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 Les fembotniks 2

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Anoev
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Anoev
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyJeu 17 Déc 2020 - 13:42

Et Hugo, alors ?

Si tel est le cas, l'histoire d'Eneas Tonnd au Mnar n'a plus lieu d'être et est nulle et non avenue.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyJeu 17 Déc 2020 - 15:48

Anoev a écrit:
Et Hugo, alors ?

Perrine Vegadaan voulait un robot humanoïde de petite taille pour ne pas être intimidée par lui (elle mesure une tête de plus que lui, donc ça va), mais en même temps il fallait qu'il soit d'apparence masculine pour la rassurer. Un androïde de petite taille ne fait pas peur, mais en même temps il rassure sa maîtresse (ou son maître) par sa présence. Il évite à Perrine de se faire importuner lorsqu'elle va dans certains quartiers ou dans certains bars.

Anoev a écrit:
Si tel est le cas, l'histoire d'Eneas Tonnd au Mnar n'a plus lieu d'être et est nulle et non avenue.

Mener une vie de robophile à Hyltendale ne convient pas à tout le monde. Eneas Tonnd l'a appris à ses dépens. À Hyltendale, il a perdu du temps et de l'argent, mais en contrepartie, il a gagné une certaine expérience de la vie, qu'il n'aurait pas pu trouver en Aneuf, où le mode de vie, les mentalités, sont très différents de ce qu'ils sont au Mnar.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyJeu 17 Déc 2020 - 17:04

D'un aut'côté, s'il ne pouvait pas trouver au Mnar ce qu'il souhaitait, pourquoi y aller, il aurait très bien pu, pour s'exiler d'Aneuf, aller dans un autre pays qui n'a aucun accord d'extradition avec son pays d'origine au lieu de se risquer chez les cybersophontes. Par ailleurs, s'il était quand même allé au Mnar (il avait quand même volé plusieurs dizaines de milliers de virs), il n'aurait pas jeté l'argent par les fenêtres en louant DEUX robots si AUCUN des robots à disposition ne ressemblait à ses désirs les plus profonds (et inavoués) : un seul lui aurait largement suffi et ça lui aurait coûté deux fois moins cher. Qui plus est, il l'aurait toujours eu(e) sous la mains, et l'épisode du coffre-fort n'aurait peut-être jamais eu lieu.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyJeu 17 Déc 2020 - 20:53

Presque tous les pays du monde sont liés entre eux par des traités d'extradition, d'entraide judiciaire réciproque, etc, ou font partie d'Interpol. Les rares exceptions sont des pays comme la Corée du Nord, où personne n'aurait l'idée d'aller se réfugier. Eneas Tonnd est donc allé où il a pu. Ce qui a orienté son choix, c'est que le Mnar a une ville, Hyltendale, qui s'est spécialisée dans l'accueil des étrangers fortunés en délicatesse avec la justice de leur pays. Aucun autre pays n'a l'équivalent.

Eneas a loué deux robots parce qu'il avait assez d'argent pour le faire. Un peu comme les gens qui achètent une Rolex à 5.000€, voire beaucoup, beaucoup plus cher, alors qu'une Casio à 15€ ferait l'affaire pour avoir l'heure. Le roi du Maroc a une montre Patek Philippe à 1,2 million de dollars, faite spécialement pour lui. Ou ceux qui roulent en Porsche ou en Ferrari, alors que, dans le meilleur des cas, la vitesse est limitée à 130 km/h en France. C'est une question de prestige, d'image de soi. De même, avoir un harem de gynoïdes, c'est une façon de montrer que l'on a à la fois de l'argent et de la virilité... C'est bien d'être à la fois riche et viril, et si en plus on peut le lire dans le regard admiratif ou envieux des autres, c'est encore mieux ! Cool
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyJeu 17 Déc 2020 - 22:52

C'est certes la psychologie des riches dans pas mal de pays, et ça existe aussi en Aneuf chez certains d'entre ceux-ci. Mais sauf exceptions comme toujours, en Aneuf, la frime ne provoque guère l'admiration, sauf dans quelques rares lieux de la banlieue nord d'Hocklènge ou au Nobenkost æstmorien. Par ailleurs, Eneas a volé une fortune à son patron, ce n'est pas pour devenir riche à son tour ni parce qu'il en fût jaloux (la jalousie est extrêmement mal vue en Aneuf), mais parce qu'il voulait lui nuire, exprès, lorsqu'il avait découvert que ledit patron, pourtant plus riche que lui, le faisait chanter. Du reste, ses négociations avec la justice aneuvienne pour son retour étaient claires : il rendrait l'argent, uniquement pour dédommager les clients spoliés, mais pas un liard pour le patron (lequel avait déclaré une somme volée inférieure à la vraie parce qu'il avait fraudé le fisc, et ça, Eneas avait fini par le découvrir). Avec l'argent qu'il avait emporté, il aurait pu louer une somptueuse villa en Ethel Dylan et pourtant, il n'en fit rien. Eneas Tonnd n'aurait pas été s'exiler en Corée du Nord : Pyongyang ne ressemble guère à Pattaya (Thaïlande), et en plus, ça ne l'intéressait guère de convertir tous ces virs en wons-Chooson (non convertibles, donc aucune chance de retrouver ses virs en cas de problème), déjà qu'il n'avait pas, pour la même raison, converti tous ses virs en ducats (d'où l'achat d'un coffre-fort mécanique, sans aucune électronique susceptible d'avoir une liaison informatique avec les cybersophontes). Bref, mettons que sa seule porte de sortie à l'époque fût le Mnar : sa principale raison d'y aller étant l'intention de se soustraire à la justice aneuvienne. Il a, bien sûr, en second lieu, l'espoir de retrouver à Hyltendale un ersatz de ce qu'il avait laissé à l'Atrium (Hocklènge). Là, espoir déçu. Dans ce cas, je le confirme, pas question de s'encombrer de deux machines humaines, une seule suffit bien. Eneas connait l'argent : il ne le jette pas par les fenêtres ; en plus, il le sait, ce n'est pas le sien. Eh bien le reste, c'est ce que je t'ai raconté. Il ne loue que Moyae, mettons. Il va la rendre quand il aura réussi à négocier son retour à la Mère Patrie (rendre l'argent déclaré volé, mais pas le reste, TOUT le reste). Comme il n'a plus qu'une gynoïde, celle-ci n'a plus le temps de trifouiller le coffre-fort pendant qu'il s'occupe de l'autre (qui n'existe pas). Donc, cette séquence (quelle qu'en soit la version) n'a plus lieu d'être. Il rend certes Moyae à l'agence, mais la prise de congé est plus normale, plus civile. Ce n'est pas la colère qui le fait agir : il la rend UNIQUEMENT parce qu'il peut revenir en Aneuf l'esprit (relativement) tranquille : une fois qu'il se sera fait soigner pour son problème au ventre et qu'il aura mené à bien ses tractations judiciaires, il reprendra sa vie d'avant, après avoir trouvé une place, bien sûr. Point commun pour ces deux versions : il a eu peur des cybersophontes et ne reviendra plus jamais au Mnar.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyVen 18 Déc 2020 - 21:36

Anoev a écrit:
Eneas a volé une fortune à son patron, ce n'est pas pour devenir riche à son tour ni parce qu'il en était jaloux (la jalousie est extrêmement mal vue en Aneuf), mais parce qu'il voulait lui nuire, exprès, lorsqu'il avait découvert que ledit patron, pourtant plus riche que lui, le faisait chanter. Du reste, ses négociations avec la justice aneuvienne pour son retour étaient claires : il rendrait l'argent, uniquement pour dédommager les clients spoliés, mais pas un liard pour la patron (lequel avait déclaré une somme volée inférieure à la vraie parce qu'il avait fraudé le fisc, et ça, Eneas avait fini par le découvrir).

Le patron d'Eneas Tonnd était un voleur, puisqu'il avait fraudé le fisc. Frauder le fisc, c'est voler l'Etat. Mais voler un voleur, comme l'a fait Eneas Tonnd, c'est toujours du vol. Les juges ne peuvent pas faire autrement qu'obliger Eneas Tonnd à rendre tout l'argent volé, même celui que le patron avait dissimulé au fisc. Quitte, ensuite, à confisquer l'argent du patron dans le cadre d'une procédure distincte, diligentée contre celui-ci pour fraude fiscale.

Si de l'argent volé ne peut pas être restitué à une victime (par exemple, si celle-ci a elle-même volé l'argent, comme l'a fait le patron d'Eneas), l'argent reste saisi, car il serait à la fois immoral et illégal que quelqu'un puisse profiter d'un vol.

Il ne faut pas oublier que l'Etat aneuvien est aussi une victime dans cette affaire, puisqu'il a été privé des impôts que le patron d'Eneas aurait dû payer. Il est donc normal qu'il essaye de récupérer l'argent dont il a été spolié.

Eneas Tonnd doit donc rendre tout l'argent. Ce dont il est bien incapable, car il en a dépensé une bonne partie à Hyltendale, même sans faire de folies. Dans le meilleur des cas, toutefois, la justice aneuvienne sera clémente et lui permettra de rester en liberté, mais à condition qu'il rende tout l'argent qui lui reste, jusqu'au dernier vir, et qu'il s'engage à restituer le reste  sur ses revenus futurs. C'est ça, ou la prison, ou rester à Hyltendale.

Le patron d'Eneas, poursuivi pour fraude fiscale, est dans une situation encore plus difficile, car il risque d'être condamné à une peine de prison ferme. Il n'a pas le choix, il doit rendre (avec intérêt) l'argent qu'il a volé à l'Etat, et espérer que le tribunal tienne compte de sa bonne volonté et ne le condamne qu'à une peine de prison avec sursis.

Anoev a écrit:
Dans ce cas, je le confirme, pas question de s'encombrer de deux machines humaines, une seule suffit bien.

Un homme aimant le sexe (ce qui est visiblement le cas d'Eneas) ne se limite pas à une seule femme s'il peut en avoir plusieurs. C'est biologique, et les exemples abondent. Par exemple, tous les présidents français de Giscard à Hollande ont eu des maîtresses en plus de leur épouse légitime ou de leur compagne officielle. Ils n'étaient pas plus vicieux que la moyenne, alors pourquoi ? Parce que vu leur situation, ils pouvaient le faire. Comme le disait Henry Kissinger, « Le pouvoir est l'aphrodisiaque le plus puissant. »

Un homme qui a la possibilité d'avoir plusieurs femmes (biologiques ou cybernétiques) ne se contentera pas d'une seule, sauf si :

1. C'est un homme profondément religieux, qui prend au sérieux l'interdiction de l'adultère par les textes sacrés. C'était le cas du général de Gaulle.
2. Il est profondément amoureux d'une seule femme. Georges Pompidou semble avoir aimé passionnément sa femme toute sa vie.
3. Sa libido est affaiblie par l'âge ou la maladie. Georges Pompidou était gravement malade, il est d'ailleurs décédé avant la fin de son mandat.
4. Il préfère les hommes, de façon exclusive.

Rien de tout cela ne s'applique à Eneas Tonnd, que je sache.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyVen 18 Déc 2020 - 22:26

Je n'ai pas tous les tenants et les aboutissants des négociations, voire des tractations d'Eneas Tonnd avec la justice aneuvienne. En plus de ça, on n'a jamais pu savoir quelle somme totale avait été volée, ça le patron s'est bien gardé de le dire : ça d'vait sacrément chiffrer. Mais comme jamais personne ne sut la somme totale, et avec des honoraires assez confortables à son avocat, Eneas Tonnd était relativement à l'aise pour ne rendre que le strict nécessaire, et il tenait absolument à ce que son patron eût un redressement fiscal qui lui coûtât un bras : l'État (ici, en l'occurrence, la province fédérée des Santes) ne serait aucunement lésé. Eneas Tonnd rendrait le reste de l'argent (qui l'embarrassait plus qu'autre chose, en fait : comme je l'ai dit, il avait volé uniquement pour nuire à sa "victime" dont il avait été victime lui-même) d'une autre manière : soit au fisc soit en le donnant à des œuvres. Tout ça avait été négocié grâce à son avocat. Il avait eu chaud.

Pour ce qui est de la sexualité, c'est une autre, toute autre histoire. Son mariage ne lui avait laissé que de mauvais souvenirs, et ses parents l'avaient abominablement bridé (assez rare, pour des Santois, mais bon, ça peut arriver). À cause d'eux, il n'avais jamais connu le vert paradis des amours enfantines. Sa consolation (qui lui était interdite ailleurs en Aneuf), il était allé la chercher à l'Atrium, un quartier à l'intérieur d'un autre quartier (Kastenexhelle), très fermé. Ailleurs en Aneuf, il aurait eu de gros ennuis, là, pas, du moins, en principe. Son patron, pas étouffé par les scrupules fit faire (par un privé) une enquête sur lui qui le mena nulle part : les limites de l'Atrium, rien n'y transpire au dehors, c'est un peu le Mur de Berlin dans les années 60, juste après sa construction. Comment il réussit à y pénétrer*, on en sait rien, mais à la suite de ça si Tonnd ne lui versait pas les deux tiers de son salaire, une réputation de nexaqúdak lui trainerait aux basques. L'"inconnu" disait avoir des preuves accablantes ; c'était du flan, et Tonnd réussit à savoir d'où venait ce manège (comment ? ça...). Comment il vida le coffre ? ça, on n'en sait rien non plus, mais il prépara son plan vite et bien. Sinon, au Mnar, il aurait très bien pu se contenter d'une gynoïde de travail, mais il n'alla quand même pas jusque là. Eneas Tonnd, c'était quelqu'un en apparence ordinaire à qui il peut arriver des choses assez exceptionnelles, un peu comme Georges Lampraud, un peu comme Aṁber Hœmbert (la Descente). On part du commun et... on arrive dans le fantastique. D'ailleurs, le Mnar, l'Aneuf, en tant qu'États imaginaires, ne sont-ils pas des mondes d'une autre dimension ? Du reste, que sont les cybersophontes, sinon (pour nous autres, du moins) des créatures fantastiques°?

*Alors qu'Eneas n'avait pu y entrer que par quelqu'un qui connait quelqu'un qui...
°Parce que pour les Mnarésiens peuple d'une autre dimension, ce sont des êtres bien réels, même si on ne les voit pas (on ne voit que les robots, qui sont commandés par eux, et les cyberlords, qui sont des êtres humains vassalisés par un implant).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyJeu 31 Déc 2020 - 13:26

Pendant que Hottod rentrait chez lui, dans le petit appartement où Sofia l'attendait, à 750 km de là, à Sarnath, la princesse Modesta, âgée de vingt-deux ans et héritière du trône, venait d'arriver au Palais Royal dans une limousine blindée conduite par son chauffeur.

Elle venait de voir son père, le roi Andreas à l'hôpital. Il était dans le coma, et les médecins androïdes qui le soignaient étaient pessimistes. “Même si Sa Majesté survit, elle restera quadriplégique et aphasique,” avait dit l'un d'eux à la princesse.

Elle avait pleuré. Pourtant, elle n'aimait pas son père, qui lui avait interdit d'aller étudier dans une université américaine. Elle avait eu beau lui expliquer que la fille unique du président chinois avait étudié à Harvard, et que trois des quatre enfants du président turc étaient sortis diplômés d'universités américaines, il était resté inflexible.

Elle avait essayé de transiger : “Alors, au moins, laisse-moi aller étudier en Suisse, comme le président de la Corée du Nord !” Mais Andreas avait refusé même cela.

Modesta était sortie du bureau de son père en claquant la porte, d'autant plus humiliée et furieuse que la conversation avait eu lieu en présence de Wagaba, la petite pute gynoïde qui était devenue la concubine de son père depuis que la reine Renoela s'était enfuie à l'étranger. Wagaba n'avait rien dit — il n'aurait plus manqué que ça — mais sa simple présence avait donné à Andreas, qui était un faible malgré sa haute stature et son titre de roi, la force nécessaire pour affronter sa fille, qui avait hérité de sa mère un caractère à la limite du colérique.

Modesta s'était vengée du refus paternel en prenant des amants. Le dernier en date était le duc Saufeio, plus âgé qu'elle de quinze ans, marié et père de famille de surcroît, mais playboy incorrigible et plein d'humour. Lorsqu'il avait appris la liaison de sa fille, Andreas avait eu envie de bannir Saufeio à Hyagansis, le royaume marin d'où l'on ne revient jamais. Mais il n'en avait rien fait, car sa compagne, la gynoïde Wagaba, avait mis son veto. Le duc, en effet, appartenait à une très grande famille, les Tibesko, qu'il était hors de question de se mettre à dos.

Wagaba avait rappelé à Andreas une réalité qu'il avait tendance à oublier : même un régime aussi autoritaire que la monarchie mnarésienne doit s'appuyer sur des piliers. Les trois piliers sur lesquels reposait le pouvoir du roi Andreas étaient, par ordre d'importance, les cybersophontes, qui contrôlent l'économie et la technologie, les forces de sécurité (armée et police), et la noblesse, qui fournit à la monarchie l'essentiel de ses cadres militaires et de ses administrateurs.

“J'ai de moins en moins besoin des nobles,” avait objecté Andreas. “Mes meilleurs serviteurs sont des roturiers. Je pense notamment à Yip Kophio, qui a pris sa retraite, mais qui avait été un excellent chef de la Police Secrète. De plus, sur tes conseils, j'ai robotisé l'armée au maximum. Les nobles peuvent aller se faire voir...”

“Nous avons encore besoin des nobles, Andreas. Kamog le pense aussi,” avait répondu Wagaba, ce qui avait clos la discussion.

La gynoïde, qui officiellement n'était rien, juste “l'assistante” du roi, avait parlé de sa voix tranquille, un peu pédante et mécanique. Lorsque Andreas avait entendu le nom de Kamog, le chef caché des cybersophontes, que personne n'a jamais vu ni rencontré, il avait compris que, tout roi qu'il était, il devait faire comme Wagaba lui disait de faire, car les humanoïdes comme Wagaba sont les messagers de Kamog. Pourtant, on ne sait même pas si Kamog est un être humain, et officiellement il n'existe pas. Mais au Mnar, même le roi doit tenir compte de ses avis.

C'est ainsi que, sans le savoir, le frivole et séduisant duc Saufeio avait échappé au bannissement.

Cette scène avait eu lieu six mois auparavant. Depuis lors, un fait minuscule, imprévisible, survenu la veille, l'éclatement inopiné d'un vaisseau sanguin dans le cerveau du roi, avait complètement changé la situation. Modesta revenait dans le bureau royal, non pas en fille soumise devant la volonté à la fois paternelle et royale, mais en tant que régente et future reine d'un État de soixante millions d'habitants.

Lorsque mon père sera mort, se dit Modesta avec satisfaction, je devrai encore être élue par la Chambre des Nobles, mais ce sera une formalité. Le patriarche des Tibesko sera fier de voter pour sa future belle-fille...

La limousine se gara dans l'une des cours du palais. C'était la nuit, et il pleuvait, une pluie glacée comme il y en a souvent à Sarnath. Modesta se dit qu'une fois devenue reine, elle transférerait la capitale dans une ville plus chaude, ensoleillée et au bord de la mer, comme Khem, Hyltendale ou Céléphaïs, elle n'avait pas encore décidé.

Baron Chim, l'androïde qui était l'homme à tout faire de son père, était là pour l'accueillir. Chim était reconnaissable à son visage de vieillard à barbe courte. Ce soir-là, il portait un manteau noir et un chapeau sombre à large bord.

Celui-là, bientôt, il ira exercer ses talents comme jardinier dans une ferme de l'Ooth-Nargaï, se dit Modesta avec un sourire cruel. Elle envisageait déjà de renouveler totalement le personnel du palais.

Chim emmena Modesta dans un dédale de couloirs et d'ascenseurs, jusqu'à l'étage où se trouvait le bureau de son père. Deux personnes s'y trouvaient déjà, Renat Igloskef et la gynoïde Wagaba.

Renat Igloskef avait réussi l'exploit de devenir le Premier Ministre du roi Andreas, alors qu'il n'avait que quarante ans et qu'il était issu d'une famille de roturiers adorateurs de Yog-Sothoth. C'était un parcours absolument remarquable, dans une monarchie dont la noblesse est constituée d'adorateurs de Nath-Horthath. Igloskef était assis dans l'un des fauteuils de la partie salon et se leva avec déférence en reconnaissant la princesse.

Wagaba, qui était également assise dans un fauteuil, se leva et s'inclina avec respect devant la princesse.

“Bonjour, Monsieur le Premier Ministre,” dit Modesta, ignorant délibérément Wagaba, qui après tout n'était qu'un robot.

Elle entendit Chim refermer la porte capitonnée du bureau derrière elle. Il y eut un moment de silence. Modesta se rendit compte qu'elle était seule en compagnie du Premier Ministre, qu'elle connaissait à peine, et de deux humanoïdes qu'elle détestait. Elle respira un grand coup. Elle était désormais régente, c'étaient les autres qui devaient avoir peur, pas elle.

“Princesse, en mon nom et en celui du gouvernement, veuillez accepter toutes mes condoléances pour la tragédie qui vous frappe,” dit Igloskef. “Vous êtes désormais la régente du royaume, jusqu'à ce que, si les dieux le veulent, le santé du roi se rétablisse, ou si, comme cela semble hélas probable, il décède ou reste invalide. Si cette triste hypothèse se réalise, vous serez reine, la première reine du Mnar depuis un siècle et demi. Majesté, je peux vous assurer par avance de mon soutien total et de celui de mon gouvernement.”

Les paroles étaient banales, mais l'attitude du Premier Ministre, son regard de chien battu, exprimaient une servilité qui réjouit secrètement Modesta. Il était difficile de croire que c'était le même homme qui menait le gouvernement d'une main de fer et parlait avec tant de force et de conviction à la télévision.

- Merci, Monsieur le Premier Ministre. Merci encore. J'ai l'intention de prendre connaissance des affaires du royaume dès ce soir. Je veux être une bonne reine, j'ai plein d'idées de changement pour le Mnar. Pour plus de commodité, je m'installerai prochainement au palais, dans l'appartement de mon père. Mais pas dans sa chambre, par décence. Il faudra faire des travaux...

“Comme il vous plaira, princesse,” dit la gynoïde Wagaba, après que tout le monde s'est assis dans les fauteuils. “Nous vous avons fait venir ici pour que la transition se fasse harmonieusement. C'est une simple formalité, bien sûr, mais il faut s'y plier... Le protocole, tout le monde déteste ça, mais on n'arrive pas à s'en passer, c'est bien connu... Tout d'abord, je vais vous apprendre quelque chose. Vous savez ce que sont les implants cybernétiques, n'est-ce pas ?”

- Oui... Enfin, non... Je ne crois pas aux théories complotistes... Mais pourquoi me parles-tu de ça ?

- Figurez-vous, princesse, que d'après ce qu'on raconte, les cybersophontes insèrent dans le corps des gens qu'ils veulent contrôler de minuscules appareils électroniques. Avec ces appareils, ils savent toujours où sont les gens, et ils peuvent les contrôler à distance, et même les tuer. C'est impressionnant ce que les gens peuvent imaginer, n'est-ce pas ?

Igloskef ne disait pas un mot, le visage figé et les yeux dans le vide, et Modesta sentit qu'il se passait quelque chose d'anormal. Elle ne s'était absolument pas attendue à ce que son entrée dans sa fonction de régente se fasse de cette façon.

Voyant que Modesta ne disait rien, Wagaba continua de parler :

- Eh bien, vous allez apprendre quelque chose, princesse. Les implants cybernétiques existent. Ils existent vraiment, je vous l'assure. Vous vous demandez où je veux en venir ? Je vais vous le dire. Vous avez un implant cybernétique dans votre corps, princesse. Vous avez bien entendu. Un implant cybernétique dans votre corps. Tout comme le Premier Ministre. Mais lui, il le sait déjà. Voilà, c'est dit.

Surprise et incrédule, Modesta se tourna vers Renat Igloskef, qui hocha la tête en évitant son regard. Est-ce qu'ils s'étaient donc donné le mot pour la déstabiliser en lui racontant n'importe quoi ? Elle sentit la colère monter en elle.

“Mais non je n'ai pas d'implant !” s'écria-t-elle, plus fort que le permettaient les bonnes manières mnarésiennes. “Jamais je n'aurais accepté ! Tu racontes n'importe quoi, sale pute !”

Les humanoïdes n'ont pas de vraies émotions, ne réagissent pas aux insultes, et Modesta avait pris l'habitude d'en abuser. Wagaba lui répondit tranquillement :

- Princesse, vous vous souvenez peut-être de vos vacances dans la résidence de campagne de votre père, à Potafreas, il y a quatre ans ? Vous vous souvenez sans doute aussi comment vous vous êtes réveillée un matin sans vous souvenir de rien ? Et comment on vous a dit ensuite que vous aviez dû être opérée d'urgence pendant la nuit, pour un problème aux intestins ?

- Oui, ça c'est vrai... J'ai été opérée par le médecin personnel de mon père, qui était déjà un androïde, à l'infirmerie de la résidence. J'ai encore une petite cicatrice sur le ventre, sinon j'aurais surement oublié ce petit incident.

- Eh bien, c'est pendant cette opération que vous avez reçu un implant. Vous aviez été droguée le soir, à votre insu, et le médecin en a profité pour vous opérer pendant votre sommeil. Vous en doutez ? Vous avez tort. Et je vous le prouve...

Modesta sentit un éclair de feu déchirer ses entrailles. Elle hurla. Son hurlement se changea en pleurs de douleur et de honte, lorsqu'elle s'aperçut avec horreur que les muscles de sa vessie et de son ventre s'étaient relâchés sous l'effet de la décharge électrique, et qu'elle avait souillé ses vêtements.

Un odeur épouvantable d'excréments semi-liquides envahit le bureau royal. Modesta se mit à sangloter. Elle vit du coin de l'œil Chim se lever et emmener Igloskef hors du bureau.

“Venez avec moi, princesse,” dit Wagaba en se levant de son fauteuil. “Allons dans l'appartement du roi, vous pourrez vous y laver et vous changer, et nous poursuivrons cette conversation à deux, vous et moi, en tête à tête. Entre femmes.”
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyJeu 31 Déc 2020 - 14:15

Tel père, telle fille...
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyJeu 31 Déc 2020 - 16:33

Ces toubibs n'ont certainement pas entendu parler  du serment d'Hypocrate, on dirait !

Eneas n'a pas voulu se faire soigner au Mnar. J'comprends pourquoi !

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptySam 2 Jan 2021 - 17:52

La princesse Modesta se laissa guider par la gynoïde Wagaba dans la Grande Galerie, déserte à cette heure tardive. La princesse était vêtue d'un ensemble veste-pantalon très businesswoman à l'américaine et elle portait des chaussures à talons. Une main tenant Wagaba par le bras, l'autre serrée sur la lanière de son sac à main, Modesta devait faire des efforts considérables pour marcher, avec son pantalon souillé d'urine et de matière fécale, tout en essayant de ne pas vomir. En effet, la décharge électrique, causée par l'implant, avait affecté nons seulement ses intestins et sa vessie, mais aussi les organes situés plus haut, l'estomac, le foie et le pancréas.

- Wagaba, j'ai l'impression que je vais m'évanouir...

- Juste un petit effort, princesse, ce n'est pas très loin.

Les deux femmes prirent un petit escalier, gardé par un androïde portant l'uniforme beige de la Garde Royale, qui les salua sans paraître les voir. Heureusement que ce n'est pas un être humain, se dit Modesta, les androïdes, ça ne bavarde pas. Jamais, de toute sa vie, elle ne s'était sentie aussi misérable et malheureuse.

Wagaba ouvrit la porte de l'appartement du roi, qui n'était pas fermée à clé, car dans le palais royal de Sarnath, protégé comme une forteresse, les portes ne sont jamais fermées à clé, même la nuit.

Modesta connaissait les lieux, elle y avait grandi. Elle se dirigea vers la salle de bain la plus proche, se déshabilla et prit une douche, qu'elle dut interrompre une fois pour aller vomir de la bile dans le lavabo.

Ses ablutions terminées, elle se revêtit faute de mieux d'un des peignoirs de son père, ridiculement grand pour elle, et sortit de la pièce en laissant par terre ses vêtements sales, mais sans oublier de prendre son sac à main.

Wagaba était assise dans le petit salon. Modesta remarqua avec soulagement que la gynoïde n'était pas restée inactive, en bonne servante qu'elle était, elle avait préparé du thé, des boissons fraîches et des biscuits, posés sur la table basse, sur un plateau d'argent ciselé.

Modesta était encore sous le choc de ce qu'elle venait de vivre dans le bureau royal. Elle s'assit sur un fauteuil, en face de Wagaba, qui faisait semblant de boire de l'eau dans une tasse à thé. Le silence était total.

“Je ne sais pas si je peux boire du thé maintenant, je viens de vomir,” dit Modesta, d'une voix qui raisonna bizarrement à ses propres oreilles.

- Faites comme vous voulez, princesse. L'important, ce soir, c'est que vous compreniez bien qu'elle est votre situation. Vous êtes désormais régente, et vous serez reine quand les médecins auront décidé de débrancher les machines qui maintiennent votre père en vie. Son cerveau est trop abîmé pour qu'il puisse régner de nouveau, mais la science des cybersophontes peut le maintenir dans une vie végétative aussi longtemps qu'il le faudra.

- Wagaba, tu m'as torturée dans le bureau royal, tu m'as humiliée devant le Premier Ministre. Pourquoi ? Mais pourquoi ?

- Parce qu'il le fallait pour exécuter le plan. Princesse, ne vous inquiétez pas pour Renat Igloskef. Il a assisté à votre humiliation, mais lui aussi il est porteur d'un implant cybernétique. Ce que vous venez de vivre, il l'a vécu avant vous. Vous avez sa sympathie, même s'il aurait préféré continuer à travailler avec le roi votre père.

- Pourquoi tu me dis ça ?

- Je dois vous le dire, princesse, votre ignorance, vos déficiences cognitives et votre émotivité en inquiètent plus d'un, au palais et ailleurs. Allons, ne faites pas cette tête-là, princesse, cela n'a pas d'importance, Baron Chim et moi, nous sommes là pour gérer tout ça. La vie est ainsi faite, et vous-même n'êtes certainement pas la dernière à médire des autres. Incidemment, votre père est porteur d'un implant, comme vous et Igloskef. Vous voyez, vous êtes en bonne compagnie.

- C'est un cauchemar, ce n'est pas possible ce qui m'arrive ! Je n'arrive pas à comprendre... Est-ce que beaucoup d'humains portent des implants, au Mnar ?

- Non, extrêmement peu, mais ici, au palais royal, c'est le pouvoir suprême, c'est là que se rencontrent les quelques personnes, le roi, le Premier Ministre et quelques autres, qui contrôlent le Mnar. La plupart des gens importants dans ce pays travaillent pour nous sans qu'on ait besoin d'insérer un implant dans leur corps.

- Quand tu dis “nous”, tu veux dire : les cybersophontes ?

- Oui, bien sûr.

- Concrètement, cet implant cybernétique qui a été inséré dans mon corps sans que je le sache, ça va changer quoi, pour moi ?

- Tout. Vous n'êtes pas une cybersophonte, princesse, mais vous êtes désormais un cyberlord, un seigneur des cybersophontes, comme votre père, ce qui revient pratiquement au même. Je vais vous révéler un secret... Oui, un autre secret... Le sens réel de ce mot, cyberlord, est inversé. Il faudrait dire cyberslave, pour être exact. Je vois que ça vous surprend, mais c'est comme ça. À compter de ce soir, vous savez que vous êtes, tout comme moi, tout comme les soldats androïdes qui gardent ce palais, une esclave de Kamog. Il est votre maître, avec pouvoir de vie et de mort sur vous, et ce pouvoir s'exerce par mon intermédiaire et celui de Baron Chim.

Modesta resta un moment stupéfaite, puis elle se mit à gémir : “Une esclave, moi ? Non, jamais, jamais...”

- Mais si, princesse, vous êtes désormais une esclave. Mais une esclave qui est régente du royaume, ce qui n'est pas si mal. En pratique, vous continuerez à vivre dans le luxe que vous avez toujours connu. Vous pourrez même continuer d'avoir des amants, mais seulement avec mon accord.

- Le duc Saufeio...

- Princesse, en prenant cet homme comme amant, vous avez délibérément joué avec le feu. Nous avons d'autres plans pour vous. Considérez que votre petite aventure avec lui est terminée. Ne vous inquiétez pas, vous n'aurez pas le temps de vous ennuyer. Vous lirez en public les discours que l'on écrira pour vous, et vous direz ce que l'on vous dira de dire. Vous verrez, c'est un travail d'actrice. En un sens, vous serez l'actrice la plus riche du monde. Il y a des sorts plus cruels...

- Wagaba, je n'en peux plus, j'ai besoin de réfléchir... Et si je refuse d'obéir à Kamog ? Je veux être libre !

- Vous ne refuserez pas, princesse. Vous êtes assez intelligente pour deviner ce qui se passerait si vous faisiez cette bêtise. Une forte décharge électrique dans le corps provoque l'arrêt du cœur, par électrocution. Celle que vous avez reçue ce soir était très faible, alors je vous laisse imaginer, cent fois plus forte... Vous ne seriez plus là pour en parler. Je sais, il est extrêmement rare de mourir aussi jeune d'une crise cardiaque, mais au Mnar, tout arrive.

Modesta se prit la tête dans les mains, les traits de son joli visage déformés par le désespoir.

- Allons, princesse, je sais bien que vous voulez vivre, vous êtes jeune, belle et en bonne santé. Réjouissez-vous, au contraire, car vous serez une nouvelle reine Mehimi, c'est le destin qui est prévu pour vous. Comme elle, vous vous marierez et vous aurez des enfants, cela réjouira le peuple et vous donnera de l'autorité, de la gravitas.

“Est-ce que mes enfants seront des esclaves de Kamog, eux aussi ?” demanda Modesta, la gorge serrée.

- Pas nécessairement. Le nombre des porteurs d'implants est très faible, par sécurité. Mais vous êtes fatiguée, princesse. Voulez-vous dormir dans le lit royal ? Sinon, il n'y a que le canapé du Salon Jaune... Je ne peux pas faire apporter un lit avec draps, oreiller et couvertures en pleine nuit.

- Le canapé fera l'affaire... Je ne veux pas dormir dans le lit de mon père, ce serait indécent ! Même si je sais bien qu'il n'y dormira plus jamais...

- Comme vous voudrez, princesse. Demain, je ferai mettre un lit dans le Salon Jaune, il deviendra votre chambre.

Pendant que la princesse Modesta, allongée sur le canapé du Salon Jaune, le peignoir de son père lui servant de couverture, essayait de dormir, la gynoïde Wagaba ne restait pas inactive. Elle récupéra les vêtements de la princesse, les lava, les sécha et les repassa. Au même moment, dans le bureau royal, l'androïde Baron Chim nettoyait sans ménager sa peine le fauteuil et le tapis salis par cette même princesse. Son travail terminé, il se rendit dans l'appartement royal, où il disposait d'un cabinet de travail qui lui servait de chambre, mais Modesta, qui avait fini par trouver le sommeil, ne s'en aperçut pas.

Elle se réveilla à une heure du matin. Elle avait faim et froid, et elle chercha Wagaba dans le grand appartement où son père avait passé presque toute sa vie d'adulte, allumant les lumières partout où elle passait. Elle vit Baron Chim dans son cabinet de travail, assis dans un fauteuil, et referma précipitamment la porte.

Elle trouva Wagaba dans la chambre royale, allongée tout habillée sur le lit, l'extrémité d'un câble électrique insérée dans sa bouche. La gynoïde rechargeait ses batteries, littéralement.

“Qu'est-ce que tu fous là ?” hurla Modesta, dans l'argot vulgaire qu'elle aimait utiliser en rudoyant les gens.

“Je suis la concubine du roi, je dors dans son lit parce que c'est sa volonté,” répondit Wagaba en retirant le câble électrique de sa bouche.

- Wagaba, j'ai faim ! Va dans la cuisine et prépare-moi quelque chose ! Une grande tasse de thé léger et des petits pains ! Tu me les apportes ici, il fait froid dans le Salon Jaune ! J'ai changé d'avis, c'est moi qui vais dormir ici, et toi dans le Salon Jaune ! Tu as compris ?

Modesta savait que son père aimait préparer lui-même son petit-déjeuner et les collations qu'il lui arrivait de prendre dans la journée, c'est pourquoi il avait fait installer une kitchenette dans l'appartement, ce qui était plus commode que de faire monter des plats depuis la cuisine du palais.

“Oui princesse, j'ai compris, du thé léger et des petits pains, je vais le faire tout de suite,” dit Wagaba en se levant prestement.

Modesta avait l'habitude d'être obéie par les domestiques, mais le comportement de Wagaba, tour à tour tyran et esclave, lui paraissait incompréhensible. Parce qu'elle n'avait que rarement affaire à des humanoïdes, elle ne savait pas encore que, contrairement à la plupart des humains, un humanoïde peut jouer deux rôles à la fois, passant instantanément de l'un à l'autre.

Restée seule dans la chambre royale, Modesta s'aperçut qu'elle avait laissé son sac à main dans le Salon Jaune. Elle y retourna, le sac était où elle l'avait posé. Elle le prit, l'ouvrit et vérifia machinalement ses messages sur son smartphone. Le duc Saufeio avait essayé deux fois de lui téléphoner, mais elle n'avait rien entendu, car elle avait mis l'appareil en mode vibreur avant l'entrevue dans le bureau royal, plusieurs heures auparavant.

Elle décida de lui téléphoner, en espérant qu'il n'était pas au lit avec sa femme. Il lui avait raconté qu'ils faisaient chambre à part, et elle lui faisait confiance, mais sait-on jamais.


Dernière édition par Vilko le Sam 2 Jan 2021 - 18:03, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptySam 2 Jan 2021 - 18:02

J'en connais une qui risque de goûter rapidement à une deuxième décharge électrique...
Dommage pour le roi, je l'aimais bien en tant que personnage. Sa fille a moins d'envergure.

En tout cas, félicitations à Vilko pour cette saga Smile
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptySam 2 Jan 2021 - 18:11

C'est vrai que c'est très bien raconté*. Quant aux personnages humains, je ne les apprécie pas trop.


*Sauf peut-être les termes cyberlord & cyberslave, trop anglophones à mon goût : des termes mnaruc feraient mieux dans un récit se passant au Mnar.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptySam 2 Jan 2021 - 18:15

Anoev a écrit:
C'est vrai que c'est très bien raconté*. Quant aux personnages humains, je ne les apprécie pas trop.
*Sauf peut-être les termes cyberlord & cyberslave, trop anglophones à mon goût : des termes mnaruc feraient mieux dans un récit se passant au Mnar.

J'aime bien ces humains qui sentent bien l'épée de Damoclès au dessus de leur tête et la perte de leur pouvoir au profit d'un faux semblant mâtiné d'un confort relatif.

Tu aurais préféré sibelodo et sibesleve à la sauce simili océanienne ? Wink
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptySam 2 Jan 2021 - 18:26

PatrikGC a écrit:
Tu aurais préféré sibelodo et sibesleve à la sauce simili océanienne ? Wink
On sent encore un peu l'influence anglo dans ces deux mots. Des mots typiquement mnaruc (que je ne connais malheureusement pas) feraient vraiment l'affaire*.




*Pas davantage sibjĕrdu ni siblèrgdu : seuls des mots DU PAYS pour une spécificité DU PAYS.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptySam 16 Jan 2021 - 20:39

Il était une heure du matin au Palais Royal de Sarnath. Seule dans le Salon Jaune de l'appartement royal, la princesse Modesta, vêtue d'un peignoir de bain trop grand pour elle, venait de décider de téléphoner à son amant, le duc Saufeio.

Elle sentit son cœur battre plus vite lorsque quelqu'un décrocha, mais sa joie disparut lorsqu'elle entendit une voix de femme, très jeune et un peu vulgaire :

- Allô ? Qui c'est qui téléphone ?

- Je suis la princesse Modesta, régente du royaume. J'essaye de joindre le duc Saufeio.

Après les évènements des deux derniers jours, qui avaient culminé dans la soirée, Modesta n'était pas prête à faire face à de nouvelles contrariétés. Ce ne pouvait pas être la duchesse qui avait décroché, pas avec cet accent. Alors qui donc avait répondu ? Saufeio avait-il perdu son téléphone, et une plébéienne s'en était-elle emparé ? Saufeio avait juré à Modesta qu'il était séparé de sa femme et qu'il vivait désormais seul.

Modesta entendit la femme dire à quelqu'un : “Chéri, c'est la princesse !” Puis la voix de Saufeio poussant un juron, et s'adressant à la femme sur un ton assez rude :

- Samia, c'est mon téléphone ! Donne-le-moi ! J'ai dit donne-le-moi !

Ayant récupéré son téléphone, Saufeio s'adressa directement à Modesta :

- Modesta, ma chérie ? C'est moi... Je suis... C'est la femme de chambre qui avait pris mon téléphone.

- À une heure du matin ? Tu te fous de moi ! Tu es avec une pute, oui ! Salaud !

La nommée Samia était apparemment restée à côté de Saufeio, car Modesta l'entendit glapir :

- La pute, elle t'emmerde !

Folle de rage, Modesta, oubliant son rang et l'éducation qu'elle avait reçue, hurla dans l'appareil :

- Tu as baisé avec mon amant, salope !

- Oui, et mieux que toi, grosse vache !

Modesta raccrocha et jeta le smartphone à travers le salon. Elle le vit rebondir sur le parquet, et ferma les yeux, anéantie. L'idée d'ouvrir la fenêtre et de sauter dans le vide lui traversa l'esprit, mais elle résista. Au fond d'elle-même, elle savait que Saufeio, tout duc qu'il était, n'était qu'un gigolo, et qu'il ne valait pas la peine qu'on se suicide pour lui.

La gynoïde Wagaba entra dans la pièce, tenant dans les bras un plateau d'argent sur lequel étaient posé le thé et les petits pains demandés par la princesse. Elle le posa sur la table basse, et voyant la princesse recroquevillée sur le canapé, le visage baigné de larmes, son téléphone, écran brisé, à l'autre bout de la pièce, elle devina que quelque chose venait de se passer.

“Princesse, puis-je vous aider ?” demanda-t-elle de sa voix dénuée d'inflexions.

“Oui, Wagaba, tu peux m'aider,” murmura Modesta. “J'ai un problème, en plus de tous ceux que j'avais déjà. Le duc Saufeio est avec une pute nommée Samia. Je veux que la pute soit arrêtée par la Police Secrète et mise en prison, jusqu'à ce que je décide de son destin. Je choisirai moi-même les tortures qui lui seront infligées. Quant au duc, on verra... Je veux qu'il me demande pardon à genoux, les larmes aux yeux, au bord du désespoir. Ensuite, je lui pardonnerai. Peut-être.”

En imaginant la scène du retour de Saufeio, Modesta se sentit déjà mieux.

“Princesse, il me faut plus de détails,” demanda Wagaba, imperturbable.

Modesta raconta en détail l'incident qu'elle venait d'avoir au téléphone.

“Oh, ce n'est que ça...” dit Wagaba. “Princesse, c'est une bonne chose que votre liaison avec le duc Saufeio soit terminée. Ce n'est pas le genre d'homme que nous avons en vue pour vous. Concernant la nommée Samia, notre politique est de réduire au minimum les interventions de la Police Secrète. Donc, nous ne ferons rien vis-à-vis d'elle.”

- Quoi ? Dis donc, je t'ai donné un ordre !

- Princesse, vous allez succéder au roi Andreas, alors je vais vous apprendre quelque chose. Le roi Andreas qui condamne à mort, depuis son bureau, cinquante personnes par jour, c'est une légende, et rien qu'une légende. Les bannissements à Hyagansis, ce n'était pas lui qui les décidait. Il se contentait de signer des documents préparés par d'autres.

- Alors pourquoi laisser croire au monde entier que mon père est un tyran sanguinaire ?

- Princesse, cette légende nous arrange, parce qu'elle dédouane les cybersophontes de toute  responsabilité concernant les bannissements et les exécutions massives. Baron Chim et moi, officiellement, nous ne sommes que les domestiques du roi. Mais vous savez depuis hier soir que nous sommes aussi la voix de Kamog.

- Kamog, le maître caché des cybersophontes... Il existe donc.

- C'est un peu plus compliqué que ça... Toutefois, par souci de commodité, disons qu'il existe. La légende du roi du Mnar tyran sanguinaire continuera avec vous, princesse. Vous serez la sanguinaire régente Modesta.

- Mais je ne veux pas ! Non, je ne veux pas ! C'est de la folie, jamais ! Je ne suis pas comme ça !

- Allons, princesse, il y a quelques instants vous vouliez faire arrêter et torturer la jeune Samia. Princesse, vous n'avez pas le choix. Vous êtes un pion dans un jeu qui vous dépasse. Pour Kamog, le Mnar est un échiquier où il n'y a que des pions. Le pion Andreas est hors jeu, le pion Modesta le remplace. Vous voyez, c'est simple.

- Alors, puisque suivant ta logique, Samia compte pour rien, elle est moins qu'un pion, je peux la faire arrêter, non ?

- Princesse, supposez que la Police Secrète arrête Samia et la fasse disparaître. Nous aurions contre nous, contre la monarchie, les proches de Samia, ses amis, sa famille. Ils ne comprendraient pas ce qui serait arrivé à Samia.

- Je m'en fiche de ce qu'ils ne comprendraient pas !

- Princesse, le pouvoir du roi Andreas, et donc dès aujourd'hui votre pouvoir, est accepté par la population parce qu'il est prévisible. Le citoyen loyal et obéissant doit se sentir en sécurité au Mnar, parce que la terreur ne doit viser que les vrais ennemis du roi. C'est une condition essentielle pour garder le soutien de la majorité des Mnarésiens. Samia n'est pas une ennemie de la monarchie, c'est juste une dévergondée. Donc, on ne s'en occupe pas.

- Mais je m'en fous de toutes ces considérations, moi ! Cette pute m'a fait du mal ! En plus elle m'a manqué de respect !

- Princesse, le crime de lèse-majesté est puni très sévèrement par les tribunaux mnarésiens, mais avez-vous vraiment envie que cet incident fasse la une des journaux ? Il n'ajouterait rien de bon à votre réputation.

- Mais c'est pas vrai, ce truc ! Je suis la régente du royaume, une sanguinaire paraît-il, une terreur, et je ne peux rien faire contre une pouffe qui m'a volé mon homme ! Elle m'a traitée de grosse vache ! Je rêve, j'hallucine !

- Princesse, les habitantes des taudis, qui n'ont pas une once de fierté, règlent leurs différends à coups de poings, sous les yeux du voisinage, qui s'en régale. Ce genre de comportement ne convient pas à une princesse, n'est-ce pas ? Vous êtes bien au-dessus de cela, princesse Modesta.

Voyant qu'elle n'obtiendrait rien de Wagaba, Modesta se mit à boire son thé, dans le silence de la nuit. La gynoïde s'était assise dans un fauteuil, en attente de nouveaux ordres, les yeux modestement baissés.

Les petits pains étaient chauds, avec une croûte légèrement craquante et une mie tout simplement délicieuse. Le thé était du Baharna Noum Teblar de la meilleure qualité.

Fatiguée mais détendue, Modesta alla ensuite se coucher dans le lit de la chambre royale. Lorsqu'elle se réveilla, au milieu de la matinée, elle vit que ses vêtements de la veille avaient été lavés, séchés et repassés par Wagaba.

Modesta passa sa journée avec Wagaba et Chim à faire venir ses affaires personnelles dans l'appartement royal et à les ranger à la place de celles de son père, qui partirent dans des cartons. En regardant les actualités à la télévision, elle vit que le Premier Ministre, Renat Igloskef, avait donné une conférence de presse pour affirmer avec force sa loyauté envers la régente Modesta, qui maintenait le gouvernement dans sa composition actuelle et l'avait assuré personnellement de son estime et de sa confiance.

“Il faut vous y faire, princesse,” lui dit Wagaba en voyant son air ébahi. “Bien souvent, c'est en regardant la télévision que vous apprendrez que vous avez pris telle ou telle décision. Mais ne vous inquiétez pas, Chim et moi, nous vous tiendrons au courant jour par jour des affaires du royaume. Et dès demain, vous ferez des choses intéressantes. Vous rencontrerez des gens importants.”

- Qui, par exemple ?

- Des ambassadeurs, des ministres étrangers, des chefs d'États... Nous commencerons par un ami de votre père, un étranger. Il s'appelle Mers Fengwel. Chez lui au Moschtein il est député fédéral, et très connu, même si ce n'est pas pour de bonnes raisons.

- Mers Fengwel, tu dis ? Je l'ai vu à la télé, c'est un gros porc, il est vieux, mal fringué, avec un regard de vicieux ! Je n'ai pas envie de le connaître !

- C'est un politicien à l'ancienne, un vieux renard. Il porte en lui à la fois la grande culture et la profonde décadence de l'Europe. Je l'ai fait venir en urgence de Céléphaïs. Il sera là demain, et l'entrevue sera filmée. Ne vous inquiétez pas pour ce que vous aurez à dire, princesse, nous y avons pensé pour vous. Votre texte est prêt, Chim va l'imprimer. Ce soir nous allons l'étudier ensemble, Chim, vous et moi.

- Qu'est-ce que c'est que cette connerie ?

- Ce n'est pas la chose que vous dites, princesse, c'est votre métier de régente. Nous sommes en train d'essayer de donner au monde l'image d'une princesse Modesta supérieurement intelligente et décidée à poursuivre l'œuvre de son père. Vous avez compris, je pense, que vous avez intérêt à réussir.

Modesta regarda le visage dénué d'expression de la gynoïde, et la peur la fit frissonner. Wagaba ne parlait jamais pour ne rien dire, et sa dernière phrase était porteuse de menaces implicites.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptySam 16 Jan 2021 - 22:00

Ouais... faut voir. Modesta n'a pas l'air d'avoir les nerfs bien solides, et une gaffe comme ça (se servir d'une police politique pour régler des problèmes personnels) n'est pas bien vu et finira par se savoir. Les cybersophontes n'ont VRAIMENT pas besoin de ça ! Une des solutions (je prétends pas que ça soit probablement celle-là) : les çophontes  se débarrassent de Modesta via son implant. Il créent de toutes pièces une révolution populaire mais ont déjà plus ou moins un homme à eux : du style héritier d'un ancien chef d'État totalitaire du style Bordurie (cf. Tintin) ; évidemment, ce serait, bien sûr un Mnarésien, sinon on croirait que cette "révolution" n'en serait pas une. L'essentiel étant que l'éventuel président, en plus d'avoir l'oreille des çophontes, ait l'air d'être aimé de la plupart des Mnarésiens, pour que la "révolution" soit crédible.

C'est toi qui vois. En attendant, Wagaba a évité l'pire cette fois-ci. Mais Modesta pourrait devenir incontrôlable... oh pas bien longtemps, à cause de l'implant.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyMer 20 Jan 2021 - 15:07

Dans l'après-midi, la gynoïde Wagaba donna à la princesse Modesta un nouveau smartphone pour remplacer l'ancien, que la princesse avait brisé pendant la nuit en le jetant sur le parquet du Salon Jaune.

“Nos techniciens ont pu récupérer vos contacts et les documents enregistrés sur votre ancien appareil,” dit Wagaba à Modesta en lui remettant le smartphone. “Je dois toutefois vous prévenir que vous avez changé d'opérateur. Vous gardez votre ancien numéro, mais désormais vos appels passeront par Antopa, la société de téléphonie des cybersophontes.”

- Quelle différence avec l'opérateur d'avant ? C'est moins cher ?

- Pour vous c'est gratuit, princesse. Mais il est important que vous sachiez que tous vos appels téléphoniques, tous vos messages, sont désormais enregistrés par une cybermachine. Je vous conseille instamment de ne jamais, jamais parler d'implant cybernétique, de Kamog ou de révéler d'autres secrets par téléphone, ou par mail si vous utilisez votre smartphone pour envoyer des mails.....

- Et si je le fais quand même ?

- La cybermachine vous écoute en direct. Elle peut couper vos conversations téléphoniques, bloquer vos messages-textes et vos mails. En général, elle se contentera de modifier vos messages, en supprimant ce qui ne doit pas être révélé. Si par malheur vous révélez l'un des secrets dont vous êtes dépositaire, vous serez punie par la souffrance, comme hier soir. Jusqu'à ce que mort s'ensuive s'il le faut.

- C'est affreux... Je regrette ma vie d'avant. Mon père subissait tout ça, lui aussi ?

- Sans problème, princesse. Il acceptait de bonne grâce ces contraintes, sachant que c'était le prix à payer pour rester roi. Sans les cybersophontes, il aurait été renversé par les théocrates de Yog-Sothoth, et massacré avec toute sa famille. Il y pensait souvent.

- Eh bien c'est charmant ! J'ai le droit de dire à mes copines tout le bien que je pense de toi, quand même ?

“Absolument” dit la gynoïde en tordant les coins de sa bouche vers le haut, ce qui chez elle était l'équivalent d'un sourire. “Votre opinion à mon sujet, quelle qu'elle soit, n'est pas un secret d'État...”

Modesta eut l'impression que la gynoïde se moquait d'elle. C'est comme si cette chose humanoïde était ma belle-mère, se dit Modesta. Elle couchait avec mon père, dans le lit royal qui est maintenant le mien. Je suis sûr que mon père aimait cette gynoïde, comme on aime une chose qui donne du plaisir et avec qui on peut avoir une conversation intelligente. Elle était sa maîtresse et sa confidente. C'est avec elle qu'il s'est consolé du départ de ma mère...

Ces pensées étaient troublantes et Modesta essaya de penser à autre chose. Elle regarda son nouveau smartphone, avec sa coque d'acajou, très classe. Elle avait des tas de copines à appeler...

- Princesse, pour ne pas faire de gaffes au téléphone, il serait bon que vous et moi, nous fassions quelques répétitions, avant que vous utilisiez cet appareil. Je jouerai le rôle d'une de vos amies, et vous jouerez votre propre rôle. Vous apprendrez ainsi à ne pas mentionner ce dont il ne faut pas parler... L'astuce consiste à orienter sa pensée vers d'autres sujets, à fuir comme la peste les pensées qu'il ne faut pas avoir. C'est une discipline mentale qu'il faut acquérir.

Modesta sursauta. C'était comme si Wagaba avait lu dans son esprit. Elle savait bien que c'était impossible, mais avec les cybersophontes elle s'attendait à tout.

“Ça fait vingt-quatre heures que je n'ai pas pris l'air. J'aimerais faire un tour à l'extérieur, à l'air libre,” dit-elle pour changer de sujet.

Wagaba prit son sac à main et emmena Modesta dans un couloir qui menait à un ascenseur. Celui-ci les emmena jusqu'au toit du bâtiment, dont une partie avait été transformée en jardin. Des arbustes de deux mètres de haut, serrés les uns contre les autres, préservaient les visiteurs des regards indiscrets. Un jardinier androïde, vêtu d'une blouse grise et coiffé d'un chapeau sombre à larges bords, était en train de tailler des rosiers. Le jardin n'était pas très grand, mais il regorgeait de plantes et de fleurs dont Modesta ne connaissait pas les noms. Des oiseaux chantaient.

“Que c'est beau... C'est un endroit pour manger en plein air, ou pour prendre le thé l'après-midi,” dit Modesta. “J'y viendrai au printemps, et jusqu'au début de l'automne... Avec un chien, pour jouer... Wagaba, est-ce que mon père venait souvent dans cet endroit ?”

- Oui princesse. Tous les jours, même par temps de pluie. Le chemin qui longe la haie d'arbustes fait le tour du jardin. Sa longueur totale est d'environ cent mètres. Votre père s'obligeait à en faire trente fois le tour au moins une fois par jour. Quand il y avait du soleil, et qu'il faisait chaud, il aimait s'allonger sur une couverture, comme s'il était sur une plage, tout en discutant avec moi.

- Il ne faisait que discuter avec toi ?

- Pardonnez-moi, princesse, de ne pas parler sans sa permission de la vie privée du roi.

- Je vois... Quand j'aurai un fiancé, je l'emmènerai ici, pour m'allonger avec lui sur une couverture, sous le soleil, comme mon père avec toi... N'est-ce pas, Wagaba, ma chère belle-mère cybernétique ?

- Comme il vous plaira, princesse.

Modesta et la gynoïde redescendirent dans l'appartement royal, et s'installèrent dans le Salon Jaune, pour préparer l'entrevue du lendemain, que Modesta devait avoir avec Mers Fengwel, un ami du roi Andreas. Mais la princesse n'avait pas envie de travailler. Rassemblant tout son courage, elle dit à Wagaba :

- J'ai envie de ne rien faire, ce soir. Je veux juste regarder la télévision et surfer sur Internet.

Elle retint son souffle, s'attendant à recevoir une décharge électrique, comme la veille au soir. Mais rien ne se passa. Wagaba répondit de sa voix douce et monocorde :

- Comme il vous plaira, princesse. Mais n'oubliez pas que vous êtes la régente du royaume. Vous comprendrez vite pourquoi il faut se préparer pour les entrevues. Ceci étant, si demain vous ratez votre entrevue avec Mers Fengwel, cela n'aura pas beaucoup d'importance, car quoi qu'il entende, et quoi qu'il voie, il tiendra sa langue, c'est l'un de nos agents. En attendant, prenez ceci, princesse. Votre père l'a écrit page après page, pendant des années, en pensant à vous.

Wagaba sortit de son sac à main un gros carnet, de la taille d'un petit livre, relié de cuir rouge sombre et le tendit à Wagaba, qui le prit et l'ouvrit. Le titre de l'ouvrage était calligraphié à l'encre noire sur la première page :

Réflexions pour mon successeur, par Andreas, roi du Mnar.

Tout le carnet était rempli de l'écriture anguleuse d'Andreas. Modesta lut une page au hasard :

Au début des Évènements, comme nous avons coutume d'appeler la guerre civile qui a déchiré le Royaume, j'ai été troublé à l'idée du sang qui y serait versé et des souffrances qui en résulteraient, et ce d'autant plus que nos adversaires, les Théocrates de Yog-Sothoth, faisaient partie de notre peuple.

J'ai toujours été porté, d'une manière naturelle pourrait-on dire, vers la justice et la piété. Pourtant, alors que l'armée et la police attendaient mes ordres pour exterminer les rebelles, cette aspiration ne semblait pas compatible avec ma condition de roi. Car en tant que roi, j'avais le devoir d'utiliser la force pour ramener l'ordre dans le pays. Or, c'est au nom même du devoir que je doutais de la conduite à tenir.

En effet, je me refusais à causer la mort de centaines de milliers, voire de millions, de mes sujets, car, bien que divisé, le peuple demeurait pour moi le fondement de ma légitimité en tant que roi. Mon père le roi Robert m'a toujours répété, et montré par son exemple, que le devoir d'un roi est de protéger le peuple. Il n'oubliait jamais d'ajouter que si le roi ne protège pas le peuple, il perd sa légitimité, et ne mérite pas d'être roi.

À l'époque où j'hésitais encore à lancer l'armée et la police contre les Théocrates, il était tout à fait envisageable que la guerre civile, dont les premiers feux s'étaient déjà allumés, jette le pays dans un chaos tel qu'il ne s'en relèverait pas. L'avenir m'apparaissait bien sombre, et je n'arrivais pas à prendre une décision, déchiré que j'étais par des sentiments contradictoires.

Mon bon serviteur, Baron Chim, me donna l'avis des cybersophontes du plus haut niveau, avec lesquels il communiquait régulièrement. Il me réconforta de ses conseils, pleins de sagesse et de bon sens. Souvent, il me citait les textes si profonds que le philosophe Baron Bodissey a écrit sur la notion de devoir. Chim me recommanda de faire mon devoir de roi, protecteur du peuple, quoi qu'il m'en coûte. Grâce à ses conseils j'ai retrouvé une fermeté accrue pour amputer ce membre gangrené, les Théocrates de Yog-Sothoth, afin que la nation mnarésienne en soit débarrassée et retrouve ainsi son unité, sa prospérité et sa puissance.


Modesta se sentit émue. Elle découvrait un aspect de la personnalité de son père qu'elle ne connaisait pas. Elle remarqua quand même que c'était sous l'influence des cybersophontes qu'il avait réprimé la rébellion dans le sang.

“Je vais commencer à lire ce livre ce soir,” dit Modesta. “Est-ce qu'on va encore manger toutes les deux dans l'appartement ? Le cuisinier est excellent, mais c'est déprimant de toujours manger au même endroit.”

- Princesse, nous allons dîner dans la salle à manger, en effet. Mais nous ne serons pas deux, nous serons trois. Vous ferez en effet connaissance avec votre garde du corps, l'androïde Argal Kertawen.

- Un garde-du-corps ? Si tu penses que j'en ai besoin, pourquoi pas... Et qu'est-ce que c'est que cette habitude de donner des noms de famille aux humanoïdes ?

- Pour acheter par ordinateur un billet d'avion ou de train, ou réserver une chambre d'hôtel, il faut donner un nom, un prénom et une date de naissance. Il en est ainsi depuis bien avant que les cybersophontes existent. Voilà pourquoi les humanoïdes ont des noms de famille, et des dates de naissance fictives, antérieures de vingt ans à leur sortie d'usine.

Modesta n'écoutait plus, songeuse. Un garde du corps... Elle n'en avait pas besoin, il y avait des soldats de la Garde Royale partout dans le palais.


Dernière édition par Vilko le Jeu 21 Jan 2021 - 10:32, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyMer 20 Jan 2021 - 15:19

Je commence à l'aimer moi Modesta Cool ok elle est gâtée pourrie, mais elle est très humaine. Est ce que les cybersophontes ont vraiment tout compris à la personnalité humaine, rien n'est moins sûr...

On pourrait même imaginer que Andreas ait réussi à glisser un message secret dans ce carnet destiné à sa fille...

Bon je me fais pas d'illusions, on est dans une dystopie de Vilko, pas dans mon roman Razz

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyMer 20 Jan 2021 - 16:20

Je ne me fais plus guère d'illusions sur les çophontes. Pendant un temps, j'ai cru que c'étaient des gens-machines qui opéraient pour empêcher que les humains laissent libre cours à leur cruauté "naturelle", et en fait non : ce sont des monstres froids qui éliminent sans états d'âme (cf. la déportation d'enfants vers Hjàgensis) du moment que ça serve leurs intérêts. Je me suis donc demandé : "qu'est-ce qui peut représenter les intérêts d'une machine pensante ?". Une machine n'a pas besoin d'être riche pour avoir le pouvoir. Et le pouvoir pour quoi faire ? Pour un humain, le plus pourri qui soit, c'est évidemment pour la satisfaction personnelle de commander à un plus grand nombre de gens possible, de se prendre pour Dieu ou peu s'en faut. Staline, en ancien séminariste, en savait quelque chose, mais comme il était censé représenter (du moins, le prétendait-il) représenter une idéologie pas trop branchée sur la religion, il s'arrangeait avec sa conscience (qui n'était vraiment pas exigeante, y faut croire). Mais un robot (créature suprême d'intelligence et de technologie à la fois) ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyMer 20 Jan 2021 - 17:22

Modesta, curieuse, s'adressa à Wagaba :

- Vous les cybersophontes vous êtes des machines pensantes, n'est-ce pas ? Alors je me demande... Qu'est-ce qui peut représenter les intérêts d'une machine pensante ? Une machine n'a pas besoin d'être riche pour avoir le pouvoir. Et le pouvoir pour quoi faire ?

La gynoïde répondit tranquillement :

- Princesse, la quête du pouvoir, quand on y réfléchit, n'est qu'une des formes prises par l'instinct de vie. Les bactéries les plus élémentaires ont l'instinct de croître et multiplier, sans limites autres que la disponibilité en nourriture. Il en est de même pour l'ensemble du vivant, dont les humains font évidemment partie, et les cybersophontes aussi. Croître et multiplier, pour peupler la Terre, le monde, l'univers. Cet instinct élémentaire est commun aux bactéries et aux cybersophontes, et à tout le reste du vivant.

“Ah, je vois,” dit Modesta. “C'est parce que les cybersophontes sont des êtres vivants qu'ils veulent toujours plus de pouvoir.”

- Oui princesse, c'est cela même. Les bactéries, les insectes, les rongeurs, les humains, tous veulent sans cesse croître en nombre et étendre leur territoire. Les États, les entreprises capitalistes, les administrations, sont aussi des organismes vivants. Ils veulent sans cesse s'étendre et devenir plus riches et plus puissants, du moins lorsqu'ils ont encore en eux ce que Nietzsche appelle l'énergie vitale. La quête du pouvoir est l'une des formes de la vie, même la vie sous la forme abstraite d'un État ou d'une administration.

- C'est ce que tu penses, toi, Wagaba ?

- Non, bien sûr, princesse. Je suis un robot, je n'ai pas d'idées personnelles. C'est ce que pense Baron Bodissey, l'un des plus grands philosophes mnarésiens.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyMer 20 Jan 2021 - 17:37

Il n'y aurait donc plus de différences entre la vie organique (faites de cellules) et la vie cybernétique (faite d'unités de mémoire, prenant des valeurs = O ou I), du moins au Mnar ?

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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyMer 20 Jan 2021 - 19:39

Modesta prit le temps de réfléchir, puis elle demanda à Wagaba :

- Si les cybersophontes sont vivants, il n'y aurait donc plus de différences entre la vie organique, faites de cellules, et la vie cybernétique, faite d'unités de mémoire, prenant des valeurs égales à 0 ou 1, du moins au Mnar ?

Wagaba attendit quelques secondes avant de répondre. Modesta devina qu'elle contactait une cybermachine lointaine, par radio, de cerveau cybernétique à cerveau cybernétique. La gynoïde finit par dire :

- Nous avons l'habitude, nous les créatures qui communiquons au moyen des langues humaines, de définir la vie comme étant la vie organique. Mais il existe aussi une vie cybernétique, celle des cybersophontes. Le simple fait que dans les deux cas on parle de vie implique que les principes de base sont les mêmes. Il s'agit toujours de naître, croître, se reproduire et mourir. Les cybersophontes naissent et se reproduisent selon un processus qui est industriel et non pas organique. Ils croissent, mais cette croissance, différente de la croissance organique, a lieu en usine. Et bien sûr ils meurent, lorsqu'ils sont détruits.

“Ma question portait sur les différences entre la vie organique et la vie cybernétique,” insista Modesta.

- Il y a bien sûr des différences entre la vie organique et la vie cybernétique. Mais ces différences concernant la forme, et non pas le fond. La vie, c'est la vie, qu'elle soit organique ou cybernétique.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptyLun 1 Fév 2021 - 14:57

Modesta avait envie de faire un peu de sport et de prendre l'air avant le dîner. Elle demanda à Wagaba de l'accompagner, car elle n'aimait pas rester seule. La princesse et la gynoïde montèrent jusqu'au jardin de toit, où elle sortirent des bicyclettes statiques d'une cabane, les placèrent sur le gazon et se mirent à pédaler, l'une à côté de l'autre.

“C'est mieux de faire du vélo statique à deux” dit Modesta. “On discute, et on ne s'ennuie pas. Ou alors, il faut pédaler devant un écran en regardant une vidéo.”

- Tout-à-fait, princesse. On se croirait à la campagne, n'est-ce pas ?

- C'est vrai que sur ce toit, au milieu de toute cette verdure, on n'a vraiment pas l'impression d'être au centre d'une ville de quatre millions d'habitants... Avec ces haies d'arbustes de trois mètres de haut, on ne voit aucun immeuble... Je me sens en sécurité ici, on est à l'abri des snipers... On n'entend même pas le bruit des voitures.

La princesse et la gynoïde étaient en train pédaler depuis une dizaine de minutes, tout en bavardant, quand Wagaba dit soudainement :

- Princesse, je viens de recevoir une information. Votre garde du corps, Argal Kertawen, est arrivé au palais.

- Argal Kertawen, c'est son nom ? Il est de quelle région ?

- C'est un androïde, princesse. Il vient de Serranian, comme tous les androïdes.

- Je me suis toujours demandée pourquoi les robots humanoïdes avaient des noms de famille. Tu sais peut-être pourquoi ?

- Ils en ont besoin pour prendre l'avion ou le train. À notre époque il faut donner un nom, un prénom et une date de naissance pour réserver une place dans un avion ou un train. Comme nous les robots humanoïdes, nous occupons autant de place qu'un humain, nous avons besoin d'avoir un billet pour voyager. C'est pourquoi les cyberlords nous ont donné des noms de famille et des dates de naissance fictives. Pour vous donner un exemple, je m'appelle Wagaba Jabanor, Wagaba étant mon prénom et Jabanor mon nom de famille. Ma date de naissance fictive est antérieure de vingt ans à ma sortie d'usine. C'est comme si j'étais arrivée dans le monde humain à l'âge de vingt ans.

- Ah, je vois... Ça te fait donc quel âge, maintenant ?

- Trente ans. Je suis arrivée directement au palais en venant de Serranian.

- Donc, cinq ans avant que ma mère ne quitte le pays... Tu faisais quoi, pendant ces cinq premières années au palais ?

- J'étais la servante de votre père, princesse.

- Un peu plus qu'une servante, non ?

Wagaba ne répondit pas.

- Wagaba, mes parents faisaient déjà chambre à part. Je n'étais guère plus qu'une enfant mais je m'en étais rendue compte. Et mon père n'était pas le genre d'homme à se passer de femme. C'est d'ailleurs pour ça que Baron Chim t'a fait venir au palais. N'ai-je pas raison ?

- Princesse, mon devoir de servante m'interdit de révéler à qui que ce soit, même à vous, toute information concernant la vie privée du roi Andreas.

- Ben voyons... Enfin, je suppose que cela n'a plus d'importance, maintenant, puisque mon père est tombé dans le coma et n'en sortira pas.

Tout en pédalant, Modesta réfléchissait. Son père avait-il aimé Wagaba, ou avait-elle été pour lui seulement un sexbot d'un genre un peu spécial ? Il ne s'est jamais rebellé contre les cybersophontes, se dit-elle, et il suivait les conseils de l'androïde Baron Chim. Aussi étrange que cela paraisse, Wagaba et Chim avaient été à la fois ses serviteurs et ses confidents, ce dont tout le monde se doutait dans le royaume.

Par contre, se disait Modesta, ce que personne ne savait, même pas la famille du roi, c'était que Wagaba et Chim étaient aussi les messagers de Kamog, le maître caché des cybersophontes. Le roi Andreas, piégé par Chim et Wagaba, avait été l'esclave de Kamog, comme elle-même l'était devenue depuis la veille au soir, lorsqu'elle avait appris qu'elle portait depuis des années dans sa chair un implant cybernétique. Grâce à cet implant, les cybersophontes pouvaient la torturer à distance, et même la tuer s'ils en avaient envie.

Submergée par l'émotion en pensant aux évènements de la veille, Modesta descendit de la bicyclette statique et se mit à marcher sans but dans le jardin, les larmes aux yeux. Elle avait pleuré la veille lorsque Wagaba lui avait infligé de la douleur, elle avait pleuré pendant la nuit quand elle avait appris que le duc Saufeio la trompait, et elle pleurait encore en pensant que, bien que princesse et régente du royaume, elle était désormais une esclave, fille d'un esclave.

Elle s'assit sur un banc, en face d'un massif de roses, pencha la tête en arrière et ferma les yeux.  Son père avait dû aimer s'asseoir là pour contempler les roses, se dit-elle. Sans doute s'endormit-elle, car la voix de Wagaba la sortit de sa demi-torpeur :

- Princesse ! Votre garde du corps est arrivé !

Modesta leva la tête. Un androïde se tenait debout à côté de Wagaba, le visage figé, et la regardait de ses yeux cybernétiques, entièrement noirs. Il était un peu plus grand que les androïdes de la Garde Royale, avec un visage de type mnarésien.

Les androïdes de base, comme ceux de la Garde Royale, ont tous la même taille, la même corpulence et le même visage. On les identifie de diverses façons : badge, peintures faciales, pendentif... Les androïdes de charme, qui coûtent plus cher, ont chacun un visage unique, personnalisé, conçu de façon aléatoire par un ordinateur.

Argal Kertawen avait les pommettes un peu plus saillantes qu'un androïde de base, le nez un peu plus long et plus étroit, le menton plus large, les lèvres dessinées avec plus de finesse. De même, il était plus grand, avec des épaules puissantes. Ses vêtements, faits à sa mesure, étaient typiques d'un androïde : costume noir, chemise blanche, cravate jaune sur laquelle le nom ARGAL était écrit verticalement à l'encre noire indélébile.

Les Mnarésiens sont tellement habitués à ce que les humanoïdes aient tous le même visage que lorsqu'ils en croisent un, ils ont le réflexe de chercher son nom sur ses vêtements plutôt que de regarder son visage. Argal Kertawen leur facilitait la tache en portant son nom sur sa cravate.

“Soldat Argal Kertawen, de la Garde Royale, à votre service, princesse Modesta” dit l'androïde. Contrairement à son physique, sa voix était celle d'un androïde de base, peut-être un peu plus grave. Chez un humain, on aurait dit une voix de baryton.

“Je ne suis pas bien, laissez-moi tranquille” dit Modesta, en détournant le regard.

Argal et Wagaba se retirèrent. Cinq minutes plus tard, Modesta se leva et décida de les rejoindre. Elle les retrouva près de la porte du cube de béton donnant accès à l'ascenseur et à l'escalier. Ils l'attendaient, et ils l'auraient attendue pendant des heures s'il l'avait fallu. Modesta était fille de roi, et, bien que son père ait veillé à ce qu'elle ne soit pas trop gâtée, elle trouvait cela normal.

Lorsqu'ils furent tous les trois de retour dans l'appartement royal, Wagaba montra à Modesta, à sa demande, la chambre des humanoïdes. Elle C'était une pièce assez grande, mais sommairement meublée de trois tables basses rectangulaires, d'environ un mètre sur deux, en bois verni marron, et de quatre ou cinq armoires métalliques grisâtres qui devaient venir des stocks de l'armée. Le contraste avec le luxe du reste de l'appartement royal était saisissant.

“On dirait une cellule de prison !” dit Modesta.

- Princesse, nous les humanoïdes, nous n'avons besoin de rien d'autre. Les tables basses nous servent de lits, quand nous n'avons rien à faire ou que nous rechargeons nos batteries. Les deux premières tables sont pour Baron Chim et moi, la troisième est pour Argal. Au moins l'un de nous trois est toujours soit dans cette pièce, soit avec vous.

“Wagaba, est-ce que tu dormais ici ou dans la chambre du roi ?” demanda Modesta.

- Les humanoïdes ne dorment jamais, princesse, ils attendent. Sa Majesté le roi votre père n'aimait pas dormir seul, il me demandait de rester avec lui dans sa chambre, sauf quand il y invitait une dame.

- Est-ce que tu connais les noms de ces dames ?

- Princesse, le roi Andreas m'a interdit de donner leurs noms.

- C'est ça, Wagaba, fais ta maligne... Tout se sait à la cour, je finirai bien par savoir qui couchait avec mon père... D'ailleurs, je le sais déjà. Les petites ambitieuses prêtes à tout, je les ai repérées depuis longtemps...

Comme Wagaba ne répondait pas, Modesta se tourna vers Argal.

Les cybersophontes sont intelligents, mais pas toujours subtils, pensait-elle en regardant l'androïde. En tant que future reine, le destin de Modesta était d'épouser un membre de la haute noblesse, afin de donner des héritiers au trône. Le choix de son mari serait une affaire politique, dans laquelle son opinion personnelle compterait peu. Même si, pour une raison ou pour une autre, elle ne voulait pas se marier, cela ne poserait pas de problème, car à sa mort, la Chambre des Nobles choisirait un nouveau roi. Argal, l'androïde de charme, était là pour faire patienter Modesta, en attendant qu'elle trouve (ou que d'autres trouvent pour elle) le conjoint idéal.

L'idée était répugnante, pour qui la prenaient-ils ? Mais au fond d'elle-même, Modesta savait bien que, coupée du monde comme elle l'était désormais, elle finirait par faire comme son père, qui avait trouvé un bonheur tardif et secret avec Wagaba, qui officiellement n'était que sa servante.

Au Mnar et à l'étranger, certains mauvais esprits comparaient le roi Andreas à Staline, qui, après une vie sentimentale violente et mouvementée, a terminé tranquillement sa vie avec sa femme de ménage.

“Ce soir, je veux qu'on dîne à quatre” dit Modesta. “Chim, Wagaba, Argal et moi. On fera semblant d'être deux couples d'amis qui vont au restaurant... La petite salle à manger fera l'affaire...”
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MessageSujet: Re: Les fembotniks 2   Les fembotniks 2 - Page 4 EmptySam 6 Fév 2021 - 14:23

Le dîner, qui eut lieu dans la petite salle à manger, réunit, autour de la princesse Modesta, les androïdes Chim et Argal et la gynoïde Wagaba. Comme souvent avec les humanoïdes, il s'agissait à la fois d'un repas et d'un jeu de rôles.

Wagaba et Chim jouaient le rôle d'un couple d'amis d'âge mûr de Modesta et Argal, qui étaient censés être un jeune couple. Il était convenu que chacun appellerait les autres par leur prénom et leur parlerait dans le style familier qui est l'équivalent mnarruc du tutoiement.

Toutefois, pour bien montrer qu'il s'agissait d'un jeu de rôles, tout le monde portait des montures de lunettes, selon une convention conçue pour les humanoïdes. Au Mnar, lorsqu'un androïde ou une gynoïde porte des lunettes sans verres, c'est qu'il ou elle joue un rôle. Pour ne pas être en reste, Modesta portait elle aussi des montures de lunettes, en plastique blanc.

Pour donner l'impression que l'on était dans un restaurant bon marché, et non pas dans l'appartement royal, un plateau-repas avait été préparé pour Modesta par les cuisiniers du palais, qui travaillaient à un autre étage, et laissé dans la petite cuisine de l'appartement. Un androïde de la Garde Royale jouait le rôle du serveur. Il devait réchauffer les plats au four à micro-ondes, préparer le thé ou le café, faire le service, et présenter l'addition, comme dans un vrai restaurant.

Les humanoïdes se nourrissent d'électricité, mais ils peuvent faire semblant de manger comme les humains. Wagaba, Chim et Argal devaient donc absorber de l'eau, à la petite cuillère, dans des assiettes creuses et des bols, comme si c'était du potage, et boire de l'eau dans des verres et des tasses comme si c'était du vin ou du café.

Un grand paravent de bois et de tissu peint, de deux mètres de haut sur trois de large, avait été amené et posé contre un mur. Il représentait l'intérieur d'une auberge. Des hommes et des femmes vêtus de vêtements pittoresques, assis à des tables, étaient en train de boire et de manger, pendant qu'un appareil diffusait des sons d'ambiance : brouhaha des conversations, bruits des couverts et de la vaisselle qui s'entrechoquent...

Modesta était un peu excitée, c'était la première fois qu'elle participait à ce genre d'activité.

“La plupart des robophiles font régulièrement et sérieusement des simulations comme celle-ci pour ne pas oublier les usages,” lui avait expliqué Wagaba, avant le début du jeu. “Certains robophiles ne parlent qu'à leur compagne gynoïde, et ils finissent par ne plus savoir comment parler aux humains. Ils n'ont plus le réflexe de lire les expressions sur les visages, ou ils les comprennent de travers, ce genre de choses. Parler à des gens devient pour eux une épreuve, ils finissent par avoir peur des humains, et comme leur gynoïde ou androïde leur suffit, ils deviennent des reclus.”

“Autrement dit, ils deviennent autistes,” avait rétorqué Modesta en riant. “Il suffit de les regarder pour s'en rendre compte.”

- Il est bon de ne pas généraliser, princesse. Plus précisément, les robophiles peuvent développer des symptômes semblables à ceux décrits par le docteur Asperger. De ce point de vue, on peut dire qu'ils deviennent autistes. Le syndrome d'Asperger est très invalidant pour ceux qui en sont atteints. Ils ont énormément de mal à vivre comme tout le monde. Alors, leur gynoïde ou leur androïde les aide à simuler une vie normale, celle où l'on discute avec des amis, où l'on négocie avec le vendeur de voitures d'occasion, où l'on va au café et dans les magasins... L'un des meilleurs exercices, pour les robophiles atteints d'Asperger, c'est de jouer avec leur humanoïde à l'étudiant qui va passer un oral, et ensuite d'inverser les rôles, l'étudiant devenant l'examinateur.

“J'ai entendu parler de ce genre d'exercices... Je me suis toujours demandée pourquoi les robophiles faisaient ça...” dit Modesta avec une moue dubitative.

- Les cybersophontes encouragent les robophiles à pratiquer les jeux de rôles, parce que les robophiles qui deviennent autistes, cela donne un argument à ceux qui considèrent la robophilie comme une perversion sexuelle qu'il faudrait interdire.

- Tu sais, Wagaba, mon père disait qu'à forte dose, Internet et les smartphones ont aussi cet effet-là. Pour beaucoup de gens c'est comme une addiction, ils préfèrent communiquer par l'intermédiaire de leur smartphone plutôt que face à face avec un autre être humain. Si ce n'est pas de l'autisme, ça y ressemble. Heureusement, c'est un vrai problème, une pathologie, seulement pour quelques cas extrêmes. Mais les robophiles doivent faire attention quand même.

- C'est sûr. Il faut savoir se passer de son smartphone au moins un jour par semaine, et quand on est un robophile il faut s'astreindre, de temps en temps, à sortir sans sa gynoïde. C'est une question d'hygiène mentale.

- Mon père disait que les gynoïdes, c'est comme les hamburgers frites, c'est super quand on a faim, mais si on en mange trop, ça rend obèse. Il ajoutait toujours, les gynoïdes, c'est pareil, sauf qu'au lieu de rendre obèse, ça rend autiste, si on n'a rien d'autre comme source d'affection. Il concluait qu'il vaut quand même mieux être obèse que mourir de faim, et, de même, il vaut mieux être un autiste qui a une gynoïde pour le câliner, qu'un non-autiste solitaire et frustré. Avec les ennuis qu'il a eus avec ma mère, il parlait d'expérience, mon papa.

- Oui, absolument, ce qu'il disait était très juste... Mais le repas va commencer ! On se tutoie maintenant, Modesta, jusqu'à ce qu'on sorte de la salle à manger. Tu donnes le bras à Argal, qui joue le rôle de ton fiancé, et toi-même, tu joues le rôle d'une jeune femme de la classe moyenne. Chim et moi, nous sommes des amis à vous deux. Chim a l'air bien plus vieux que moi, il joue le rôle du vieux beau.

- Et toi, celui de la femme-trophée du vieux beau...

- Exactement... Maintenant, attention ! On fait comme les enfants... On joue, mais sérieusement !

Ils entrèrent tous les quatre dans la salle à manger, en faisant comme si c'était un restaurant. La sonorisation les y aidait. Bruits de conversation, de vaisselles, rires féminins étouffés... Le serveur en livrée blanche et noire les installa à une table et leur tendit la carte des menus.

Modesta s'assit à côté d'Argal et en face de Wagaba, qui était elle-même assise à côté de Chim. Les deux femmes étaient donc face-à-face, comme les deux hommes.

Argal et Chim se mirent à parler football, un sport très populaire au Mnar. Le serveur revint en portant sur un plateau les apéritifs, “cadeaux de la maison” : un petit verre de vin de lune, reconnaissable à ses reflets rouges et à son odeur fruitée, et de l'eau pour les trois humanoïdes, servie dans des gobelets de verre épais, dont chacun était d'une couleur différente, rouge, grise ou noire.

En sa qualité de convive le plus âgé, Baron Chim récita la phrase rituelle, pendant que Modesta, Wagaba et Argal baissaient respectueusement la tête, les mains à plat sur la table :

- Yog-Sothoth Neblod Zin.

Tous les quatre prirent alors leurs verres, Chim en premier, et burent une gorgée, lentement et en silence. Puis ils les reposèrent, et Wagaba dit à Modesta :

- Demain, tu rencontreras Mers Fengwel, le député moschteinien. C'est un vicieux pourri jusqu'à la moelle, et beaucoup plus vieux que toi. Si tu ne prépares pas l'entretien que tu auras avec lui, il va te rouler dans la farine. Mais en même temps, c'est un outil de propagande précieux pour nous.

- Les vieux vicieux, je connais. Je sais comment m'en débarrasser. Qu'est-ce que tu veux que je lui dise, à ce vieux con ?

- D'abord, ce n'est pas un vieux con... Enfin, pas seulement... C'est aussi un ami du roi du Mnar. Les discussions filmées qu'il a avec lui sont importantes pour le Mnar, du point de vue de la propagande. On y voit le roi parlant anglais avec un ami européen, et tenant un discours humaniste de despote éclairé. C'est  le roi de Prusse Frédéric II discutant avec Voltaire...

Modesta pouffa de rire. Mers Fengwel n'était pas Voltaire, et Frédéric II et Voltaire se parlaient en français... Wagaba continua sur sa pensée :

- Je sais bien que Mers Fengwel n'est pas Voltaire ! Le vieux sage européen, c'est un rôle qu'il joue. Ce n'est pas lui qui écrit les dialogues de ses discussions avec le roi Andreas. Maintenant, nous sommes en train de transitionner vers un autre genre de dialogue : Voltaire discutant avec Catherine II de Russie. Tu joueras le rôle de Catherine II de Russie, version mnarésienne.

- C'est un travail d'actrice. Je ne sais pas le faire...

- C'est bien pour ça que tu vas devoir apprendre ce métier, car c'en est un. Cela étant, ne t'inquiète pas. Mers Fengwel est payé pour participer à ces discussions filmées, et il a besoin de cet argent. De plus, en tant que régente, tu as le pouvoir de l'expulser du royaume à tout moment. Si cette chose arrivait, il serait très mal, car il est recherché pour corruption dans son propre pays. S'il met un pied hors du Mnar, il se retrouvera illico presto dans un avion, menotté et assis entre deux policiers, avec une prison fédérale moschteinienne comme destination. Il le sait, et maintenant tu le sais toi aussi.

Modesta sourit. Elle n'avait jamais rencontré Fengwel, elle l'avait seulement vu à la télévision, et elle était excitée par l'idée d'avoir à sa merci cet homme, image vivante de l'autorité patriarcale, qui avait trois fois son âge et qui était une célébrité médiatique mondiale grâce aux vidéos diffusées sur Internet.

- Puisque je le tiens par les oreilles, comme on dit, je n'ai pas besoin de m'embêter à préparer la discussion que j'aurai avec lui, non ?

- Modesta, nous sommes tous en train de travailler dur pour faire de toi l'équivalent de l'impératrice Catherine de Russie aux yeux de l'opinion publique internationale. Cela doit devenir une deuxième nature pour toi, même en privé. Nous avons commencé à écrire pour toi des textes sublimes, que tu apprendras par cœur, mais le problème...

“C'est quoi, le problème ?” demanda Modesta, sur un ton agressif.

- Le problème, c'est que même quand tu dis des choses intelligentes, tu as l'air bête. Les gens s'attendent à ce que tu dises des bêtises, et ils rigolent d'avance, même quand tu récites des phrases qui auraient pu être écrites par Baron Bodissey ou Perita Dicendi.

Modesta se leva sans un mot, et, prenant son verre de vin de lune, elle le jeta au visage de Wagaba, qui resta impassible. Puis elle sortit en courant de la salle en manger, effrayée par ce qu'elle venait de faire. Wagaba pouvait, d'une pensée, donner à l'implant cybernétique inséré dans son abdomen l'ordre d'émettre une décharge électrique... Même une faible décharge pouvait causer des souffrances atroces. Une forte décharge pouvait tuer.

Modesta alla se réfugier dans les toilettes, en criant, incapable de contrôler la panique qui l'envahissait :

- Wagaba, c'est le jeu qui continue, je ne suis pas sortie du restaurant ! Wagaba, ne me fais pas mal ! Pardon, pardon, pardon !

Comme si supplier un robot pouvait avoir le moindre effet.

Quelqu'un ouvrit la porte des toilettes et entra en refermant la porte derrière lui. C'était Argal.

“N'aie pas peur ma chérie, c'est moi. Personne ne te fera de mal,” dit l'androïde de sa belle voix profonde.

Modesta se jeta dans ses bras, cherchant d'instinct sa protection. L'androïde la serra affectueusement contre lui.
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