Deux environnements...

« L'Aneuf a rompu de fait ses relations diplomatiques avec Israël, » dit l'androïde Baron Chim à la reine Modesta, dans le petit salon où celle-ci aimait se retirer pour regarder des vidéos et prendre le thé.

« Quelle importance ? » demanda Modesta, tout en caressant avec amour son ventre distendu. Elle approchait du terme de sa grossesse, et ses pensées étaient presque entièrement tournées vers la naissance de son premier enfant.

« Les Aneuviens agissent souvent sous le coup de l'émotion, mais ils sont aussi très pragmatiques. Ils savent, comme nous, que ce conflit se terminera par la destruction de l'un des protagonistes. Soit les Palestiniens, soit les Israéliens, » dit patiemment l'androïde.

_ Et alors ? Ici au Mnar, on s'en fout de ce qui se passe de l'autre côté de la planète, non ?

_ Nous ne sommes plus en 1938, Majesté. À l'époque, il était facile, même à des populations relativement nombreuses, de trouver refuge dans des pays neufs, comme les États-Unis, le Canada, l'Argentine, et bien d'autres, qui étaient sous-peuplés et donc relativement accueillants envers les réfugiés. C'est fini tout ça. Tous les pays, sauf rares exceptions comme la Russie, sont surpeuplés par rapport à leurs ressources. Lorsque le pétrole viendra à manquer, ce sera la catastrophe partout. Même dans les pays occidentaux, qui se croient encore riches.

_ Le Mnar aussi ?

_ Non, pas le Mnar, mais uniquement grâce à la technologie des cybersophontes, que nous finirons bien par nous faire voler un jour ou l'autre.

_ Et l'Aneuf, dont tu me parles souvent ?

_ L'Aneuf est dans une situation intermédiaire, Majesté. S'il arrive à se passer plus ou moins de pétrole il pourra survivre. Appauvri, certes, mais ses institutions survivront et les Aneuviens ne mourront pas de faim. Sauf s'ils doivent accueillir des millions de réfugiés. J'ai l'impression qu'ils ont déjà commencé à réduire l'immigration légale. Et comme ils sont isolés au milieu du Pacifique Sud, ils ne risquent pas de voir arriver des millions de réfugiés sur des bateaux...

_ Baron, j'en conclus que les vaincus des guerres du Proche-Orient choisiront d'aller en Russie... C'est presque vide, la population locale est en déclin, et avec le réchauffement climatique il y a de plus en plus de terres cultivables, sans compter de vastes réserves de pétrole et de gaz.

_ Les Russes n'ont pas envie d'ouvrir leurs frontières à une immigration de peuplement. Réchauffement climatique ou pas, l'accueil sera glacial, j'en ai peur.

_ Mais nous les Mnarésiens, nous sommes tranquilles, non ? Le pays le plus proche de chez nous est la Californie, à mille kilomètres à l'Est... J'ai du mal à imaginer les Californiens s'embarquant sur des rafiots pour se réfugier chez nous...

_ Certes, Majesté, certes, mais nous devons rester sur nos gardes. Israël et Gaza sont dans une situation inextricable. Le retour à la situation d'avant le 7 octobre est impossible. Les Israéliens sont comme un homme qui tient un loup par les oreilles : il est en sécurité tant qu'il tient le loup, mais il ne peut ni le lâcher, ni le tuer... Et le loup, c'est Gaza.

— Tu as sans doute raison, mais les choses qui ne peuvent pas durer ne durent pas, c'est bien connu. Quel dénouement te paraît le plus probable ?

_ Je vois deux dénouements possible. Le premier, les Israéliens exterminent les Gazaouis. Si cela arrive, il est extrêmement difficile de prévoir ce qui se passera après, notamment dans les pays occidentaux, et même la Russie et la Chine. Ils ont tous, sans exception notable, des minorités musulmanes assez turbulentes. Le deuxième est que les Israéliens expulsent les Gazaouis vers l'Occident, surtout vers l'Europe et l'Amérique du Nord... Ils sont déjà fait quelques appels du pied dans ce sens.

_ Les Occidentaux seraient vraiment très cons d'accepter un deal pareil !

_ Justement, Majesté, justement... S'ils refusent le deal, on en revient au premier dénouement. Toutefois, l'expérience m'a appris que les Occidentaux, qui ont créé la science moderne, sont aussi capables, collectivement, de comportements suicidaires difficiles à imaginer pour nous les Mnarésiens. Ces gens-là vivent dans l'abstraction, au point de ne plus voir le réel. Il est très possible que leurs gouvernements arrivent à imposer le deal à leurs populations, d'autant plus que les partisans d'Israël sont très influents dans ces pays.

_ Huit cent millions d'Occidentaux recevant une infusion de deux millions de Gazaouis... Ils n'en mourront pas !

_ Majesté, ils sont déjà à l'agonie. Si leur société, et par là je veux dire leur prospérité, leur sécurité, leur solidarité, ne s'en remet pas, c'est bon pour le Mnar.

_ Certains Occidentaux ont déjà commencé à venir chez nous. Je pense à Mers Fengwel, et quelques autres...

_ Fengwel est venu avec de l'argent, Majesté, et il nous rend des services extrêmement valables. Ce ne sera pas le cas de tous ceux qui voudront venir. Tant pis pour les parasites, ils finiront à Lazné, dans la steppe du nord.

_ Ne me parle pas de ça !

Modesta n'aimait pas qu'on mentionne devant elle le nom de Lazné, la ville-prison dont bien peu reviennent. Les déportés étaient désormais appelés assignés à résidence, mais cela ne changeait rien à la réalité des choses.

L'Aneuf a rompu également ses relations diplomatiques avec la Palestine, à cause du Hamas, mais il reste des relations avec l'Égypte, la Syrie et la Jordanie, même avec l'Arabie Saoudite et les Émirats, même si elles sont pas forcément au beau fixe.

Si les relations avec Israël ont été rompues, c'est uniquement à cause du comportement de l'armée de ce pays "comme en territoire conquis" en Palestine, et notamment à Jérusalem-est, et qui n'a fait aucun cas de la représentation de l'Aneuf dans la capitale de la République de Palestine. Cela dit, il ne faut pas s'attendre à un déferlement, ni même à une montée de l'antisémitisme en Aneuf. Les citoyens de ce pays savent très bien que Netanyaou n'a pas que des partisans sur les bords de la mer Morte, et encore moins sur les côtes de l'océan Pacifique, au Nobenkost ou ailleurs.

Henry Kissinger mort mercredi dernier. Réaction d'une bonne partie de la presse aneuvienne (la gauche, le centre et la droite républicaine) :

Anq praċhe kœnader las dænun:

On peut dire que, depuis le retour des rapides à Sanpaz et leur arrivée depuis Hocklènge et Sfaaraies, les Alfaziens pavoisent ! Trois (multipliées par le nombre de trains, même s'ils sont moins nombreux que les IC) dessertes par des trains dépassant les 150 km/h de vitesse moyenne, y a de quoi ! Par contre, au Kanolthe, on fait un peu grise mine : seuls les rapides du Nobenkost (Noblix) s'y arrêtent. En plus de ça, ils n'ont pu garder la liaison IC Malbœrg-Hocklènge que d'extrême justesse !, ladite ligne a bien failli être déclassée en IK-A. Mais les Kanolthiens ne sont pas les seuls à grincer des dents. À l'ouest du Nobenkost et plus loin dans l'arrière-pays æstmorien°, ça pleurniche aussi pas mal ! Là aussi : un seul rapide, le Noblix (itou) et une relation IC depuis Nakol SBK et allant à Paan (Alfazie). Certes, le Kotom (montagne de l'Æstmor) a un peu des allures de Massif central. Faut quand même pas exagérer ! Mais bon, y faut bien admettre que s'y avait pas quelques express par-ci par-là, les voyageurs de cette provinces se sentiraient quelque peu isolés du sud-est du pays (là où se situe Hocklènge et Kesna). Pour ce qui est des relations de prestige, ils se rabattent sur des correspondances, à Paan ou à Nakol. On fait avec c'qu'on, a, hein !


°J'évoquerai pas Lakùr, pour des raison évidentes ! C'est comme si on disait, chez nous, que le tégévé n'atteint pas Ajaccio ou Bastia.

Vilko a écrit:

Le centre commercial de Dankwold a été bâti rapidement, dans le style californien, avec un grand supermarché entouré de boutiques et d'agences diverses, au milieu d'un parking immense. Seule touche mnarésienne, une colonne de dix mètres de haut surmontée d'une statue de Tsathoggua, en métal noir, à l'entrée principale du parking.

Les centres commerciaux en Aneuf ne vivent pas exactement comme ceux d'Amérique du nord ou d'Europe. Ils peuvent être de superficie très variable (du petit centre commercial de quartier au grand centre multimunicipal, voire régional) mais toujours bien desservi, y compris au Pelljant (région d'Hocklènge). Si l'activité commerciale a un peu marqué l'pas (crise du Covid aidant), elle ne s'est pas effondrée pour autant.

Dans un grand centre commercial, il n'y a pas un hypermarché faisant la pluie et le beau temps avec une poignée de boutiques autour, il y a plusieurs supermarchés et supérettes, de manière à ce qu'aucune marque ne fasse la loi dans l'espace commercial concerné.

Le plus grand centre commercial d'Aneuf fut longtemps le Nebulo (lequel a d'ailleurs sa propre station de métro). Tout au début, ce fut un marché couvert (années '30, environ) et, à la fin des années '40, il a commencé à s'agrandir petit à petit. Durant les années '70~'80, il y avait quatre énormes bâtisses nommées Nebulo 1, Nebulo 2, Nebulo 3 et Nebulo 4. Le premier était surtout destiné à l'alimentation, le deuxième à l'habillement, le troisième à l'équipement de la maison, et enfin le quatrième à la culture et aux loisirs*. Puis d'autres boutiques (certaines ayant la taille de véritables magasins) s'installèrent autour, même si l'occupation du terrain n'était pas vraiment donnée côté tarif. Par contre, ceux qui étaient là depuis toujours avaient leur loyer presque inchangé, du moins, en comparaison.

Le Nebulo 1 vit 24h/24, certaines supérettes sont fermées en pleine journée et ouvrent, par exemple, à 22:30. Il faut se rappeler que le Surroenyls est une région où l'industrie (la sidérurgie, notamment) ne ferme jamais. Mais ces horaires décalés de magasins conviennent aussi aux personnes qui travaillent à la police, dans les hôpitaux ou dans les transports, par exemple. Le label Nebulo n'a jamais quitté le Surroenyls où il y reste une référence incontournable.

Progressivement, d'autres commerces ont apparu : des téléphonistes, des vendeurs de recharges de cigarettes électroniques (appelées là-bas stumpfigàre : cigares à vapeur), quant aux æstame et dem-kleme (cafétérias de tailles diverses), ils se répartissent un peu partout, sustentant aussi bien le personnel des autres boutiques que la clientèle.




*Ça pourrait ressembler aux grands Magasins du XIX^e siècle ; sauf que là, l'intérieur est constitué d'entités complètement indépendantes. Les vendeurs du magasin Chœmyg (chaussures de sport) ne sont pas des employés de Nebulo, mais des employés de la chaîne Chœmyg qui paie un loyer à Nebulo.

On peut trouver quelque analogie entre les capitales du Mnar et de l'Aneuf. Même s'il n'y a rien à voir entre elles deux.

Hyltendale a remplacé Sarnath depuis tout récemment
Kesna a remplacé Hocklènge en 1990.

Les étrangers s'étant installé à Hyltendale se sentent plus hyltendaliens que mnarésiens.

Les seuls étrangers résidant à Kesna font plutôt partie du personnel consulaire ou diplomatique. La plupart des Kesnans habitaient cette ville avant qu'elle devînt capitale fédérale. Ils se sentent kesnans, ils se sentent aneuviens, mais il ne reste qu'une attache avec le Pelliant et les Santes (dont Hocklènge reste la capitale), c'est les transports en commun (ferroviaires, notamment, mais quelques lignes de bus font aussi la jonction). Il mettent un point d'honneur à apprendre à leurs enfants l'aneuvien académique, celui de Nakol. Au début du XXI^e siècle, il y avait des différences notables d'accent : l'aneuvien de Kesna était un aneuvien académique, mais avec une prononciation santoise. Cette particularité s'estompe de plus en plus alors qu'on a bien entamé la troisième décennie du siècle. Au Pelliant, et ailleurs aux Santes, le Ă non accentué est encore source d'ambigüité ([ʌ]), au point qu'on a tendance à confondre le parfait et le prétérit ; ce n'est plus le cas à Kesna, où on a repris la prononciation officielle, en vigueur à Nakol et dans d'autres lieux où la prononciation officielle est de mise :
ar pùzar /ɐχ'pyzɐʁ/ = ils sont allés, ils sont partis
ar pùzăr /ɐχ'pyzɔʁ/ = ils allèrent, ils partirent.

D'autres particularités du Pelliant n'ont plus cours à Kesna° car se sont effacés au fil du temps.

°Notamment dans le bulletin municipal de la commune qui ne titre pas comme dans d'autres bulletins municipaux du Pelliant, dans les paragraphes concernant les génération montantes : nexàvet ea jœnget (enfance et jeunesse), mais uniquement jœnget (jeunesse), sachant que l'enfance y est incluse, en toute logique naturelle.

Vilko a écrit:

Gidrel savait bien que certains hommes allaient régulièrement à Zodonie passer une heure d'amour tarifé avec une gynoïde vénale, pour se rassurer. Je la possède pour une poignée de billets, je lui fais faire des choses dégoûtantes que ma femme refuserait de faire, je l'humilie, donc je suis supérieur à elle, telle était leur logique.

L'état d'esprit de la prostitution aneuvienne est complètement différent. La relation entre la clientèle et les professionnel.le.s (un peu d'écriture inclusive, ici, dans ce cas*) est, en règle générale, empreinte de respect mutuel et de complicité, même si l'amour avec un grand A n'y existe pas. C'est un peu comme de consulter un.e praticien.ne dont on connait les qualités professionnelles et l'amabilité. On ne va pas insulter son kiné favori sous prétexte qu'on glisse une carte bancaire dans sa machine pour honorer ses prestations. En Aneuf, le plus vieux métier du monde est un métier, et il a droit à autant de respect que les autres où on dispense un service (ici sexuel) à une clientèle. Un.e client.e qui se comporte mal peut le regretter bien plus que ce qu'il.elle imagine.



*Mais complètement inutile en aneuvien, où "professionnnel.le", quel qu'en soit la profession, est neutre et se dit perodu, de perov, pris à l'allemand Beruf (profession) et de l'à-priori dù pour "être humain".

D'un endroit à l'autre, les coutumes ont tendance à changer. C'est pas aussi tranché que des limites provinciales, même si, dans l'ensemble, on a tendance à penser que la frime tient plus du mauvais goût que d'autre chose. Ekkad Liyva Orked aura, certes, des bijoux, qu'elle mettra plutôt lors d'une soirée élégante qu'à son travail ou dans le train de banlieue : le but étant d'être (à peu près) aussi élégante que les autres et pas spécifiquement en mettre plein la vue à des gens dont le revenu annuel ne couvrirait pas pour acheter un bracelet de ce type.

De même, pour les montres : une grosse proportion d'Aneuviens, pour lire l'heure, sortent le téléphone de leur poche, mais ça n'empêche pas que certains ne restent pas insensibles à un boîtier, sobre mais beau, derrière une belle vitrine. Ils l'achètent, mais c'est pas forcément pour le montrer à tout l'monde, l'air de claironner : « j'suis Quelqu'un dans la Sôôciété !  J'ai les moyens de m'acheter cette merveille ! ». Ce qui n'empêche pas que, si quelqu'un leur demande l'heure, ils retrousseront machinalement la manche de leur costard à 782 virs pour répondre, le plus naturellement du monde : «hoψ dek-nov».

En général, sauf, dans quelque endroit "branché" d'Hocklènge, Nevstad ou du Nobenkost æstmorien, l'élégance se niche dans la discrétion.

Je suis en train de réfléchir à une tournure dialectale ayant cours dans toute la moitié nord de l'Æstmor (et pas seulement le Nobenkost estmorien, comme pour le ['æ] pour À). Ce serait une coutume concernant les nombres de 11 à 16. Voici ce que ça donnerait, en gros, en comparaison :

Nbr.	Æstmor*	Reste de l'Aneuf
11 12 13 14 15 16 17	dek-ùt dek-tiyn dek-tern dek-quàt dek-pent dek-seg dek-hep...	dekut dektin dektern dequat dekpent dexeg dek-hep...

J'ai mis 17 dans l'tableau, pour signifier que, à partir de ce nombre (jusqu'à 110... puis, depuis 117 etc.) toutes les contrées pratiquaient de la même manière. Il s'ensuit quelques modifications de prononciation, évidemment. Notamment pour 14, où on aurait :

Nobenkost estmorien : /'dɛkwæt/
ailleurs en Æstmor : /'dɛkwat/
académique : /'dɛkwɐt/
Sante : /'dɛkwʌt/
sud du Malyr : /'dekwʌt/
Centre, nord du Malyr et Lakùr : /'dekwɑt/.

Bien entendu, les limites de prononciations ne sont pas taillées au cordeau ! Par exemple, les prononciations estmoriennes peuvent éventuellement déborder sur l'Alfazie du nord-ouest et sur le Roenyls jusqu'à la ligne de train IR-B3 (Alkne-Gerne), et ainsi de suite. Pour la prononciation (et uniquement), la version de Kesna (capitale fédérale) suit, en gros, celle des Sante.