L'Erkel, pays où est parlé l'erkelais, a pour devise depuis l'instauration du sommysme comme religion d'État :
Qui ghyed em Ænester
[kwi gjɛd ɛm ɛj'nɛsɚ]
c'est-à-dire :
"Que nous guide l'Élévation"
En guise d'introduction à ce saint idiome, je vais aujourd'hui décortiquer cette simple phrase.
QuiSa proximité orthographique avec le "que" subjonctif français n'est qu'un hasard (enfin, je crois). Le
qui erkelais est en fait un auxiliaire, dont l'infinitif est
quer et qui vient du latin
queo ("pouvoir"). Le subjonctif ayant vite fusionné avec l'indicatif en nouveau-latin (d'où provient l'erkelais), le besoin d'exprimer ses souhaits, ses désirs ou ses volontés s'est rapidement refait ressentir. Ces braves Nouveaux-latins finirent répondre à ce besoin par l'emploi exclusif de ce vieux verbe (perpétué dans leur dialecte), à la manière du "puisse..." français. Sa conjugaison dans la langue contemporaine est, au présent :
quee, ×, qui(t), quims, quic, quint
("puissé-je, ×, puisse-t-il, puissions-nous, puissiez-vous, puissent-ils")
Sa conjugaison diverge grandement de celle des autres verbes. Pour un régulier comme
wen (venir), on a plutôt :
wene (wen'íu), (ul) wens, (ellu/o) went, gen wen, vy wen, elli/a wen
(je viens, tu viens, il/elle vient, nous venons, vous venez, ils/elles viennent)*
L'emploi du pronom pour les trois premières personnes relève de la volonté d'une intensification (tempérée par un rejet du pronom après le verbe dans le cas d'
íu, afin de dévier toute accusation d'égocentrisme).
Pour la deuxième personne du singulier au volitif, on emploiera simplement la racine verbale nue, accompagnée la plupart du temps d'un point d'exclamation.
Wen au volitif donnerait donc :
quee [e:] wen, wen (!), qui wen, quims wen, quic [kwits] wen, quint wen
Que je vienne, viens, qu'il vienne, venons, venez, qu'ils viennent
Le
-t final de
qui(t) n'est apposé que si le mot suivant commence par une voyelle, il n'est donc pas nécessaire ici.
GhyedC'est un verbe en consonne, qui se conjugue donc comme
wen. Son infinitif est
ghyedér, son passé
ghyedæ, ghyedebs, ghyedeft, gen/vy/elli/ella ghyedev, son infinitif passé
ghyedevér, son participe actif
ghyedent. Sa seule irrégularité est au participe passif :
ghyes. Les formes composées - futur, passif, parfait - seront abordées plus tard. Il a bien sûr la même origine que le français "guider", et ne fut pas apporté par les Nouveaux-latins (qui utilisaient
rekt) mais par des colons romans et germaniques, après-coup.
EmEm est le régime de
gen (nous), lui-même du latin
gens, ayant subi à peu près la même évolution que le portugais brésilien
a gente (si je ne m'abuse, mais la seule Brésilienne que j'ai eu le loisir de rencontrer sembla m'approuver lorsque je lui posai la question). Il s'agit en fait (comme c'est le cas pour la plupart des pronoms régimes) de l'ancien terme médéléen pour "nous".
Voici le tableau des pronoms personnels (qui risque toutefois de subir des modifications) (le régime regroupe l'accusatif et le datif) (je remercie Pomme de terre, à qui j'ai volé sans scrupule ses trois génitifs) :
| Nominatif | Accusatif | Datif | Constitutif | Possessif | Génitif |
1PS | íu | mig | mig | mu | díu | emig |
2PS | ul | tig | tig | tu | dul | etig |
3PS | ellu/o | lu/o | hig | hu | dellu/a | elu/o |
1PP | gen | em | em | noster | dany | eny |
2PP | vy | os | os | wester | davy | evy |
3PP | elli/a | li/a | ar | lor | delli/a | eli/a |
Réfléchi | | sig | sig | su | dasig | esig |
Réciproque | | sezig | sezig | sezù | dasezig | esezig |
Le constitutif est l'équivalent du génitif inaliénable :
mu mano (ma main)
Le possessif relève de l'appartenance et, naturellement, de la possession :
skyav díu (mon esclave).
Le génitif désigne surtout une relation :
skol emig, avion emig (mon école, mon avion)
Ul, ha, em, os et
ar étaient respectivement les formes médéléennes de la 2PS, 3PS, 1PP, 2PP et 3PP. "Je" s'y disait
wot, et les personnes réfléchie et réciproque étaient rassemblées en un
aha.
Le pronom personnel complément d'objet n'est positionné après le verbe qu'au volitif. "L'Élévation nous guide" se dit donc
Ænester em ghyedt ou
Em ghyedt Ænester.
ÆnesterIl est composé d'
æné (élever), et du suffixe d'action
-ster, souvent utilisé avec ces verbes. Son pluriel est
ænestra [-'
ɛstra].Æné vient lui-même d'æn (élever), la nuance donnée par le suffixe -é étant celle d'un sens "figuré". Æn signifie aussi "haut" (altus a pour sa part donné ald (vieux)).L'article défini erkelais (
el) est rarement utilisé, et est dispensable ici.
* la distinction entre
ellu et
ello ainsi qu'entre
elli et
ella et celle d'un animé/inanimé, pas d'un masculin/pluriel