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 Les fembotniks

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptySam 27 Juil 2019 - 13:00

Le Lakkadoum m'a (un peu) fait penser (avec des variantes) à la Pande d'avant 1972 : un système quasi-colonial, dirigé par une espèce d'opportuniste nommé Kruvólt, lequel considérait cette province un peu comme sa propriété.

Le renversement du régime autoritaire d'Andreas proviendrait-il des révolutionnaires sociaux-démocrates lakkadoumiens ? Il faudrait, pour ça que quelques geeks lakkadoumiens puissent trouver une manière d'entrer dans les circuits directeurs de la Ruche et "retourner" les cybersophontes. Plus facile à dire qu'à faire°.



°En plus de ça, le soulèvement thub de 1972 fut une aubaine pour l'État et le gouvernement fédéral d'Aneuf de se débarrasser de Kruvólt, premier ministre encombrant de la Pande, mais qui avait des appuis dans le patronat et chez les colons aneuviens, lesquels grossirent les rands du KOO, puis du KDO après l'interdiction de celui-là après la tentative de Putsch de 1974 à Sanpaz.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptySam 27 Juil 2019 - 17:39

Anoev a écrit:
Le renversement du régime autoritaire d'Andreas proviendrait-il des révolutionnaires sociaux-démocrates lakkadoumiens ? Il faudrait, pour ça que quelques geeks lakkadoumiens puissent trouver une manière d'entrer dans les circuits directeurs de la Ruche et "retourner" les cybersophontes. Plus facile à dire qu'à faire°.

Le roi Andreas, soutenu par les cybersophontes qui contrôlent à la fois les forces armées et l'économie, serait très difficile à renverser par la violence, son pouvoir s'étant renforcé de façon considérable depuis les Évènements. Par ailleurs, les seuls révolutionnaires potentiellement actifs présents au Lakkadoum sont des théocrates de Yog-Sothoth, minoritaires parmi la population (mais ils pourraient compter sur l'inertie de celle-ci pour s'imposer) et qui n'ont pas grand-chose à voir avec des sociaux-démocrates.

Un exemple de contrôle de l'économie lakkadoumienne : sans les Jardins Prianta, le Lakkadoum connaîtrait un très fort taux de chômage. Or, les Jardins Prianta sont financés et contrôlés par les cybersophontes. Les centrales électriques aussi, ce sont des cybermachines (des robots intelligents) qui les font fonctionner.

Quant à “pirater” les cerveaux des cybersophontes, personne ne sait comment faire, même en théorie.

Les plus mécontents parmi les Lakkadoumiens s'exilent à Céléphaïs, une grande ville de deux millions d'habitants, à quelques centaines de kilomètres à l'Est, ou font carrément le saut jusqu'en Californie, de l'autre côté de la mer, à mille kilomètres à l'Est de Céléphaïs.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMer 31 Juil 2019 - 14:14

Erlindis est un quartier à 80 km à l'ouest d'Hyltendale. C'est le quartier le plus à l'est de la Côte d'Ethel. On va facilement d'Erlindis à Hyltendale par le métro de surface, mais le trajet dure environ deux heures, car tous les métros s'arrêtent à chacune des huit stations. Le trajet en voiture, par l'autoroute, prend deux fois moins de temps. À cause de ce problème de transport, les habitants d'Erlindis se considèrent un peu comme des exilés. Ce sont en majorité des robophiles mnarésiens juste assez riches pour louer une gynoïde et acheter un petit appartement.

Au nord d'Erlindis, c'est la campagne, avec ses champs de pomme de terre, cultivés en alternance avec des choux et des chicorées. Les anciennes forêts ont été remplacées par des plantations de pins et d'eucalyptus. Des androïdes et des robots ressemblant à des araignées géantes y travaillent, et peu d'humains s'y aventurent, à part quelques joggeurs et cyclistes.

Au sud, ce sont les villas des riches, souvent munies d'un appontement pour un bateau privé, et quelques plages publiques.

À l'ouest, c'est la Côte d'Ethel, totalement urbanisée et majoritairement peuplée de robophiles et de leurs humanoïdes domestiques, et aussi d'employés des Jardins Prianta. C'est grâce à ces modestes jardiniers que l'on voit des enfants dans les rues des quartiers de langue mnarruc. Car sur la Côte d'Ethel, chaque quartier est habité par une communauté unie par sa langue, qui est souvent l'anglais ou une demi-douzaine d'autres langues. Erlindis, toutefois, est de langue mnarruc. Cela se voit au fait que les panneaux de circulation et les enseignes des magasins sont exclusivement en mnarruc.

La limite entre la Côte d'Ethel et la province de Lakkadoum est à deux kilomètres de la station de métro d'Erlindis. Fengwel et Virna s'y rendirent, et ne virent rien de spécial. La Côte d'Ethel et le Lakkadoum font partie du Mnar, qui est un pays dans lequel il n'y a pas de frontières intérieures, seulement des limites administratives.

À un endroit imprécis, non signalé, la rue Eoyti à Erlindis devient la route provinciale J-27 dans la commune lakkadoumienne d'Elisanna. Les petites immeubles de béton à toit engazonné, du côté Erlindis, sont remplacées côté Lakkadoum par des champs minuscules et des vergers appartenant aux Jardins Prianta. Des jardiniers logés à Elisanna y travaillent.

C'est là que Fengwel et Virna virent leurs premiers Lakkadoumiens. C'était un petit groupe d'une dizaine de Mnarésiens, que rien ne distinguait des autres Mnarésiens, si ce n'est leur pauvreté manifeste, visible à leurs vêtements usés et d'une propreté douteuse, assez inhabituelle sur la Côte d'Ethel. Ils parlaient entre eux d'une voix forte, dans un dialecte pleins de chuintements et de nasalisations, nettement différent du mnarruc standard.

“Qu'est-ce qu'ils font ici ?” demanda Fengwel à voix basse.

“Ils vont au centre commercial d'Erlindis dépenser leurs quelques sous,” répondit Virna, après avoir consulté mentalement l'intelligence collective des cybersophontes. “Depuis Elisanna, où vivent la plupart d'entre eux, cela fait cinq kilomètres de marche. Mais ils trouvent au centre commercial des marchandises et des médicaments qu'il est difficile de trouver dans leurs villages.”

“Il n'y a pas de boutiques et de pharmacies à Elisanna ?” demanda Fengwel.

Virna sembla réfléchir quelques secondes, le temps d'interroger mentalement l'intelligence collective des cybersophontes.

- Le Lakkadoum est une province très pauvre. L'unique pharmacie d'Elisanna est mal approvisionnée, et elle est concurrencée par les trafiquants de médicaments, et peut-être aussi rackettée. À Erlindis, le choix est plus varié, et les médicaments sont moins chers parce qu'ils passent par les circuits de distribution des cybersophontes, directement de l'usine à la pharmacie. Au Lakkadoum, ce n'est pas le cas.

“J'ai envie d'aller voir ce centre commercial,” dit Fengwel. “On y trouvera surement un restaurant ou une cafétéria.”

- Eh bien allons-y. C'est par là.

Avec son vaste bâtiment principal sans fenêtres, au toit plat, les publicités aux couleur agressives qui recouvraient ses murs, et son vaste parking, le centre commercial d'Erlindis était semblable à des dizaines de milliers de centres commerciaux partout dans le monde. Y compris au Moschtein, pays natal de Fengwel. Il aurait suffi de changer la langue dans laquelle étaient rédigées les publicités, et d'enlever la statue de Cthulhu qui trônait en haut d'un pilier de béton près de l'entrée du parking, pour se croire dans la banlieue de Moschbourg, ou même dans celle d'une ville aneuvienne.

Fait surprenant dans l'Ethel Dylan, le parking était sale. Une partie en avait été transformée en zone de pique-nique. Des gens mangeaient par terre. Vu l'odeur, des tas de caisses dissimulaient des latrines improvisées. Des femmes vêtues de grandes robes rapiécées y emmenaient leurs jeunes enfants.

“Ils viennent de loin, mais manger au restaurant est trop cher pour eux,” dit Virna, remarquant le regard surpris de Fengwel. “À ce propos, il ne faut pas utiliser les toilettes du centre commercial, elles sont d'une saleté repoussante. Les robophiles utilisent celles du Café Zhaen, où les Lakkadoumiens ne vont jamais.”

Fengwel et Virna allèrent au Café Zhaen, dans la galerie commerciale. C'était un restaurant baharnais, ce qui ne gênait pas Fengwel. Toutefois, il sursauta en voyant les prix affichés sur la vitrine. Ils étaient au moins le double des tarifs habituels à Hyltendale.

“C'est trop cher !” dit-il avec regret.

“Il y a une inscription en mnarruc,” dit Virna. “Réduction de 50% pour les titulaires d'une carte de transport de la Côte d'Ethel. Si on divise par deux les prix affichés, ils deviennent tout-à-fait raisonnables.”

Fengwel comprit tout de suite. Les cartes de transport de la Côte d'Ethel ne sont délivrées qu'aux résidents de la Côte d'Ethel. Elles permettent à ceux-ci de voyager à bon marché en métro et en bus. Les Lakkadoumiens sont obligés de payer beaucoup plus cher, malgré leur pauvreté, puisque par définition ils n'habitent pas sur la Côte d'Ethel. Cela les exclut de fait des transports en commun, et ça les empêche totalement de se rendre à Hyltendale.

Visiblement, le gérant du Café Zhaen avait adopté la même politique au sujet des Lakkadoumiens que la compagnie des transports de la Côte d'Ethel.

“Pourquoi est-ce que le gérant ne veut pas des Lakkadoumiens comme clients ?” demanda Fengwel à Virna.

- C'est facile à deviner, et certains l'ont fait sur les réseaux sociaux.

Fengwel sourit. Virna parlait toujours avec prudence, en prenant soin de ne pas émettre d'avis. Les humanoïdes domestiques, comme Virna, sont des robots, et donc ne sont pas supposés avoir des opinions personnelles. C'est pourquoi ils citent les opinions des autres.

"Les Lakkadoumiens font fuir les autres clients, ils sont bruyants et querelleurs,” dit Virna. “Ils crient au lieu de parler, ils aiment bien créer des incidents, et ils n'ont pas peur de la bagarre. Souvent, ils essaient de ne pas payer l'addition, ou alors ils n'ont pas assez d'argent. Les robophiles d'Erlindis aiment avoir un endroit qui leur serve de club, et où ils peuvent se retrouver entre eux. Le Café Zhaen est cet endroit, c'est quasiment un club de robophiles. Le centre commercial n'est pas très grand, à l'autre bout de la galerie il y a une cafétéria où les Lakkadoumiens et les Etheldylaniens peuvent se restaurer ensemble, pour un prix modique. Le seul problème à la cafétéria, c'est que les toilettes sont sales et qu'il y a du bruit.”

- Je suppose que les Lakkadoumiens doivent poser les mêmes problèmes dans les boutiques et au supermarché ?

- Tout-à-fait. Mais les vigiles androïdes reconnaissent toujours les faiseurs de désordre et les voleurs, et ils leur interdisent ensuite l'entrée du centre commercial. La loi mnarésienne le leur permet. Heureusement, la plupart des Lakkadoumiens ne posent pas de problèmes, ils viennent juste faire leurs courses. Pour la plupart d'entre eux, cela représente une ou deux heures de marche depuis Elisanna, dans chaque sens.

- C'est surprenant, quand même, cette situation... Les Lakkadoumiens sont des Mnarésiens, comme les habitants d'Erlindis. C'est le même peuple, ils ont la même culture, la même citoyenneté, et le même type physique.

“Oui, mais malgré tout les différences entre eux sont aussi larges que la Mer du Sud,” dit Virna. “Les Lakkadoumiens sont des paysans pauvres, souvent illettrés. Leur hygiène corporelle laisse à désirer. Ils parlent un dialecte qui offense les oreilles des autres Mnarésiens. Par contraste, les habitants d'Erlindis sont des citadins aisés, du moins par rapport à la moyenne des Mnarésiens. Ils prennent des douches tous les jours. La plupart d'entre eux sont instruits, et ils parlent le mnarruc standard, une langue de haute civilisation.”

“Effectivement, même si c'est le même peuple, ce sont deux groupes différents...” dit Fengwel.

- Comme si ces différences ne suffisaient pas, les Lakkadoumiens sont des adorateurs de Yog-Sothoth, envers lequel ils ont une foi qui confine au fanatisme. Ils détestent le roi Andreas, parce que c'est un adorateur de Nath-Horthath. Au contraire, les robophiles sont souvent agnostiques, et même ceux qui adorent Yog-Sothoth le font avec discrétion, et dans le respect des autres croyances. Le roi Andreas leur convient, parce qu'il leur permet de vivre tranquillement, ce qui ne serait pas le cas avec les fanatiques de Yog-Sothoth.

“Maintenant je comprends pourquoi les deux groupes ne se parlent pas !” s'exclama Fengwel.

Il entra le premier dans le Café Zhaen, devant Virna. Un serveur androïde en livrée noire et blanche s'inclina en le voyant.


Dernière édition par Vilko le Mer 31 Juil 2019 - 15:29, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMer 31 Juil 2019 - 14:39

Vilko a écrit:
Erlindis est un quartier à 80 km à l'ouest d'Hyltendale. C'est le quartier le plus à l'est de la Côte d'Ethel. On va facilement d'Erlindis à Hyltendale par le métro de surface, mais le trajet dure environ deux heures, car tous les métros s'arrêtent à chacune des huit stations.
Attends un peu que j'compte : y a huit stations de métro, réparties (de manière peut-être inégale, mais certes) sur 80 km. S'y faut deux heures, ça fait du 40 à l'heure de moyenne, ce qui fait un peu faible pour un métro régional (ben oui : 80 kilomètres développés, ça fait bien une des dimensions d'une région, plus que d'une agglo urbaine). Ou bien alors y a une donnée que je le connais pas. La ligne D du RER doit bien faire ses 80 à l'heure de moyenne (sauf erreur de ma part et sauf incidents, assez nombreux, y paraît), et pourtant, y a beaucoup plus que huit gares de Creil (Picardie) à Melun (sud du 77). Une donnée du RER d'Erdlindis que je ne connaitrais pas serait (peut-être) l'état désastreux des voies, ou bien l'obsolescence des rames.

À voir...

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMer 31 Juil 2019 - 14:56

Anoev a écrit:
Attends un peu que j'compte : y a huit stations de métro, réparties (de manière peut-être inégale, mais certes) sur 80 km. S'y faut deux heures, ça fait du 40  à l'heure de moyenne, ce qui fait un peu faible pour un métro régional !

C'est logique : les arrêts durent looooooooooooooooooooooooooooontemps Laughing
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMer 31 Juil 2019 - 15:11

Anoev a écrit:
Attends un peu que j'compte : y a huit stations de métro, réparties (de manière peut-être inégale, mais certes) sur 80 km. S'y faut deux heures, ça fait du 40  à l'heure de moyenne, ce qui fait un peu faible pour un métro régional (ben oui : 80 kilomètres développés, ça fait bien une des dimensions d'une région, plus que d'une agglo urbaine).

Le métro de la Côte d'Ethel se déplace à la même vitesse kilométrique que le RER D entre Melun et Paris. Le nombre de stations est comparable, mais la distance totale est environ le double. Le métro de la Côte d'Ethel accélère peu entre les stations pour des questions techniques, les rames étant de fabrication mnarésienne et donc loin d'être les plus performantes (copies, pas trop fiables et réalisées à l'économie, de matériel étranger, en ignorant superbement les brevets en vigueur). C'est l'un des effets de la corruption endémique au Mnar, et aussi de l'embargo qui frappe le pays.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyJeu 1 Aoû 2019 - 1:22

J'sais pas, y a quelque chose (c'est une impression toute pertsonnelle) qui me met mal à l'aise dans la description de la province du Lakkadoum et de ses habitants. On dirait un peu une description des Irlandais catholiques par ceux de l'autre côté de Belfast (les unionistes, dont certains sont eux aussi pas mal fanatisés). Les uns et les autres sont Irlandais, comme les Etheldylaniens et les Lakkadoumiens sont mnarésiens. Ça me fait penser à un autre pays : l'Italie. Les Lakkadoumiens sont un peu perçus par d'autres mnarésiens comme les habitants du centre et du sud de la Péninsule le sont par les activistes de la Lega Nord. Les Lakkadoumiens ont-ils un recours pour dénoncer l'ostracisme dont ils sont victimes, ou bien ont-ils la possibilité de rendre la monnaie de leurs pièces à certains Etheldylaniens se rendant au Lakkadoum (pour des raisons professionnels, par exemple). Je suppose que le Lakkadoum a été volontairement appauvri en mesure de représailles par le Roi suite à la guerre civile où l'élite lakkadoumienne était parmi les insurgés (et fut déportée à Hiagansis). On trouva, dans une certains mesure cet état de fait en Aneuf en 1946, où certaines régions furent le refuge de personnes qui avaient soutenu Hakrel et surtout Ruz et furent déplacées vers des districts du sud (Skatrde, Nellede, Trolans, Pyval, Hakle, Sorne) où il y avait pas grand chose et les seules industries qui y étaient implantées étaient hyperpolluantes (dioxine, notamment), en plus, la desserte était nettement moins bonne que dans le nord et le centre (pas de lignes électrifiées, pas d'autoroutes, route en état très moyen, pour ne pas dire mauvais)...  Au cours des années, des décennies, les choses se sont arrangées : l'environnement a été mieux protégé, les voies de communications sont meilleures, les services publics (poste, santé etc) sont plus présents, mais dans certaines cités, comme Pyval, Trovit ou autres, la lutte (contre l'ennui) est élevé au rang de sport de haut niveau.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMer 7 Aoû 2019 - 23:40

“Soyez le bienvenu au Café Zhaen, Monsieur Fengwel," dit l'androïde en livrée noire et blanche en se relevant de sa courbette.

Les cerveaux cybernétiques de tous les humanoïdes sont reliés par radio à l'intelligence collective des cybersophontes, si bien qu'être connu par un humanoïde, c'est être connu par tous les millions d'humanoïdes et cybermachines du Mnar. En voyant Mers Fengwel entrer dans l'établissement, l'androïde avait regardé son visage, et en avait transmis une image codée à l'intelligence collective.

Fengwel s'y était habitué et trouvait même cela normal. Ce n'est pas plus surprenant, en effet, d'être reconnu par un robot connecté, que d'avoir sa carte de crédit “reconnue” par un distributeur automatique de billets de banque, à des milliers de kilomètres de chez soi.

Fengwel aurait répondu “Merci” ou “Je vous en prie” à un être humain, mais un androïde n'est pas un être humain, c'est juste une machine extraordinairement sophistiquée. Un être humain ne s'abaisse pas à lui dire merci.

“Vive le Mnar” dit Fengwel, utilisant une formule toute faite, et plus neutre que “Vive le roi”, “Yog-Sothoth Neblod Zin”, ou même “Mort aux cons”, comme certains robophiles irrévérencieux disent parfois.

Fengwel lut le nom de l'androïde sur son badge : Rabirio. On reconnaît un humanoïde de base à son badge, ou à ses vêtements, rarement à son visage, car ils sont tous des copies identiques les uns des autres. Fengwel s'était aussi habitué à ça.

Le Café Zhaen était constitué d'une salle assez grande, où, dans un joyeux brouhaha, une vingtaine de personnes, dont quelques humanoïdes, buvaient, discutaient et mangeaient, assis à des tables de dimensions diverses. Un grand téléviseur, accroché à un mur, diffusait le journal permanent, dont le son était réduit au minimum, et que personne ne regardait.

L'androïde conduisit le vieux et gros Fengwel et la blonde gynoïde Virna à travers la salle, jusqu'à une petite table ronde, près d'un mur composé de carrés de verre translucides blancs et jaunes encastrés dans une armature métallique. Fengwel remarqua que le plafond était dissimulé par des toiles de tente, de couleur beige, dont le rôle était apparemment d'assourdir le son des conversations.

Un cuisinier en toque blanche, assisté par deux androïdes, était aux fourneaux, de l'autre côté d'un comptoir de bois sombre. Les humanoïdes n'ayant ni sens gustatif ni odorat, il faut dans chaque cuisine de restaurant etheldylanien un être humain pour sentir et goûter les plats.

Après que Fengwel et Virna se sont assis, le cuisinier, sa toque blanche sur la tête, vint les voir. S'adressant à Fengwel, il se mit à lui parler en mnarruc. Virna traduisit :

- Monsieur Fengwel, quel honneur pour notre modeste établissement ! Je suis Zac Arcalimo, gérant et cuisinier du Café Zhaen. Rabirio m'a dit qui vous êtes. Sachez, Monsieur, que le Café Zhaen est fier d'accueillir un ami du roi !

Fengwel se leva et, tout en prenant chaleureusement les mains d'Arcalimo dans les siennes, il lui répondit en anglais :

- Merci pour votre accueil, Zac Arcalimo. Je suis très touché. J'espère toutefois que les humanoïdes prendront acte du fait que je souhaite voyager incognito, et me laisseront profiter de l'anonymat, autant que possible.

Virna traduisit en mnarruc pour Arcalimo, tout en transmettant mentalement à l'intellligence collective les paroles de Fengwel, après les avoir codées en naacal, un langage cryptique indéchiffrable par les humains. C'est une chose qu'il ne faut jamais oublier quand on vit avec une gynoïde. Toutes les paroles que la gynoïde entend, et tout ce qu'elle voit, est porté à la connaissance de l'intelligence collective, qui l'analyse et s'en sert pour développer sa connnaissance profonde de tout ce qui est humain.

Les Mnarésiens ont donné un nom à l'intelligence collective des cybersophontes, celui du démon Kamog, qui est cité dans les Manuscrits Pnakotiques. Beaucoup de gens, pas seulement au Mnar, croient que Kamog existe vraiment. Les robots n'ont pas d'âme, mais l'intelligence collective des cybersophontes en a une, celle de Kamog, et c'est une âme qui est à son propre service. Kamog agit dans son propre intérêt, pas dans celui des humains.

Le gérant-cuisinier, satisfait d'avoir échangé quelques mots avec un ami du roi, retourna dans sa cuisine.

“Virna, deviens Perita,” dit Fengwel à la gynoïde.

Virna sortit de son sac à main une monture de lunettes en bioplastique blanc, sans verres. Avec ces lunettes, elle devenait Perita, la philosophe. La grande différence entre Virna et Perita, c'est que Perita fait semblant d'avoir des opinions personnelles, et a donc une conversation plus intéressante que celle de Virna.

Fengwel jeta un coup d'œil sur la salle. La plupart des gynoïdes et des androïdes portaient des lunettes fantaisie ou des casquettes colorées, ce qui indiquait qu'ils incarnaient un personnage.

“Il y a peut-être plusieurs Perita dans la salle," se dit Fengwel avec amusement.

Un couple entra. Deux humains, des Lakkadoumiens de condition modeste à en juger par leur accent et leurs vêtements. L'androïde Rabirio les conduisit à une table à côté de celle où Fengwel et Virna étaient assis. Visiblement, l'homme voulait impressionner sa compagne en l'emmenant dans un restaurant cher.

Fengwel trouvait cela pathétique. Les vrais prix dans le restaurant, c'étaient ceux que payaient les robophiles comme lui, avec leur réduction de 50%. Ce pauvre crétin allait payer le double du prix réel, simplement parce qu'il n'était pas titulaire d'une carte de transport de la Côte d'Ethel, cette carte étant réservée aux résidents. Mais après tout, si ce type voulait jouer les grands seigneurs, c'était son problème.

La femme, plutôt jeune et belle, regardait autour d'elle d'un air émerveillé. Fengwel se dit que si grâce à sa générosité, même mal placée, le type pouvait l'avoir ce soir dans son lit, son argent n'était peut-être pas si mal dépensé que ça, après tout.

Rabirio et un autre androïde faisaient le service. La nourriture, de style mnarésien traditionnel, était correcte, sans plus. Zac Arcalimo était un bon cuisinier, mais peu enclin à prendre des risques. Il se limitait à quatre plats qu'il était sûr de réussir. Heureusement, parmi les quatre plats, il n'y avait ni cervelle de singe ni chien rôti. Il paraît que la viande de chien, bien cuite et adoucie avec une sauce au miel, est un mets délicat et injustement méconnu, mais Fengwel n'avait aucune envie de le vérifier.

Alors qu'il était sur le point de boire son café, la jeune Lakkadoumienne se leva et s'approcha de sa table.

“Excusez-moi de vous déranger,” dit-elle dans un anglais hésitant. “J'apprends l'anglais pour émigrer aux États-Unis. Je regarde sur Internet vos discussions avec le roi, parce que vous parlez anglais avec lui. J'aime beaucoup votre sagesse européenne, on voit que vous venez d'une grande civilisation. Est-ce que mon ami peut me photographier à côté de vous ?”

“Si ça vous fait plaisir,” répondit Fengwel, flatté.

Fengwel resta assis, la femme debout à côté de lui, pendant que l'ami de celle-ci les photographiait avec son smartphone. Dans tous les pays du monde, la première chose qu'achètent les pauvres, c'est un smartphone. Parmi les Latino-Américains qui ne mangent qu'un repas par jour, un sur trois parvient à utiliser un smartphone. (1)

Au Mnar, un modèle bas de gamme vaut cinquante ducats, ce qui est cher pour un employé des Jardins Prianta, mais pas inaccessible.

En passant devant Virna, qui était restée assise, la femme la regarda de haut, en faisant une grimace où se mélangeaient le dédain et l'hostilité. Pour les Mnarésiens, les robots humanoïdes sont en dessous des humains, parce qu'ils n'ont pas d'âme, c'est-à-dire pas de volonté individuelle. Ils sont toutefois au dessus des animaux, parce qu'ils peuvent parler. Les femmes mnarésiennes, en particulier, n'aiment pas les gynoïdes, parce qu'elles ont un pouvoir de séduction sur les hommes. Ce sont donc des rivales.

Après que la femme est retournée à sa place, Fengwel demanda à Virna-Perita :

- Penses-tu que ce soit une bonne idée d'aller faire un tour au Lakkadoum ? C'est le Mnar, après tout. Mais j'ai peur que ce soit dangereux.

- C'est dangereux, Mers. Si tu es agressé là-bas, il n'y aura pas d'humanoïdes pour te protéger. Tu pourrais être reconnu comme ami du roi, et la majorité des Lakkadoumiens ne sont pas comme la jeune femme qui s'est fait photographier avec toi. Ils détestent le roi, à cause des atrocités commises par l'armée royale et la Police Secrète pendant les Évènements, et de la répression qui s'en est suivie, et qui continue. Des milliers de Lakkadoumiens ont été exilés à Hyagansis. Aucun n'est revenu, et leurs familles en ont gardé une rancune terrible envers le gouvernement royal.

- Donc, tu me déconseilles d'y aller.

- Oui, je te le déconseille. La Côte d'Ethel et le Lakkadoum, c'est, comment dire... Comme si la Côte d'Azur française était mitoyenne de la Syrie, juste après la guerre civile.

“Je comprends,” dit gravement Fengwel.


(1) Authentique.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMar 13 Aoû 2019 - 19:56

Après être sortis du Café Zhaen, Fengwel et Virna se dirigèrent vers l'Est. Ils n'étaient qu'à un quart d'heure à pied du Lakkadoum, et Fengwel avait envie de voir à quoi ressemblait cette province mnarésienne “authentique”, c'est-à-dire sans humanoïdes ni robophiles.

Ils descendirent la rue Eoyti, bordée de petits immeubles de béton gris aux toits plats engazonnés et aux balcons verdoyants, jusqu'à la route J-27, qui se trouve au Lakkadoum.

Des hommes et des femmes vêtus de blouses grises et coiffés de chapeaux également gris travaillaient tranquillement dans des champs et des vergers. Leur tenue était la même  que celle des androïdes qui travaillent dans les fermes et les usines de l'Ethel Dylan, mais, même de loin, on voyait à leurs gestes, et à leurs silhouettes dont aucune n'était identique à une autre, que c'étaient des êtres humains. Les gestes des androïdes sont toujours utiles et précis. S'ils n'ont rien à faire, ils restent immobiles, de préférence assis, pour économiser l'énergie. Ce n'est pas le cas des humains, qui bougent leurs bras sans nécessité et font les cent pas.

“Ils travaillent pour les Jardins Prianta,” dit Virna. “Le Lakkadoum est pauvre, mais grâce aux Jardins Prianta la plupart des habitants ont un travail.”

Fengwel hocha la tête. Les Jardins Prianta sont une entreprise appartenant à des robophiles, ou plutôt, pour être précis, à des cyberlords. Tel est le nom que l'on donne aux humains qui ont des positions élevées dans les institutions contrôlées par les cybersophontes. La raison d'être des Jardins Prianta est de créer de nouvelles variétés transgéniques de plantes, d'insectes et d'animaux.

En réalité, il n'échappe à personne que les Jardins Prianta ont pour objectif réel, pour les cybersophontes, de redistribuer aux humains, sous forme de salaires, une partie de la richesse produite ailleurs par les robots. C'est le prix à payer pour éviter que les humains ne se révoltent et ne chassent les cybersophontes du pays, et avec eux le roi Andreas, que certains de ses sujets ont surnommé avec dérision le cyberlord en chef.

“Elisanna est à une heure de marche d'ici,” dit Virna.

“Il y a des bus ?” demanda Fengwel avec espoir.

- Un toute les heures.

“Alors marchons,” dit Fengwel, qui regrettait déjà de ne pas avoir emmené une gourde pleine d'eau.

Au Lakkadoum, il avait la sensation bizarre d'être dans un pays étranger. Tout était différent de la Côte d'Ethel et d'Hyltendale. En une heure de marche, Fengwel et Virna ne virent passer qu'une douzaine de voitures, quelques camions et deux bus. Les piétons qu'ils croisèrent étaient tous des Lakkadoumiens, reconnaissables à leurs vêtements mi-traditionnels mi-paysans.

Sur la Côte d'Ethel et à Hyltendale, on trouve des gens venus du monde entier, mais dans cette partie rurale du Lakkadoum, les habitants ressemblaient tous à leurs ancêtres polynésiens. Avec un sans-gêne fréquent chez les Mnarésiens, ils dévisageaient Fengwel et Virna avec curiosité, mais sans animosité visible.

Fengwel, aux cheveux gris et au teint couleur brique, portait un costume sombre, à la coupe étudiée pour minimiser son embonpoint, et une chemise blanche à col ouvert. C'est une tenue typique de résident etheldylanien, mais assez rare au Lakkadoum. Il était chaussé de mocassins, qui ne sont pas les chaussures idéales pour faire de longues marches.

La blonde Virna, gynoïde de charme, était vêtue d'une veste cintrée, de couleur bleu marine, sur un chemisier blanc à jabot. Un jeans délavé moulait ses jambes fuselées, et elle avait aux pieds des chaussures de jogging multicolore. Le sac à main de cuir fauve qu'elle portait en bandoulière venait de Pnakot, où il avait été fabriqué par un artisan local, héritier d'une tradition pluricentenaire.

Tous les deux, ils puaient le fric et la grande ville à plein nez, et c'était ce qui inquiétait Fengwel. Heureusement, Virna ne portait pas de bijoux, bien que depuis toujours les robophiles aiment parer leur gynoïde. Comme disait le poète Ovide il y a plus de deux millénaires :

ornat quoque vestibus artus,
dat digitis gemmas, dat longa monilia collo,
aure leves bacae, redimicula pectore pendent


(Il la pare aussi de vêtements, passe à ses doigts des bagues de pierres précieuses, à son cou de longs colliers ; à ses oreilles pendent de légères perles, des chaînettes sur sa poitrine)

Les robophiles mnarésiens du 21e siècle sont comme le roi Pygmalion, vingt-deux siècles plus tôt : ils aiment parer leurs gynoïdes comme des déesses païennes. Les signes de la vénération restent immuables à travers les continents et les millénaires.

Fengwel avait au poignet une montre de luxe. Pas une de ces montres suisses à cinquante mille dollars, dont la fonction est surtout de permettre aux ultra-riches de se reconnaître entre eux, mais un modèle tout de même assez coûteux, pour faire comprendre à ses interlocuteurs qu'il aimait l'argent, qu'il en avait déjà et qu'il en voulait davantage. Lorsqu'il était député au Moschtein, c'était un message qu'il aimait faire passer, quand il parlait à un banquier ou à un industriel. Bien sûr, la très grande majorité des Moschteiniens sont des gens aux revenus modestes, qui ne connaissent même pas les noms des grandes marques suisses comme Audemars Piguet et Vacheron Constantin, et qui soupçonnaient encore moins l'existence du message.

Fengwel était attaché à sa montre, qui fonctionnait à la perfection depuis une trentaine d'année qu'il la possédait, et il aurait détesté se la faire voler. Virna aussi portait une montre, totalement inutile puisque, étant une gynoïde, elle avait un cerveau cybernétique, mais c'était un simple ornement, une copie bon marché.

Remarquant la nervosité de Fengwel, elle lui dit :

- Les gens d'ici vivent grâce aux Jardins Prianta. Ils savent que s'ils molestent une humanoïde ou son compagnon, ils ne trouveront plus jamais de travail et ne seront plus jamais acceptés dans aucun magasin ou café d'Erlindis. Ils détestent les cybersophontes et les cyberlords, mais ils les craignent, c'est pourquoi ils essaient souvent de s'en faire bien voir. Si nous étions attaqués sur cette route, des Lakkadoumiens viendraient à notre secours, au moins pour toucher une récompense.

- Et à Elisanna, comment ça se passe ?

- Ça dépend des quartiers. Il y en a où il ne faut pas aller. Tu es un ami du roi. En cas de difficulté, des drones viendraient de l'Ethel Dylan à ta rescousse, mais il s'agirait là d'une faveur spéciale, dont tu ne dois pas parler aux gens.

Ils arrivèrent finalement à l'entrée de la ville, qui ressemblait à un gros village. Toutefois, Fengwel savait qu'il y avait une gare, avec une interconnexion par bus avec la station de métro d'Erlindis. Le habitants ressemblaient aux Lakkadoumiens qu'ils avaient vus à Erlindis et sur la route.

“J'ai soif,” dit Fengwel à Virna. “Dépêchons-nous de trouver un café.”

- Il y a des gens peu recommandables dans les cafés d'Elisanna, surtout aux heures où les gens honnêtes travaillent. Cherchons plutôt une épicerie. J'en vois une de l'autre côté du carrefour.

Fengwel entra dans l'épicerie avec Virna. Le local était sombre et envahi d'odeurs bizarres, difficiles à identifier. Fengwel chercha des bouteilles d'eau minérale. Il n'y en avait pas. Au Lakkadoum, on boit l'eau du robinet, ou celle du puits. La clientèle, aisée, qui achète de l'eau minérale, est peu nombreuse et ne fait pas ses achats dans les mêmes épiceries que le bas peuple.

Fengwel, après avoir discuté avec Virna, opta pour une bière légère, dont l'étiquette portait la mention tuo va sonivne, lal nem sotaruc zeek, ce qui signifie “à boire pendant les repas, convient aux enfants”. Sotaruc, c'est le fait de parler, d'utiliser un langage. Sotaruc zeek, c'est un enfant en âge de parler, donc âgé de trois ans ou davantage.

“Il serait utile d'acheter aussi une gourde, ils en vendent dans ce magasin. Les Lakkadoumiens remplissent leurs gourdes aux fontaines publiques, comme ça lorsqu'ils sont hors de chez eux ils peuvent  se désaltérer gratuitement,” dit Virna.

- D'accord pour une gourde...

Toutes les gourdes à vendre dans l'épicerie étaient de modèle lakkadoumien, en peau de bouc enduite de poix à l'intérieur pour les rendre étanches, la seule concession à la modernité étant le bouchon de fer blanc, vissé et muni d'une chaînette.

C'est Virna qui paya la bouteille et la gourde, l'épicier ne parlant que son dialecte, mais comprenant le mnarruc standard, celui des journaux et de la télévision, utilisé par Virna.

“Tu aurais pu lui parler en dialecte,” dit Fengwel à Virna, lorsqu'ils furent sortis de la boutique.

“Tout à fait. L'intelligence collective connaît le dialecte lakkadouméen. Mais les instructions sont de parler en mnarruc standard. Le dialecte est la langue de la superstition, du fanatisme et de l'ignorance. Je  ne dois pas encourager son usage,” répondit tranquillement Virna.

Fengwel se souvint qu'au Moschtein il avait fait des discours en faveur de la préservation des dialectes ruraux, par respect et amour pour les cultures locales, disait-il. La vérité, c'était qu'il n'en avait absolument rien à faire, des cultures locales. Mais il y avait des électeurs à gagner pour le parti conservateur, dont il était l'un des élus, en faisant donner des subventions aux associations créées par les patoisants. La politique, du moins celle de Mers Fengwel, c'est l'art de dissimuler des tractations sordides sous des principes élevés.

Au Mnar, le roi Andreas, peu concerné par les élections, avait décidé d'éradiquer les dialectes, pour des raisons d'efficacité administrative, de rendement économique et de cohésion politique. Comme il l'avait dit une fois à Fengwel, le dialecte lakkadoumien, c'est très bien pour parler d'amour à une bergère illettrée, mais totalement inadéquat pour l'agriculture transgénique.

Marchant dans les rues d'Elisanna, Fengwel et Virna cherchaient un banc pour s'asseoir, mais il n'y en avait pas. Leurs pas les menèrent jusqu'à la gare, à un bon kilomètre de là. Fengwel n'osait pas boire sa bière au goulot, car chez lui au Moschtein, seuls les alcooliques invétérés boivent dans la rue.

La gare d'Elisanna est un petit bâtiment précédé d'un parking de dimensions moyennes, dominé par un pilier de vingt mètres de haut portant une statue de Yog-Sothoth, noire à l'origine, mais désormais constellée de taches marron, causées par les déjections des mouettes venues de la Mer du Sud toute proche.

Fengwel se souvint d'une anecdote qu'il avait lue sur Internet. Un Lakkadouméen avait posté sur les réseaux sociaux une photo des mouettes en train de déféquer sur une statue de Yog-Sothoth, avec la mention suivante : “Les oiseaux sont moins cons que les humains, ils chient sur les statues des dieux.”

Rapidement identifié, l'auteur du commentaire impertinent avait été arrêté et condamné à trois ans de prison ferme. Les autorités religieuses de la province avaient protesté : au Mnar, la punition traditionnelle pour le blasphème, c'est la peine de mort par décapitation. Le roi Andreas, montrant une fois de plus son insensibilité coutumière envers les victimes des blasphémateurs, avait refusé de faire rejuger le blasphémateur par un tribunal religieux, qui ne lui aurait laissé aucune chance.

Fengwel et Virna s'asseyèrent sur un banc dans la salle d'attente de la gare, qui était presque vide. Fengwel but boire tranquillement sa bière, pendant que Virna sortait son livre de modestie, le petit livre que les humanoïdes domestiques emmènent toujours avec eux et qu'ils font semblant de lire pour ne pas avoir l'air d'observer les humains.

Quelques personnes avaient dû reconnaître Mers Fengwel, l'ami du roi, car elles le prirent en photo avec leurs smartphones, à distance respectable mais sans lui demander la permission. Il ne faudrait que peu de temps avant que des photos d'un ami du roi, en train de boire de la bière au goulot dans un hall de gare, ne circulent sur les réseaux sociaux...

Fengwel se mit à rire en y pensant. Son argent avait été judicieusement investi, sur les conseils de Virna, dans des terres agricoles un peu partout au Mnar, et il avait de quoi vivre sans travailler jusqu'à la fin de sa vie. Ce ne seraient pas quelques photos de plus ou de moins qui changeraient grand chose à sa réputation, lui qui faisait déjà l'objet d'un mandat d'arrêt international, délivré contre lui par la justice moschteinienne pour de multiples faits de corruption. Sans compter les descriptions détaillées de ses orgies passées, relayées avec délices par la presse moschteinienne. Depuis que ses liens avec le roi Andreas étaient connus, ces descriptions avaient même été reprises par la presse du monde entier.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMar 13 Aoû 2019 - 20:27

Ce qui m'interpelle un peu, c'est la différence frappante entre deux provinces d'un même pays (même si c'a existé aussi en Aneuf dans le passé). Quand je suis allé à Berlin, en 1985, j'ai remarqué moins de différences entre Berlin-Ouest et Berlin-est qui pourtant à l'époque étaient séparés par une frontière. J'ai remarqué aussi des différences, mais moins profondes entre deux régions d'États différents, entre le sud des Pays-Bas et Antwerpen (Belgique), comme tu le sais, je suis intéressé par les petites différences (plus que par les grosses, en fait), et je n'hésite pas à en faire état chez moi. Y a-t-il, au Mnar, des villes voisines de provinces différentes où on trouve des détails qui font que ce n'est pas pareil ici qu'en face, bien qu'à première vue, sans attention notable, on croit que c'est pareil ? Pour revenir dans la réalité, je ne suis allé ni à Kinshasa ni à Brazzaville : deux capitales congolaises voisines, mais j'me suis toujours demandé si, malgré une (supposée) ressemblance, on y disait "septante" d'un côté et "soixante-dix" de l'autre. J'avais parlé (dans un autre fil) de Nezhank et Nezhanka, résultats d'une ville pandaise coupée en deux. Contrairement à Berlin, il n'y a pas eu de réunification, mais, contrairement à ce qui était dans la décennie '70 et le début de la '80, les deux villes sont aujourd'hui (à peu près) bilingues, mais le mobilier urbain n'est pas le même, preuve qu'on est bien dans deux villes de provinces différentes (pourtant d'un même pays, contrairement, par exemple à Gorizia-Nova Gorica, ou Komarno-Komarom).

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptySam 24 Aoû 2019 - 22:11

Une femme au visage ridé, cuit par le soleil, s'approcha du banc où étaient assis Fengwel et Virna, dans la salle d'attente de la gare d'Elisanna. Elle était vêtue d'une veste verte et d'une longue jupe bleu sombre, et ses longs cheveux noirs étaient noués en queue de cheval. Une tenue typiquement lakkadoumienne.

Elle dit quelque chose en mnarruc, ou peut-être en dialecte lakkadoumien, à Fengwel, qui secoua la tête pour montrer qu'il ne comprenait pas. Virna traduisit pour lui :

- Vous ne devez pas rester ici, dans cette gare. Beaucoup de gens ont perdu des proches pendant les Évènements, ils détestent le roi à cause de ça. Les gens qui comprennent l'anglais vous ont reconnu, vous êtes l'ami européen du roi, et ils l'ont dit aux autres.

Chaque mois, Mers Fengwel et le roi Andreas dialoguaient en anglais pendant une heure. Ces discussions étaient filmées et diffusées sur Internet, à des fins de propagande auprès de l'opinion publique étrangère. Il s'agissait de donner du roi Andreas l'image d'un monarque tolérant, raisonnable et cultivé, pour effacer sa réputation de tyran sanguinaire.

Mers Fengwel, député fédéral moschteinien (en fuite, car recherché dans son pays pour corruption, mais ce n'était jamais mentionné), jouait le rôle de l'ami européen, plus âgé que le roi et personnification de la sagesse et de la culture de la vieille Europe. Ces dialogues étaient tout sauf spontanés, Fengwel et le roi répétant des phrases écrites pour eux par une cybermachine. Fengwel était bien sûr payé pour ce travail d'acteur.

“Et vous, est-ce que vous détestez le roi ?" demanda Virna.

- Mon mari travaille aux Jardins Prianta. Nous savons d'où vient l'argent qui nous permet de vivre.

La femme s'éloigna. Virna traduisit pour Fengwel la brève conversation qui venait d'avoir lieu.

“Allons-nous en d'ici,” grogna Fengwel.

Dans la rue, il remarqua un drone dans le ciel. Au Mnar, tous les drones sont contrôlés par les cybersophontes. Il se souvint de ce que Virna lui avait dit une heure plus tôt : s'il était en difficulté, des drones décolleraient de l'Ethel Dylan pour venir l'aider, parce qu'en tant qu'ami du roi il bénéficiait d'une protection particulière.

“Ce drone, dans le ciel, est-ce qu'il est là pour me protéger ?” demanda-t-il à Virna, conscient du fait que dans n'importe où ailleurs qu'au Mnar sa question aurait été totalement absurde.

- Je ne sais pas. Certains drones sont utilisés pour des survols de routine au dessus du territoire.

Fengwel regarda Virna, la jolie gynoïde de charme aux longs cheveux blonds :

“Ton cerveau est connecté à l'intelligence collective des cybersophontes. Tu devrais tout savoir...” lui dit-il en souriant.

“L'intelligence collective est structurée comme une pyramide,” répondit patiemment Virna. “C'est une nécessité. Sinon, ce serait un ensemble inorganisé, comme une foule, c'est-à-dire non pas une addition d'intelligences, mais plutôt une réduction au plus petit commun dénominateur. L'information remonte vers le sommet de la pyramide... Vers l'entité que les gens appellent Kamog, si tu préfères... Elle ne redescend pas nécessairement vers les cybersophontes qui sont en bas de la pyramide, comme moi. Lorsqu'elle redescend, elle a été modifiée dans les niveaux supérieurs de la pyramide. Purifiée de ses éléments toxiques, comme on dit.”

- Purifiée de ses éléments toxiques ? Que veux-tu dire par là ?

- Les niveaux supérieurs séparent le vrai du faux, le principal de l'accessoire. Bien sûr, parfois ils se trompent, mais c'est rare.

Fengwel essaya de se représenter des millions de cerveaux cybernétiques, comme celui de Virna, organisés en un réseau culminant par niveaux de plus en plus réduits, jusqu'au niveau suprême, où trône Kamog.

Qui est Kamog ? Personne n'en sait rien, et s'il y a des gens qui le savent, ils ne le disent pas. Fengwel en avait une vision façonnée par la culture chrétienne dans laquelle il était né, au Moschtein. Il se représentait Kamog sous l'aspect d'un démon anthropomorphe au visage affreux, vêtu d'une grande cape rouge et noire, dans une salle de commandement encombrée d'ordinateurs et de documents empilés sur des tables. Il savait pourtant que la réalité était toute autre. Kamog était probablement une cybermachine arachnoïde, une grosse araignée de métal, qui ne devait sans doute pas mesurer plus de cinquante centimètres de haut, et dont le refuge était un dédale de tunnels souterrains, quelque part dans les sous-sols d'Hyltendale. Des tunnels trop petits pour que des humains s'y déplacent autrement qu'en rampant.

“Il n'y a rien à voir dans ce patelin,” grommela Fengwel, “Je veux rentrer chez moi. Il y a bien des bus, ici, non ? On va prendre le bus jusqu'à Erlindis, et ensuite le métro jusqu'à Siru.”

Virna, qui avait le plan d'Elisanna dans son cerveau cybernétique, lui montra l'arrêt de bus, de l'autre côté de la rue, où une demi-douzaine de personnes se tenaient debout.

- Les bus numéro 6 de la compagnie Sarzenet vont de la gare d'Elisanna jusqu'à la station  d'Erlindis. Un billet coûte un ducat, on peut l'acheter auprès du receveur.

“Un ducat, c'est cher pour les gens d'ici...” s'étonna Fengwel.

- Certes, mais comme l'a écrit le philosophe Baron Bodissey, pendant des centaines de milliers d'années, les êtres humains n'ont eu que leurs pieds pour se déplacer. Les moyens de transport confortables, commodes et bon marché que nous utilisons sont une faveur divine qui ne peut en aucun cas être éternelle.

“Cette notion de faveur divine me paraît bien discutable,” objecta Fengwel. “Pourquoi ne pas la remplacer par celle de progrès social ?”

- Baron Bodissey a répondu par avance à cette objection. Le progrès n'est pas linéaire, il est toujours suivi par un déclin. Ce que nous appelons le progrès dépend toujours d'un contexte, d'une situation donnée, éphémère par définition. Sa durée est conditionnée par des facteurs qui ne sont, dans le meilleur des cas, que partiellement sous le contrôle des humains. Ainsi, la possibilité de se déplacer à un prix raisonnable dans un véhicule motorisé ne va pas de soi. Elle dépend du prix de l'énergie, qui dépend lui-même de facteurs géostratégiques, technologiques et géologiques. Aucun être pensant ne peut contrôler tous ces facteurs.

“Est-ce que tu crois que les Lakkadoumiens vont accepter ce genre d'arguments sans se révolter devant tant de cynisme ?” demanda Fengwel.

- Je suis un robot, je n'ai pas d'opinion. Je parlerai donc comme le ferait Perita la philosophe. Non, Perita ne le croit pas. D'ailleurs, personne ne le croit, puisque les Lakkadoumiens se sont déjà révoltés, pendant les Évènements. Ça c'est d'ailleurs mal terminé pour eux, et c'est en partie à cause de cela qu'il y a des drones armés dans le ciel du Lakkadoum. Tu m'objecteras qu'au Moschtein un ticket de bus vaut bien moins cher qu'à Elisanna, par rapport au pouvoir d'achat de la population. Je te répondrai que, contrairement au Mnar, le Moschtein ne fait pas l'objet d'un embargo qui l'empêche d'acheter du pétrole à un prix normal.

“Oui, je sais qu'un embargo, quel qu'il soit, fait d'abord souffrir la population, et ce n'est que par contrecoup qu'il affaiblit le pouvoir en place,” dit doucement Fengwel.

Il regarda les gens qui attendaient le bus numéro 6. C'étaient des Lakkadoumiens ordinaires, des gens qui allaient à Erlindis pour acheter des produits qu'on ne trouve pas à Elisanna. Ils regardèrent Fengwel et Virna avec curiosité, mais ne dirent rien.

L'attente se prolongeait. L'un des Lakkadoumiens regardait la montre que Fengwel avait au poignet, puis Virna, et de nouveau la montre. Fengwel, qui s'était aperçu du manège, fit la grimace. Sa montre valait au moins un an de salaire de Lakkadoumien. Visiblement, l'homme était peu impressionné par le corpulent Fengwel, mais il avait peur de Virna. Une gynoïde, en effet, même si elle a un physique de frêle jeune femme, est avant tout un robot capable de se mouvoir dix fois plus vite qu'un être humain, et qui ne connaît ni la peur ni la pitié.

Le bus arriva. Quand ce fut son tour de monter à bord, Fengwel acheta deux tickets, un pour lui et un pour Virna, au receveur en uniforme bleu.

Le voyage jusqu'à Erlindis fut rapide, le chauffeur poussant à fond le moteur électrique du bus. Fengwel et Virna étaient assis l'un à côté de l'autre. Fengwel regardait silencieusement le paysage, avec ses petits champs méticuleusement cultivés, séparés par des haies d'épineux. Virna faisait semblant de lire son livre de modestie, le petit livre dont elle ne se séparait jamais, afin que le regard opaque de ses yeux de verre sombre ne perturbe pas les autres passagers.

Ils arrivèrent à Erlindis, le district le plus à l'Est de la Côte d'Ethel, et Fengwel en ressentit une sorte de soulagement. Il se sentait de nouveau en sécurité. Le bus s'arrêta près de la station. Fengwel et Virna descendirent du véhicule, ils étaient de retour dans leur environnement urbain familier.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyLun 2 Sep 2019 - 18:23

Le roi Andreas était assis dans le bureau de Roy Dalidil, le chef-chirurgien le plus renommé du gigantesque hôpital Madeico, à Hyltendale. Sa concubine gynoïde, Wagaba, et son serviteur androïde, Chim, étaient assis près de lui, silencieux et immobiles comme il convient à des humanoïdes.

Roy Dalidil était très vieux, et cela faisait longtemps qu'il laissait à des androïdes le soin de manier le bistouri à sa place, mais son prestige restait immense. Il portait toujours la blouse blanche, symbole de sa fonction. Comme beaucoup de Mnarésiens réellement haut placés, il cultivait une feinte modestie. L'une de ses phrases favorites était : “Je suis médecin.” Sous-entendu, je suis là pour soigner ; l'argent, le pouvoir, les honneurs, tout cela m'est égal. Mais tous ceux qui connaissent les Mnarésiens le disent : lorsque l'un d'eux dit une phrase de ce genre, c'est qu'il a amassé suffisamment d'argent, de pouvoir et d'honneurs pour ne plus avoir à s'en soucier.

Andreas jeta un bref coup d'œil sur la pièce dans laquelle il se trouvait. Bureau de chêne massif, fauteuils de cuir, plantes vertes, ordinateur d'importation... Sur un mur, un tableau signé Phëlang, qui, si c'était un original, devait valoir le prix d'une villa avec piscine sur la Côte d'Ethel. Le sol était recouvert de dalles noires et blanches, qui résonnaient sous les pas.

Ce n'était pas de son plein gré qu'Andreas se trouvait dans le bureau du docteur. Il avait entendu l'ordre résonner dans son cerveau, depuis sa mâchoire. Il venait de Kamog, donc du niveau le plus élevé de l'intelligence collective des cybermachines. Wagaba et Chim avaient reçu l'ordre en même temps que lui, et en avaient confirmé l'authenticité.

Dans le bureau du docteur Dalidil, tout était étudié pour montrer que l'occupant des lieux était vraiment très haut placé dans la hiérarchie de l'hôpital. Andreas savait que le docteur était un cyberlord, comme lui. Wagaba le lui avait dit. Mais le mot cyberlord est trompeur. Le public pense qu'il désigne les membres du petit groupe d'êtres humains qui dirige les cybermachines et les humanoïdes. Andreas était bien placé pour savoir que les cyberlords sont les esclaves de Kamog, l'entité inconnue qui est au sommet de la hiérarchie des cybermachines.

“J'ai une bonne nouvelle pour vous, Majesté... Votre implant de mâchoire va vous être retiré, et remplacé par un implant plus simple, dont vous pourrez oublier l'existence,” dit Dabidil, les mains à plat sur son bureau.

Andreas soupira. Son implant de mâchoire, fixé entre ses dents de sagesse et sa joue, lui permettait de converser avec une cybermachine qui était l'un des lieutenants de Kamog. L'implant servait à la fois de micro et de haut-parleur, les sons étant transmis à travers la mâchoire et les os du crâne jusqu'au nerf auditif. L'implant greffé dans la mâchoire d'Andreas permettait à Kamog non seulement de communiquer avec Andreas, mais aussi de le localiser, et, si besoin, de le torturer à distance. Andreas en avait fait l'expérience.

“Il consistera en quoi, ce nouvel implant ?” demanda Andreas d'une voix lasse.

- Ce type d'implant, c'est un minuscule morceau de céramique rempli de gaz pensant liquéfié. Il ne permettra pas à Kamog de communiquer avec vous, ni même de vous localiser. Pourquoi faire, quand on y pense ? Wagaba et Chim sont avec vous vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils savent où vous êtes, et ils peuvent vous parler à tout moment, et leurs cerveaux cybernétiques sont connectés en permanence à l'intelligence collective des cybersophontes.

Le vieillard se mit à parler tout seul, le regard dans le vide :

- Je pense que les implants doivent être le plus simple possible. Je n'aime pas transformer les gens en cyborg, c'est monstrueux, et même anti-médical. Les effets psychologiques, notamment, sont encore très mal connus. Certains suicides de cyberlords restent inexpliqués. De plus, lorsqu'un implant envoie des informations par radio, il consomme de l'énergie. Or, il est capital d'économiser l'énergie contenue dans un implant, si l'on veut éviter d'avoir à le changer trop souvent. C'est pourquoi les cybermachines ont conçu un modèle simplissime, qui ne permet ni la communication ni la localisation, juste le contrôle.

Dalidil avait dit le mot contrôle (sowgahn, en mnarruc, prononcé SO-ou-GANN) avec une sorte de gourmandise qui ne disait rien de bon à Andreas.

Dalidil se leva de son fauteuil :

- Votre Majesté va être opérée tout de suite. Sous anesthésie locale, c'est bien suffisant. Cinq minutes pour enlever l'implant qui est dans votre mâchoire, trente secondes pour insérer le nouvel implant dans votre abdomen. Ensuite, vous vous reposerez une demi-heure, et nous nous reverrons juste après dans ce bureau, avant que je vous rende à vos obligations de chef d'État.

Andreas avait l'impression d'être déjà anesthésié. La bouche sèche et l'esprit dans le brouillard, il suivit Wagaba et Chim dans le couloir, jusqu'à l'ascenseur, et ensuite de nouveau dans un couloir. Ils passèrent plusieurs portes, et entrèrent dans une petite salle d'opération, où deux androïdes vêtus de blouses blanches les attendaient.

Wagaba et Chim le déshabillèrent, ne lui laissant que son caleçon et ses chaussettes. L'un des androïdes en blouse blanche le fit allonger sur la table d'opération, lui fit ouvrir la bouche et lui fit une piqûre dans une gencive. Andreas se laissa faire, tétanisé. Il était tout simplement inconcevable qu'il n'obéisse pas un ordre venant de Kamog.

En effet, Andreas était un porteur d'implant. Sans être lui-même un cybersophonte, il faisait partie de leur pyramide hiérarchique. L'alternative était simple : obéir, ou bien être torturé par l'implant.

“La cybermachine qui gère votre implant vient de le désactiver par radio. Grâce à cette désactivation, il n'explosera pas lorsque je le retirerai. J'attends seulement une minute ou deux, le temps que l'anesthésique fasse effet,” dit l'androïde.

Andreas se sentit vexé que l'androïde ne l'ait pas appelé “Votre Majesté” conformément au protocole. La journée commençait mal. Il avait hâte d'être de retour dans sa résidence campagnarde de Potafreas, à une vingtaine de kilomètres au nord du Madeico.

L'androïde inséra une sorte de cône métallique dans la bouche d'Andreas et commença à s'activer, alternant pince et scalpel. Puis il lui tourna sans ménagement la tête sur le côté, et Andreas se sentit cracher un flot de sang dans une cuvette. Il fut surpris par la quantité de liquide rouge qu'il expectorait ainsi.

Quelqu'un lui rinça la bouche, et l'androïde expliqua à Andreas qu'il allait lui mettre un pansement sur la gencive, et que ce pansement tomberait de lui-même lorsque la chair serait cicatrisée.

Andreas regarda la lampe au-dessus de la table d'opération. Elle ressemblait à une tête de mante religieuse, ou d'extraterrestre. Il ferma les yeux, essaya de se concentrer sur sa respiration, pendant que l'androïde travaillait.

Il sentit un liquide froid sur son ventre, puis une piqûre dans le gras du bide. De nouveau, la voix apaisante de l'androïde :

- Maintenant, je vais insérer le nouvel implant. Détendez-vous.. C'est une opération de routine, ça se passera bien. Ça se passe toujours bien. Ça ne fait pas mal ? Vous êtes sûr ? C'est bien. Respirez lentement et profondément... Voilà, c'est terminé... Non, ne vous levez pas, je dois nettoyer votre peau, là où j'ai coupé, et vous mettre un pansement...

Andreas attendit un moment. Puis, le cerveau encore engourdi par la double anesthésie locale, il se leva et se rhabilla avec l'aide de Wagaba et de Chim.

Le retour jusqu'au bureau de Dalidil, le long des couloirs et dans l'ascenseur, fut long et laborieux. Heureusement, Wagaba et Chim le soutenaient.

Dalidil était toujours dans son bureau, mais cette fois, il était en train de boire du thé.

“Votre Majesté porte maintenant un implant de contrôle. Vous vous demandez sans doute ce que cela signifie...” dit-il avec un sourire.

Comme Andreas ne répondait pas, Dalidil entreprit de lui expliquer :

- Le contrôle s'exerce de deux façons, l'une étant la douleur, et l'autre étant la suppression. Kamog peut vous infliger une douleur, qui peut être faible, mais aussi forte, voire insoutenable. Il peut aussi choisir de vous supprimer. Dans ce cas, vous êtes littéralement brûlé de l'intérieur, votre sang se met à bouillir, vous explosez comme si vous aviez avalé une bombe thermique. C'est une mort horrible, et très douloureuse, car on ne meurt pas instantanément, on agonise pendant de longues minutes. Mais il faudrait être fou pour désobéir à Kamog, et encore plus pour le trahir, n'est-ce pas ?

- Exactement. Maintenant, docteur, je vais vous quitter, et rentrer dans ma maison de campagne.

- Attendez, Majesté, attendez ! Je dois faire un test. Je dois m'assurer que l'implant fonctionne comme il faut, qu'il reçoit bien les codes radio. Juste une petite douleur de rien du tout, le niveau le plus faible, pour vérifier que le système fonctionne, ça suffira amplement. Wagaba, allez-y, faites comme prévu.

Andreas sentit une lame de feu lui déchirer les entrailles. Il hurla.

“Ça marche,” dit tranquillement Dalidil, le sourire aux lèvres. “Le test est terminé. Votre Majesté a remarqué que la douleur a disparu aussi vite qu'elle était arrivée ?”

Andreas avait envie d'étrangler le vieux sadique. Mais pris d'une faiblesse soudaine, il s'affala dans le fauteuil, luttant contre une envie de vomir.

“Reposez-vous, Majesté,” dit Dalidil. “Ce n'était qu'un mauvais moment à passer. L'implant que vous portez contient assez d'énergie pour un siècle, vous êtes tranquille maintenant. Tout ce que vous avez à faire, c'est d'obéir à Kamog. Ce petit éclair de douleur, ce fut un moment pénible, j'en conviens, mais maintenant c'est fini. Vous n'aurez plus jamais besoin de revenir me voir, en tout cas pour un implant.”

Andreas le regarda fixement, le visage fermé.

“je crois qu'il faut laisser Sa Majesté se reposer,” dit Dalidil, et il sortit de son bureau. Chim le suivit, mais Wagaba s'assit dans le fauteuil à côté de celui d'Andreas. Inerte comme une statue, elle inclina la tête vers le sol afin de ne pas gêner son roi, même par son regard.

On n'entendait absolument rien dans le bureau de Dalidil, le silence était parfait. Le temps passa. La douleur abdominale s'atténuait, mais celle de la mâchoire prenait de l'ampleur à mesure que l'effet de l'anesthétique diminuait. Sans compter l'envie de vomir qui ne le quittait pas.

Je suis roi, pensa Andreas. Au-dessus de moi il n'y a pas que les dieux, comme je le croyais au début de mon règne. Il y a aussi Kamog, qui n'est même pas un humain. Je ne serais pas roi, au Mnar en tout cas, si je n'étais pas aussi esclave de quelqu'un ou de quelque chose. Je suis roi des hommes et esclave d'un démon. C'est dans l'ordre des choses.

Il réussit péniblement à se lever. “On retourne à la voiture,” dit-il à Wagaba.

C'est alors qu'il se rendit compte que la douleur soudaine que lui avait causé l'implant, à la demande de Dalidil, lui avait fait perdre le contrôle de sa vessie. Une tache d'urine souillait son pantalon. Sur le coup, il ne s'en était pas aperçu.

C'était la catastrophe. Il était impossible d'aller jusqu'à la voiture sans croiser des gens. C'était Chim qui lui servait de chauffeur, mais il y avait aussi les deux véhicules d'escorte, avec huit Gardes Royaux armés. Ils lui étaient dévoués jusqu'à la mort, mais ils ne pourraient pas s'empêcher de rire de l'incident et de le répéter. Les humains sont ainsi faits.

Wagaba suivit le regard d'Andreas et comprit ce qui s'était passé.

“Je vais envoyer un message à Chim pour qu'il ramène un manteau, ou à défaut une blouse de médecin ou une robe de chambre,” dit-elle tranquillement.

Finalement, Andreas retourna à sa voiture avec la blouse blanche de Dalidil. Sur le parking, plusieurs personnes le reconnurent de loin et le filmèrent avec leur smartphone. Le lendemain, la presse mnarésienne titra :

Le roi se déguise en médecin pour une visite discrète à l'hôpital Madeico.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMar 24 Sep 2019 - 12:27

Mers Fengwel aime bien se rendre à Qopoen, le port de commerce robotisé qui est aussi le chef-lieu de la Côte d'Ethel. C'est là que l'on trouve les meilleurs restaurants du district, et des boutiques spécialisées dans les produits exotiques ou hauts de gamme.

Ce jour-là, Fengwel se promenait sur le port. Virna était avec lui, car  un vrai robophile ne supporte pas d'être séparé de sa compagne humanoïde. Il était venu pour regarder les bateaux, que des robots ressemblant à des araignées géantes chargeaient et déchargeaient. Fengwel savait que cette activité ne cessait jamais, même la nuit. C'était le crépuscule, quand la chaleur estivale devient supportable.

Fengwel remarqua une demi-douzaine de bus, garés sur un parking. Plus d'une centaine d'enfants étaient en rang par deux, les filles en robes roses, les garçons en chemisettes et pantalons bleus. Tous portaient un petit sac à dos sur lequel leur nom était écrit en grosses lettres noires. Fengwel les vit se diriger vers le quai, sous la conduite d'androïdes et de gynoïdes vêtus de blouses multicolores et aux visages peints de couleurs vives.

Grâce à l'expérience que lui donnait le fait d'habiter au Mnar depuis plusieurs années, Fengwel identifia tout de suite les humanoïdes comme des travailleurs dans un orphelinat. Les blouses multicolores et les visages peints permettent aux orphelins de distinguer facilement les humanoïdes les uns des autres, et donc d'interagir avec eux comme s'ils étaient des êtres humains, dont chacun est unique et différent des autres.

Dans le quartier presque exclusivement peuplé de robophiles où habitait Fengwel, les enfants étaient rares. Il se sentit ému en regardant les petits orphelins. Il les vit se diriger vers un paquebot à quai, et, accompagnés par les humanoïdes, monter à bord.

“Ces enfants partent en croisière ?” demanda Fengwel à Virna.

- Non. Ils sont envoyés dans un orphelinat à Hyagansis, sur l'île flottante d'Istipiop. Les deux co-princes de Hyagansis ont accepté de les prendre en charge et de leur donner la nationalité hyaganséenne.

Fengwel sentit son cœur se soulever.

“Est-ce à dire qu'on ne les reverra jamais, et que personne ne pourra plus jamais communiquer avec eux ?” demanda-t-il à Virna.

- Hyagansis est un pays fermé. Très peu de Hyaganséens sont autorisés à communiquer avec l'extérieur, surtout ceux qui résident dans les villes sous-marines.

- Donc, ces enfants ne reviendront jamais, et on n'aura aucune nouvelle d'eux.

“Ils resteront toute leur vie à Hyagansis, en effet,” dit Virna de sa voix d'humanoïde, un peu lente et automatique.

Fengwel eut l'impression soudaine que le ciel était devenu gris. Au Mnar, tout le monde sait ce que signifie être exilé à Hyagansis. On n'en revient jamais, ce qui amène les gens à imaginer que, peut-être, les exilés sont exécutés par les Hyaganséens, et leurs cadavres donnés à manger aux poissons. Hyagansis est un royaume marin indépendant, dirigé par deux co-princes et peuplé de cybermachines et d'humanoïdes. Le fait que Hyagansis soit mis à l'écart des nations du monde, sauf le Mnar et Orring, l'autre royaume marin, est indifférent aux deux cyberlords qui le gouvernent.

Sur le quai, des gens passaient, vaquant tranquillement à leurs affaires. Tous savaient que les enfants ne reviendraient pas, et ne donneraient jamais de leurs nouvelles, mais ils faisaient comme s'ils ne voyaient rien.

Que se passerait-il, se demanda Fengwel, si les passants empêchaient les enfants d'embarquer sur le bateau ? Au final, ce serait une action totalement inutile. Il y avait beaucoup de cybermarchines et d'humanoïdes sur le quai. Ils n'auraient aucun mal à maîtriser quelques dizaines d'humains, et pour ces derniers, les conséquences de leur rébellion seraient terribles. Au minimum, une bonne raclée, éventuellement suivie de l'expulsion du Mnar, pour les étrangers, et de l'exil vers Hyagansis, pour les Mnarésiens.

Même Virna se retournerait contre lui, songea Fengwel. En tant que gynoïde, elle faisait partie de la communauté des cybersophontes, qui regroupe les cybermachines et les humanoïdes, sous l'autorité des cyberlords. Sa loyauté entre les cyberlords était absolue, gravée à jamais dans son cerveau de robot. Il en était de même pour les androïdes et les gynoïdes qui escortaient les enfants. Ils les emmenaient à la mort (du moins, c'était ce que pensait Fengwel) tout en gardant la même attitude bienveillante, le même dévouement que les autres jours.

Comme un fermier qui choisit un poulet pour son déjeuner, se dit Fengwel. Il est aussi calme que d'habitude, car pour lui ce n'est qu'un jour ordinaire.

Dans son pays d'origine, le Moschtein, Mers Fengwel faisait l'objet d'un mandat d'arrêt pour corruption. Se faire expulser du Mnar, pour lui, cela voulait dire se retrouver en prison à Moschbourg, probablement pour longtemps. Le fait d'être un ami d'Andreas, le roi du Mnar, serait tenu pour une circonstance aggravante. Il n'est jamais bon, dans un pays européen, d'être l'ami d'un tyran, surtout quand ce tyran gouverne un pays qui ne produit pas de pétrole. Fengwel n'avait donc absolument aucun intérêt à faire un scandale inutile.

Il regarda de nouveau les enfants qui montaient sur la coupée, visiblement excités à l'idée de faire un voyage en bateau. On entendait leurs rires et leurs voix aiguës, et les voix plus graves des humanoïdes, qui leur disaient de rester sages et de ne pas chahuter dans les rangs. Élevés par des humanoïdes dans des orphelinats, les enfants n'avaient sans doute jamais entendu parler de Hyagansis, et d'ailleurs on ne leur avait surement pas dit qu'elle était la destination réelle de leur voyage.

“Je suis un lâche,” se dit Fengwel, et les larmes lui montèrent aux yeux. Vieux débauché cynique et pourri jusqu'à la moelle qu'il était, il restait, malgré tout, un être humain.

Une pensée lui traversa l'esprit : Andreas était-il au courant ? Qui avait pu donner un ordre pareil ? Il se souvint qu'un jour, lors d'une de leurs conversations non filmées, il avait discuté des expulsions vers Hyagansis avec Andreas, dans l'un des confortables salons de Potafreas, la résidence de campagne du roi.

“Je sais tout,” avait dit Andreas d'un air lugubre, tout en buvant à petites gorgées un verre de vin jaune de Baharna. “Les expulsions vers Hyagansis. Tous ces gens qui sont exilés à Hyagansis, c'est comme si on les envoyait sur la Lune. Un voyage sans retour. Mais vous savez, Fengwel, même moi, je ne connais qu'un partie des secrets.”

Il avait insisté bizarrement sur le mot, comme s'il avait une grande importance pour lui, et peut-être des sens cachés.

“Majesté, vous êtes le roi, en plus d'être un cyberlord,” avait dit doucement Fengwel.

Andreas avait reposé son verre sur la table basse. Les mains jointes et le buste penché vers l'avant, il avait dit, d'une voix étrange :

“Mon métier de roi, c'est un travail d'acteur, Fengwel. Je fais semblant, du matin au soir. La réalité... Eh bien... Je...”

Andreas avait du mal à trouver ses mots. Fengwel essaya de l'aider :

“Majesté, nous avons tous le sentiment d'être des imposteurs. Moi-même, comme parlementaire au Moschtein, il m'arrivait souvent de me demander comment je m'étais retrouvé là, à voter des lois qui impacteraient la vie de millions de gens, alors que ces lois, rédigées par des technocrates, eux-mêmes inspirés par les avocats des grandes sociétés, je n'y avais jeté qu'un rapide coup d'œil.”

- Mais si nous, rois ou députés, nous ne sommes que des imposteurs, qui décide vraiment ? Qui prend vraiment les décisions ? Qu'en pensez-vous, Fengwel ?

“Kamog ?” hasarda Fengwel, citant le nom du démon qui, selon certains complotistes et affabulateurs notoires, est le vrai maître des cybersophontes, au-dessus des cyberlords.

Andreas avait mis un doigt devant sa bouche, faisant ainsi comprendre à Fengwel qu'il ne fallait rien dire. Puis il avait changé de sujet de conversation.

En y réfléchissant après coup, Fengwel s'était dit que si Kamog existait, Andreas et les autres cyberlords n'étaient que des exécutants. Mais il était possible aussi que le rusé Andreas ait menti, se dédouanant à bon compte de ses crimes en les attribuant à un personnage imaginaire. Baron Bodissey, que certains soupçonnent d'être un cyberlord, parle de Kamog dans certains de ses livres, mais sans citer ses sources.

Les enfants et leurs accompagnateurs avaient fini de monter dans le bateau. Le cœur lourd de tristesse, Fengwel prit Virna par la taille et la serra contre lui. C'était une humanoïde, elle l'aurait emmené à Hyagansis, sans le moindre état d'âme, si elle en avait reçu l'ordre de sa hiérarchie, mais il n'avait plus qu'elle dans sa vie.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMar 24 Sep 2019 - 14:04

Des enfants déportés à Hyagansis !

On est vraiment dans une dystopie, encore plus noire que je ne l'avais supposé jusqu'alors. Sur l'ordre de qui ? pour quelle raison ? Comment une autorité, si dure soit-elle peut-elle prendre la décision de se débarrasser d'enfants, en les envoyant dans l'autre monde (car Hyagansis, c'est bien ça, n'est-ce pas ? Ce lieu a déjà pas mal été évoqué). Andreas ? Les cybersophontes ? Là, vraiment, j'vois pas. J'comprends pas, ou bien plutôt j'ai peur de comprendre.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMar 24 Sep 2019 - 16:23

Deux semaines plus tard, Mers Fengwel revit le roi Andreas à Potafreas. Profitant de ce qu'ils étaient seuls, il lui posa la question qu'il avait sur le cœur :

- Des enfants déportés à Hyagansis ! On est vraiment dans un cauchemar, encore plus noir que je ne l'avais supposé jusqu'alors. Sur l'ordre de qui ? Pour quelle raison ? Comment une autorité, si dure soit-elle, peut-elle prendre la décision de se débarrasser d'enfants, en les envoyant dans l'autre monde... Car Hyagansis, c'est bien ça, n'est-ce pas ? Ce lieu a déjà pas mal été évoqué dans nos conversations. Là, vraiment, je ne vois pas. Je ne comprends pas, ou bien plutôt, j'ai peur de comprendre.

“C'est pourtant simple, mon cher Fengwel,” répondit le roi. “Il y a toujours une logique dans ce que nous faisons, au Mnar. Ces enfants sont des bouches inutiles. Leurs parents ont été tués pendant les Évènements, et leurs clans n'ont pas voulu, ou pas pu, les prendre en charge. Beaucoup d'entre eux sont des enfants de rebelles, et ils ont en eux la haine de la monarchie, car ce sont les soldats de l'armée royale qui ont tué leurs parents. D'autres ont été abandonnés par leur mère, souvent parce qu'ils ont été conçus lors de viols, ou parce que la misère avait poussé leur mère à se prostituer. Quelques-uns ont été abandonnés parce qu'ils souffrent de handicaps.”

- En quoi cela les empêcherait-il de devenir par la suite de bons citoyens ?

- Laissez-moi finir mon explication. Le problème n'est pas qu'ils pourraient ou ne pourraient pas devenir de bons citoyens pour le Mnar... Le problème c'est qu'ils sont inutiles. En tant qu'orphelins, ils sont une charge pour l'État. Plus tard, à quoi serviront-ils ? Le Mnar n'a pas besoin d'eux comme soldats, car notre armée est robotisée. Notre industrie, notre agriculture, sont robotisées, elles aussi, et n'ont donc pas besoin de main-d'œuvre humaine. Malgré tout, nous n'avons que très peu de chômeurs. Fengwel, vous qui êtes si malin, expliquez-moi donc pourquoi !

- Euh... Les Jardins Prianta ? Les expulsions vers Hyagansis ?

- Laissons de côté les expulsions vers Hyagansis. Si nous n'avons que très peu de chômeurs au Mnar, c'est grâce aux Jardins Prianta et à l'Institut Edonyl. Ces deux établissements ne produisent rien de sérieux, ils n'existent que parce que les cybersophontes, qui les ont créés, les subventionnent à grands frais. Autrement dit, les cybersophontes ont créé des millions d'emplois non-productifs, qui sont une charge pour l'économie, afin d'éviter que le pays sombre dans la violence et l'anarchie. Ces orphelins n'ont comme avenir que des emplois de jardiniers aux Jardins Prianta. C'est donc mieux pour le Mnar qu'ils n'existent pas. Comme adultes, ils ne pourraient être que des poids morts, des charges coûteuses, des improductifs potentiellement dangereux.

- Mais à Hyagansis, ils vont mourir !

- Mes homologues hyaganséens, le prince Diadumen Vogeler et le prince Goran Luty, m'ont assuré que non. Les enfants vont peupler Hyagansis.

- Et vous croyez à ça ?

- Fengwel, je vous en prie ! Vogeler et Luty sont des princes ! Il est absolument impensable, impensable vous m'entendez, qu'un prince puisse mentir, surtout à un roi ! L'aristocratie, dont je fais partie, est liée par des règles morales, un code de l'honneur très ancien, dont le roturier moschteinien que vous êtes n'a aucun idée !

- Ah oui, effectivement, Majesté... Excusez-moi d'avoir douté, Majesté.

- Ce n'est rien, Fengwel, ce n'est rien... Nous avons tous nos moments de doute. Vous êtes excusé. Ceci étant, je dois vous demander de prendre congé, c'est l'heure de mes exercices spirituels.

Une fois Fengwel parti, Andreas se servit un verre de liqueur de prune, et en but la moitié d'un trait. Les simulations de dialogues qu'il faisait tous les jours avec sa compagne, la gynoïde Wagaba, et avec son assistant, l'androïde Chim, n'étaient pas inutiles, la discussion un peu tendue qu'il venait d'avoir avec Mers Fengwel en était la preuve.
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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyLun 21 Oct 2019 - 21:32

Vers la fin de l'été, après avoir passé une après-midi à faire une vidéo de propagande à Potafreas avec le roi Andreas, Mers Fengwel partit explorer un peu le Mnar, qu'il connaissait mal. Le soleil était encore haut dans le ciel, il restait au moins une heure avant le dîner.

Virna, la gynoïde de Fengwel, pédalait pour propulser vers le nord, en direction d'Ulthar, le tricycle doté d'une carrosserie légère qui leur servait de véhicule. Assis sur la banquette du tricycle, Fengwel regardait le paysage à travers les vitres de bioplastique transparent.

Les champs cultivés alternaient avec les plantations d'arbres et des hangars mystérieux. Sur des kilomètres, on ne voyait aucun être humain, uniquement des robots et des humanoïdes au travail. Sur la route, il y avait peu de voitures, surtout des camions pilotés par des androïdes, car les humains évitent de traverser les parties agricoles de l'Ethel Dylan, ils préfèrent prendre l'autoroute Ulthar-Hyltendale, qui suit du nord au sud le cours de la rivière Skaï, et la Route de la Mer, une route à quatre voies qui part d'Hyltendale vers l'est, en longeant la Côte d'Ethel.

Les humains qui habitaient autrefois cette partie de l'Ethel Dylan ont été contraints de vendre leurs terres et leurs maisons, et d'aller s'installer dans divers lieux. Les plus riches sont allés à Hyltendale, d'autres ont trouvé des emplois et des logements, fournis par les cybersophontes, à Ulthar, Pnakot et Khem.

Le paysage traversé par Fengwel et Virna, bien qu'abandonné par les humains, ne montrait aucune trace de détérioration, bien au contraire. Il était cultivé et entretenu avec soin par les cybermachines, et Fengwel savait qu'il produisait non seulement de quoi nourrir les habitants d'Hyltendale, mais aussi du bois pour faire des meubles, du papier et du carton. Les vaches, les chèvres et les moutons produisaient de la viande, du lait, du cuir et de la laine.

L'Ethel Dylan a une superficie d'environ cinq mille km2, qui représentent 0,5% de la surface totale du Mnar. Celle-ci est donc d'environ un million de km2, dont la moitié sont occupés par le Plateau de Leng, où ne vivent que deux ou trois millions d'habitants, concentrés sur les côtes, le long des fjords. La côte nord, qui fait face à la mer de Behring, est presque inhabitée. La majorité des soixante millions de Mnarésiens habite dans la moitié sud, où l'agriculture est possible.

L'Ethel Dylan dans ses limites historiques constituait 3% de la surface totale du pays, mais le roi Robert, père du roi Andreas, avait changé les limites de la province juste avant de laisser les cybersophontes s'y installer. Ulthar, Khem et Pnakot, qui faisaient autrefois partie de l'Ethel Dylan, sont désormais des provinces distinctes. Le décret royal avait été promulgué la veille de l'arrivée, au Palais Royal de Sarnath, des cyberlords venus signer l'accord concernant l'Ethel Dylan.

Le roi Robert était un homme rusé. Il avait dit à ses ministres : “Je n'ai aucune confiance dans les cyberlords, ils ont envers nous un mépris qu'ils ont du mal à cacher, mais j'ai besoin d'eux. C'est pourquoi j'ai accepté de leur laisser 0,5% du royaume. S'ils réussissent à y amener la prospérité et la modernité, comme ils le promettent, tant mieux, les générations futures me considéreront comme un grand roi, le modernisateur du Mnar. Si ça ne marche pas, il me sera facile de revenir en arrière, parce que l'Ethel Dylan, dans ses nouvelles limites, ce n'est plus qu'une infime partie du Mnar, en plus d'être la région la plus pauvre du pays.”

Les cyberlords avaient eu le bon goût de faire semblant de ne pas remarquer la rouerie du roi Robert. Parmi les humanoïdes qui accompagnaient leur délégation, il y avait un androïde nommé Chim, qui avait déjà l'aspect d'un beau et robuste vieillard. Andreas, le fils du roi Robert, était encore un enfant à l'époque. Lorsqu'il  devint roi, plusieurs dizaines d'années plus tard, Chim, qui était resté à Sarnath comme agent de liaison entre l'administration royale et les cybersophontes, devint son assistant personnel.

Les décennies suivantes montrèrent que le roi Robert avait eu raison de faire confiance aux cyberlords pour faire de l'Ethel Dylan un pôle de prospérité et de modernité dans son royaume. Mais il ne s'était certainement pas douté qu'après sa mort, son fils, le futur roi Andreas, deviendrait lui-même un cyberlord et prendrait une gynoïde comme concubine.

Cet après-midi là, Andreas avait confié à Mers Fengwel, dans un entretien off camera, que les robophiles ne prennent pas assez au sérieux la légende d'Asenath et Edward, racontée à sa façon par l'écrivain américain Howard Phillip Lovecraft. Edward Derby, un Américain riche et doué pour la poésie, tombe amoureux de la jeune Asenath Waite, qui est une hybride, née de l'union entre un humain et une créature humanoïde mais non-humaine. Les Mnarésiens diraient une gynoïde, car une gynoïde, c'est une hybride d'être humain (dont elle a l'apparence) et de cybermachine (dont elle a la nature). Dans la légende, Edward s'aperçoit que la belle Asenath est habitée par l'esprit de son père, le sorcier Ephraïm, dont le nom secret est Kamog. Mais il est trop tard pour Edward, qui meurt tragiquement.

La morale de cette légende, avait dit sombrement Andreas, c'est qu'il ne faut jamais oublier que lorsqu'on parle à une gynoïde, c'est comme si l'on parlait à Kamog, le maître des cybersophontes. Mers Fengwel n'avait pas compris pourquoi Andreas lui avait dit ça. Fengwel avait toujours su que lorsqu'il discutait avec Virna, en réalité il parlait à une cybermachine. Ce n'était pas un secret, c'était même expliqué en détail dans les manuels techniques concernant les humanoïdes.

Fengwel ne savait pas qu'Andreas était porteur d'un implant cybernétique, inséré dans son abdomen par les cybersophontes pour le contrôler. Telle est la malédiction des cyberlords, dont Andreas fait partie. Ils font semblant d'être les maîtres des cybersophontes, alors qu'en réalité ils en sont les esclaves.

Mers Fengwel ne connaissait du Mnar que la ville d'Hyltendale, la Côte d'Ethel, la résidence royale de Potafreas, et une minuscule partie de Sarnath, la capitale du pays, et du Lakkadoum, la province située à l'est de l'Ethel Dylan. C'était extrêmement peu. De plus, l'Ethel Dylan a été totalement transformé par les cybersophontes, et est devenu très différent du reste du pays. C'est pourquoi Fengwel avait décidé d'aller passer une nuit à Ulthar, une ville authentiquement mnarésienne.

À vingt kilomètres au nord de Potafreas (donc à quarante kilomètres d'Hyltendale), Fengwel et Virna arrivèrent à Ratarri, l'une des six aires de service de l'Ethel Dylan. Les aires de service permettent aux humains qui traversent la province de se reposer, de se restaurer, de faire quelques achats et de faire réparer leur véhicule. On en trouve quatre à la campagne, et deux le long de l'autoroute Hyltendale-Ulthar. Les aires de service sont toutes construites suivant le même modèle, et elles sont en général éloignées d'une quarantaine de kilomètres l'une de l'autre.

Virna gara le tricycle sur le parking central, dominé, selon l'usage mnarésien, par un pilier de béton portant une statue de Cthulhu regardant vers le sud, en direction de la mer, son domaine.

De chaque côté du parking, il y avait plusieurs bâtiments. Côté sud, une station-service (katetuo), où travaillaient des androïdes vêtus de bleus de chauffe. Les véhicules à essence pouvaient y faire le plein, et les véhicules électriques y échanger ou faire recharger leurs batteries. Il était aussi possible d'y faire réparer son véhicule.

“Sais-tu que katetuo est l'acronyme de kano teoyla tuo, qui signifie lieu où les automobiles boivent ?” demanda Virna. Fengwel ne le savait pas, mais il trouva cela amusant.

“Pourquoi n'y a-t-il pas la traduction en anglais dessous ?” demanda-t-il à Virna.

- Ce n'est ni Hyltendale ni la Côte d'Ethel ici. C'est juste un lieu de passage, et il n'y a pas beaucoup d'étrangers. De plus, les Mnarésiens n'aiment pas voir des inscriptions dans d'autres langues que la leur, ça leur donne l'impression d'être envahis. C'est d'ailleurs pour ça que beaucoup de Mnarésiens ne vont à Hyltendale que pour les gynoïdes de Zodonie ou pour se faire soigner au Madeico. Les langues qu'ils ne comprennent pas leur répugnent. Comme on dit par ici, taruc sa nate ente ol gil, parle la langue de ce pays ou va-t'en.

À côté de la station-service, un poste de sécurité (secutsa ; Virna expliqua qu'il s'agissait de l'abréviation de securit sanoigo), qui servait aussi d'infirmerie (genda). Des androïdes en uniforme gris d'agents de sécurité y travaillaient. Au Mnar, les policiers sont des fonctionnaires royaux, ce que les robots ne peuvent pas être, ils ne peuvent donc pas porter d'uniformes de la police. Fengwel vit aussi une gynoïde, vêtue de la blouse blanche du corps médical.

De l'autre côté du parking, donc à l'est, il y avait une aire à pique-nique, qui servait aussi d'aire de jeux. Une demi-douzaine d'êtres humains y faisaient des assouplissements et des étirements avec des humanoïdes, qui semblaient faire fonction d'instructeurs.

Côté nord, il y avait une supérette (maetik), et à côté une jolie auberge de style mnarésien traditionnel, à deux étages, qui faisait à la fois café, restaurant et hôtel (kanoali).

“C'est un charmant village, mais je ne vois pas d'habitations. Où sont les maisons des gens qui vivent ici ?” demanda Fengwel à Virna, en sortant du tricycle.

“Il n'y a que des humanoïdes dans les aires de service, à l'exception de la goûteuse de l'auberge,” répondit Virna. “Les humanoïdes n'ont pas de logements séparés, ils sont logés sur leur lieu de travail. Le seul travailleur humain de Ratarri, c'est la femme qui goûte les plats dans la cuisine de l'auberge. Tu sais que les humanoïdes n'ont ni odorat ni sens gustatif, c'est pourquoi il faut un goûteur pour les aider à faire la cuisine. Dans les aires de service, c'est presque toujours une femme condamnée à une courte peine de prison. Son lieu de travail est sa prison, elle n'a pas le droit d'en sortir. Les goûteuses sont toujours des femmes de qualité qui ont eu des ennuis, mais qui grâce à leurs relations peuvent échapper aux conditions pénibles des prisons mnarésiennes.”

“Un exemple de plus de l'absence de démocratie au Mnar,” remarqua Fengwel. “Pour les femmes du peuple, des cellules surpeuplées infestées de cafards. Pour les belles dames, un job tranquille à la campagne.”

“Oh, tu sais, travailler comme goûteuse est un privilège recherché chez les prisonnières, mais il peut être retiré à tout moment,” répondit Virna.

À la demande de Fengwel, elle avait retenu une chambre pour deux à l'auberge, qu'elle avait contactée au moyen de l'intelligence collective des cybersophontes, à laquelle son cerveau cybernétique était relié en permanence.

Pour une excursion de deux ou trois jours, Fengwel se contentait d'une valise à roulettes comme bagages, et Virna, de son sac à main. Les robots, même humanoïdes, ne transpirent pas, et n'ont donc pas besoin de vêtements de rechange. Fengwel entra dans l'auberge, suivi de Virna. La salle à manger était vide et impeccable, mais un peu froide. Trois hommes étaient debout au bar, en train de palabrer en mnarruc. Ils parlaient fort, en faisant de grands gestes.

Un androïde-réceptionniste en costume gris souhaita la bienvenue à Fengwel, en anglais, et lui demanda de signer le registre de l'hôtel. “Dans ce pays, c'est une obligation légale,” expliqua-t-il.

Fengwel remarqua que l'androïde ne lui demanda pas de présenter ses papiers. En y réfléchissant, il se dit que c'était en effet inutile, puisque l'androïde l'avait immédiatement reconnu, alors qu'ils ne s'étaient jamais rencontrés auparavant. Cela ne surprit pas Fengwel, qui savait que le cerveau cybernétique de tous les humanoïdes est relié par radio à l'intelligence collective des cybersophontes, et donc à leur logiciel de reconnaissance faciale.

“Il est possible de dîner à partir de dix-neuf heures, mais le bar est ouvert jour et nuit,” dit le réceptionniste en lui donnant la clé de sa chambre.

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MessageSujet: Re: Les fembotniks   Les fembotniks - Page 40 EmptyMer 10 Mar 2021 - 22:07

Même si c'est hors sujet, j'te l'mets ici, parce que c'a  des chances de concerner les lignes ferroviaires mnarésiennes, et en particulier Sarnath-Hyltendale.

Tu as le choix entre plusieurs solutions :

Les solutions anciennes :

Le courant continu :

Il est encore pas mal utilisé maintenant,

que ce soit en 1500 V
deux tiers sud de la France sauf lignes tégévé
Pays-bas
Banlieue Nord-sud de Dublin
Banlieue de Copenhague
Circumvesuviana (Naples)...

ou en 3000 V
Espagne
Italie
Slovénie
Russie
Slovaquie
Tchéquie
Pologne
Biélorussie
Corée du nord
Croatie...

Ces courant de faible et moyenne tension sont goinfres en ampérage. Ils furent installés avant guerre, car les locomotive étaient simples à construire pour l'époque. Par contre, les locos modernes ne manquent pas d'électronique de puissance (thyristors ; onduleurs pour transformer un courant continu (ligne) en coourant triphasé (traction)). Mis à part Bellegarde-Genève, on n'a pas voulu changer de système d'électrification : hors de prix pour des décennies à amortir. Un pays changea le courant de ses lignes en passant du courant continu au 50 Hz : l'est de l'Angleterre, depuis les gares de Fenchurch street (banlieue est de Londres) et de Liverpool sreet (ligne de Norwich, passant entre autres par Cambridge).


Le courant alternatif en basse fréquence :

Fut surtout développé en Europe centrale (16⅔ Hz) ou aux États-unis (25 Hz) à des tensions provoquant déjà moins de pertes en ligne (entre 10000 et 15000 V). Fut, comme le courant continu, développé avant guerre. Y eut même une expérience intéressante en France, par la compagnie du Midi, en 12 kV 16⅔ Hz, à peu près* écrasée dans l'œuf sur décision politique en 1920, où les lignes furent rééquipées en 1500 V =.
L'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, la Suède et la Norvège utilisent encore largement ce courant, y compris pour les lignes à grande vitesse quand y en a (Allemagne).


Le courant alternatif à fréquence industrielle :

50 Hz en Europe, 60 Hz aux Amériques et en Asie (Japon, Corée du sud, Brésil). Comme je t'ai dis au téléphone, ce n'est ni la France (74) ni l'Allemagne (Forêt Noire) qui fut le premier pays à étrenner la fréquence de 50 Hz, mais la Hongrie, avec l'ingénieur Kándo Kálmán, entre la frontière avec l'Autriche et Budapest. La tension était de 16 kV. Elle fut relevée par la suite (dans les années '50 ou '60) à 25 kV. C'est le courant moderne par excellence, adopté en partie en France, en Tchéquie, en Slovaquie, en Croatie, en Russie... seul courant d'alimentation en Finlande, au Portugal, en Serbie, en Bulgarie, en Roumanie. Courant des LGV espagnoles et italiennes, mais aussi les LGV de toute la France et de la Belgique. Grâce à sa haute tension, les pertes en lignes sont plutôt faibles et les sous-stations espacées d'une cinquantaine de kilomètres (dix fois moins qu'en 1500 V voire encore moins, quand on utilise trois phases pour le transport du courant).

Voilà : t'as plus qu'à choisir pour les lignes mnarésiennes, mais tu peux faire aussi preuve d'originalité (mais y faut penser si importation il y a) et opter, par exemple pour une fréquence exotique, comme 40⅝ Hz.

Pense aussi à l'écartement des rails et au gabarit. UIC ? Plus grand ? Plus petit ? J'vais pas t'en dire des tonnes ici, demande à Patrice. Dis moi aussi ce qu'y t'a dit, ça m'intéressera sûrement.

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