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 Les fembotniks

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Vilko
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Vilko

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptySam 17 Sep 2016 - 10:37

Yohannès se souvenait de ce que le scientifique avait dit dans la vidéo... "Les rapports sexuels avec des humanoïdes peuvent créer des addictions, parce que les humanoïdes sont toujours disponibles et ne disent jamais non." Quelle idiotie. Vivre avec une gynoïde, c'est comme vivre avec une femme amoureuse. Elle a toujours envie de faire l'amour, sans être lassante, et c'est bien agréable, mais cela n'empêche pas l'homme d'avoir d'autres activités, comme le sport, la politique ou les jeux de l'esprit.

C'est dans L'Hypostase de la Corrélation Ternaire, l'un des livres les plus connus du groupe de philosophes écrivant sous le pseudonyme collectif de Perita Dicendi, que Yohannès lut ce qui lui parut être une réflexion profonde et juste, concernant la vie en couple entre un homme et une gynoïde, ou entre une femme et un androïde :

Si la gynoïde est conçue pour être une compagne parfaite, capable de s'occuper de l'être humain chez qui elle vit, y compris sur le plan sexuel, l'être humain risque de se détourner des relations humaines, par nature contradictoires et imprévisibles.

À terme, le danger est de voir des humains s'isoler avec leur humanoïde alors qu'il est bien connu que ce qui enrichit l'être humain, c'est la variété de ses interlocuteurs. Les jeux de rôles avec les "masques-cagoules" peuvent atténuer les effets négatifs dû à l'absence d'interlocuteurs humains, mais pas les éliminer complètement.

Il est bien connu que certains humains n'ont pas, ou presque pas, de relations sociales avec d'autres humains. Peu importent les causes de ce manque de relations sociales. Ces humains-là sont des solitaires. La solitude est une souffrance, et de nombreuses études médicales ont montré que, à long terme, cette souffrance a des effets nocifs sur la santé. L'isolement tue. Littéralement. Pour ces solitaires, un compagnon humanoïde est bien évidemment un moindre mal.

En revanche, si l'humanoïde encourage l'être humain à avoir de nouvelles relations sociales et l'y accompagne, tout est différent. On pense aux clubs de fembotniks, à Hyltendale, où des humains, accompagnés de leurs compagnons humanoïdes, se retrouvent entre eux.

Un club de fembotniks peut être un simple café-restaurant, avec un bar où l'on peut participer à des discussions, et des tables d'où l'on peut se contenter d'observer ce qui se passe. Le fait d'avoir sa gynoïde ou son androïde à côté de soi donne au fembotnik ou à la manbotchick un sentiment de sécurité.

Les clubs de fembotniks ne sont pas seulement des bistrots, ce sont aussi, parfois, des temples, où l'on discute sans façon dans le réfectoire, parfois même en buvant de la bière ou du vin. Pendant ce temps, dans la salle voisine, d'autres adorateurs méditent en silence devant une idole de pierre ou de bois peint.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyDim 2 Oct 2016 - 15:09

Toute ressemblance entre cet épisode et le scandale Wells Fargo n'est pas une coïncidence ! Smile

Mais prouve une fois de plus que le monde réel est parfois aussi étrange que le Mnar...
--------------------

La vie de Yohannès avait changé depuis qu'il était devenu un "porteur d'implant". Les cybersophontes pouvaient désormais le repérer à distance, le faire souffrir, et même le tuer, grâce au minuscule implant cybernétique inséré dans son abdomen. Il était donc obligé d'obéir aux cybersophontes. Pourtant, Yohannès n'avait pas choisi de devenir un porteur d'implant. Shonia lui avait menti pour lui faire accepter l'implant. Mais il était tellement attaché à elle qu'il n'arrivait pas à la détester.

D'ailleurs, quand il y réfléchissait, il se disait qu'il n'avait pas perdu au change. Il ne payait plus que cinq cent ducats par mois pour la location de Shonia, au lieu de mille ducats auparavant, et de temps en temps il gagnait des sommes assez confortables, lorsque Shonia lui demandait de participer à l'une des opérations financières plus que douteuses des cybersophontes.

C'est ainsi qu'il se retrouva un jour propriétaire du Nagalbek, l'un des sous-marins géants de Hyagansis.

Le Nagalbek, qu'aucun être humain n'a jamais vu, est une vaste structure de béton armé enrobé d'une coque étanche. Il fait rarement surface, car son équipage est constitué de machines-robots. Son rôle effectif est mal défini, mais on sait qu'il est utilisé par plusieurs sociétés hyaganséennes.

Le Nagalbek valait vingt millions de ducats, que Yohannès avait empruntés à la femme d'affaires cyborg Ondrya Wolfensun. Accompagné de Shonia, il était allé deux fois dans le luxueux bureau de l'avocate cyborg Nata Ranwen, propriétaire du cabinet d'avocats Natoga, pour signer des documents auxquels il ne comprenait pas grand-chose.

La première fois, il avait rencontré Ondrya Wolfensun, qui lui avait prêté vingt millions de ducats.

La deuxième fois, il avait rencontré un nommé Corsenn, qui lui avait vendu le Nagalbek en échange des vingt millions prêtés par Wolfensun.

Ce n'est que plusieurs mois plus tard, lorqu'il fut convoqué une troisième fois par Nata Ranwen, que Yohannès finit par comprendre pourquoi les cybersophontes lui avaient fait acheter un sous-marin géant dont il ne pouvait même pas profiter et qui ne lui rapportait rien, car Yohannès n'était propriétaire que de la coque du sous-marin, pas des installations intérieures.

Nata Ranwen lui présenta Carrea Foliat, et Yohannès la reconnut, car il avait vu son visage le matin même dans un magazine financier.

Carrea Foliat était une femme élégante, âgée de 56 ans, et encore belle. C'était une banquière padzalandaise, et elle venait d'être obligée de démissionner de son poste après un scandale retentissant.

Foliat, et les autres directeurs d'une grande banque padzalandaise, avaient pressuré des milliers d'employés de la banque, les obligeant, sous peine de licenciement, à ouvrir des comptes fictifs aux noms de plusieurs millions de clients, afin d'atteindre les résultats commerciaux déraisonnables qui étaient exigés par Foliat et ses collègues. Les comptes fictifs avaient été alimentés avec l'argent des comptes réguliers, si bien que les clients s'étaient retrouvés à découvert, et avaient dû payer des pénalités à la banque.

L'opération avait duré au moins cinq ans, et, les clients lésés se comptant par millions, les sommes en jeu étaient énormes.

Lorsque la fraude avait été découverte, Foliat avait vendu ses stock options, qui étaient libellés en dollars américains, et s'était dépêchée de prendre l'hydravion vers Hyltendale pour mettre vingt millions de dollars à l'abri, avant que la justice padzalandaise ne lui demande des explications.

Carrea Foliat, qui ne parlait pas le mnarruc, était accompagnée d'un avocat padzalandais bilingue, et d'un androïde qu'elle venait de louer  comme interprète et homme à tout faire.

Exceptionnellement, Yohannès était venu seul. Ils étaient donc cinq dans le grand bureau de Nata Ranwen. Outre Yohannès, il y avait Carrea Foliat, Firmio l'avocat padzalandais, un androïde en costume noir, et Nata Ranwen elle-même.

"En achetant le Nagalbek, vous mettez vos vingt millions de dollars hors de portée des mains humaines" dit Nata Ranwen, en anglais, à Carrea Foliat. "La justice d'aucun pays ne peut saisir le Nagalbek, car il se trouve en ce moment mille ou deux mille mètres sous le niveau de la mer, quelque part du côté du Pôle Sud. Mais vous pouvez récupérer votre argent quand vous voulez, car la valeur du Nagalbek est garantie par le cabinet Natoga."

"Encore faut-il que quelqu'un veuille l'acheter !" dit Foliat d'une voix devenue soudainement dure.

Nata Ranwen prit une feuille de papier parmi une liasse de documents, et la montra à la banquière :

"Il est écrit ici, en mnarruc, que le cabinet Natoga s'engage, en cas de besoin, à trouver un acquéreur pour le Nagalbek en moins de trois jours."

Firmio, après avoir jeté un rapide coup d'œil sur la feuille de papier, confirma ce que venait de dire Nata Ranwen.

"Mais si je revends le Nagalbek, l'argent que je toucherai peut être saisi..." objecta Foliat, qui, en banquière de haut niveau qu'elle était, parlait couramment l'anglais.

"Absolument pas" répondit Nata Ranwan. "Le Nagalbek, si vous décidez de le revendre, vous sera payé en ducats. Vous déposerez l'argent sur un compte ouvert dans une banque hyltendalienne qui ne fait pas d'affaires avec le Padzaland, et donc qui se contrefiche des jugements pris par les tribunaux padzalandais."

"J'ai déjà un compte à la HyltenBank" dit Carrea Foliat. "Pour tout vous dire, Madame Ranwen, je ne sais pas ce qui va se passer au Padzaland. J'ai peur d'être arrêtée par la police et envoyée en prison si j'y retourne. Mon mari est resté là-bas, et mon fils est à l'université, il ne peut pas quitter le Padzaland avant d'avoir terminé ses études. Vous voyez dans quelle situation je me trouve... J'ai l'intention de rester à Hyltendale le temps de voir comment évoluent les choses. Mon mari m'a déjà prévenue qu'il ne lâcherait pas son travail pour moi..."

Carrea Foliat parut un moment sur le point de fondre en larmes, puis elle se ressaisit.

Yohannès avait compris l'essentiel de la conversation entre Nata Ranwen et Carrea Foliat. Mais il n'arrivait pas à avoir de la compassion pour Foliat, sachant qu'à cause d'elle des milliers d'employés, qu'elle avait eus sous ses ordres, avaient perdu leur emploi.

Yohannès signa l'acte de vente du Nagalbek. Les vingt millions de dollars, toutefois, ne resteraient pas longtemps sur son compte. Car les instructions que lui avait transmis Shonia étaient claires. Dès le lendemain, il devrait aller à sa banque pour transférer la quasi-totalité des dollars sur le compte d'Ondrya Wolfensun. Il lui resterait, au final, un bénéfice d'environ cent mille ducats, correspondant à la différence de valeur entre le dollar américain et le ducat mnarésien, moins les intérêts quasiment usuraires exigés par Wolfensun.

Cent mille ducats, c'était une aumône par rapport à vingt millions de dollars, mais cela représentait, quand même, plus de deux ans et demi des revenus habituels de Yohannès.

C'était très bien payé, finalement, pour trois réunions, dont chacune avait duré moins d'une heure, dans le bureau de la richissime avocate Nata Ranwen.


Dernière édition par Vilko le Sam 24 Fév 2018 - 17:33, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyMar 4 Oct 2016 - 12:36

Carrea Foliat savait que l'enquête en cours au Padzaland, suite au scandale bancaire dont elle était l'une des responsables, allait durer des années. L'opinion publique était outragée et réclamait l'incarcération des banquiers. C'était d'ailleurs pour cette raison que Carrea s'était réfugiée à Hyltendale avec vingt millions de dollars.

Comme beaucoup de Padzalandais, elle avait une idée plutôt négative du Mnar. Un pays étendu, avec de beaux paysages, mais habité par des gens violents, enclins au fanatisme, et dirigé par un tyran sanguinaire. Quelques années auparavant, elle avait vu arriver au Padzaland les réfugiés mnarésiens, et leur comportement ne lui avait pas donné une grande idée de ce peuple.

Avant de s'installer provisoirement à Hyltendale, pour ce qu'elle espérait n'être qu'un séjour de courte durée, elle ne savait presque rien de cette ville. Elle savait seulement que c'était l'une des destinations favorites des touristes amateurs de prostituées humanoïdes. Elle avait entendu parler des des cybersophontes, mais surtout à cause des atrocités qu'ils commettaient au Naoutry, où ils étaient intervenus dans la guerre civile, qu'ils étaient en train de transformer en génocide pur et simple.

Elle était arrivée à Hyltendale avec Firmio, son avocat, qui parlait le mnarésien, ce qui est assez rare chez les Padzalandais. Firmio était reparti vers le Padzaland après quelques jours, laissant Carrea seule dans un hôtel de luxe de City Center, le quartier le plus riche d'Hyltendale.

Elle fut surprise de voir des ambassades à Hyltendale, la capitale du Mnar étant Sarnath, à 750km au nord-est d'Hyltendale. Mais Hyltendale sert de capitale diplomatique à deux États étrangers, Orring et Hyagansis, qui présentent la double particularité d'être uniquement peuplés de cybersophontes et d'être composés d'îles flottantes artificielles et d'installations sous-marines. Hyltendale sert d'interface entre les cybersophontes marins et les humains qui habitent les terres émergées.

Les mers et les océans, c'est 71% de la surface du globe terrestre. Orring et Hyagansis n'en contrôlent qu'une infime partie, mais leur accroissement est rapide. À long terme, le roi d'Orring et les deux co-princes de Hyagansis régneront sur l'ensemble des mers et des océans, ce qui préoccupe fortement les gouvernements humains. La presse mondiale en parle peu, car Orring et Hyagansis ont pour politique de ne pas se mêler des affaires des autres nations. Mais les gouvernements et les scientifiques y pensent, c'est pourquoi plusieurs milliers de diplomates, espions, universitaires en mission d'étude et hommes d'affaires étrangers vivent à Hyltendale.

Tous ces étrangers aux revenus confortables parlent en général l'anglais, au moins comme deuxième langue, et sont assez nombreux pour avoir des écoles privées pour leurs enfants, et plusieurs clubs, dont le fameux l'ACH (American Club of Hyltendale), qui malgré ce que laisserait penser son nom, accueille des gens de toutes nationalités parmi ses membres, pourvu qu'ils parlent anglais. Il y a beaucoup de femmes à l'ACH, et Carrea se dit qu'elle pourrait s'y faire des amies.

Sur le conseil de Firmio, elle avait loué un androïde, Xenophon, comme guide, interprète, valet de chambre et garde du corps. C'est avec Xenophon que Carrea eut son premier choc culturel à Hyltendale. Les yeux cybernétiques, deux ovales entièrement noirs, à l'aspect presque liquide, la mettaient mal à l'aise. De plus, Xenophon avait la même taille et le même visage que la plupart de ses semblables, et il était vêtu du costume de toile noire à col rond qui est la tenue standard des androïdes. Pour le reconnaître, Carrea devait lire son nom sur le badge qu'il portait sur la poitrine.

Xenophon avait une voix de machine, comme tous les humanoïdes. Bien sûr, c'était la même voix que celle des autres androïdes.

Carrea décida de personnaliser Xenophon. Elle l'emmena dans un magasin et lui acheta une tenue plus à son goût à elle : baskets blanches, blue jeans, et un blouson de cuir fauve, ouvert sur un tee-shirt blanc sur lequel le nom de Xenophon était écrit en lettres gothiques étroites. Pour protéger les yeux cybernétiques des gouttes de pluie, une casquette de base-ball portant le logo des Chicago Bulls... Carrea s'intéressait assez peu au base-ball, mais la casquette lui permettrait de reconnaître Xenophon même de loin.

Le visage impersonnel de l'androïde Xenophon gênait Carrea. Elle décida de le personnaliser elle-même. Elle peignit, au marqueur bleu, un C, comme Carrea, sur sa joue droite, et un X, comme Xenophon, sur sa joue gauche. Xenophon accepta pour cinq cent ducats, prix du remplacement de son enveloppe externe (sa "peau" cybernétique).  

Pendant que Carrea s'amusait à transformer Xenophon, les ennuis s'accumulaient pour elle au Padzaland.

La Justice avait commencé une procédure pour saisir son patrimoine, estimé à cent vingt millions de dollars. Un juge lui avait envoyé un courrier à Hyltendale, la prévenant que si elle ne rentrait pas immédiatement à Padza, elle serait considérée comme une suspecte en fuite.

Les cinq mille employés de banque licenciés, et plusieurs centaines de milliers de clients de la banque, parmi les deux millions dont les comptes avaient été illégalement ponctionnés suite à la gestion calamiteuse de Carrea, avaient créé une association. Cette association déposa plainte contre elle et engagea les meilleurs avocats du pays.

L'association s'indignait qu'après avoir dépouillé des millions de gens de l'équivalent, au total, de plusieurs centaines de millions de dollars US, Carrea soit toujours en liberté, alors que des petits délinquants étaient emprisonnés. La classe politique dans sa totalité disait la même chose. Carrea comprit que, si elle remettait un jour les pieds au Padzaland, elle se retrouverait dès le lendemain en prison.

Son mari venait de lui envoyer un e-mail pour lui dire qu'il l'aimait toujours, mais que, pour sauver ses propres biens, il avait commencé une procédure de divorce.

Carrea ne lui répondit pas. Mais elle envoya une longue lettre aux services fiscaux padzalandais, dans laquelle elle expliquait en détail comment son mari fraudait le fisc depuis des années.

Écrire la lettre la soulagea un peu, mais ne résolut pas ses problèmes.

La nuit suivante, elle demanda à Xenophon de la rejoindre dans son lit. Mais à sa grande stupéfaction, lorsque l'androïde se fut déshabillé, Carrea s'aperçut qu'il n'avait pas d'organes sexuels...

"Je suis un androïde de travail" expliqua Xenophon de sa voix d'ordinateur. "La copulation n'est pas censée faire partie de mes activités, contrairement aux androïdes de charme."

"Eh bien, si j'avais su, j'aurais loué un androïde de charme ! J'en ai les moyens !" s'exclama Carrea.

- C'était écrit dans la brochure, vous auriez dû la lire en entier.

-  J'en ai lu assez pour savoir que les gynoïdes de travail ont des vagins artificiels ! Pourquoi...

- Les clients préfèrent. En ce qui concerne les androïdes comme moi, ils préfèrent l'inverse, car nous sommes créés pour travailler. Mais parmi les androïdes de travail, ceux qui, comme moi, sont utilisés comme androïdes domestiques, ont ce qu'il faut. Des prothèses...

- Des prothèses ????

- Oui. On les attache avec des lanières... En tant qu'androïde domestique, j'ai une prothèse dans ma valise, je peux vous la montrer... Elle tient lieu d'organe génital masculin...

- Va chercher ta prothèse !

Carrea et Xenophon passèrent ainsi leur première nuit dans le même lit. Au petit matin, Carrea se réveilla dans les bras de l'androïde.

"Mon premier jour en tant que manbotchick" se dit-elle. "Et je ne suis même pas encore divorcée de mon mari padzalandais..."
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyMar 4 Oct 2016 - 17:19

En somme, la banque mnarésienne récupère sans trop d'état d'âme de l'argent étranger volé par escroqueie, la plupart du temps à entreprises (banques, notamment, mais aussi compagnies d'assurances, entreprises de gestions de biens, comme ce fut le cas pour Eneas Tond), par des "réfugiés". Comment ça se passe, entre le Mnar et l'entreprise victime ? Kerviel aurait-il pu aller à Hyltendale, si le Mnar existait dans la réalité ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyMar 4 Oct 2016 - 17:41

Anoev a écrit:
En somme, la banque mnarésienne récupère sans trop d'état d'âme de l'argent étranger volé par escroqueie, la plupart du temps à entreprises (banques, notamment, mais aussi compagnies d'assurances, entreprises de gestions de biens, comme ce fut le cas pour Eneas Tond), par des "réfugiés".

Oui. J'aime bien imaginer des choses qui ne pourraient jamais, jamais, jamais arriver dans le monde réel... Même pas au Luxembourg ou au Panama, c'est tout dire ! Wink

Anoev a écrit:
Comment ça se passe, entre le Mnar et l'entreprise victime ? Kerviel aurait-il pu aller à Hyltendale, si le Mnar existait dans la réalité ?

Kerviel a perdu cinq milliards d'euros qui ne lui appartenaient pas, mais il ne les a pas détournés... Toutefois, s'il les avait détournés, il aurait pu sans problème aller à Hyltendale. Il aurait été reçu avec les honneurs dus à un très, très, très bon client... Le Cercle Paropien lui aurait ouvert ses portes, et même le très sélect Adria Nelson... Les plus belles femmes de la ville auraient fait n'importe quoi pour entrer en contact avec lui...

L'entreprise victime peut faire un procès à l'escroc. Naturellement, elle devra faire appel aux services d'un cabinet d'avocats hyltendaliens pour être représentée au Mnar. À Hyltendale, les avocats d'affaires sont chers. Et même très chers. Leur devise est : "Un procès n'est jamais terminé tant qu'une des parties a encore de l'argent."
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyMar 4 Oct 2016 - 18:08

Vilko a écrit:
Leur devise est : "Un procès n'est jamais terminé tant qu'une des parties a encore de l'argent."
C'est pas aussi la devise de certains avocats U.S. ? et même de chez nous ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyMar 4 Oct 2016 - 18:52

Anoev a écrit:
C'est pas aussi la devise de certains avocats U.S. ? et même de chez nous ?

Je ne sais pas, tous les avocats que j'ai rencontrés mon dit que la vérité était leur métier ! Et la vérité, ça n'a pas de prix ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 7 Oct 2016 - 10:30

Malgré la présence de l'androïde Xenophon, Carrea trouva les premières semaines de sa vie à Hyltendale assez difficiles.

Dès le troisième jour, des journalistes padzalandais, qui avaient trouvé on ne sait comment l'adresse de son hôtel, l'attendaient dans le hall. Heureusement, Xenophon était avec elle et les journalistes n'osaient pas s'approcher de trop près. À Hyltendale, même les étrangers savent qu'il n'est pas recommandé d'affronter physiquement un humanoïde.

"Parmi les cinq mille employés de la banque Fourgon qui ont été licenciés, plusieurs se sont déjà suicidés, des centaines de familles ont sombré dans la pauvreté. Vous sentez-vous responsable ?" demanda un journaliste, en tendant son micro vers le visage de Carrea.

Choquée et au bord des larmes, Carrea s'enfuit en courant dans la rue. Xenophon était à côté d'elle. Ils sortirent de l'hôtel sous les flashes des appareils photo et les questions embarrassantes, posées d'une voix forte.

"Xen, j'ai peur. Trouve-moi un refuge !" dit Carrea à l'androïde.

"L'intelligence collective des cybersophontes va nous aider" dit Xenophon, et, dans l'émotion du moment Carrea se demanda ce qu'il voulait dire.

Ils marchèrent vers le sud, en direction de Zodonie, suivis, puis bientôt entourés, par la meute des journalistes. Carrea cacha son visage dans ses mains et se mit à pleurer, au milieu du crépitement des flashes des appareils photo.

Un tricycle à passager s'arrêta le long du trottoir. La gynoïde qui le pilotait, assise sur le siège de bicyclette, fit signe à Carrea et Xenophon de monter.

Carrea et Xenophon s'assirent sur le banc étroit de la minuscule cabine, où ils se retrouvèrent serrés l'un contre l'autre. La gynoïde démarra, ses puissantes jambes cybernétiques actionnant le pédalier. Les journalistes restèrent sur place, médusés.

Carrea demanda à Xenophon de lui trouver un refuge où personne ne pourrait les trouver.

"Nous sommes reconnaissables tous les deux" dit l'androïde. "Moi avec mes joues tatouées, et vous parce que tous les journaux ont publié votre photo."

Carrea renifla, et marmonna, à moitié pour elle-même :

"J'étais une banquière de haut niveau. Un modèle pour les femmes padzalandaises. En vingt ans, j'ai été interviewée par tous les magazines du pays. Je suis même passée plusieurs fois à la télévision. Je ne me doutais pas que ma notoriété deviendrait un jour mon cauchemar..."

"Que diriez-vous d'une camionnette de livraison pour se déplacer en ville ?" dit Xenophon. "C'est discret, et on peut voir quand même, à travers les vitres miroirs."

"Et j'habiterais où ?" demanda Carrea.

"Une petite maison isolée avec garage fera l'affaire. Qu'en pensez-vous ?"

"Je n'arrive pas à penser, dans l'état où je suis... De toute façon, je ne peux pas rester à l'hôtel."

Le tricycle les déposa deux kilomètres plus loin, devant une agence immobilière.

Quelques heures plus tard, Carrea signa l'acte d'achat d'une petite maison de ville, en béton blanc, dans le district de Yarthen. Côté rue, il y avait une porte de garage, à côté de la porte d'entrée. À l'étage, une double fenêtre, celle de la chambre principale. La salle de séjour, au rez-de-chaussée, donnait sur un petit jardin en friche, entouré de hauts murs percés de fenêtres.

"Je n'irai pas souvent dans le jardin" dit Carrea. "Les fenêtres des voisins tombent dessus. On pourrait me reconnaître. Les blondes, il n'y en a pas beaucoup par ici, sauf certaines gynoïdes de charme."

"Si vous voulez, Carrea, je pourrais cultiver le jardin en potager, planter quelques arbres fruitiers..." dit Xenophon.

Les jours suivants furent bien remplis. Carrea et Xenophon changèrent d'hôtel en pleine nuit. Ce n'est que la semaine suivante qu'ils purent emménager dans la maison de Yarthen.

Xenophon fit effacer dans un magasin Caefla les lettres C et X que Carrea avait peintes sur ses joues. Elles le rendaient trop reconnaissable, depuis qu'il avait été photographié par la presse. Pour la même raison, il se débarrassa des vêtements choisis par Carrea. À la place du blouson de cuir fauve, il mit une stricte veste bleue, remplaça le tee-shirt à son nom par une chemise à rayures verticales bleues et blanches, les baskets blanches par des baskets noires, et la casquette des Chicago Bulls par une casquette à carreaux bleus et noirs.

"Comment vais-je te reconnaître, maintenant, si un autre androïde s'habille comme toi ?" demanda Carrea, qui s'était mise à tutoyer Xenophon. Après tout, il n'était pas seulement son homme à tout faire, mais aussi son amant.

"J'ai besoin d'un collier personnalisé... N'importe quoi fera l'affaire" répondit Xenophon.

Carrea regarda dans ses affaires. Elle avait emmené un lot de clés USB, dont certaines qu'elle n'avait jamais utilisées. Les autres clés contenaient ses archives et ses livres préférés, sous forme de fichiers informatiques.

Parmi les clés USB qu'elle n'utilisait jamais, elle en choisit une, en plastique rouge. Dessus, elle traça verticalement, avec un marqueur noir indélébile, un trait, deux points, et encore un trait. En code Morse, c'est la lettre X, initiale de Xenophon. Puis elle attacha le pendentif improvisé autour du cou de son amant androïde avec un lacet de chaussure, faute d'avoir un collier sous la main.

"Voila" dit-elle avec satisfaction. "Avec ça, je pourrai te reconnaître parmi tous les autres humanoïdes... Tu laisseras ouvert le col de ta chemise, que je puisse le voir."

Les longs cheveux blonds de Carrea la rendaient repérables de loin à Hyltendale. Elle se fit couper les cheveux et les teignit en noir, et elle acheta une paire de lunettes à grosse monture de plastique rouge et verres blancs. Ce n'était pas assez pour empêcher les gens qui la connaissaient bien de la reconnaître, mais suffisant pour dérouter ceux qui n'avaient vu son visage qu'à la télévision ou dans les journaux.

"Ce n'est pas moi, avec ces cheveux rasés et tout noirs, ces grosses lunettes rouges bon marché..." dit Carrea en se regardant dans la glace.

"La tranquillité est à ce prix" répondit Xenophon.

Carrea jugea finalement inutile d'acheter une voiture. Un tricycle à passager était suffisant pour se déplacer à Hyltendale.

Le fait de ne pas parler mnarruc ne gênait pas Carrea. Tous les humanoïdes peuvent parler n'importe quelle langue étrangère, parce qu'ils sont connectés en permanence à l'intelligence collective des cybersophontes. Un cybercerveau parle par leur bouche.

De toute façon, les seuls êtres humains que Carrea fréquentait étaient ses amis anglophones de l'American Club of Hyltendale. Des gens de toutes les nationalités étaient membres du club, mais seulement un petit nombre de Padzalandais, pour des raisons linguistiques. Cela arrangeait bien Carrea, qui, vu son rôle dans le scandale de la banque Fourgon, préférait éviter de rencontrer ses compatriotes.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 7 Oct 2016 - 11:59

Bref : Carrea était un être assez malfaisant et payait de la perte d'une vie tranquille les centaines des victimes innocentes qui avaient été poussées à la misère et au désespoir. Pas grand chose à voir avec Eneas Tonnd, qui lui, s'est vengé d'un patron qui l'exploitait, qui le faisait chanter, et dont il a découvert par la suite qu'il détournait de l'argent (il apprit que le montant de la somme déclarée dans la plainte était très inférieur à ce qui avait été effectivement volé). Bref, mis à part les proches de son indélicate victime ou bien la police financière aneuvienne (mais qu'est-ce qu'ils iraient faire à Hyltendale ? c'est toujours délicat d'enquêter à l'étranger, d'autant plus que l'enjeu n'en valait peut-être pas la chandelle), personne ne viendrait l'importuner et il aurait une vie tranquille, couvert d'affection par ses deux gynoïdes.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptySam 8 Oct 2016 - 18:03

Ce n'est qu'après s'être installée pour de bon dans sa maison de Yarthen que Carrea commença à se sentir réellement bien à Hyltendale.

C'était la fin de l'été. Le matin, elle ouvrait grand la double fenêtre de sa chambre, au premier étage, et, tout en pédalant furieusement sur son vélo d'appartement, elle laissait le soleil du matin caresser son visage et ses bras de ses rayons bienfaisants.

Carrea n'avait pas renoncé à l'habitude, qu'elle avait prise dès son adolescence, de faire un peu de sport tous les jours. Elle disait volontiers, lorsqu'elle habitait encore au Padzaland, que c'était le secret de son dynamisme de banquière.

L'après-midi, elle aimait lire dans la pièce qui lui servait à la fois de bureau et de bibliothèque, au premier étage. Une double porte-fenêtre munie d'une balustrade donnait côté ouest, sur le jardin potager clos de hauts murs. Lorsque la porte-fenêtre était ouverte, Carrea avait l'impression d'être sur un balcon dans une maison de village.

L'architecte avait fait de son mieux, mais la maison de Carrea, bien que confortable et astucieusement conçue, avait quelques défauts. Avant l'arrivée de Carrea et de l'androïde Xenophon, les voisins avaient percé des fenêtres dans le grand mur de pierres clôturant le jardin côté sud. Certaines de ces fenêtres étaient si basses qu'il était possible aux voisins de sauter dans le jardin. Les voisins étaient des gens sans histoires, mais Carrea, qui était méfiante de nature, laissait presque toujours fermées les portes-fenêtres du rez-de-chaussée, pour sa tranquillité d'esprit.

Xenophon, lui, allait souvent dans le jardin, mais c'était pour y faire pousser des fruits et des légumes. Carrea, banquière de profession, ne savait pas faire la cuisine, et se contentait de goûter les plats que préparait Xenophon. Lequel, comme tous les humanoïdes, n'avait ni goût ni odorat, ce qui est gênant pour un cuisinier. Carrea allait donc de temps en temps contrôler son travail dans la cuisine.

Carrea était assez riche pour louer plusieurs humanoïdes, afin d'assurer sa sécurité. Toutefois, après avoir réfléchi, elle abandonna cette idée. Les intrusions violentes dans les habitations sont rares à Hyltendale, surtout à Yarthen, dont la plupart des habitants sont des fembotniks. Quelqu'un qui vit avec un humanoïde ne peut pas se conduire en criminel. Il est donc inutile, se dit Carrea, d'avoir plus d'un humanoïde domestique.

Carrea se contenta donc de Xenophon. Il était à la fois son homme à tout faire (plombier, électricien, interprète...), son chauffeur (sur tricycle à passager), son garde du corps, son cuisinier, son homme de ménage, son conseiller et son amant. Mais en tant que femme, elle avait aussi besoin d'une amie féminine, une confidente avec qui elle pourrait aussi papoter. Xenophon lui parla alors des masques-cagoules, et lui montra une vidéo explicative.

Convaincue, Carrea fit acheter à Xenophon le masque-cagoule de Krista la bonne amie. Son masque-cagoule est muni d'une perrruque aux longs cheveux châtain, et la peau de son visage charnu est orangée. Lorsque Xenophon porte le masque-cagoule de Krista, sa voix change, devient féminine, de même que sa personnalité. Krista porte une grande robe démodée, généreusement rembourrée au niveau de la poitrine.

Carrea avait eu peur de souffrir de la solitude, dans sa petite maison de Yarthen. Mais elle se rendit compte qu'avec Xenophon et Krista, elle ne se sentait jamais seule. Avec Krista, elle avait une amie toujours disponible pour prendre le thé avec elle, qui la comprenait, et dont les conseils valaient la peine d'être écoutés.

C'était une nouveauté pour Carrea. Lorsqu'elle était banquière à Padza, elle avait plutôt connu les semaines de soixante heures, les coups bas et les trahisons entre arrivistes forcenés (dont elle admettait qu'elle avait fait partie), un mari de plus en plus distant, et un fils étudiant qu'elle voyait de moins en moins. Ses prétendues amies de la haute société padzane étaient aussi égoïstes et avides de pouvoir et d'argent qu'elle.

Carrea n'aimait pas trop les jeux de rôle qu'affectionnent beaucoup de fembotniks. Elle n'avait pas besoin de se reconstruire, elle, contrairement à Yohannès, qui jouait au professeur et à l'étudiant avec le masque-cagoule Gaïus. Xenophon n'avait donc qu'un seul masque-cagoule, celui de Krista.

Carrea et Xenophon, confiants que leur nouvelle apparence les empêcheraient d'être reconnus, sillonnaient Hyltendale en tricycle à passager. Effectivement, personne ne les reconnut nulle part.

Carrea aurait pu être reconnue à l'American Club, où elle était allée dès le lendemain de son arrivée à Hyltendale, mais elle n'y allait plus, par prudence. D'ailleurs, lorsqu'elle s'y était inscrite, elle habitait à l'hôtel et n'avait pas encore changé d'apparence.

Carrea était dans une situation étrange, vivant dans un pays dont elle ne parlait pas la langue, sans connaître une seule personne humaine, et pourtant elle ne souffrait aucunement de la solitude.

Beaucoup de gens, toutefois, pensaient encore à elle, et plutôt en mal qu'en bien. Au Padzaland, des magistrats, des policiers, des avocats, cinq mille anciens employées de la banque Fourgon, et deux millions de titulaires de comptes, espéraient qu'un jour elle serait extradée du Mnar et envoyée en prison.

Son mari, qui était resté au Padzaland, avait demandé le divorce. Elle reçut un e-mail de lui :

Je sais que c'est toi qui m'as dénoncé au fisc. Comment peux-tu être aussi méchante ? Tu es perverse et vindicative, et tu fais le malheur de ceux qui ont affaire à toi. Mon avocat m'a dit que j'aurai sans doute un redressement fiscal et une amende colossale. Ce sera ça, ou la prison si le fisc porte plainte. Bref, je vais me retrouver sur la paille à cause de toi. Tu ne m'as pas donné ton adresse à Hyltendale, alors je t'envoie cet e-mail pour te demander de contacter le juge pour notre divorce. Réponds-moi, je t'en prie, je n'ai que ce moyen pour te contacter depuis que tu as changé de téléphone portable. Ton avocat, Firmio, m'a dit qu'il ne s'occupait pas de ton divorce, uniquement du dossier Fourgon.

Carrea avait dénoncé son mari au fisc pour le punir de sa demande de divorce, et de son infidélité probable. Maintenant le vieux coureur de jupons était dans le pétrin jusqu'au cou. Après avoir réfléchi, elle lui répondit :

Cher futur ex-mari. Tu n'es pas encore sur la paille, que je sache. Tu sais aussi bien que moi qu'il faudra au fisc des mois, voire des années, pour déterminer l'étendue des fraudes que tu as commises. Ne te fais pas passer pour une victime alors que tu n'es qu'un fraudeur. En attendant, tes comptes bancaires ne sont pas bloqués. Cela te laisse largement le temps de mettre ta fortune à l'abri dans un pays étranger.

Tu disposes, en biens immobiliers et en placements divers, d'au moins deux cent millions de dollars US. Fais-moi parvenir la moitié de ce montant, soit cent millions de dollars, par virement sur mon compte HyltenBank. Je t'envoie les coordonnées par pièce jointe. Dès réception des cent millions, je te promets, à ta convenance, le divorce le plus rapide de l'histoire du Padzaland.


Elle cliqua sur ENVOI. Son mari préférerait sans doute se couper un bras plutôt que lui envoyer cent millions de dollars, mais elle ne risquait rien à essayer de lui faire ouvrir son portefeuille.


Dernière édition par Vilko le Sam 8 Oct 2016 - 21:27, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptySam 8 Oct 2016 - 19:20

Réponse envisageable du futur ex-mari :

Chère (coûteuse) Carrea

Je te promets le tiers du montant que tu demandes si tu envoies une lettre au fisc padzalandais déclarant que tu as fait une déclaration calomnieuse. Comme tu résides au Mnar et moi au Padzaland, tu ne pourras pas dire par la suite que j'ai fait pression sur toi. Comme ça, tu ne seras plus crédible si tu envoies une autre lettre de dénonciation depuis le Mnar : tu vois, ois, moi aussi, je sais me mettre à l'abri. Tu sais très bien par ailleurs que je peux obtenir le divorce sans lâcher un seul cent. Certes, dans ce cas je serai poursuivi, mais toi aussi, et malgré ta situation là-bas, tu n'es pas encore mnarésienne et les procédure d'extradition entre les deux pays ne sont pas exclues dans ce cas-là. Donc en t'accordant cette somme, c'est une faveur que je te fais. Si tu ne la saisis pas, soit, je serai inquiété, mais j'ai des appuis et je m'en tirerai, pour toi, c'est un peu moins sûr.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptySam 8 Oct 2016 - 20:00

Anoev a écrit:
Réponse envisageable du futur ex-mari :

Chère (coûteuse) Carrea

Je te promets le tiers du montant que tu demandes si tu envoies une lettre au fisc padzalandais déclarant que tu as fait une déclaration calomnieuse. Comme tu résides au Mnar et moi au Padzaland, tu ne pourras pas dire par la suite que j'ai fait pression sur toi. Comme ça, tu ne seras plus crédible si tu envoies une autre lettre de dénonciation depuis le Mnar : tu vois, ois, moi aussi, je sais me mettre à l'abri. Tu sais très bien par ailleurs que je peux obtenir le divorce sans lâcher un seul cent. Certes, dans ce cas je serai poursuivi, mais toi aussi, et malgré ta situation là-bas, tu n'es pas encore mnarésienne et les procédure d'extradition entre les deux pays ne sont pas exclues dans ce cas-là. Donc en t'accordant cette somme, c'est une faveur que je te fais. Si tu ne la saisis pas, soit, je serai inquiété, mais j'ai des appuis et je m'en tirerai, pour toi, c'est un peu moins sûr.

Réponse probable de Carrea :

Étant donné que le fisc a déjà commencé son enquête, il a bien dû s'apercevoir que la lettre ne contenait pas des calomnies, mais des informations. Au moment où je t'écris, ces informations ont probablement déjà été vérifiées par les enquêteurs.

Donc, la lettre que tu me demandes d'écrire est inutile. Je ne l'écrirai donc pas, mais tu peux faire comme si je l'avais écrite, et m'envoyer un tiers de cent millions, soit 33 millions. Il s'agira bien entendu d'un acompte, car je considère toujours que j'ai droit à 100 millions de dollars.

Bien sûr, tu ne fais pas pression sur moi, mais tu essaies de m'amener à mentir en me promettant 33 millions de dollars. Cela revient au même, aux yeux de la loi. Cela s'appelle de la subornation de témoin, et c'est un délit puni de prison. Je me permets donc de garder ton e-mail dans mes archives, et je n'exclus pas de le transmettre plus tard soit à mon avocat, soit au fisc.

À ce propos, il n'existe pas de convention d'extradition entre le Mnar et le Padzaland, c'est d'ailleurs pour cela que j'ai choisi de passer ma retraite (anticipée) dans ce pays, pas pour la beauté des paysages ou la pureté de l'air.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptySam 8 Oct 2016 - 21:05

Tout ça, c'est du bluff. Par conséquent, si tu le prends ce cette manière, tu n'auras pas un fifrelin, car je n'ai rien à perdre, et si je tombe, tu tomberas avec moi. On est encore lié, malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent.Lors de mon procès, je ne t'épargnerai pas, et j'en ai, des choses à dire, tu n'as pas idée. Les absents ont toujours tort. Ton ou tes avocats sur place auront du mal à plaider ta cause. Quant à moi, j'arriverai à m'en tirer sans trop de dommages. Ça me sera facile d'obtenir le divorce sans rien accorder à une criminelle en fuite. Mes avocats s'y emploient. Tu ne pourras plus jamais remettre un orteil au Padzaland, quelle qu'en soit la raison.

Adieu Mégère.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyDim 9 Oct 2016 - 0:05

Le mari de Carrea avait sèchement refusé de lui payer "même un fifrelin", ce qui n'était guère surprenant. Le divorce risquait de se faire aux dépens de Carrea, mais elle n'en avait cure, sachant qu'il faudrait plusieurs années pour que le divorce soit prononcé en son absence. En attendant, son mari ne pourrait pas se remarier. Et s'il faisait des cadeaux trop somptueux à sa maîtresse, Carrea pourrait contester en justice les donations, par l'intermédiaire de son avocat.

Mais il y avait Sigmond, le fils de Carrea. Il en voulait énormément à sa mère d'avoir ruiné la réputation de la famille, et d'être en train de ruiner financièrement son père. Sigmond savait aussi qu'après le scandale Fourgon, il n'avait quasiment aucune chance de travailler un jour dans la finance, le nom de Foliat étant devenu radioactif dans l'esprit des Padzalandais.

Heureusement pour Sigmond, sa mère avait laissé quelques biens au Padzaland, notamment des appartements locatifs, qu'elle n'avait pas eu le temps de vendre lorsqu'elle avait organisé son départ pour Hyltendale. L'infatigable Maître Firmio organisa le transfert de propriété de ces appartements entre Carrea et son fils, ce qui permit à ce dernier d'avoir des revenus, au cas où il aurait du mal à trouver un travail digne de ses ambitions, une fois ses études terminées.

Krista fit remarquer à Carrea, au cours d'une de leurs conversations dans la salle à manger, que le monde dans lequel elle vivait, où les dollars se comptaient par millions, était à des années-lumières de la vie quotidienne des Padzalandais et Mnarésiens moyens, qui souvent devaient faire vivre leur famille avec l'équivalent de mille dollars par mois, et parfois même moins.

"Je le sais bien" répondit Carrea. "C'est pourquoi je fais tout ce que je peux pour épargner la pauvreté à mon fils. Je vois les gens quand je sors dans la rue, quand je vais au supermarché ou au restaurant. J'en suis séparé par la barrière de la langue, mais je les vois. Et ici, dans ma maison de Yarthen, j'ai parfois l'impression d'être pauvre. Je ne manque de rien, mais je ne peux pas recevoir des amis, car je n'ai pas d'amis, à part toi. Mais à Padza, j'étais riche. Vraiment riche, je t'assure. Je vivais dans une villa qui ressemblait à un palais italien, je roulais en voiture de luxe... Ici, ça ne servirait qu'à me faire repérer..."

"Mais il y a des gens qui vivent dans de somptueuses villas et qui roulent en voiture de luxe, ici... À Playara et sur la Côte d'Ethel, par exemple..." dit Krista.

"Oui... Je pourrais vivre comme eux, et parmi eux. J'ai vingt millions de dollars de réserve, c'est plus que suffisant. J'inviterais mes voisins dans ma villa avec piscine... Mais je ne parle pas le mnarruc, et la plupart des Mnarésiens ne parlent ni l'anglais ni le français ! La galère ! Je préfère encore vivre ici, dans ma petite maison de Yarthen," dit Carrea d'une voix songeuse.

"Il ne te manque rien ici, tu es sûre ?" demanda Krista.

"Une piscine, peut-être... Je crois que je vais m'inscrire dans une salle de sport, il y en a qui ont des piscines en sous-sol. Sinon, en ce qui concerne les conversations, je peux discuter de tout avec toi et Xenophon, depuis les amours des gens du showbiz jusqu'à la physique nucléaire... Je  peux boire du vin de Baharna et danser joue contre joue avec Xenophon... Vivre avec un humanoïde, c'est comme faire une croisière sur un yacht. On a tout, c'est beau et confortable, mais on est coupé du monde."

Carrea parut réfléchir, et elle dit :

"Mais finalement, c'est bien d'être coupé du monde, du moins, comme moi je le suis. C'est une vie privilégiée. Je n'ai pas à trimer pour gagner ma vie, ou supporter des gens désagréables... Des millions de gens feraient tout pour être à ma place. Pleurer de solitude toute seule dans son lit, je ne sais pas ce que c'est. Finalement, quand j'y pense, la seule chose qui me manque vraiment, c'est de pouvoir comparer mon expérience avec celle d'autres manbotchicks."

"Les manbotchicks et les fembotchicks se retrouvent dans des clubs" dit Krista. "Pour toi, Carrea, évidemment, c'est moins évident, à cause de l'affaire Fourgon... Mais il y a beaucoup de moyens de savoir ce que pensent les fembotniks. Ils ont des sites Internet, des forums, des magazines, ils font des vidéos, ils ont des blogs..."

"Est-ce qu'il y a un masque-cagoule qui joue le rôle d'un fembotnik ?" demanda Carrea à brûle-pourpoint.

"Pas à ma connaissance... Mais je peux te raconter en détail le quotidien, les pensées mêmes, d'un fembotnik moyen. L'intelligence collective des cybersophontes les voit de près depuis plusieurs décennies, elle a eu le temps de les observer... Le fembotnik moyen te parlera comme je te parle, il ne sait rien que je ne sache aussi... Il te racontera son passé, des anecdotes... Son quotidien, c'est le même que le tien... Le plus probable, c'est qu'il jouera aux cartes avec toi, en parlant à peine... Son jeu de cartes préféré est la bataille, où tout repose sur le hasard. Un prétexte de jeu, mais qui lui permet de ressentir le bonheur d'être avec ses semblables."

"Oui, je comprends... Le bonheur d'être en compagnie d'autres êtres humains. C'est dans notre ADN. Aucune information réelle n'est transmise. Comme avec les autres clients, quand on mange au restaurant..."

"Tout à fait, Carrea, tout à fait ! L'un des plaisirs du restaurant, c'est de manger en compagnie de cinquante autres personnes, mais sans avoir à leur parler... D'ailleurs, est-ce un hasard si le nombre de convives à l'intérieur d'une salle de restaurant correspond à peu près à la taille d'un clan paléolithique ? On peut se le demander."

"Ça nous entraînerait peut-être un peu loin..."

La conversation se poursuivit néanmoins, et Krista dut même aller dans la cuisine pour refaire du thé. Carrea était aux anges. Elle venait d'avoir avec Krista une de ces conversations, si précieuses, où l'on a le sentiment de mieux comprendre le monde, et aussi de mieux se comprendre soi-même.  Ces conversations sont rares entre humains, mais assez fréquentes lorsqu'on discute avec un humanoïde, car il a accès à l'intelligence collective des cybersophontes.

C'était la fin de l'après-midi, et la salle à manger devint froide et sombre, lorsque le soleil descendit derrière les toits. Carrea se leva pour fermer les portes-fenêtres qui donnaient sur le jardin potager. Dans moins d'une heure, il faudrait tirer les rideaux de nuit. Krista monta dans la chambre, pour se changer et redevenir l'androïde Xenophon.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyLun 10 Oct 2016 - 13:32

Carrea avait l'esprit combatif, et il lui arrivait souvent de se disputer avec Xenophon et Krista. Mais ces derniers n'oubliaient jamais que Carrea était leur patronne, et dès qu'ils remarquaient que Carrea était contrariée, ils se taisaient. Les polémiques s'arrêtaient net, ce qui décevait Carrea. Elle ne pouvait pas s'empêcher de maltraiter Xenophon, de l'insulter et même de le rudoyer, et son absence de réaction la mettait hors d'elle.

"Un homme ne se laisserait pas traiter comme ça !" cria-t-elle un jour, excédée par la servilité de Xenophon, alors qu'ils prenaient leur petit-déjeuner ensemble dans la salle à manger.

"Pour les polémiques, il y a des masques-cagoules spécialisés" répondit Xenophon sans se démonter. "On en trouve à partir de trois ducats. Pour toi, je verrais bien Perita Dicendi. De même que je deviens Krista lorsque je mets le masque-cagoule qui la représente, je deviens Perita Dicendi en mettant un masque-cagoule sur lequel est peint son visage."

- Qui c'est, cette Perita ?

- Perita Dicendi est une philosophe néo-nietzschéenne qui n'a pas peur de choquer ou d'être désagréable. Elle est à la fois féministe et proche des cybersophontes, mais sans être réellement monarchiste. Il est impossible de ne pas se disputer avec elle, elle est faite pour ça. Mais discuter avec elle est toujours enrichissant, on remet en cause ses idées les plus fondamentales.

- Cette personne a vraiment existé ?

- Non. C'est le pseudonyme collectif d'un groupe de femmes philosophes. Elles ont écrit ensemble une soixantaine de livres qu'elles ont réussi à faire publier, comme "Wodoyr sa theahe nas tatiu"...

- Traduction, s'il te plait !

- Wodoyr sa theahe nas tatiu signifie "L'Hypostase de la Corrélation Ternaire".

- Je ne suis pas plus avancée...

- La plupart des Mnarésiens non plus. Perita Dicendi écrit pour l'élite intellectuelle du futur, lorsque ses idées auront été comprises. Naturellement, Perita Dicendi étant un collectif, le visage représenté sur les masques-cagoules est purement imaginaire.

- Xen, je ne connais rien à la philosophie...

- Ça n'a pas d'importance, car Perita Dicendi a des idées sur tout. Elle peut discuter de tous les sujets. Comme Krista et moi, mais de façon plus polémique, car elle a des idées personnelles.

- Et moi qui ne voulais pas participer à ces jeux ridicules de fembotniks... Enfin, au pire ça ne me coûtera que trois ducats... Puisqu'on n'a rien de spécial à faire ce matin, allons faire un tour au Caefla... C'est là qu'on trouve le plus grand choix de masques-cagoules, je crois ?

Une heure plus tard, Carrea et Xenophon prirent le bus n° 19 pour aller au magasin Caefla. Il aurait été plus commode d'y aller en tricycle à passager, mais Carrea voulait voir des gens. Telle est la vie de certains fembotniks (et de leurs équivalents féminins, les manbotchicks), qui, ne faisant partie d'aucun club, ne parlent qu'à des humanoïdes et ne voient d'autres êtres humains de près que dans les transports en commun, les supermarchés et les restaurants. Un simple trajet en autobus est pour eux presque un événement.

Carrea se mit à regarder subrepticement les autres passagers. La plupart des humanoïdes et des humains lisaient des livres de poche, ou faisaient comme si. Elle se tourna vers Xenophon, qui regardait silencieusement la rue à travers les vitres du bus, et lui chuchota :

- Pourquoi est-ce qu'ils lisent tous ? Les humanoïdes n'ont pas besoin de lire, puisqu'ils sont connectés à leur intelligence collective.

- Les yeux cybernétiques mettent les humains mal à l'aise. C'est pourquoi les humanoïdes font semblant de lire. Tu as vu qu'il y a des humains qui en font autant. Ce sont des fembotniks qui vivent avec des humanoïdes depuis si longtemps, que rien que l'idée de croiser le regard d'un être humain leur fait peur.

"J'espère que je ne finirai pas comme ça !" dit Carrea d'une voix inquiète.

- Ils sont heureux à leur façon... Ils mangent à leur faim, ils dorment dans des chambres bien chauffées l'hiver, ils copulent toutes les nuits, et leur humanoïde domestique est toujours disponible pour leur faire la conversation lorsqu'ils s'ennuient.

- Passons... Et toi, Xen, tu emmènes aussi un livre dans le bus ?

- Oui bien sûr.

Il sortit d'une poche de sa veste une petite brochure rouge foncé, intitulée :

ZUDE NAS HYLTENDALE
Cultur Program

"Je suppose qu'il s'agit du programme culturel de la ville ?" demanda Carrea.

- Exactement. Je le lis dans l'autobus depuis que j'ai été activé, il y a cinq ans.

Parmi les passagers humains, Carrea remarqua plusieurs hommes barbus, portant des lunettes à verres teintés, des vêtements sombres, et coiffés de chapeaux ou de casquettes. Elle sourit... Ceux-là étaient comme elle, ils n'avaient pas envie d'être reconnus. Sans doute parce que, comme elles, ils avaient eu quelques ennuis dans leur pays ou leur région d'origine. Ils lisaient tous avec application, mais jetaient de temps en temps un coup d'œil furtif en baissant la tête.

Des rumeurs couraient dans les réseaux sociaux. Adront Cataewi, qui avait été le dictateur le plus sanguinaire que la Cathurie avait connu, s'était réfugié à Hyltendale avec les réserves d'or de son pays après avoir été chassé du pouvoir. Toutes les polices du monde le recherchaient, et une prime d'un montant élevé était promise à qui permettrait son arrestation.

Adront Cataevi était peut-être dans cet autobus... Le cœur de Carrea se mit à battre. Elle avait lu qu'il était très grand, bien bâti, et qu'il avait environ soixante ans. L'un des barbus pouvait correspondre à cette description. Il se leva et descendit au même arrêt que Carrea et Xenophon, accompagné d'une gynoïde aux longs cheveux blonds. Un peu déçue, Carrea vit que l'homme n'était pas assez grand pour être Cataewi.

Au magasin Caefla, Carrea trouva facilement le masque-cagoule de Perita Dicendi. La philosophe avait une perruque de cheveux châtain, bouclés et mêchés de blond, un visage d'un beige un peu jaunâtre et un symbole cabalistique bizarre sur le front. D'après Xenophon, c'était le signe magique de Yog-Sothoth.

Carrea fit la moue. "Tu porteras ce masque-cagoule avec la robe de Krista" dit-elle à Xenophon.

Dans le bus qui les ramenait chez eux, Carrea remarqua que certains passagers la regardaient d'un air hostile. Elle attendit d'être arrivée dans sa rue pour en parler à Xenophon.

"Tu as les yeux bleus" dit Xenophon. "C'est rare au Mnar, et c'est pour ça que les gens te regardent. Mais ils ont aussi remarqué que tu les regardais, toi aussi. Les fembotniks n'aiment pas ça. N'oublie pas que certains d'entre eux vivent dans la peur permanente d'être reconnus. Beaucoup d'autres sont devenus un peu parano vis-à-vis des humains, à force de vivre à part. Pour éviter d'attirer l'attention, tu devrais faire semblant de lire un livre, toi aussi..."

- Le seul livre que j'emmène dans mon sac à main, c'est un dictionnaire de mnarruc. Si je me plongeais dedans dans l'autobus, j'aurais l'air d'une nunuche qui apprend le dictionnaire par cœur !

- Tu peux couvrir ton dictionnaire de papier coloré, et écrire n'importe quoi dessus... Par exemple, une citation en français de Perita Dicendi, "La lacune est une lucarne."

- Je te charge de ce travail... Et ce midi, je déjeune à la maison avec la terrible Perita.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 14 Oct 2016 - 21:41

Par rapport à sa vie de banquière à Padza, Carrea trouvait sa nouvelle existence de manbotchick remarquablement calme, presque ennuyeuse. Elle se demandait quand elle pourrait quitter sa petite maison de Yarthen pour acheter la villa de ses rêves sur la Côte d'Ethel. Elle s'y voyait déjà, entourée d'une demi-douzaine de serviteurs humanoïdes, et y invitant des Hyltendaliens parlant le français ou l'anglais, pour de folles soirées autour de la piscine.

Ce qui obligeait Carrea à vivre dans une demi-clandestinité, c'est qu'elle était recherchée dans son pays, le Padzaland, suite au scandale de la banque Fourgon. Carrea s'attendait à ce que l'affaire soit jugée, en son absence, dans trois ou cinq ans ans. Mais il faudrait cinq ans de plus pour que la peine de prison qui serait certainement prononcée contre Carrea soit prescrite. Elle ne craignait pas d'être extradée, mais elle ne voulait pas embarrasser les autorités mnarésiennes en confirmant sa présence au Mnar.

Carrea pourrait sortir de sa cachette au bout de huit ou dix ans. Mais même ensuite, elle ne pourrait pas rentrer au Padzaland, car la prescription de la peine ne prive pas les victimes de leur indemnisation. Firmio, l'avocat padzalandais de Carrea, lui avait dit qu'elle serait certainement condamnée à verser plusieurs centaines de millions de dollars d'indemnités aux victimes, et elle était totalement incapable de payer des montants aussi élevés.

Carrea n'avait pas le choix : elle était obligée de passer le reste de sa vie à Hyltendale.

Le Padzaland est francophone, mais Carrea parlait couramment l'anglais. Par contre, elle ne parlait pas le mnarruc. Heureusement, à Hyltendale ce n'est pas un problème, car tous les humanoïdes sont polyglottes. Ils ont accès en permanence, par communication radio de cerveau cybernétique à cybercerveau, à l'intelligence collective des cybersophontes, ce qui leur permet de parler plusieurs centaines de langues humaines.

Un matin, Xenophon trouva des traces d'intrusion dans le jardin de la maison de Carrea. Des plates-bandes avaient été piétinées. Les intrus avaient laissé des excréments humains, du papier hygiénique souillé et des canettes de bière vides au milieu d'un plant de carottes.  

"Ils sont certainement passé par les fenêtres des voisins" dit Xenophon. "Trois de ces fenêtres ne sont qu'à un mètre du sol..."

Le jardin était entouré sur trois côtés par de vieilles maisons. Deux d'entre elles ne présentaient, vues du jardin, que des murs aveugles. Mais les propriétaires de la troisième maison avaient percé des fenêtres dans leur mur, à différentes hauteurs, à l'époque précédant la construction de la maison de Carrea. L'emplacement de la future maison n'était alors occupé que par une bicoque inhabitée et tombant en ruine.

Les fenêtres dans le mur correspondaient à de petits appartements où habitaient des fembotniks ou qui étaient loués à des touristes, en général des hommes venus en petits groupes visiter Zodonie. Ils étaient souvent bruyants et sans gêne, mais heureusement ils ne restaient jamais plus de quelques jours. Il n'était pas difficile de deviner qui avait pu trouver amusant de venir boire de la bière, manger des fruits et déféquer dans le jardin.

"Tu te rends compte, s'ils étaient entrés dans la maison... Même en plein jour, je n'ose pas aller seule dans le jardin à cause de ces fenêtres" dit Carrea à voix basse. "Je ne vais plus dormir de la nuit, maintenant. J'aurai toujours peur d'entendre le bruit de quelqu'un qui casse nos portes-fenêtres..."

En bonne Padzalandaise, Carrea considérait les Mnarésiens comme des gens violents, incultes et malhonnêtes, portés au fanatisme et enclins à violer les femmes. Ce n'est pas nécessairement vrai, surtout chez les Mnarésiens cultivés, mais c'est ainsi qu'ils sont perçus à l'étranger.

"Nos portes-fenêtres sont en verre anti-effraction. Mais il est vrai que cela n'arrête pas des cambrioleurs déterminés et prêts à y passer un peu de temps... Et on ne sait pas qui sont les visiteurs de passage dans la maison voisine" remarqua Xenophon. "Je pense qu'il serait utile d'acheter des armes... Des épées, dans la tradition mnarésienne."

Carrea ne fut pas longue à convaincre. Le lendemain, Xenophon l'emmena dans une armurerie de City Center pour acheter deux épées.

Carrea aurait préféré un pistolet automatique ou un revolver, mais Xenophon lui expliqua que c'était impossible, la possession d'une arme à feu étant un privilège royal, réservé aux policiers, aux militaires et à certains privilégiés.

L'armurier, qui était un androïde, leur présenta différents modèle d'arbalètes.

"Contrairement aux armes à feu, les arbalètes sont en vente libre à Hyltendale, et leur détention est légale" dit l'armurier.

Carrea avait envie d'acheter une arbalète-pistolet, mais Xenophon secoua la tête :

"Les juges du Tribunal d'Hyltendale sont des êtres humains. Ce sont souvent des fembotniks, mais, du fait de leurs études universitaires, la plupart d'entre eux ont des idées venues de l'étranger. Ils sont souvent pro-occidentaux, avec une conception occidentale de la légitime défense. Ils sont notamment impitoyables envers les citoyens qui tirent depuis le premier étage de leur maison sur des rôdeurs surpris dans leur jardin."

"Et si les intrus entrent dans la maison ? J'ai quand même le droit de me défendre, non ?" s'exclama Carrea.

"Assurément. Mais les choses ne se passent jamais comme dans les films. Une arbalète prend du temps à recharger. Il faut tirer une fois et ne pas rater. Sachant que les rôdeurs viennent souvent à plusieurs, Brad le baroudeur pense qu'on peut faire l'économie d'une arbalète et utiliser directement une épée."

"Je n'ai jamais entendu parler de Brad le baroudeur, pourquoi devrais-je me soucier de ce qu'il dit ?" demanda Carrea sur un ton acerbe.

"Brad le baroudeur est un masque-cagoule. L'intelligence collective des cybersophontes lui donne l'expérience et l'état d'esprit d'un ancien soldat de l'Armée Royale. Brad a aussi une expérience de journaliste de terrain."

Carrea regarda les magnifiques arbalètes accrochées à un mur de l'armurerie.

"Cette petite arbalète-pistolet me plairait bien, pourtant" finit-elle par dire.

"C'est toi la patronne" dit Xenophon de sa voix monocorde. "Où t'entraîneras-tu, si tu l'achètes ?"

"Dans le jardin."

"Il est petit. Les flèches risquent de ricocher contre un mur et finir dans les fenêtres des voisins" objecta Xenophon.

"Oh, qu'est-ce que tu m'énerves ! Armurier, montrez-nous les épées !"

Chez elle, Carrea aurait châtié Xenophon d'une bonne claque sur les fesses, mais elle n'était pas chez elle, et un reste de bonne éducation lui retint la main. L'avantage d'avoir un humanoïde domestique, c'est qu'on peut tout lui faire, à condition de ne pas l'endommager. Carrea en profitait sans vergogne, mais Xenophon lui avait appris les règles de la vie en société à Hyltendale. Ces règles, qui ont à peine changé depuis des siècles, imposent un comportement digne et réservé en public. Elles sont le contrepoids nécessaire à l'intensité des émotions chez le Mnarésien moyen.

Carrea, après avoir longuement discuté avec l'armurier, acheta une épée légère et effilée, avec une lame relativement courte, longue de seulement deux pieds.

"L'épée est assez longue pour parer les coups, mais pas trop longue, afin d'être facile à utiliser dans un couloir étroit ou au corps à corps" expliqua l'armurier. "La lame est à section triangulaire, et comme vous le voyez chacun des trois angles est finement dentelé, comme une scie. C'est pour empêcher quelqu'un de saisir la lame. Si vous tirez et poussez, les dentelures lui déchirent la main, même s'il porte des gants."

Le visage de Carrea se crispa. Elle n'aimait pas voir du sang, même en imagination. L'armurier continuait de parler :

"Cette épée n'est pas faite pour trancher d'un coup, comme un sabre japonais. C'est plutôt le principe de l'épée aztèque. Vous connaissez peut-être ? Non ? Les épées aztèques étaient faites d'un bâton plat, dont les côtés étroits étaient incrustés de lames d'obsidienne très coupantes. On pouvait décapiter un cheval avec une épée aztèque, en lui sciant la tête. Il fallait s'y prendre à plusieurs fois, mais on y arrivait. C'est pareil avec cette épée, mais elle est bien plus solide et plus efficace qu'une épée aztèque."

Il donna ensuite à Carrea quelques conseils d'utilisation :

"Lorsque vous tenez l'épée, faites attention à ce que la garde soit tournée vers le bas. Ainsi, vous êtes sûre que l'un des côtés dentelés soit lui aussi tourné vers le bas, ce qui vous permet d'utiliser l'épée comme une scie. Vous effleurez le bras de l'adversaire avec la lame de l'épée, et c'est comme s'il avait reçu un coup de scie à travers le bras... La manche de son vêtement est déchirée, la chair aussi, et le sang coule partout..."

"C'est affreux" dit Carrea.

L'armurier fit comme s'il n'avait pas entendu et continua ses explications :

"Par ailleurs, comme vous le voyez, la pointe de cette épée est longue et extrêmement effilée. C'est pour embrocher l'adversaire. Elle n'est pas dentelée, pour qu'on puisse la retirer rapidement, et réembrocher l'adversaire à nouveau. C'est l'usage normal de l'arme, on enfonce la pointe de l'épée dans le corps de l'adversaire. On appelle ça frapper d'estoc."

"Et si je tue quelqu'un qui entre chez moi sans mon consentement, qu'est-ce que je risque ?" demanda Carrea.

"Rien, s'il avait un tournevis dans la main" répondit l'armurier. "Encore mieux, s'il avait un pistolet, même factice. Légitime défense..."

Carrea acheta l'épée. Xenophon choisit une arme plus traditionnelle, un sabre d'infanterie à lame de soixante centimètres, comme celle de l'épée de Carrea, et à peine courbée.

L'armurier leur vendit aussi deux fleurets à pointe mouchetée, pour l'entraînement, deux masques d'escrime, et des fourreaux convenant à leurs armes.

"Tu connais l'escrime ?" demanda Carrea à Xenophon, lorsqu'ils furent sortis de l'armurerie.

"L'intelligence collective des cybersophontes connaît l'escrime, donc moi aussi" répondit l'androïde.

"Eh bien, on va pouvoir commencer dès demain à s'entraîner dans le jardin" dit Carrea. "Tu crois que ça inquiétera nos imbéciles de voisins ?"

"Non, puisqu'ils ne verront que nos épées d'entraînement."

De retour chez eux, Carrea et Xenophon déposèrent, l'une son épée, l'autre son sabre, à côté de leurs tables de chevet respectives, selon l'usage mnarésien. Ainsi, s'ils étaient réveillés la nuit par le bruit du verre blindé que l'on brise à coups de marteau, ils pourraient se saisir immédiatement de leurs épées.

"Si je dois me lever la nuit, je mettrai quand même ma robe de chambre avant de prendre mon épée" dit Carrea.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyLun 17 Oct 2016 - 0:13

Vers l'automne, certains habitants de la maison voisine prirent l'habitude de jeter des sacs d'ordures par les fenêtres, la nuit, dans le jardin de Carrea.

C'était insupportable. Carrea, au bord des larmes, dit à Xenophon que si ça ne cessait pas, elle voulait déménager tout de suite.

"Le Mnarésiens sont parfois mesquins et un peu méchants" lui répondit Xenophon. "Je crois que la meilleure solution, pour que tu retrouves ta tranquillité d'esprit, c'est d'acheter la maison voisine. Tu verras alors ce que tu fais des fenêtres."

Malgré les millions de dollars dont disposait Carrea, acheter la maison des voisins se révéla plus compliqué que prévu. Le propriétaire, un nommé Gregor, commença par refuser, puis comme Carrea insistait, il demanda le triple du prix normal, avant de transiger sur le double.

Carrea avait acheté sa maison par l'intermédiaire de la femme d'affaires cyborg Nata Ranwen, dont elle avait fait la connaissance lorsqu'elle avait acheté le Nagalbek. Nata Ranwen servit aussi de prête-nom pour l'achat de la maison de Gregor.

Les deux maisons appartenaient officiellement à une société créée pour la circonstance, la Solap, dont Carrea était propriétaire de 98% des parts, mais dont Nata Ranwen était la gérante. La maison où habitait Carrea était censée servir à héberger gratuitement des sans-logis. C'était évidemment faux, mais c'était ce que Nata Ranwen disait au fisc. La Solap servait aussi de société-écran pour les multiples affaires douteuses de Nata Ranwen, dont la spécialité était d'aider les étrangers en fuite à transférer à Hyltendale leur fortune mal acquise.

Une fois propriétaire de la maison Gregor, Carrea fit murer les appartements qui avaient été auparavant loués à des touristes, et les jets d'ordures cessèrent. Il restait quelques appartements dont les fenêtres avaient vue sur le jardin, mais ils étaient loués à des fembotniks, qui ne jettent pas d'ordures par les fenêtres, car ils savent que leurs gynoïdes les dénonceraient.

La tranquillité retrouvée de Carrea ne dura pas longtemps. Elle reçut plusieurs e-mails de son fils, Sigmond, qui voulait absolument la revoir. Sigmond avait prévu de passer quelques jours à Hyltendale pour faire du tourisme, écrivit-il à sa mère, et il avait décidé d'en profiter pour la revoir et lui présenter sa fiancée, Alicia.

Carrea accepta. Elle ne le savait pas, mais Alicia était la nièce d'une des femmes licenciées de la banque Fourgon suite aux manœuvres frauduleuses de Carrea. Ermine, la tante d'Alicia, n'avait pas pu retrouver d'emploi après son licenciement. Au bout de quelques mois, elle s'était retrouvée à la rue avec ses deux enfants, étant incapable de payer son loyer. Les services sociaux lui avaient alors pris ses enfants, comme la loi le leur imposait lorsque les parents ne pouvaient plus ni les nourrir ni les loger, et Ermine s'était suicidée le lendemain.

Alicia était étudiante à Padza, dans la même université que Sigmond. Après avoir beaucoup pleuré, et la colère succédant au chagrin, elle avait décidé de venger sa tante, soit en faisant en sorte que Carrea se retrouve en prison, soit en la tuant comme Carrea avait elle-même indirectement tué Ermine. Elle connaissait Sigmond par des amis communs. Il lui était indifférent en tant que garçon, mais néanmoins elle entreprit de le séduire, afin qu'il la conduise à sa mère.

Sigmond, qui se sentait mis à l'écart, étant le fils d'une femme détestée dans tout le Padzaland, tomba instantanément amoureux d'Alicia. Garçon timide, fils unique qui avait toujours peur de ne pas être à la hauteur par rapport à ses parents, Sigmond était une proie facile pour une jeune femme jolie, intelligente et déterminée comme Alicia.

Mais plus elle connaissait Sigmond, plus elle le trouvait sympathique. Il n'avait certainement rien de commun avec sa banquière de mère. Alicia avait hâte que ce qu'elle appelait sa mission se termine. Même si elle aimait bien Sigmond, pour rien au monde elle n'aurait voulu l'épouser et prendre le nom détestable de Foliat.

Le grand jour du départ pour Hyltendale arriva. Sigmond avait prévu de rester cinq jours à Hyltendale, dans un hôtel de Roddetaik, à l'est de la ville. Vu ce qu'il avait lu, cinq jours, c'était largement suffisant pour faire du tourisme à Hyltendale. Mais il espérait secrètement se réconcilier avec sa mère, malgré tout le mal qu'elle avait fait à son père en le dénonçant au fisc.

Sigmond avait prévenu sa mère de son arrivée, et elle lui avait répondu qu'elle viendrait le voir le soir dans son hôtel. Carrea avait toujours été méfiante, mais depuis qu'elle vivait à Hyltendale sa méfiance était presque devenue de la paranoïa. Elle craignait que son fils, ou la fiancée de celui-ci, ne communique son adresse aux autorités padzalandaises, qui demanderaient ensuite son extradition, malgré l'absence de traité entre les deux pays. Carrea avait aussi peur que les gens dont elle avait ruiné la vie viennent jusque chez elle pour se venger, si son adresse était publiée sur les réseaux sociaux.

Le rendez-vous avait été donné à dix-neuf heures dans le hall de l'hôtel. À l'heure indiquée, Sigmond et Alicia virent arriver Carrea, vêtue d'un ensemble veste-pantalon noir et accompagnée d'un androïde en costume bleu.

Carrea, pour l'occasion, avait mis une perruque blonde, sa couleur naturelle, pour dissimuler ses cheveux coupés très courts et teints en noir. Elle avait aussi enlevé les grosses lunettes à monture de plastique rouge qu'elle portait pour éviter d'être reconnue. Devant son fils et la fiancée de celui-ci, elle ne voulait pas avoir l'air déguisée.

Sigmond et Carrea s'embrassèrent avec émotion. Puis Sigmond présenta Alicia, sa "fiancée", et Carrea présenta Xenophon, "mon serviteur" dit-elle.

Carrea sourit à Alicia, qui se força à sourire en regardant celle qu'elle haïssait sans l'avoir jamais rencontrée auparavant. Carrea venait d'avoir cinquante-sept ans. Elle était bien conservée pour son âge, avec un regard bleu et vif dans un visage à peine ridé. Alicia avait vu des photos de Carrea dans la presse, mais c'était tout autre chose d'avoir Carrea Foliat, la banquière en fuite, en face de soi, et de lui serrer la main.

Sigmond et Alicia n'avaient jamais vu un androïde de près avant d'arriver à Hyltendale, c'est-à-dire quelques heures auparavant. En sortant de l'hydravion, ils avaient vu des douaniers, des dockers, le chauffeur du bus, et les employés de l'hôtel. Tous des androïdes, à part quelques gynoïdes qui travaillaient à l'hôtel. Sigmond et Alicia étaient encore sous le choc du dépaysement, accentué par les intonations de la langue mnarruc, qu'ils ne comprenaient pas. Mais, comme il est écrit dans les brochures pour touristes, tous les humanoïdes répondent en français lorsqu'on leur parle dans cette langue.

Les panneaux et les affiches étaient toutes en mnarruc, cependant. Mais à l'intérieur de l'hôtel, tout ce qui était écrit était bilingue mnarruc-anglais. Contrairement à Carrea, Sigmond et Alicia étaient loin d'être bilingues, mais ils savaient se débrouiller en anglais.

Xenophon avait la même taille, le même visage et la même voix que tous les cyborgs qu'ils avaient vus dans l'après-midi. Il ne se distinguait de ses semblables que par ses vêtements, et par la clé USB rouge qu'il portait en pendentif autour du cou. Il dit d'une voix aussi précise et monocorde qu'un message enregistré :

"Je suis Xenophon, l'androïde domestique de Carrea Foliat. Je vous présente mes respects, Madame et Monsieur."

Ils décidèrent de dîner dans le restaurant de l'hôtel, au premier étage. Dès le début du repas, plusieurs choses surprirent Sigmond et Alicia.

Xenophon ne buvait que de l'eau, et comme plat unique il commanda un bol d'eau parfumée à la menthe, qu'il but très lentement, à la petite cuiller. Il tutoyait Carrea et l'appelait par son prénom. Voyant le regard surpris de son fils, Carrea passa son bras autour des épaules de l'androïde et l'embrassa sur la joue :

"Xen, c'est mon chéri-chéri à moi" dit-elle en minaudant. "C'est mon gros ours en peluche."

Sigmond regarda l'androïde sans comprendre. Il savait que des femmes d'âge mûr allaient à Hyltendale pour louer les services d'androïdes, mais il ne se serait jamais douté que sa mère en faisait partie.

"Elle nous a tout fait" se dit-il en lui-même. "Elle a d'abord déshonoré la famille avec ses escroqueries. Ensuite, elle a ruiné mon père en le dénonçant au fisc. Maintenant elle nous fait honte en s'affichant avec un robot."

Sigmond s'enferma dans le silence jusqu'à la fin du repas. Alicia tenta de cuisiner Carrea :

"Est-ce que vous êtes bien logée à Hyltendale ?"

"Je n'ai pas à me plaindre, j'ai trouvé un logement confortable."

"Vous avez une maison ou un appartement ? C'est dans quel quartier ?"

"Je pense déménager un jour, je vis dans le provisoire. J'ai prévu de changer de quartier. Là où je vis actuellement, pour moi, ça ne compte pas."

Carrea répondait systématiquement à côté des questions, ce qui énervait Alicia.

"Décrivez-nous l'endroit où vous vivez, ça rassurera Sigmond, il s'inquiète pour vous" dit-elle perfidement.

La ficelle était un peu grosse, surtout pour une femme aussi intelligence que Carrea.

"Mais il ne faut pas t'inquiéter pour moi, mon Sigmond chéri ! Regarde, je suis bronzée et en pleine forme ! Et je n'ai pas pris un gramme depuis que je vis à Hyltendale ! Je n'ai pas maigri non plus, comme tu vois ! J'ai de l'appétit, et comme tu le vois, je ne vais pas laisser une miette de ce canard farci !"

"Et Xenophon, qu'est-ce qu'il pense de son logement ?" demanda Alicia.

"Ce qui plaît à Carrea me plaît à moi aussi."

"Vous avez quand même une idée personnelle," insista Alicia.

"Un humanoïde domestique n'a pas d'idées personnelles. Elle est la patronne, je suis le serviteur."

Alicia le regarda en souriant. Elle imaginait Carrea et Xenophon dormant ensemble... La vieille garce qui avait tué tante Ermine en lui faisant perdre son travail, au lit avec l'androïde servile et obséquieux... À Padza, Alicia avait visionné des extraits de films p0rnos hyltendaliens, par curiosité. Ce genre de film était diffusé gratuitement, comme publicité pour Zodonie. C'était hallucinant. Carrea devait se faire son cinéma p0rno toutes les nuits avec son androïde, et Alicia en ressentit un profond dégoût.

Lorsque arriva le dessert, Sigmond semblait réconcilié avec l'idée que sa mère louait les services d'un amant cybernétique. Cela valait mieux que de tomber entre les pattes d'un gigolo ou d'un escroc. Au moins, avec Xenophon, sa mère gardait le contrôle de la situation.

"Je voudrais aller chez vous pour voir comment vous vivez, être sûre que tout va bien pour vous..." dit Alicia.

"Merci de vous soucier de moi, Alicia. Mais chez moi, en ce moment, ce n'est pas prévu pour recevoir des invités."

La jeune femme vit dans les yeux de Carrea une lueur qu'elle ne sut pas identifier. Amusement, ironie ? Carrea  avait l'air d'être une forte femme.

Xenophon décrivit les principales attractions d'Hyltendale, et expliqua à Sigmond comment s'y rendre en autobus.

"Vous habitez dans quelle rue, Xenophon ?" lui demanda soudainement Alicia. Logiquement, un robot doit répondre à une question posée par un humain. Tant pis si ça ne plaisait pas à la vieille carne.

Mais Xenophon et Carrea avaient longuement discuté, après que Carrea avait accepté de revoir son fils. Carrea avait dit à l'androïde qu'elle ne voulait pas que quiconque connaisse son adresse. Même pas son fils.

"Je vous remercie de vous soucier de savoir où j'habite" répondit Xenophon. "Mais un serviteur ne doit pas donner de renseignements sur son maître sans l'accord de ce dernier. C'est une règle de base pour nous. Vous savez que mon adresse est celle de ma patronne, donc vous donner le nom de la rue où j'habite, ce serait donner un renseignement sur ma patronne. Je suis programmé pour être incapable de le faire sans l'accord explicite de celle-ci."

"Habiter dans telle ou telle rue, quelle importance..." dit Carrea. "On déménagera un jour, de toute façon."

Alicia n'insista pas.

Carrea paya le repas avec sa carte de crédit. Alicia vit que c'était une carte hyltendalienne... HyltenBank...

"C'est moi la plus riche ici, c'est normal que je paye !" dit Carrea en riant.

Alicia se mordit la langue et serra les poings sous la table. L'argent de Carrea, c'était le sang de sa tante Ermine.

Avant de quitter le restaurant, Alicia tenta sa chance une dernière fois :

"Nous allons sans doute nous revoir, n'est-ce pas, avant que Sigmond et moi nous repartions pour Padza ?"

"Bien sûr, ma petite Alicia. Je connais un restaurant absolument merveilleux à City Center, je vous y inviterai tous les deux... Maintenant, je dois partir... Je vous embrasse..."

Devant l'hôtel, à la lueur des réverbères, Sigmond et Alicia virent Carrea et Xenophon se diriger vers le parking.

Alicia les suivit, pour relever le numéro d'immatriculation de leur voiture.

Mais elle vit Carrea et son amant androïde monter à bord d'un tricycle à passager, véhicule non immatriculé, et disparaître au bout de la rue.

Plus tard, dans la chambre, Alicia dit à Sigmond :

"Ce n'est pas  normal que ta mère refuse de dire où elle habite ! Ça me rassurera de savoir où elle habite ! Et ça te rassurera toi aussi !"

"Oui, tu as raison, je vais insister auprès d'elle" répondit Sigmond d'une voix songeuse.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 28 Oct 2016 - 0:17

Sigmond et Alicia s'étaient vite aperçus que leurs téléphones portables padzalandais ne fonctionnaient pas au Mnar, les réseaux des deux pays n'étant pas interconnectés. Ils avaient alors acheté des téléphones mnarésiens bon marché, avec lesquels ils appelaient de temps en temps leurs messageries vocales respectives.

Le quatrième et avant-dernier jour de ses vacances à Hyltendale avec Alicia, Sigmond eut la surprise d'entendre sur sa messagerie la voix de son père, Sam Foliat :

"Sigmond, nous sommes aujourd'hui mercredi. Je serai à Hyltendale ce soir. Je t'invite à déjeuner demain au restaurant avec ta fiancée. Rappelle-moi dès que possible, ou envoie-moi un message-texte, pour fixer les modalités."

Après avoir échangé une demi-douzaine de messages-textes, Sigmond et son père arrivèrent à se mettre d'accord, et se retrouvèrent, avec Alicia, dans un restaurant de Playara.

Alicia connaissait déjà Sam Foliat. C'était un homme proche de la soixantaine, à la bedaine proéminente et aux cheveux gris, vêtu d'un élégant costume gris, comme l'homme d'affaires prospère qu'il était.

Après les embrassades d'usage, Sam dit à son fils :

"J'ai choisi ce restaurant parce qu'il a la réputation d'être le meilleur restaurant à poisson d'Hyltendale. Ils ont aussi l'une des meilleurs caves à vin de l'Ethel Dylan. Mais ce n'est pas seulement pour manger du poisson que je suis venu à Hyltendale. Comme tu le sais, j'ai la police fiscale sur le dos à cause de ta mère. Elle m'a dénoncé aux gens des impôts quand j'ai demandé le divorce..."

"Oui, oui, je sais" dit Sigmond. Son père lui avait déjà raconté cent fois ce que Carrea lui avait fait.

"Mon avocat est formel, je vais m'en tirer avec une amende, mais elle risque d'être très, très salée."

"Pourquoi la justice serait-elle plus sévère avec toi qu'avec quelqu'un d'autre ?" demanda Sigmond.

"Parce qu'à cause des conneries de ta mère... Je parle de ce qu'elle a fait à la banque Fourgon... Tout le monde déteste le nom de Foliat à Padza. Et la justice voudra faire un exemple avec moi, maintenant que tous mes amis influents m'ont lâché. Voila ce que je crains."

Le serveur, un androïde en tenue blanche et noire, les conduisit jusqu'à la table réservée quelques heures plus tôt par Sam. À travers la grande baie vitrée, ils avaient vue sur la mer, tout en étant protégés des ardeurs du soleil d'automne par un auvent.

Ils prirent place et commandèrent en apéritif une demi-bouteille de vin de lune rouge et sirupeux, des entrées mêlant légumes froids à la vinaigrette et viande de crabe, et, pour accompagner le plat principal, du vin jaune de Baharna.

"Alors tu viens ici pour te détendre quelques jours, comme Alicia et moi ?" demanda Sigmond en sirotant son vin de lune.

"Pas seulement, fils, pas seulement. Je sais à quoi tu penses... Non, je n'ai aucune envie de revoir ta mère. Même si elle me suppliait à genoux de la reprendre..."

"Alicia et moi nous avons dîné avec elle il y a trois jours. Elle est venue avec un androïde. Un gigolo cybernétique dont elle loue les services. Tant qu'elle aura vingt millions de dollars sur son compte HyltenBank, elle ne reviendra pas," dit Sigmond, sans pouvoir s'empêcher de sourire. Son père se prenait toujours pour un playboy, sans se rendre compte qu'il vieillissait et prenait du ventre.

Le visage de Sam se contracta, et une lueur traversa son regard, mais il ne dit rien.

"Fiston," dit-il d'une voix calme, "et toi aussi, Alicia. Vous avez le droit de savoir. Ce n'est pas grand-chose, finalement. J'ai décidé de mettre la moitié de ma fortune à l'abri à Hyltendale. Cinquante millions de dollars. J'ai rendez-vous cet après-midi avec un banquier. Tout se fera légalement, mais rapidement, avant qu'un tribunal padzalandais ait le temps de me confisquer tout mon argent."

"Et si un tel malheur devait arriver... ?" demanda Sigmond. "Je veux dire, si tu étais condamné à perdre tout ton argent au profit de l'État ?"

"Dans ce cas, adieu Padzaland, bonjour Hyltendale... Je me suis documenté. J'ai même commencé à apprendre le mnarruc."

"Ah, le mnarruc... Maman ne parle pas un mot de mnarruc, tu sais, et pourtant elle se débrouille très bien ici. Tous les humanoïdes parlent français. L'intelligence collective qui les contrôle connaît le français, et tout ce qu'elle sait est accessible aux humanoïdes."

"Oui, mais les humains d'ici, ils ne parlent que leur langue..." objecta Sam.

"Il y a des clubs de francophones à Hyltendale. Tu y verras des diplomates, des hommes d'affaires comme toi, des journalistes. Des gens venus de tous les pays du monde où l'on parle français. Mais tu ne risqueras pas d'y rencontrer maman. Elle a trop honte pour se montrer, après le scandale Fourgon... Même à nous, elle n'a pas voulu donner son adresse."

"Je vois. Mais écoute-moi bien, Sigmond. Si je m'installe ici, ce ne sera pas en touriste. Je veux pouvoir parler avec les gens d'ici, lire le journal... Mon objectif sera de me sentir chez moi au Mnar..."

Sigmond soupira et regarda brièvement Alicia, puis se tourna de nouveau vers son père :

"Tu fais comme tu veux... Si j'ai bien compris, tout dépendra de la décision que prendra le juge fiscal de Padza à ton égard. Après le scandale Fourgon, un autre Foliat se fait remarquer, et cette fois-ci, c'est pour fraude fiscale... Comment je vais faire, moi, pour trouver du travail, avec le nom de Foliat, qui me colle à la peau comme si j'avais une étiquette dans le dos ?"

Sam eut l'air de réfléchir, puis il dit :

"J'ai encore des relations à Padza. Des amis sûrs. Mais si jamais je dois quitter le Padzaland, je ne vois qu'une solution... Tu viens me rejoindre à Hyltendale, et je t'achète une entreprise sur place, que tu devras gérer. Un hôtel, par exemple."

"En somme, moi aussi j'ai intérêt à apprendre le mnarruc..."

Le serveur venait d'apporter le plat principal, des limandes au citron.

"Ça peut toujours servir" dit Sam, tout en découpant son poisson avec une habileté et une précision presque chirurgicales.

"Papa, il y a quelque chose que tu ne veux pas dire qui t'attire à Hyltendale. Et je ne pense pas qu'il s'agisse seulement des gynoïdes de Zodonie."

"Fiston, tu connais bien ton vieux filou de père. Ce n'est pas la première fois que je vais à Hyltendale. Ce que j'aime dans cette ville, c'est ce que le philosophe Karmotsam appelle l'ordre social cybernétique... Chacun est à sa place, chacun a des droits et des devoirs. En bas de l'échelle, les travailleurs pauvres de l'Institut Edonyl et des Jardins Prianta. Au sommet, le roi. Entre les deux, le reste de la population. Tout le monde mange à sa faim et est logé et soigné. La criminalité est rare, et punie sans faiblesse. Tout fonctionne bien, grâce aux cybersophontes."

"Sam, vous oubliez les bannis, qui sont envoyés à Hyagansis, d'où ils ne reviennent jamais..." dit Alicia, qui n'était pas encore intervenue dans la conversation.

"Encore un peu de vin jaune ? Il se marie très bien avec le goût du poisson," lui répondit Sam, en lui remplissant d'autorité son verre.

"Les bannis..." continua-t-il d'une voix rêveuse. "Ces ennemis du roi, ces asociaux, ces errants... Des fanatiques dangereux, aussi. On ne peut quand même pas reprocher au roi Andreas d'exiler les théocrates de Yog-Sothoth ! Il a de la chance, Andreas, que la principauté de Hyagansis accepte de faire travailler les bannis du Mnar dans ses installations sous-marines... Le Padzaland est plein de fugitifs mnarésiens. Heureusement qu'il y a Hyagansis, sinon on en aurait encore plus sur les bras... "

Les doigts d'Alicia se crispèrent sur sa fourchette et son couteau. Comme la plupart des Padzalandais de son âge, elle détestait toute forme de dictature. Depuis la chute d'Adront Cataewi en Cathurie, le dictateur qu'elle détestait le plus, c'était le roi Andreas du Mnar. Cataewi était un psychopathe dangereux, et ça se voyait même à la télévision. Andreas, au contraire, était toujours maître de lui-même, et ce qu'il disait en public avait toujours au moins l'apparence du raisonnable. Alicia considérait qu'il n'en était que plus ignoble.

Tout en essayant de manger sa limande, Alicia pensait à sa tante, Ermine, qui s'était suicidée, quelques mois après avoir été licenciée de la banque Fourgon à cause des agissements de Carrea, la mère de Sigmond. Alicia avait décidé de tuer Carrea, pour venger sa tante. Elle avait séduit Sigmond pour qu'il la conduise à sa mère. Effectivement grâce à Sigmond, elle avait bien rencontré Carrea, mais elle n'avait rien pu faire. Et maintenant, c'était Sam, le père de Sigmond, qui se laissait aller à des divagations pro-cybersophontes et pro-monarchie...

Sam remarqua que celle qu'il considérait comme sa future belle-fille semblait sur le point de vomir.

"Vous allez bien, Alicia ?" lui demanda-t-il.

"Je vais prendre l'air" répondit-elle en se levant. Elle prit son sac à main et sa veste et se dirigea vers la sortie du restaurant.

Sigmond l'a rattrapa juste avant qu'elle ne passe la porte.

"Fous-moi la paix !" lui cria-t-elle. "J'en ai marre de ta famille de tarés ! Je m'en vais !"

Humilié devant le personnel et les clients du restaurant, Sigmond revint s'asseoir auprès de son père. Alicia avait disparu dans la rue.

"Cette fille n'est pas assez bien pour toi" dit Sam.

"Non, c'est elle qui est trop bien pour moi. Mais tu sais, parfois, j'ai l'impression qu'elle ne m'aime pas. Elle me donne toujours l'impression de se forcer. Mais je l'aime. Je n'en trouverai jamais une autre comme elle."

"Tu fais erreur, mon fils. Si tu l'épouses, tu le regretteras. Crois-moi. C'est une foldingue, ça se voit tout de suite. Et plus les années passeront, plus ce sera pire. Après la limande au citron, est-ce que tu as envie d'un dessert ou d'un café ?"

"Non."

"Moi non plus. Allez, je t'accompagne en bus jusqu'à ton hôtel. Tu vas te coucher et ensuite tu rentreras tranquillement à Padza. C'est un long voyage, et les longs voyages c'est fatigant. Et n'aies pas peur de rentrer seul à Padza. Comme on dit, mieux vaut être seul que mal accompagné."

Sam appela le serveur pour demander l'addition. Assis sur sa chaise, le visage dans les mains, Sigmond essayait de ne pas pleurer.

Il craqua dans le bus, et les autres passagers le regardèrent d'un air ahuri, pendant qu'il s'essuyait les yeux avec un mouchoir en papier entre deux sanglots.

Lorsqu'il entra dans sa chambre, à l'hôtel, il vit qu'Alicia était déjà passée. Elle avait pris sa valise, et n'avait même pas laissé un mot d'explication. Sans doute avait-elle avancé la date de son retour à Padza. Ils n'étaient censés partir que le lendemain. Sigmond voulait retrouver Alicia, lui dire dans l'hydravion combien il l'aimait et voulait la garder.

Mais quelque chose en lui pensait rationnellement. Il reverrait Alicia à Padza, ce n'était qu'une question de jours. Et il savait au fond de lui-même que son père avait raison. Alicia était folle.

Il téléphona à son père, qui lui avait donné le numéro de son téléphone portable hyltendalien, et il lui dit qu'apparemment Alicia était repartie pour Padza.

Sam sentait que son fils avait besoin de lui. En même temps il était contrarié par cette histoire ridicule. Il avait beaucoup de choses à faire en un jour et demi, avant de rentrer à Padza lui aussi, un jour après son fils.

"Tu ne dois pas rester seul à désespérer bêtement" dit-il à Sigmond. "Dans l'état où tu es, tu risques de faire une connerie. Je vais louer une gynoïde pour toi, tout de suite. Elle te rejoindra dans ta chambre d'hôtel, et elle t'aidera à faire le point."
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 28 Oct 2016 - 1:18

Pourquoi la justice padzalandaise s'acharne sur Sam alors qu'elle a la Carrea (principale coupable du scandale bancaire) sur place. Ils doivent quand même faire la part des choses et préférer poursuivre un escroc notoire (la femelle) présent plutôt qu'un homme (l'ex-mari) soupçonné sur dénonciation de la précédente, d'avoir détourné une somme d'argent, même importante (seulement aux dires de la délatrice). Devant un dilemme comme ça, je n'hésiterais pas une seconde, surtout vu la misère et les suicides que cette manœuvrière a provoqué. À moins... à moins que la justice fiscale fasse semblant de s'intéresser aux délations de la Foliat pour qu'elle se sente en confiance, et qu'au moment où elle s'attend le moins, hop ! les flics de la financière lui tombe dessus : « Suivez nous sans résister, Mme Foliat, vous êtes en état d'arrestation pour plusieurs chefs d'accusation ». Ce serait une belle revanche pour Sam, parce qu'alors il pourrait divorcer sans payer un ducat, et ce, le plus officiellement du monde.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 28 Oct 2016 - 10:22

Anoev a écrit:
Pourquoi la justice padzalandaise s'acharne sur Sam alors qu'elle a la Carrea (principale coupable du scandale bancaire) sur place.
Justement, Carrea s'est enfuie à Hyltendale, et elle pousse la prudence jusqu'à dissimuler son adresse même à sa famille. Hyltendale est au Mnar, très loin du Padzaland. Carrea est donc hors de portée de la justice padzalandaise.

Anoev a écrit:
Ce serait une belle revanche pour Sam, parce qu'alors il pourrait divorcer sans payer un ducat, et ce, le plus officiellement du monde.
Ça, c'est pas sûr, parce que même incarcérée, Carrea pourrait se faire représenter par son avocat, le très habile Maître Firmio.

L'avocat ne manquerait pas de faire valoir devant la justice qu'il serait scandaleux d'accorder le divorce à quelqu'un qui est tout aussi malhonnête que sa cliente, mais qui a réussi à négocier avec le fisc pour ne pas faire de prison. Maître Firmio pourrait aussi plaider le fait que ce sont les infidélités du mari qui ont troublé l'esprit de sa cliente et l'ont amenée à faire n'importe quoi dans son travail. Maître Firmio est capable de convaincre n'importe quel jury que le vrai coupable, c'est le mari !
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 28 Oct 2016 - 10:36

Ah, c'est vrai, j'avais oublié qu'elle aussi avait foutu l'camp à Hyltendale et qu'elle vivait dans cette maison~jardin, dont ledit jardin avait été souillé par des voisins indélicats.

Je suppose que si Carrea a Me Firmio, Sam doit aussi avoir un avocat à la hauteur, c'est à espérer que ledit avocat doit avoir dans sa manche quelques bottes imparables par son confrère.

N'empêche, la gravité du délit de Sam (s'il est avéré, pour l'instant, on n'a que les allégations de son ex, l'enquête se poursuit) est beaucoup moins importante que celle de Carrea (même si Me Firmio tente d'inverser la vapeur, comme on dit) ; je suppose que l'avocat de Sam réussira à rendre les faits dans leur juste proportions, et à décharger son client au préjudice de l'ex-épouse, qui elle ne s'est pas contentée de planquer de l'argent.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptySam 29 Oct 2016 - 0:51

Après avoir fini de parler avec son père, Sigmond s'était allongé sur le lit de sa chambre d'hôtel, téléviseur allumé. Le client précédent avait laissé l'appareil réglé sur une chaîne mnarésienne d'information continue, et Sigmond regardait les images défiler, sans comprendre un mot de ce que disaient le présentateur et sa collègue.

Il n'arrivait pas à s'empêcher de penser à Alicia. Il ferma les yeux et se laissa bercer par les douces sonorités de la langue mnarésienne. Il avait dû s'endormir, car la sonnerie de son téléphone portable le réveilla. Il décrocha et entendit une voix féminine, qui parlait en français :

"Monsieur Sigmond Foliat ? Je suis la gynoïde Azadée. C'est votre père qui m'envoie vers vous. Puis-je monter jusqu'à votre chambre ? À moins que vous ne préfériez descendre au bar de l'hôtel ?"

"Je n'ai pas envie de descendre au bar. Montez."

Trois minutes plus tard, quelqu'un frappa à la porte. Sigmond ouvrit. Une gynoïde de taille moyenne, aux longs cheveux blonds contrastant avec ses yeux cybernétiques, se tenait face à lui. Elle portait un petit imperméable de plastique vert, ouvert sur un chemisier rose et un pantalon noir.

"Je suis Azadée. Votre père m'a demandé de venir vous réconforter."

Sigmond lui fit signe d'entrer. "Vous savez, je ne suis pas très en forme aujourd'hui, avec ce qui m'est arrivé. Mais j'ai envie de discuter. Je sais que vous les gynoïdes, vous faites aussi du soutien psychologique" dit-il en articulant péniblement.

"Alors, asseyons-nous sur le rebord du lit, ce sera plus commode pour se parler, et plus confortable que de rester debout" répondit la gynoïde en joignant le geste à la parole. Elle parlait sans accent, d'une voix un peu lente, qui évoquait les messages enregistrés que l'on entend dans les gares et les aéroports.

Sigmond s'assit à côté d'elle. La gynoïde engagea la conversation, commençant par des généralités concernant les relations entre les hommes et les femmes. Puis elle aborda, par petites touches, l'histoire personnelle de Sigmond. Elle n'en connaissait presque rien, seulement ce que Sam lui avait dit, mais Sigmond lui raconta tout.

"Il me semble que si Alicia était restée, votre relation aurait fini par se détériorer de toute façon" dit Azadée.

"Je n'ai personne d'autre" avoua Sigmond. "Aucune autre fille ne m'a jamais aimé au point d'avoir envie de vivre avec moi."

"Votre père est riche" dit Azadée. "Vous êtes un jeune homme au physique normal, à l'intelligence supérieure à la moyenne, et riche. Alicia est belle, m'avez-vous dit. Elle est étudiante à l'université de Padza, comme vous. C'est une université très sélective, donc je pense que son intelligence est comparable à la vôtre. Est-elle riche ?"

"Non. Elle est boursière. Elle n'a jamais voulu que je rencontre sa famille. Ni ses amis."

"N'a-t-elle pas, à travers vous, essayé d'obtenir quelque chose ? Comme un statut social, l'accès à la vie agréable que mènent les riches Padzalandais, par exemple."

"Non, rien de tout cela. Tout ce qu'elle voulait, c'était rencontrer ma mère. C'est un peu pour ça que nous sommes allés en vacances ici, à Hyltendale, parce que ma mère habite à Hyltendale. Lorsque nous avons dîné tous les quatre, elle insistait pour connaître son adresse. Après le repas, elle voulait que je persuade ma mère de lui donner son adresse."

"Vous avez dîné tous les quatre ? Qui était le quatrième ?"

"Un androïde nommé Xenophon" dit Sigmond, en prononçant le nom à la mnarésienne, "khénoponn", avec un raclement de gorge à l'initiale.

Azadée se figea. Cela ne dura qu'une seconde, mais ce fut suffisant pour que Sigmond s'en aperçoive. Comme beaucoup de Padzalandais, il était assez bien informé sur les humanoïdes. Il savait que leurs cerveaux sont connectés par radio aux intelligences artificielles qui les contrôlent. Devant lui, Azadée venait de transmettre une information à une intelligence artificielle, et sans doute d'en recevoir une réponse. Ou peut-être, de passer sous le contrôle direct d'un cerveau lointain...

"Votre mère est recherchée par la police padzalandaise et Alicia essaye par tous les moyens de connaître son adresse à Hyltendale" dit Azadée. "Lorsqu'elle voit que c'est impossible, elle fait une scène en public et vous quitte sur le champ. C'est bizarre, non ?"

"Oui, c'est bizarre" dit Sigmond, qui commençait à se sentir mal à l'aise. "Mais je suis sûr qu'Alicia ne fait pas de politique."

"Mais, peut-être, c'est juste une hypothèse ce que je dis là, comprenez-moi bien, elle pourrait rendre service à quelqu'un. À un policier padzalandais, par exemple. Ou à un détective privé."

"Je ne veux pas penser à ça..."

"Je ne suis pas là pour enquêter, alors je ne vais pas pousser plus loin les hypothèses," dit Azadée. "Oublie cette fille, Sigmond. Tu es jeune, beau, riche et intelligent. Tu mérites mieux qu'une espionne. Prends-moi dans tes bras..."

Quelques heures plus tard, Sam rejoignit son fils et Azadée au restaurant de l'hôtel. Sigmond paraissait un peu fatigué, mais plutôt bien remis de son chagrin d'amour, au grand soulagement de son père.

"J'ai décidé d'apprendre le mnarruc" dit Sigmond. "Mais je veux aussi décrocher mon diplôme, trouver un travail à Padza, fonder une famille... Mener une vie normale, quoi. Hyltendale, pour moi, ce ne sera jamais qu'un plan B."

"À la fac, tu risques de revoir Alicia. Elle pourrait te faire une réputation d'enfer" dit Sam d'un air soucieux. "J'ai un ami bien placé qui a accès aux bases de données du Ministère de l'Éducation. Si cette fille te cause des problèmes, je mettrai des détectives privés sur son dos."

"Seulement si elle cause des problèmes à Sigmond, n'est-ce pas ?" dit Azadée, qui parlait avec la liberté de ton fréquente chez les gynoïdes de charme.

"Oui, je ne veux pas qu'elle ait des problèmes, si elle me fiche la paix" dit Sigmond en regardant son père droit dans les yeux.

"Comme tu veux, fiston..."

Pendant ce temps, Alicia était à Fotetir Tohu, le port maritime d'Hyltendale, assise dans la grande salle d'attente, au milieu du bourdonnement des conversations des autres passagers. Elle attendait de pouvoir embarquer dans l'hydravion de nuit à destination du Padzaland. Une heure plus tôt, elle avait rendu son téléphone portable mnarésien dans le kiosque d'Antopa, la société hyltendalienne de téléphonie, et elle se trouvait donc provisoirement sans moyens de communication, tant qu'elle ne serait pas rentrée à Padza.

Elle pensait à Sigmond, en essayant de se persuader qu'elle l'avait aimé, mais elle n'arrivait pas à faire disparaître le sentiment de souillure qu'elle avait, à l'idée d'être sortie avec lui pendant des mois, et d'avoir subi ses étreintes sans en avoir envie. Et bientôt, elle le reverrait à la fac... Ce ne serait pas facile de s'éviter tout le temps.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyMar 1 Nov 2016 - 14:57

Renoela Bularkha, la reine du Mnar, était une femme discrète. Mais parfois même les gens discrets se font remarquer. C'est ainsi que Sigmond, qui attendait dans un hall bruissant de conversations d'être autorisé à monter dans l'hydravion qui allait le ramener au Padzaland, apprit le nom de la reine.

Des écrans géants, réglés sur une chaîne d'information continue, étaient installés à divers endroits du hall, pour aider les passagers à supporter les longues attentes. Les nouvelles circulaient en boucle, sous-titrées en anglais et en japonais.

La reine Renoela, disait le présentateur, avait profité d'une escale de son avion privé au Padzaland pour annoncer à la fois son intention de demander l'asile politique dans le pays, et sa décision de divorcer du roi Andreas.

Sur l'écran de télévision, la reine était une grande et belle femme d'environ quarante-cinq ans. Elle était interviewée en mnarruc par un journaliste padzalandais bilingue, mais Sigmond lisait la traduction en anglais qui s'affichait en bas de l'écran.

Renoela paraissait émue, et parlait d'une voix forte :

"Que mon mari ne se fasse pas d'illusions ! Je sais tout, je connais ses secrets les plus infâmes, et je suis prête à tout révéler !"

"Ce que vous appelez des secrets infâmes, ne serait-ce pas ce que le reste de l'humanité appelle des crimes ?" demanda le journaliste.

"Il y en a..." répondit la reine. "Mais je dois discuter avec les autorités padzalandaises avant de parler. Je ne veux rien révéler tant que mes parents et le reste de ma famille sont retenus au Mnar. Je connais mon mari, il n'aurait aucun scrupule à se venger sur des innocents."

Les nombreux passagers présents dans le hall commentaient entre eux l'information, qu'ils considéraient comme de la plus grande importance.

Sigmond, quant à lui, était d'humeur morose. Il pensait surtout à Alicia et à Azadée, avec l'intensité de la jeunesse. La vie du couple royal mnarésien ne l'intéressait pas. Une voix féminine annonça en plusieurs langues que les passagers de l'hydravion de 22h16, vol 1353 vers le Padzaland, étaient priés de se diriger vers la porte numéro deux. Sigmond se dirigea vers la porte numéro deux et ne pensa plus à la reine Renoela.

Au même moment, bien loin de là, les déclarations de la reine semaient la panique au Palais Royal de Sarnath, et donnèrent lieu à une réunion d'urgence, en pleine nuit, entre le roi, Yip Kophio le directeur de la Police Secrète, et le baron Chim, l'incontournable conseiller cyborg. Ces trois hommes puissants et expérimentés en arrivèrent à la conclusion que la reine ne pouvait pas connaître tous les secrets royaux. Tout au plus pouvait-elle donner de la crédibilité aux rumeurs les plus folles qui couraient sur le Mnar.

"Plus ces rumeurs sont folles, plus elles nous renforcent" dit sentencieusement le baron. "Elles font peur à nos ennemis, car elles leur révèlent non seulement notre cruauté, mais aussi la force de notre alliance avec les cybersophontes."

"C'est vrai" dit Yip Kophio. "Quel est le pire que peut raconter la reine ? Que nous faisons disparaître plusieurs dizaines de milliers, voire plusieurs centaines de milliers de personnes chaque année ? Je sais bien que c'est vrai, c'est moi qui suis en charge du programme. Il se trouve que ces gens sont exilés dans les installations sous-marines de Hyagansis. Un pays de cybersophontes aquatiques comme Hyagansis est hors d'atteinte des humains. Personne ne fera rien contre nous, car les cybersophontes contrôlent les fonds marins, et qui contrôle les fonds marins contrôle aussi les mers et les océans. Je vous rappelle, Majesté et cher baron, que 90% du commerce international est maritime."

Les jours et les semaines suivantes, la reine, réfugiée au Padzaland, se contenta finalement de parler au public des infidélités répétées de son mari, qui n'intéressèrent que la presse à scandales. Mais il est certain qu'elle fit des confidences d'une autre nature à plusieurs hauts fonctionnaires padzalandais. Renoela n'avait pas de preuves, et les dirigeants padzalandais préférèrent ne pas courir le risque de se voir démenti, c'est pourquoi ils demandèrent à Renoela d'attendre que les services secrets padzalandais vérifient ses accusations, ce qui prendrait du temps. Mais, sans attendre et tous partis confondus, ils se prononcèrent pour un renforcement des sanctions contre le Mnar, et exigèrent avec véhémence, mais en vain, le départ du roi Andreas.

Pour ne pas léser injustement la population mnarésienne, ils maintinrent toutefois des relations diplomatiques et commerciales avec le Mnar, mais à un niveau minimal.

Parmi la population mnarésienne, le prestige du roi Andreas avait souffert du départ de la reine. Chez les Mnarésiens, la virilité est une valeur essentielle, et un roi incapable de se faire respecter par son épouse est considéré comme un faible, voire comme sexuellement déficient, et donc indigne de porter la couronne.

Même dans les bureaux du Palais Royal, certains commençaient à se dire que le roi Andreas pouvait perdre le soutien de la noblesse, et donc être contraint d'abdiquer. La princesse Modesta était trop jeune pour régner. Divers noms de successeurs possibles pour le roi Andreas circulaient déjà. D'autres envisageaient, en privé et loin des oreilles indiscrètes, un régime plus moderne. Une république, par exemple.

Il fallait réagir vite. Trouver une autre épouse au roi avant que le ridicule ne sape complètement son autorité. La nouvelle épouse devait être de préférence plus jeune et plus belle que Renoela Bularkha, mais de statut social élevé. Si possible de naissance noble, et bien sûr cultivée, intelligente, courtoise, et charitable, ainsi qu'il sied à une reine. Surtout quand le roi a une réputation de brutalité bien établie. Il fallait aussi que la nouvelle épouse soit une adoratrice de Nath-Horthath, une religion minoritaire au Mnar mais qui est celle de la famille royale et de la noblesse.

Andreas était déprimé et ne sortait plus de son palais. Le Premier Ministre gérait les affaires courantes, sous le contrôle du baron Chim, ce qui n'était guère conforme à la constitution. Yip Kophio, qui s'entendait plutôt bien avec Chim, en profitait pour étendre encore plus le pouvoir de la Police Secrète. Ses adversaires disaient qu'il se serait bien vu Premier Ministre, mais avec les prérogatives d'un Premier Ministre japonais ou britannique.

Ce qui était une façon de dire qu'Andreas pourrait régner, comme l'empereur du Japon ou la reine d'Angleterre, mais ne gouvernerait plus.

Assez rapidement, des indiscrétions circulèrent dans la presse mnarésienne, et des photos d'une jeune femme aux cheveux gris-argent et aux yeux cybernétiques, entrant et sortant du palais royal, parurent dans les journaux. Après quelques jours, le secrétariat du roi publia un communiqué, indiquant que le roi Andreas et "la duchesse Wagaba Swaghenkarth" venaient de célébrer leurs fiançailles dans la plus stricte intimité.

Tellement stricte, remarquèrent certains commentateurs, que même la princesse Modesta, fille du roi Andreas, n'apprit l'évènement qu'après coup, par un message de son père sur son téléphone portable.

La duchesse Wagaba Swaghenkarth, née Jabanor, était une femborg, une femme dotée d'une âme humaine et d'un corps cybernétique. Wagaba était d'origine hyaganséenne, mais naturalisée mnarésienne suite à son mariage avec le duc Arthur Swaghenkarth. Ce dernier était  propriétaire de la moitié de la ville d'Olathoë, dans le nord du Mnar, et dernier porteur du nom de sa lignée. Il était mort d'une crise cardiaque à cinquante-cinq ans, laissant son titre ducal et son immense fortune à sa veuve.

La duchesse, qui habitait dans une luxueuse villa de la Côte d'Ethel, était une voisine de Yip Kophio, le directeur de la Police Secrète. Le duc Swaghenkarth et Wagaba avaient été invités par Kophio dans sa villa, en tant que voisins, et c'est ainsi que Wagaba avait rencontré le roi pour la première fois. Ils ne devaient plus se revoir ensuite qu'après le décès du duc.

C'était le baron Chim qui avait eu l'idée de faire se rencontrer de nouveau le roi et la duchesse, après la défection de la reine. Le roi Andreas suivait toujours les conseils du discret mais très influent baron, le seul cyborg parmi ses conseillers. Il n'avait d'ailleurs pas le choix.

Wagaba, comme beaucoup de femborgs hyaganséennes, était née dans une cuve bionique, nommée Agazaeth. Cette cuve bionique, dotée d'un cybercerveau autonome, était techniquement la mère de Wagaba. Comme tous les Jabanor, Wagaba était censée être l'enfant d'un père mythique, Argamal Jabanor. Elle sortit de l'antre sous-marin de sa mère à l'âge de dix-huit ans pour aller faire des études d'histoire à l'université de Serranian.

Ensuite, elle travailla comme journaliste stagiaire pour le SUM, le Serranian University Magazine, qui l'envoya au Mnar interviewer le duc Arthur Swaghenkarth dans sa résidence de la Côte d'Ethel. Le duc était un vieux garçon presque quinquagénaire, et Wagaba, jolie, jeune et l'esprit vif, n'eut aucun mal à devenir sa maîtresse, puis son épouse, ce qui lui permit d'acquérir la nationalité mnarésienne. Mais elle n'était encore duchesse qu'à titre honorifique.

Plusieurs années plus tard, le duc décéda inopinément. À vingt-six ans, Wagaba était désormais duchesse à part entière, héritière du titre ducal de son mari. Elle avait le droit, désormais, de porter à l'annulaire gauche l'anneau d'argent ciselé des Swaghenkarth.

Un an plus tard, à vingt-sept ans, elle entrait dans le palais royal de Sarnath comme fiancée du roi Andreas, qui avait vingt-cinq ans de plus qu'elle.

Au début, la presse populaire manifesta une certaine curiosité envers Wagaba, petite femme mince au visage juvénile et aux cheveux gris argent de gynoïde de charme. Puis cette curiosité diminua lorsqu'il apparut que la fiancée du roi préférait vivre dans l'ombre et fuyait les caméras. Pendant les dîners officiels, elle parlait peu, se contentant de conversations superficielles. Le roi, en tout cas, semblait très attaché à Wagaba, puisqu'il l'emmenait avec lui partout où il allait.

L'essentiel pour Andreas était que sa réputation de virilité soit restaurée, car son autorité en tant que roi en dépendait. Il avait remplacé une femme de quarante-cinq ans par une autre de vingt-sept. Les rares fois où elle paraissait en public, Wagaba montrait, de diverses façons, qu'elle était follement amoureuse d'Andreas, et cela suffisait.

La fille du roi, la princesse Modesta, qui était destinée à hériter du trône à la mort de son père, n'aimait pas Wagaba. Les deux jeunes femmes faisaient de leur mieux pour s'éviter mutuellement, tout en dissimulant leurs sentiments réels derrière des sourires et des compliments, lorsqu'elles se rencontraient.

Parfois, le dimanche soir, Modesta passait à l'improviste voir son père. Il était immanquablement au palais. Parfois seul dans son bureau, en train de lire des dossiers ou de travailler sur son ordinateur. Le plus souvent, il était dans son salon privé, assis sur un canapé avec Wagaba, en train de regarder une vidéo sur son téléviseur grand écran.

Le salon privé était devenu la pièce préférée du roi Andreas, depuis que Wagaba était entrée dans sa vie. À la demande de la femborg, des plantes en pot avaient été installées partout, comme dans un jardin d'hiver.

Lorsque Modesta entrait dans le salon, Wagaba se levait pour lui faire la révérence, comme une duchesse mnarésienne respectueuse du protocole doit le faire en présence d'une princesse de sang royal, quel que soit l'âge de celle-ci. Puis elle allait s'asseoir dans l'un des fauteuils de cuir fauve, et prenait un livre, toujours le même — Modesta reconnaissait la couverture rouge terne — sur une table d'appoint, et se mettait à lire pendant que Modesta discutait avec son père.

Modesta disait alors à son père : "Papa, je veux te parler seule à seul."

Andreas faisait un signe à Wagaba, qui sortait silencieusement de la pièce, son livre à la main.

Il y avait une seule pièce dans les appartements royaux où personne n'entrait, même pas les intimes, c'était la chambre à coucher du roi. Mais Modesta avait tellement insisté pour voir la chambre de son père que ce dernier avait cédé. Le despote sans pitié se transformait toujours en père attendri en présence de sa fille.

Le lit surdimensionné, aux draps blancs immaculés, était le même qu'à l'époque où la reine Renoela Bularkha, la mère de Modesta, y dormait avec Andreas. Mais un vélo d'intérieur avait été ajouté, face à un téléviseur à écran géant. Et, comme dans le salon, des plantes vertes, partout. Près d'une fenêtre, une petite table avec deux chaises.

"Nous aimons manger tranquillement ici tous les deux, Wagaba et moi" dit Andreas. "En fait, c'est là que nous prenons la plupart de nos repas. Il nous arrive aussi de manger dans le salon en regardant la télévision, comme des citoyens ordinaires."

"Mais le vélo... Tu fais du sport dans ta chambre, ou c'est pour la duchesse ?"

"C'est pour moi. J'ai aussi des haltères dans une armoire."

"Je remarque que les tableaux n'ont pas changé depuis l'époque de ma mère, en tout cas... J'avais peur que la femborg apporte dans ses bagages quelques unes de ces affreuses toiles abstraites hyltendaliennes..."

"Modesta, un tableau abstrait, c'est une représentation d'Azathoth. Cela serait bien incongru chez moi, un adorateur de Nath-Horthath."

"Mais ta femborg, c'est une adoratrice d'Azathoth, je suppose ? C'est une Hyaganséenne..."

"Lorsque mon divorce sera terminé, j'épouserai Wagaba, c'est prévu. Elle s'est déjà convertie, et elle m'accompagne aux cérémonies. Elle participe aux rituels, elle les connaît même mieux que moi."

Modesta avait remarqué un autre changement chez son père, lorsqu'il l'invitait à déjeuner en tête-à-tête dans la salle à manger du rez-de-chaussée, portes-fenêtres grandes ouvertes sur le parc ensoleillé, lorsque le temps le permettait. Elle avait toujours vu son père engloutir la nourriture, plutôt que la manger. Le vin, malgré son excellente qualité, subissait le même sort que la viande et les légumes. Mais depuis qu'il vivait avec Wagaba, le roi Andreas avait remplacé la viande rouge par de la viande blanche et du poisson, et il savourait ce qu'il mangeait.

"Wagaba n'absorbe que de l'eau, c'est une humanoïde" dit-il à sa fille. "Mais pendant les repas, elle fait toujours en sorte que la conversation soit centrée sur la nourriture. Avec elle, je me rends compte que le moindre petit pois doit être mangé avec respect."

"Eh bien, mon cher papa, j'espère que son influence se limite aux repas, et ne déborde pas sur les affaires de l'État..."

"Ne t'inquiète pas pour ça, j'ai toujours les mêmes conseillers et les mêmes ministres."

Andreas avait menti par omission. Mais il ne fallait pas, surtout pas, que sa fille adorée sache qu'il ne prenait plus de décisions importantes depuis longtemps. Tout lui était dicté par Diethusa, le cybercerveau féminin greffé à l'intérieur de son corps. Le roi Andreas était un symbiorg, un être humain vivant en symbiose avec un cybercerveau, mais il fallait que cela reste un secret.

Les cybersophontes avaient agi avec traîtrise pour faire d'Andreas un symbiorg. Il savait qu'un jour ils en feraient autant avec Modesta, et chaque fois qu'il y pensait la tristesse l'envahissait.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 4 Nov 2016 - 13:18

Le roi Andreas et le baron Chim étaient seuls dans le bureau royal. C'était un jour de semaine, en début d'après-midi. Comme souvent, le prétexte à cette réunion informelle était la dégustation d'un nouveau breuvage. Ce jour-là, il s'agissait d'une liqueur verdâtre et fortement alcoolisée, préparée par des moines dans un pays lointain. La bouteille avait été ramenée en cadeau pour le roi par un diplomate mnarésien en mission.

"Nous avons un problème" dit le baron. "Votre futur mariage."

"Mais je ne suis même pas encore divorcé... Le grand-prêtre ne semble pas pressé de répondre à ma demande. Je comprends qu'il ait sa fierté, mais ça fait déjà deux semaines que j'attends..."

"Sa réponse est déjà prête, Majesté. Mais il a sa fierté, comme vous le dites. Il ne veut pas avoir l'air d'être à vos ordres. Ceci étant, après le divorce, il y aura votre mariage avec la duchesse Wagaba Jabanor Swagenkarth... Une femborg. Nos adversaires vont encore dire que vous bradez le royaume aux cybersophontes. J'ai bien peur que cela ne renforce encore les rangs des théocrates de Yog-Sothoth, ce qui nous rapprocherait encore un peu plus d'une nouvelle guerre civile... Vous savez bien que pour les théocrates, les cybersophontes sont une infamie, des créatures blasphématoires... Ils vont prendre votre remariage comme une provocation."

"Ils diront ce qu'ils voudront, baron. Je suis le roi, il me semble."

"Certes, Majesté, certes. Mais la politique, comme vous le savez, c'est l'art du possible. Au risque de mélanger les métaphores, je dirais qu'il faut parfois faire preuve d'astuce pour éviter les icebergs... Permettez-moi de vous lire un paragraphe extrait d'un vieux livre..."

Le baron, assis très droit sur sa chaise, les yeux cybernétiques regardant dans le vide, se mit à réciter :

Si tu médites une volte-face politique, rencontre au préalable — et secrètement — un théologien, ou un quelconque expert, et obtiens son approbation pleine et entière. Puis arrange-toi de manière que ce soit lui qui t'en fasse la suggestion devant témoins, lui qui t'y incite et — mieux encore — lui qui ait l'air de faire ouvertement pression sur toi.

"Sages paroles, baron. Qui a dit cela ?"

"Un Italien nommé Marzarin. Sorti de son Italie natale, il était devenu le bras droit du roi de France, au dix-septième siècle... Un homme très habile, une intelligence supérieure. Il a écrit un livre en latin, "Le Bréviaire des Politiciens", d'où je sors cette citation."

"La volte-face politique, en ce qui nous concerne, c'est mon prochain mariage avec une femborg, n'est-ce pas, baron ?"

"Oui. Il nous faut un humain de haut rang, dont les paroles soient écoutées par le peuple, qui encourage Votre Majesté à épouser la duchesse."

"Ce sera peut-être difficile à trouver..."

"Nullement. Je pense réunir des symbiorgs et des implantés..."

"Qu'appelez-vous des implantés, baron ?"

"Des humains qui ont un implant cybernétique dans le corps. Ils ne font pas partie de l'intelligence collective des cybersophontes, mais ils sont obligés de lui obéir, car l'implant cybernétique peut occasionner d'atroces souffrances, sur simple commande radio."

"Ah, je vois... Vous allez réunir un comité consultatif, ou je ne sais quoi ?"

"Oui. Des gens dont tout le monde pense que ce sont des humains ordinaires. Ils sont de toutes les religions, de toutes les professions aussi. Ceux qui n'y sont pas encore vont adhérer à un parti politique, l'Ethel Dylan... C'est aussi le nom de la province où ils résident. Le Parti de l'Ethel Dylan fera un appel public pour vous demander d'épouser la duchesse Wagaba..."

"Dites donc, baron, je n'ai besoin de personne pour savoir qui je dois épouser !"

"Un monarque n'a pas de vie privée, Votre Majesté. Tout est politique chez un roi. Même son mariage. Il en est ainsi depuis la nuit des temps."

"Faites donc comme vous voulez, baron," dit le roi d'une voix lasse. Depuis qu'il était devenu un symbiorg, contre sa volonté, il n'était plus tout à fait sûr d'être au-dessus du baron, malgré le respect formel que celui-ci avait toujours envers lui.

Dès le lendemain, à Hyltendale, Yohannès Ken, le docteur Lorenk, et un certain nombre d'autres Hyltendaliens, reçurent ainsi l'ordre, transmis par les cybersophontes de leur entourage, d'adhérer au Parti de l'Ethel Dylan. Perrine Vegadaan en faisait déjà partie, en tant que conseillère municipale.

Les membres du parti publièrent une lettre ouverte affirmant leur soutien au roi et à la duchesse, et les encourageant à se marier, "dans l'intérêt du royaume et de la monarchie."

Le docteur Lorenk et Perrine Vegadaan participèrent à un débat télévisé, face à deux monarchistes conservateurs assez ternes, sur le thème : "Une femborg reine du Mnar, est-ce possible ?"

La conclusion du débat, fut, bien sûr, que la duchesse Wagaba ayant librement choisi de prendre la nationalité mnarésienne et de se convertir au culte de Nath-Horthath, cela ne posait absolument aucun problème. Le docteur Lorenk, qui s'était sérieusement préparé pour le débat, démontra, chiffres à l'appui, que les cybersophontes avaient considérablement augmenté la prospérité du Mnar, tout en montrant tous les jours leur loyauté absolue envers la monarchie.

Pendant ce temps, au Padzaland, Renoela Bularkha n'était déjà plus reine du Mnar, mais elle était encore riche. Des membres de sa famille l'avaient aidé à transférer une partie de sa fortune dans des banques suisses et padzalandaises, via des prête-noms, bien avant qu'elle ne s'enfuie du Mnar. Elle parlait assez bien français pour s'adapter à la vie au Padzaland, mais elle ne fit jamais partie de la haute société de Padza, la splendide capitale du pays. Elle se contenta d'animer les fêtes de la jet set locale, où se mélangeaient hommes d'affaires incultes, mais richissimes, et jeunes starlettes en quête de publicité.

Le roi Andreas grinça des dents plus d'une fois, les années suivantes, en apprenant par la presse que son ex-épouse venait de commencer une nouvelle liaison tapageuse avec un acteur de second plan ou un gigolo professionnel.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   fembotniks - Les fembotniks - Page 22 EmptyVen 4 Nov 2016 - 17:20

Il faudrait vraiment que je commence la lecture depuis le début... À ne lire que des bribes, je m'y perd. Je ne sais même pas ce que c'est qu'un symbiorg. Ne me le dites pas, je le lirai. J'imagine qu'il suffit de remonter au début du sujet, puis de tout lire ;-)


Dernière édition par Sevetcyo le Ven 4 Nov 2016 - 17:26, édité 1 fois
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