S'il y a une manière plus simple d'exprimer cette idée, n'hésitez pas à suggérer
En l'état actuel de mes recherches sur le Rémaï je suis tombé sur l'os suivant (que j'ai sûrement déjà évoqué quelque part)
1°) Le Rémaï génère instantanément des milliers et des milliers de mots dotés d'un sens et couvre apparemment tous les sens possibles et imaginables.
2°) Le problème est de les relier aux mots français, anglais etc. qui eux ne sont pas organisés avec autant de régularité sémantique que le rémaï, et qui ne couvrent pas tous les sens possibles et imaginables.
3°) Or ce mécanisme où l'on relie les "mots-idées" naturels (français, anglais...) est crucial dans l'apprentissage d'une langue parlée couramment, par pur réflexe, parce que notre inconscient est très imprégné (le mot est faible) de nos langues naturelles.
4°) Un clash très désorientant se produit chaque fois qu'un mot rémaï (clair) ne correspond pas à un mot "naturel". J'imagine que le même sentiment survient lorsqu'on apprend le japonais par exemple, et que l'on tombe sur un concept qui n'existe pas en français. Mais cela se résoud très vite parce qu'on importe le mot japonais et on le définit plus ou moins clairement en français. Autrement dit on utilise une langue naturelle d'appoint. Seulement cela ne marche pas (bien) pour le Rémaï, parce que la langue d'appoint n'aide pas davantage.
5°) Le Rémaï produit deux types de mots - et c'est sans doute le cas pour vos langues construites :
a) des mots de type "porte-manteau" ou "montagne de feu", c'est à dire dont le sens (je parle bien du sens et non de la forme, la morphologie) suit une association d'idées que l'on va retrouver dans d'autres langues ; donc pour les créer ou les retrouver on suit un cheminement mental qui reflète la réalité qui nous entoure, ou bien qui s'en déduit.
En Rémaî, un mot de ce type sera par exemple LA++'+X ("Séba-jia-idé", des animaux = séba / le roi = jia / et ceci est un nom sujet = idé). On retrouvera l'expression "roi des animaux" en français par exemple.
b) des mots dont le sens se déduit ou dépend avant tout des règles de la langue construite ou naturelle : l'association d'idées qui conduit à les créer ou les retrouver n'est possible que si on connait la langue construite et ses règles. Là encore, j'insiste sur le fait que je n'évoque ici que le sens du mot, pas sa morphologie (forme), sa prononciation, les variations d'orthographes etc.
En Rémaï, les mots de ce type sont tous les mots dotés d'une racine de tête, comme par exemple 7LL'+X ("Lésasé-idé", la haute terre = la montagne, le haut plateau, car 7 = lé = chose haute et LL sésa = lieu, donc LLL'+X ("Sésasé-idé", la basse terre = la plaine, la côte).
En français, l'association "montagne" et "plaine" n'a rien d'évident, ne serait-ce que parce qu'on utilise des mots de type "contraire" ou "opposé" ("antonyme", "champ lexical" pour définir des liens qui sont beaucoup plus équivoques et mouvants : plaine vient de l'idée de platitude, que l'on retrouve dans "plateau", tandis que le "agne" renverrait à l'idée de "relatif à", "matière à" (à cause du suffixe latin "-anevs" qui en est à l'origine) et "mont" indique l'idée de saillance.
(Source dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey / Le Robert, et Lexique nouveau de la langue latine de Guisard et Laize chez Ellipses).
S'il est facile d'apprendre mécaniquement les mots de type (a) en les associant à leur équivalent dans toutes les langues naturelles, il me semble que c'est beaucoup moins évident pour les mots de type (b), tout simplement parce que le réflexe né de la pratique de l'association sémantique (ici "montagne" / "plaine", que l'on va vous rabâcher de l'école primaire au lycée) n'est pas (encore) réalisée dans la langue construite.
6°) Au stade de mes recherches, je constate que l'apprentissage accéléré et systématique d'une langue - voire de plusieurs langues de naturelles de front est possible tant qu'on apprend des mots de type (a).
Je le teste actuellement pour le latin, l'anglais, le japonais, et je n'ai aucun mal à associer par pur réflexe les mots de même sens dans chaque langue. Le résultat est spectaculaire et quasi instantané (je rêve des mots que j'ai appris en latin la nuit suivante, et ils me reviennent spontanément dans la journée qui suit).
En revanche, lorsque j'applique la méthode en Rémaï, si le sens des mots de type (b) m'apparait comme flagrant dès que je les lis ou je les dis (tranquillement), l'association avec les mots exactement équivalents dans d'autres langues est moins évident.
7°) J'ai l'impression qu'il se passe le même phénomène lorsqu'il s'agit de passer de mots de type (b) générés par une langue naturelle (français, anglais, allemand etc.) quand par exemple il faut imaginer quel est le contraire d'un mot donné : si je pars de "construire" dois-je traduire son contraire par "struire", "extruire", "instruire" "destruire", "abstruire". Je devine le sens de ces mots plus ou moins, mais je sais pour l'avoir pratiquer que le contraire serait bien "détruire".
Par contre, si j'essaie de trouver le contraire du mot "contraire", s'agira-t-il de "détraire", ou de "extraire" ou de "abstraire" ou de "traire" ou de "intraire" ?
La langue allemande est remplie de mots à rallonge qui agglomèrent des mots plus simple pour construire des mots plus compliqués qui génèrent un vocabulaire de type (a). Le chinois ou le japonais combinent les idéogrammes (kanjis) pour obtenir le résultat.
Le français combine des préfixes, racines et suffixes de différentes langues (latin, grec) avec parfois quelques cafouillages sémantiques assez impressionnants (en particulier dans le sens des adjectifs) en réglementant parfois abusivement leur emploi, via des autorités comme l'Académie française ou l'Education Nationale.
Le latin au contraire semble combiner à volonté préfixes, racines et suffixes sans limitation et avec régularité, avec toutefois une multiplication de mots à rallonge équivalent au niveau du sens à des mots plus courts.
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Qu'en pensez-vous ?
Quelles sont les difficultés ou les facilités d'interfaçage (de correspondance des sens des mots) que vous rencontrez lorsque vous travaillez sur vos langues construites ?
Est-ce que la solution pourrait-être de ne recourir qu'à un vocabulaire de type "a", c'est à dire dont les régularités sémantiques se retrouvent dans toutes les langues, et donc de chasser du vocabulaire de la langue construite tout mot dont le sens ne pourrait se déduire que des règles de construction du sens des mots spécifique à la langue construite ?
Ou bien au contraire faut-il tout miser sur le vocabulaire de type "b" en pariant sur un temps d'apprentissage plus rapide que pour une langue naturelle, les réflexes en matière de langue ne se construisant que par la pratique et la répétition de toute manière ?