Progression logique d'une langue construite

En fréquentant ce forum et après quatre ans de construction du Rémaï, j'ai l'impression que toutes les langues construites passent par certaines étapes, certains paliers.

Est-ce que nous pouvons ensemble arriver les identifier ?

J'ai pensé à :

1*Les tâtonnements : à partir d'une idée de départ, trouver un système (prononciation, classes de mots, ordre des mots, construction du lexique) qui permet de traduire des phrases basiques.

2*L'exploration des combinaisons : à partir du système, générer plus de mots et de phrases au hasard ou en suivant un corpus de textes donnés (la légende de Babel, par ex) pour voir quand le système se crashe et corriger en fonction des résultats.

3*La présentation d'un cours : la recherche d'une progression pour arriver à transmettre ce que l'on sait déjà faire. Variante, l'ouverture d'un Wiki, la parution d'un manuel.

4*La construction d'une communauté : afin de permettre à ceux qui apprennent la langue de se parler. Variante, l'organisation d'une convention, la tenue de stands, l'ouverture d'une école.

5*La construction d'un corpus inédit ou traduit : afin de permettre de lire dans la langue.

6*L'autonomie : la langue échappe à son créateur - ses locuteurs créent des langues filles, des fils ou des sites indépendants, l'usage de la langue est repéré dans les arts, la rue, à l'occasion d'échanges auxquels le créateur de la langue n'a rien à voir et n'y peut rien.

7*La transmission à l'enfant : un bébé apprend de lui-même la langue construite parce que ses parents la parlent devant lui, et peut dialoguer avec un autre bébé qui a fait la même chose.

8* Un Etat-nation (ou une multinationale via le rachat des parlementaires) légifère pour ou contre l'usage de la langue construite. Variante : une certification ISO est émise, validant l'usage de la langue pour des échanges, des contrats etc.

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Il y aurait aussi le moment où la langue atteint une "masse critique" qui la rend capable de s'adapter à tout, sans que l'auteur n'ait rien à ajouter de majeur au système de règles qui la gouverne, mais je me demande encore si tous les constructeurs de langue seraient d'accord sur l'existence de cette étape, vu que j'ai déjà lu sur le forum que certains pensent qu'une langue ne finit jamais d'être améliorée donc modifiée.

Ton observation me convient, je n'ai rien à ajouter si ce n'est une étape hors classement qui veut que complètement insatisfait du résultat on reprend tout depuis le début en vue de perfectionner le système et se débarrasser de ce qui ne convient plus, cette étape que j'appelle : Mise à jour analytique précède chacune des versions de l'elko.

Ziecken a écrit:

une étape hors classement qui veut que complètement insatisfait du résultat on reprend tout depuis le début en vue de perfectionner le système et se débarrasser de ce qui ne convient plus, cette étape que j'appelle : Mise à jour analytique précède chacune des versions de l'elko.

Je ne sais pas si c'est la même idée, mais cela me rappelle ce que j'appelle "la chasse aux archaïsmes" : au-delà des améliorations et de la correction des erreurs, éliminer les habitudes prises dans la pratique de la langue, qui ne devraient plus avoir cours, parce qu'elles sont dépassées et que de nouveaux phénomènes plus percutants ont émergés.

 

Il y a aussi le schéma très particulier des langues volontairement incomplètes, comme celles de Tolkien, dont le but n'est pas de pouvoir tout exprimer mais de donner un aperçu d'une culture et d'une histoire. C'est le cas de certains de mes projets (en berne), et leur construction suit un parcours assez fantaisiste, toujours lié à tous les aspects des mondes où ils séjournent. Il s'agit là de raconter plutôt que de recenser, et il faut donc jouer sur la vraisemblance, forcément subjective, dépendante des goûts et des connaissances de chacun.

Une progression de la langue par pallier suppose bien sûr que le créateur veuille la faire progresser et que la langue ait vocation à être utilisée "pour de vrai" par d'autres personnes que l'auteur, sans qu'il s'agisse forcément de créer une langue internationale.

Si le but de le créateur est de "décorer" son roman ou son film de prononciations exotiques, il est normal que sa langue n'évolue pas, en tout cas pas tant que d'autres en auront pris le contrôle.
De même pour le créateur qui ne veut qu'expérimenter sur une toute petite partie du potentiel de sa langue, encore une fois, jusqu'à ce que d'autres décident d'en expérimenter la totalité à sa place.

Non, il ne s'agit pas de décorer avec des prononciations exotiques mais d'ouvrir une porte vers une chose trop grande pour être appréhendée par une seule personne. Il existe une évolution dans ce cas aussi, mais elle est très différente de celle des langues partagées.

Leo a écrit:

Non, il ne s'agit pas de décorer avec des prononciations exotiques mais d'ouvrir une porte vers une chose trop grande pour être appréhendée par une seule personne. Il existe une évolution dans ce cas aussi, mais elle est très différente de celle des langues partagées.

Pourrait-on décrire cette évolution ?
Quelles sont les différences ?

Par ailleurs n'importe quelle langue est trop grande pour être appréhendée par une seule personne.
C'est vrai aussi pour énormément de choses dans la vie. On résout habituellement le problème en se contentant d'approchants et en formant des équipes.

Dans mon cas l'évolution se fait par l'affinage progressif d'un réseau qui couvre les cultures et les époques. Tel ensemble de concepts et d'expressions d'une société va évoluer en des concepts et expressions différents à une époque ultérieure ou dans une culture voisine, tels traits linguistiques vont être perturbés par un substrat et enclencher une réaction en chaine. Dans ma tête je visualise toutes ces choses un peu comme des volutes de diverses fumées colorées desquels je pioche quelques échantillons susceptibles de donner une idée de l'ensemble. A mesure que cet organisme prend corps, ces échantillons se voient renforcés, modifiés ou supprimés, et d'autres s'ajoutent. La constitution de l'histoire du monde, de ses langues, de ses légendes, se font d'un même mouvement. J'essaierai de préciser tout ça ce weekend; c'est vraiment difficile à décrire.

Greenheart a écrit:

Par ailleurs n'importe quelle langue est trop grande pour être appréhendée par une seule personne.

D'où la nécessité pour l'elko d'avoir fondé l'académie elkanne en 2007, ainsi à plusieurs on avance plus vite mais surtout on offre à la langue plus de points de vue et cela contribue je pense à son enrichissement.

 

Je suis tombé dedans quand j'étais petit
Mais plus sérieusement ça fait partie de ce que j'essayais de dire dans l'autre thread, que je pense sans mots.