecteurs, possèdent des résidences luxueusement décorées.Lorenk sourit. Tout le monde avait donc fini par comprendre que l'art abstrait hyltendalien, ce n'est rien d'autre qu'une escroquerie... Oui, mais une escroquerie hyltendalienne ! Ce qui fait toute la différence... L'art abstrait est à Hyltendale ce que Botticelli et Benvenuto Cellini sont à Florence. Mais alors que tout le monde est sensible à la beauté d'un tableau de Botticelli ou d'une sculpture de Benvenuto Cellini, en ce qui concerne l'art abstrait d'Hyltendale, il faut être supérieurement intelligent, paraît-il. L'article continuait sur une affaire qui empoisonnait les relations entre le Mnar et la Cathurie : Lorsque les révolutionnaires cathuriens ont renversé le dictateur Adront Cataewi, ils ont été surpris de découvrir dans un débarras de son palais une vingtaine de tableaux de l'École Hyltendalienne d'Art Abstrait. Les tableaux, soigneusement enveloppés dans des couvertures, avaient été achetés par le dictateur, à raison de trois ou quatre chaque année.
L'ancien comptable de Cataewi révéla que les tableaux avaient coûté, au total, une douzaine de millions de ducats. Le nouveau gouvernement cathurien demanda à ses avocats de récupérer l'argent, soit en revendant les tableaux, soit en faisant annuler rétroactivement les ventes. Mais personne n'a voulu racheter les tableaux, et faire annuler les ventes pose quelques difficultés juridiques et pratiques.
La moitié des tableaux avaient été achetés par Cataewi à Ondrya Wolfensun, lors de visites que la cyborg avait faites en Cathurie. Les autres tableaux avaient été payés à Zimara Nadoïro avec des lingots d'or et d'argent, volés par Cataewi dans les coffres de la Banque Royale de Cathurie.
On peut se demander si Adront Cataewi n'a pas versé vingt millions de ducats aux Mnarésiens pour préparer sa fuite, les tableaux ayant servi à dissimuler la transaction. En clair, Cataewi aurait donné vingt millions de ducats aux Mnarésiens (plus précisément, à des cyborgs d'Hyltendale) pour qu'ils lui préparent un exil confortable, sous une fausse identé, et l'achat des tableaux, fait à des intermédiaires comme Ondrya Wolfensun ou Zimara Nadoïro, n'aurait été qu'un prétexte.Lorenk ricana. Il avait rencontré Zimara Nadoïro et Ondrya Wolfensun à l'Adria Nelson. Deux cyborgs qui essayaient de ressembler à des gynoïdes de charme. On retrouvait les noms de ces deux garces dans toutes les affaires douteuses... Lorenk poursuivit sa lecture : Un tribunal cathurien délivra un mandat d'arrêt international contre Zimara Nadoïro, qui ne pouvait pas ignorer la provenance des lingots d'or et d'argent qui avaient servi à payer les tableaux, puisqu'ils portaient tous le sceau du Trésor Royal cathurien. Selon le code pénal cathurien, elle était coupable de recel de vols, et elle méritait donc d'aller en prison avec le voleur, qui n'était autre que l'ex-dictateur Adront Cataewi.
Le tribunal, en revanche, ne trouva pas de motif pour faire arrêter Ondrya Wolfensun, qui s'était fait payer par des chèques émis par Adront Cataewi sur son compte bancaire personnel. Ce compte bancaire était alimenté par de l'argent public détourné, mais Ondrya Wolfensun n'était pas censée le savoir.
Zimara Nadoïro, à cause du mandat d'arrêt international dont elle fait l'objet, ne peut plus voyager ailleurs qu'au Mnar et dans le royaume marin d'Orring. La presse cathurienne s'acharne sur elle, révélant les noms de ses nombreux amants, qu'elle choisit toujours parmi les hommes les plus en vue des cours royales de Sarnath et de Serranian, et n'hésite pas à la traiter de marchande d'esclaves.
En effet, chaque année, des dizaines de milliers de Mnarésiens, bannis du Mnar pour divers motifs par le roi Andreas, sont remis entre les mains de la société Nadoïro Services, propriété de Zimara Nadoïro, et envoyés à Serranian. La plupart d'entre eux sont ensuite transférés par les Serranianais dans la ville sous-marine de Hyagansis, d'où ils ne reviennent jamais. Certaines rumeurs disent que les bannis sont contraints de travailler gratuitement à Hyagansis et utilisés comme cobayes dans des laboratoires. Zimara Nadoïro, qui est née à Serranian mais qui connaît Hyagansis, dément ces rumeurs avec force.Une ombre passa sur le visage du docteur Lorenk. Il soupçonnait la réalité de ce qui se passait à Hyagansis d'être pire que les rumeurs, mais il n'avait aucune preuve, que des suspicions. Et puis, à l'Adria Nelson, le club le plus huppé d'Hyltendale, il avait discuté avec Zimara Nadoïro. Elle ne ressemblait pas au portrait que la presse d'opposition faisait d'elle. Elle lui avait paru pleine de tonus et de joie de vivre, à la fois très intelligente et d'une naïveté charmante, surtout avec les hommes. Un autre article était consacré à Qopoen, le port maritime robotisé que les cybersophontes venaient de finir de construire sur la Côte d'Ethel, à trente kilomètres à l'est d'Hyltendale. Quand les Mnarésiens pensent à l'Ethel Dylan, ils pensent à Hyltendale, et le reste de la province leur est généralement inconnu. Ils s'imaginent que la campagne est verdoyante et agricole. C'est vrai, mais ce n'est pas toute la réalité de l'Ethel Dylan. La campagne héberge aussi des usines et des centrales solaires, très actives mais inaccessibles aux êtres humains. Ces usines génèrent un flot de camions que l'on voit sur l'autoroute d'Ulthar, à Faigorrim, et sur la Route de la Mer, qui suit la côte, à l'est d'Hyltendale, sur quatre-vingt kilomètres. Pour accéder aux quais du port d'Hyltendale, les camions devaient traverser la ville, ce qui générait beaucoup d'embouteillages et de pollution. C'est pourquoi les cybersophontes ont entrepris la construction d'un port industriel sur la Côte d'Ethel, pour réduire la circulation des camions dans les rues d'Hyltendale. Qopoen n'est pas ouvert aux paquebots ou aux navires de pêche ou de plaisance. On n'y voit que des cargos et des hydravions de transport de fret. Les bateaux étrangers y restent rarement plus de vingt-quatre heures. Les marins humains n'ont à leur disposition que quelques auberges et épiceries sur les quais. On trouve toutefois des gynoïdes de charme dans ces auberges. L'article mentionnait que le commerce de Qopoen se fait surtout avec Serranian et les autres îles flottantes du royaume marin d'Orring. Les sanctions internationales contre le Mnar ont prodigieusement stimulé ces échanges. La circulation sur la Route de la Mer n'a que peu augmenté depuis la construction de Qopoen, la plupart des camions utilisant des routes de campagne entre les usines des cybersophontes et Qopoen. Dans un autre article, le magazine faisait de l'humour sur les fembotniks : - Tu bois trop, mon chéri ! - Pourquoi est-ce que je paye mille ducats par mois pour entendre ça ? Les gynoïdes sont programmées pour vouloir notre bien, mais quand même !Lorenk pensa à certains de ses amis fembotniks, qui avaient vraiment besoin que leurs gynoïdes les maternent un peu, et qui étaient, en fait, bien contents qu'elles le fassent. | |
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