J'ai l'impression tenace que nous autres créateurs de langues, nous imaginons être plus efficace en ne créant qu'un mot par signification.
Nous aboutissons donc à une situation qui parait "parfaite" : si je veux dire "train", je vais utiliser l'équivalent du mot "train" dans la langue construite.
Sauf que mon autre impression tenace est qu'en réalité, nous avons systématiquement besoin de pouvoir utiliser au moins deux mots différents pour la même idée.
Pourquoi ? Parce que lorsque nous discutons avec quelqu'un, nous avons sans arrêt besoin de nous assurer que les mots que nous employons correspondent bien à l'idée de notre interlocuteur.
Or si ce n'est pas le cas, et que la langue que nous utilisons ne possède qu'un seul mot pour chaque idée, nous sommes contraints de recourir à des circonvolutions, possiblement sans issues, c'est à dire des phrases qui vont tenter de définir les mots que nous employons, afin d'être certain que nous nous comprenons bien.
Mais s'il existe un "synonyme", c'est à dire deux équivalents du mot "train" dans la langue construite, le problème ne se pose plus : le premier "train" sert à dire ce que nous pensons, le second "train" servira à mon interlocuteur à m'indiquer que nous nous comprenons, que nous avons la même idée en tête.
Par ailleurs, ces mots redondants sont extrêmement utiles lorsque nous butons sur un nouveau concept, assez proche d'un concept déjà nommé : le premier "train" va conserver en charge le concept préexistant, le second "train" va prendre en charge le nouveau concept en attendant mieux.
Cela expliquerait pourquoi une langue naturelle a toujours eu besoin de plusieurs langues mères, et par ailleurs, a encore besoin de langues étrangères pour permettre à ses locuteurs de, non seulement se comprendre en l'état de leur connaissance, mais en plus, pour leur permettre d'innover.