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| Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? | |
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Troubadour mécréant
Messages : 2107 Date d'inscription : 20/01/2013 Localisation : Aquitaine, France
| Sujet: Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? Jeu 1 Mar 2018 - 12:13 | |
| Je me suis posé une question
En rédigeant un article sur les motoculteurs pour l'encyclopédie Kotapedia en kotava, je suis tombé dans un abîme de réflexion à propos de la traduction la plus exacte possible de la commande Marche/Arrêt. Non pas que les termes (ou les raccourcis) manqueraient en kotava pour cela, mais parce que cela m'a entraîné sur une réflexion à laquelle je ne sais pas trop répondre en fin de compte :
- un être vivant (animé, végétal) vit --> verbe d'état standard - un phénomène naturel (vent, gel, soleil) "vit" --> verbe d'état "naturel" (le vebe dú en kotava, ou les verbes impersonnels, de moins en moins employés cela étant) - un objet ne vit pas, mais parfois se déplace --> verbe de déplacement non-personnel ní (le caillou qui roule) - un outil ne vit pas, mais est (ou pas) en état de fonctionner, d'agir indirectement - une machine "vit" lorsqu'elle remplit son action (un champ d'investigation immense pour le futur avec les robots et l'IA) - toutes les choses sont soumises à des facteurs d'évolution interne ou externe (rouille, décomposition, transformation passive, etc.)
Ma question aux créateurs de langue, linguistes et théoriciens, est-ce que à votre connaissance (et a fortiori dans vos créations) il y a des langues qui opèrent une typologie opérationnelle (morphologique, pas simplement sémantique) des verbes en fonction d'une classification de la nature de leur sujet ? Et par exemple, est-ce qu'une chose (un caillou, un bonnet...) peut être le sujet actif d'un verbe transitif d'action hors instrumentation par un animé (et hormis les situations métaphoriques) et implémenter les mêmes verbes qu'un animé basique? | |
| | | Bedal Modérateur
Messages : 6798 Date d'inscription : 23/06/2014 Localisation : Lyon, France
| Sujet: Re: Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? Jeu 1 Mar 2018 - 12:54 | |
| - Citation :
- Et par exemple, est-ce qu'une chose (un caillou, un bonnet...) peut être le sujet actif d'un verbe transitif d'action hors instrumentation par un animé (et hormis les situations métaphoriques) et implémenter les mêmes verbes qu'un animé basique
En gros tu demandes si un inanimé peut être sujet de verbes d'action qu'on penserait propres aux sujets animés ? _________________ "L'Atelier" alas a bin jerli foromte! : L'Atelier est le meilleur des forums Idéolangues : algardien, nardar, helfina, mernien, syrélien, brakin, nurménien, leryen, romanais. Idéomondes : Univers d'Heimdalir, Iles Romanes Non au terrorisme et à la barbarie. Oui à la paix, la fraternité et la solidarité. Quelles que soient notre religion, notre langue ou notre couleur de peau. | |
| | | Olivier Simon Modérateur
Messages : 5572 Date d'inscription : 20/02/2009 Localisation : Lorraine
| Sujet: Re: Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? Jeu 1 Mar 2018 - 13:05 | |
| Pas exactement la même chose, mais dans mon article sur la transitivité en PIE, tout à la fin, j'émets l'hypothèse que les sujets des verbes au médio-passifs et au statif "actif"(donc ça exclut les verbes actifs exprimant une action, et non un état) se mettaient toujours au neutre au PIE, et en PIE (voire même en Sambahsa), la caractéristique du neutre est d'avoir un nominatif et un accusatif identiques.
En gros, ce qui décrit le verbe pousse un sujet "animé" à se transformer en inanimé (neutre) s'il n'accomplit pas une action. | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37610 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Re: Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? Jeu 1 Mar 2018 - 13:53 | |
| J'en suis (plus ou moins) resté comme deux ronds d'flanc ! Je ne suis jamais entré dans de tels détails : pour moi, "rouler", c'est un verbe d'action, que le train soit conduit, télécommandé, ou géré par cybernétique. Si je dis "je vais à la gare", c'est un verbe de déplacement : il peut représenter un procès actif (je m'y rends à pied, en vélo, en trottinette ou en conduisant un véhicule) ou non (je suis le passager d'un véhicule).
Pour moi, le verbe "marcher, nager, courir, nager, voler (en l'air)" sont des verbes d'actions, quel que soit le sujet. Pour d'autres, c'est d'jà moins évident : si je dit "la charogne se putréfie", il est bien évident que c'est plus un changement d'état qu'une véritable action. D'autres verbes sont également sujets à caution, comme "attendre, aimer, dormir, voir, entendre*" qui, certes, sont forcément le fait de certains êtres vivants (je préfère dire "vivant" que "animé" : un robot aussi peut être animé).
*Alors qu'on peut davantage caser "regarder" et "écouter" comme de vrais verbes d'action. En elko, la distinction est faite, avec des désinences différentes. _________________ - Pœr æse qua stane:
Pour ceux qui restent.
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| | | Mardikhouran
Messages : 4313 Date d'inscription : 26/02/2013 Localisation : Elsàss
| Sujet: Re: Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? Jeu 1 Mar 2018 - 16:53 | |
| Je vais essayer de résumer la situation en innu/montagnais dont j'ai la grammaire sous la main (Drapeau 2014, Grammaire de la langue innue, Presses de l'Université du Québec). On distingue quatre classes de verbes :
- Les verbes transitifs animés (VTA), à sujet
- Les verbes transitif inanimés (VTI)
- Les verbes animés intransitifs (VAI)
- Les verbes inanimés intransitifs (VII)
Les verbes s'accordent toujours avec leur sujet et, le cas échéant, avec l'objet, à l'aide de suffixes et préfixes pronominaux ; ces affixes sont différents pour les animés et les inanimés. De plus, la division en quatre classes de verbes signifie que le radical verbal même change en fonction de l'animéité du sujet (VAI et VII) ou de l'objet (VTA et VTI). Par exemple, le thème du verbe "entendre" en VTA est petau-, mais en VTI pet-. Il va aussi de soi que des noms inanimés ne pourront jamais être sujet de verbes au sémantisme intrinsèquement animé, comme "dormir". Dans le cas un inanimé agit sur un inanimé, on utilise généralement des suffixes lexicaux directement sur le verbe, exemple -apaue- "eau" > ashtueiapaueu "ça s'éteint grâce à l'eau" pour exprimer "l'eau éteint ça". Quand un sujet inanimé doit agir sur un sujet animé, on utilise sur les VTA une forme dite "inverse" (suffixe -(i)ku- qui signale que l'objet est sujet et inversement. Il n'y a en outre pas de forme d'impératif. Autre langue amérindienne, cette fois-ci iroquoise : en ᏣᎳᎩ (cherokee), les verbes transitifs s'accordent aussi avec sujet et objet, grâce à des préfixes ; mais avec un objet de troisième personne (sg ou pl), seuls les animés sont signalés (en allongeant la voyelle du préfixe), et les inanimés objets déclenche le même préfixe que les verbes transitifs (c'est-à-dire comme s'il n'y avait aucun objet) : jigoliíyéʔa "je l'examine (inanimé)" vs jiigoliíyéʔa "je l'examine (humain)". (Montgomery-Anderson 2015, Cherokee Reference Grammar, University of Oklahoma Press) *** Dans une première version de l'idéolangue de mon mémoire, la troisième personne avait les suffixes -r et -rsa pour le singulier et le pluriel animé respectivement, et -t pour les inanimés sans distinction de nombre. Une autre idéolangue, le proto-da (présentation ici en anglais), possède une hiérarchie des noms selon deux critères, animé/inanimé et le plus exotique "montant/descendant". Les verbes ont des sujets préférés selon ces critères, et l'objet est de l'option inverse (il n'y a pas de vraie distinction transitif/intransitif). Par exemple, le verbe kān "manger" préfère les sujets animés, donc les objets inanimés ; le verbe mjud "monter/mourir" préfère les sujets "montant" (et si on ajoute un objet, de préférence "descendant", le sens du verbe devient "faire monter"). La notion de sujet et d'objet de prédilection permet aux noms de se passer de marque de cas si leur sens concorde avec les goûts du verbe, et donc un ordre syntaxique totalement libre : mimin bīk kān (mousse chèvre manger) "la chèvre mange la mousse". Mais si les noms en présence sont tous deux du genre préféré du verbe, l'un d'entre eux doit être augmenté d'une marque qui signale que son genre change : kān puə ŋwit (manger souris chienne) a deux noms animés, donc tous les deux sujets "la souris et la chienne mangent". kān puəm ŋwit signifie sans ambiguïté "la chienne mange la souris". Et si un nom de genre opposé est sujet, il doit aussi prendre une marque : kud mjud (eau monte) signifie "on fait monter l'eau" puisque ce nom est "descendant" ; seul kuz mjud peut signifier "l'eau monte". | |
| | | Troubadour mécréant
Messages : 2107 Date d'inscription : 20/01/2013 Localisation : Aquitaine, France
| Sujet: Re: Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? Jeu 1 Mar 2018 - 22:04 | |
| C'est intéressant comme grilles applicatives d'une autre conception du monde et de sa nécessaire abstraction, ou l'usage de voix particulières comme pour le proto IE.
Quelque part, cela laisse à penser que les langues anciennes ou de peuples "primitifs" étaient peut-être beaucoup plus schématiques que ce qu'on imaginerait par réflexe premier. Que l'oralité fournirait peut-être davantage des cadres mnémotechniques assez élaborés et probablement assez stables, vis-à-vis des langues plus médiatisées et véhiculées largement par l'écrit.
Pour reprendre un peu des exemples que j'ai en tête, si on imagine classer en animés tout ce qui est susceptible de générer une action propre, alors il ne serait pas absurde d'y ranger : les volcans, les tsunamis, la plupart des phénomènes météo ou physiques au sens large, tous les fluides, etc. Mais alors, cela reviendrait à dissocier d'animé les notions de vie et de mort. Ou alors pourquoi pas, les animés vivants pourraient ne plus être qu'une sous-classe de la catégorie plus vaste des entités douées d'action. Mais quid de la notion de volonté comme trait linguistique dans tout ça? | |
| | | Mardikhouran
Messages : 4313 Date d'inscription : 26/02/2013 Localisation : Elsàss
| Sujet: Re: Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? Jeu 1 Mar 2018 - 22:30 | |
| En français, il n'y a pas de différence morphologique animé/inanimé ou humain/non-humain (pour la volition) mais cela a une influence sur la syntaxe néanmoins : "que cherches-tu" vs "qui cherches-tu", la possibilité d'être sujet du verbe "vouloir", etc. - Troubadour a écrit:
- Pour reprendre un peu des exemples que j'ai en tête, si on imagine classer en animés tout ce qui est susceptible de générer une action propre, alors il ne serait pas absurde d'y ranger : les volcans, les tsunamis, la plupart des phénomènes météo ou physiques au sens large, tous les fluides, etc.
Pour reparler des langues algonquiennes, la distinction animé/inanimé est parfois aussi idiosyncratique que la distinction masculin/féminin en français. Ainsi, les noms pour "pipe" et "baie" sont animés. - Troubadour a écrit:
- Que l'oralité fournirait peut-être davantage des cadres mnémotechniques assez élaborés et probablement assez stables, vis-à-vis des langues plus médiatisées et véhiculées largement par l'écrit.
Je savais déjà que les conjonctions de coordination étaient relativement plus susceptible d'être absente des langues purement orales, qui les empruntent plus tard à des voisins plus "civilisés" : les turcs ve, lakin "et, mais" proviennent des arabes wa, lākinna. La juxtaposition simple suffisant à l'oral. Peut-être y a-t-il d'autres différences inhérentes au médium. Maintenant, je me demande dans quelle mesure un français parlé par des gens qui lisent peu se peut rapprocher d'une langue non-écrite, typologiquement parlant... | |
| | | Anoev Modérateur
Messages : 37610 Date d'inscription : 16/10/2008 Localisation : Île-de-France
| Sujet: Re: Les choses peuvent-elles être sujet d'un verbe actif? Jeu 1 Mar 2018 - 22:50 | |
| - Mardikhouran a écrit:
- En français, il n'y a pas de différence morphologique animé/inanimé ou humain/non-humain (pour la volition) mais cela a une influence sur la syntaxe néanmoins : "que cherches-tu" vs "qui cherches-tu", la possibilité d'être sujet du verbe "vouloir", etc.
La syntaxe (ordre des mots) est, là, la même. Seule le pronom COD diffère. Pour les attributs, mais aussi pour le style indirect, toujours la même syntaxe, mais quand on change de pronom, on ne différencie pas "personne/autre" mais le sens : Je sais qui vous êtes (votre nom, prénom...) Je sais ce que vous êtes (ce que vous représentez). *Pour le verbe "vouloir", certes, ça ne s'applique pas vraiment aux végétaux, mais pour les animaux, c'est indéniable : La hyène voudrait bien manger la part du lion. *Chez moi : e stĕ quadù or ep e stĕ qua or ep Qu'on différenciera bien de e stĕ tep or • iyrrev = je sais que vous êtes en colère._________________ - Pœr æse qua stane:
Pour ceux qui restent.
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